vendredi 10 décembre 2021

De choses et d’autres - Une nouvelle cargaison de mots-valises

Le 27 novembre dernier, à cette même place, je vous parlais du Fictionnaire de Robert Pico, petit ouvrage où il tripatouillait les mots pour les rendre complexes et amusants. François Licciardi, lecteur originaire de Ur, dans la montagne catalane, me signale, par courrier, que ce Fictionnaire n’est pas le premier à paraître. « Yves-Marie Clément et Gérard Gréverand, ont publié, aux éditions Manya, en 1993, Pianissimots, petit dictionnaire des mots-valises. Dans la préface, les deux auteurs rappellent qu’Elsa Triolet reçut, de la part d’Henri Jeanson, le surnom (pas très élégant) d’Aragonzesse après son mariage avec Louis Aragon. »

Parmi leurs trouvailles, sélectionnées par François Licciardi, « Chimpanzer : singe blindé » ou « Matelassitude : ennui conjugal ».

Cette lettre nous apprend, également, qu’un célèbre philosophe, s’est, lui aussi, amusé à détourner la langue française dans sa jeunesse. Alain Finkielkraut, sans doute plus marrant jeune qu’une fois devenu une institution de la pensée française, a publié, en 1979, au Seuil, Ralentir : mots-valises !. Preuve que « jouer au mot-valise séduit à tout âge, aussi bien le vieux Pico que le jeunot Finkielkraut » souligne François Licciardi qui a débusqué, parmi les inventions du philosophe, un très étonnant et peu ragoûtant « Gazpiller : lâcher des vents avec une prodigalité excessive. »

Et preuve que ce petit sport cérébral est contagieux, notre lecteur termine sa missive en proposant un mot de son invention, « contribution quelque peu scabreuse dans la lignée de Robert Pico » tient-il à préciser : « Préservhâtif : pour éjaculateur précoce. »

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 11 décembre 2021

jeudi 9 décembre 2021

Encyclopédie - Trois lettres de la nouvelle bible des acteurs et actrices

Les passionnés de cinéma se précipiteront sur ce livre coécrit par Serge Regourd et Alain Stouvenel. Les deux passionnés de cinéma ont rédigé 900 mini-biographies d’acteurs et actrices du cinéma français et de la télévision. Juste le tome 1 d’une anthologie en cours, puisqu’on ne retrouve, dans ces 250 pages, que les trois premières entrées de l’alphabet, de A à C. 

On trouve, à la première lettre, des célébrités comme Isabelle Adjani, mais le parti pris des auteurs de mettre tout le monde à égalité fait qu’une des meilleures comédiennes françaises de tous les temps n’a droit qu’à six lignes, exactement autant que Béatrice Altariba, essentiellement connue pour avoir donné la réplique à Darry Cowl dans « Le triporteur ».  

« L’A. B. C. des acteurs et actrices du cinéma français et de la télévision », Un autre Reg’Art éditions, 19,90 €


De choses et d’autres - Au menu des débats

Les Américains ne sont pas de fins gourmets, mais sont très fiers de leurs recettes. Ainsi, pour la fête de Thanksgiving, c’est une dinde rôtie qui fait l’essentiel du menu. Personne n’ose déroger à la tradition (à part quelques vegans, et encore…). Par contre, pour accompagner la volaille, c’est un peu le bazar.

Voilà pourquoi un site spécialisé sur la politique US a essayé de définir ce qui pourrait remporter la majorité des suffrages des électeurs. Dans un premier temps, un sondage très détaillé a permis de sélectionner les plats préférés, dans chaque état de l’Union. Trois recettes faisaient la course en tête : la purée de pommes de terre, les haricots verts en cocotte et la farce de dinde. Après une savante analyse des alliances possibles avec les autres plats préférés (excepté le Maine, considéré comme extrémiste, puisque votant pour la salade verte), la purée l’emporte, mais de justesse.

Chez nous aussi, le menu de Noël est propice aux disputes. Chapon ou dinde, huîtres ou homard, bûche pâtissière ou glacée : il existe des dizaines de menus et contenter tout le monde se révèle de la mission impossible. Pareil pour les liquides : champagne ou blanquette, rouge ou blanc, apéritif ou digestif ? Les deux, dans ce dernier cas, est souvent la bonne réponse.

En réalité, un repas de fête de fin d’année, en France, c’est la certitude d’éclats de voix durant les agapes, si on aborde la politique et, avant, si on ose remettre en cause le menu décidé par la puissance invitante.

Avec, en plus, cette année, un nouveau risque majeur : la possibilité que tout cela finisse dans un bain de sang, s’il y a du foie gras sur la table et un écologiste parmi les convives.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 10 décembre 2021

mercredi 8 décembre 2021

Roman fantastique - Portes infinies


Rien de tel qu’un livre foisonnant de mondes pour s’évader d’une réalité peu réjouissante. Vous trouverez votre bonheur dans « Les dix mille portes de January », roman fantastique d’Alix E. Harrow paru dans la toute nouvelle collection Le Rayon Imaginaire. January est une jeune fille élevée par un riche amateur d’art. Un jour, elle découvre une porte qui donne sur un autre monde. 

En parallèle de l’histoire de January (qui va découvrir, petit à petit, différentes portes partout sur terre), on découvre comment une autre petite Américaine est parvenue à rejoindre le monde de Nin et y fonder une famille. Les deux histoires vont d’entremêler et se rejoindre. Loin de la Fantasy violente, ce roman, tout en douceur et persévérance, montre que l’imagination reste la meilleure arme contre les malfaisants de toute sorte.

« Les dix mille portes de January » d’Alix E. Harrow, Le rayon imaginaire, 25 €


De choses et d’autres - Embouteillage de robots

Même si je suis toujours un peu en admiration devant les robots et autres intelligences artificielles, j’avoue que quand ils se montrent moins efficaces que prévu, je ris sous cape. N’est-ce pas, en réalité, la meilleure démonstration qu’ils sont finalement un peu humains. On a beau louer la réussite, il ne faut jamais oublier cet aphorisme de Cioran : « Une seule chose importe : apprendre à perdre ».

Beaucoup estiment que les robots sont appelés à prendre la place des hommes. Pour des tâches simples et répétitives, j’admets que c’est au point. Un peu moins quand il faut faire une action complexe, pourtant à la portée de n’importe quel humain, même sans le moindre diplôme.

La livraison de colis est un vaste chantier en plein renouvellement. Des drones, notamment en Australie, peuvent vous livrer les colis Amazon. Enfin, quand ils ne se font pas attaquer, en plein ciel, par des nuées de corneilles. Hitchcock avait tout compris. Alors, d’autres start-up ont développé des petits robots sur six roues qui peuvent transporter des repas chauds, jusque devant votre porte. Une expérimentation est en cours, depuis quelques mois, à Talinn en Estonie.

Une jolie ville, qui a l’inconvénient, en hiver, d’être parfois recouverte de neige. Résultat, une portion de trottoir recouvert de 15 cm de poudreuse, s’est transformé, le week-end dernier, en patinoire pour une dizaine de ces pauvres petits robots incapables d’avancer quand ça glisse. Un ballet pitoyable, filmé par des passants qui ont partagé les vidéos sur les réseaux sociaux avec force de moqueries.

Preuve que l’empathie robotique n’est pas encore inscrite dans les gènes de l’être humain.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 9 décembre 2021

mardi 7 décembre 2021

Cinéma - “La pièce rapportée” : jeu de massacre chez les riches


Film profondément politique par les sujets qu’il traite, La pièce rapportée d’Antonin Peretjatko est aussi (et avant tout) une comédie désopilante. En décidant de se moquer des très riches bourgeois qui vivent entre eux, cloîtrés dans des hôtels particuliers parisiens, le réalisateur de La loi de la jungle, force le trait de la caricature. 

Il a l’aide de deux comédiens exemplaires : Josiane Balasko et Philippe Katerine. La première interprète la très guindée et paralysée (elle est en chaise roulante après un accident de chasse.. à courre) Adélaïde Château-Têtard, veuve d’un industriel qui a fait sa fortune en travaillant avec nombre de dictateurs. Le second est son fils, Paul, quadra célibataire, rivé à son smartphone, à jouer à des jeux débiles. 

Quand Paul décide d’épouser Ava (Anaïs Demoustier, la fameuse pièce rapportée), guichetière dans le métro, la reine mère déprime. Mais il faut absolument un héritier à la dynastie. Ava, jeune fille simple, découvre le luxe. Et les plaisirs qui vont avec, comme prendre un amant (William Lebghil) et s’envoyer en l’air dans des palaces parisiens

Cette comédie, très visuelle, bourrée de références, aborde, en vrac, le ruissellement de l’argent, les habitus de classe, la dure condition des femmes de ménage et même l’avenir de la profession de détective privé. Foisonnant et hilarant.

Film français d’Antonin Peretjatko avec Anaïs Demoustier, Josiane Balasko, Philippe Katerine

De choses et d’autres - Sur la paille

Dans la longue liste des lieux communs utilisés par les scribouillards de mon genre, pour parler d’une personne victime d’un revers de fortune, on est tenté de ressortir le très classique mais un peu daté « être sur la paille ».

Si l’expression est valable, dans la plupart des cas, elle est à côté de la plaque à moins de trois semaines de Noël. Car, bizarrement, la paille est devenue une denrée très prisée, voire totalement hors de prix en décembre. La faute à la confection de la crèche. Mais, uniquement dans les villes.

A la campagne, la paille est quelque chose de commun, de courant et de peu cher, au point qu’on dormait dessus quand on était ruiné. Mais, de nos jours, en zone urbaine, trouver de la paille pour la mettre dans la crèche sous le petit Jésus et les animaux, c’est carrément un investissement.

Dans un magasin dont il vaut mieux taire le nom, le sachet de 50 grammes de paille est vendu 1,69 €. Un paysan, qui, lui, achète de la paille, quand il n’en a pas assez, dans les 19 € la tonne, a fait un rapide calcul. Une tonne de paille « spéciale crèche de Noël » coûte la bagatelle de 33 800 euros. Le vendeur malin (ou exactement très malhonnête) revend donc un produit avec une marge de près de 1 800 %.

Et après, on s’étonne qu’il y ait de moins en moins de crèches dans les foyers. Il faut être, au minimum, millionnaire pour se lancer dans un tel investissement. Et je préfère ne pas imaginer le prix du kilo de bœuf.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 8 décembre 2021

lundi 6 décembre 2021

De choses et d’autres - Benoît Hamon, la cohabitation permanente

Fin de la série des chroniques de l’uchronie. Avec un postulat de départ : il y a cinq ans, un autre candidat a remporté la présidentielle. Pour terminer en apothéose, Benoît Hamon.

« Un socialiste pour succéder à un socialiste. Normal pourrait-on penser. Sauf que la victoire de Benoît Hamon c’est un peu ce que redoutait le plus François Hollande. En coulisses, l’ancien président enrage. S’il avait su… Alors, en parfait stratège de parti, il pilote les investitures aux législatives, privilégiant les barons locaux moins conciliants avec le jeune loup de la gauche bombardé à l’Élysée. Et le PS, moins d’une semaine après son triomphe, retombe dans ses travers les plus dramatiques : courants et divisions. 

Après un second tour très compliqué, la gauche a une petite majorité. La machine à diviser fonctionne à plein régime et dès l’élection du président de l’Assemblée nationale, Martine Aubry, candidate soutenue par le président est battue par un certain Christophe Castaner, élu par l’opposition de droite et du centre et 45 % des députés estampillés socialistes. Moins de deux mois après son élection, Benoît Hamon se retrouve en cohabitation avec une partie de son propre camp. François Hollande devient dès lors un Premier ministre omniprésent, marginalisant Benoît Hamon obligé de se contenter d’inaugurations de gymnases et de skateparks. Un François Hollande qui continue sa politique des cinq années précédentes et, tel un Poutine francophone, se prépare à retrouver l’Élysée en 2022. »

Dans la réalité indéniable, Benoît Hamon a quitté la politique et travaille au sein d’une organisation non gouvernementale d’aide aux migrants. François Hollande a lui aussi quitté la scène politique. Mais on ne sait pas encore ce qu'il va faire en 2022. 

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 31 décembre 2021

De choses et d’autres – De la bande dessinée aux urnes

Enfin ! La campagne des présidentielles semble définitivement lancée avec la désignation de Valérie Pécresse par Les Républicains. Connaître ses concurrents permet à certains de peaufiner leurs arguments.

Jean-Luc Mélenchon par exemple a intégré la candidate de droite à un de ses discours en la comparant à « Ma Dalton parce qu’elle avait réussi à venir à bout d’Averell Barnier et de Joe Ciotti. » L’image est jolie. Mais il en faut plus pour déstabiliser celle qui se voit plutôt en « Calamity Jane ».

Elle a rétorqué que Jean-Luc Mélenchon lui faisait penser au Général Salazar des aventures de Tintin. En expert des albums de l’intrépide reporter, je rigole comme une baleine. Espérons que Valérie Pécresse maîtrise mieux la politique que ses références BD. Le seul Salazar connu, c’est le véritable dictateur portugais.

Par contre le général Alcazar, c’est vrai, notamment dans sa période chef des rebelles retranché dans la jungle (Tintin et les Picaros), a bien des airs de Mélenchon.

Enfin jouons au petit jeu des ressemblances avec les autres candidats. Emmanuel Macron me fait penser à Michel Vaillant, trop beau, trop droit, trop carré. Et puis ce n'est pas marrant, c'est toujours lui qui gagne à la fin.

Le cas de Marine Le Pen est complexe. Elle est blonde comme Natacha mais a la délicatesse d’Obélix quand il charge les Romains et la duplicité d’Iznogoud, celui qui veut « être calife à la place du calife ».

Anne Hidalgo, d’une façon plus générale ressemble à l’homme invisible et Yannick Jadot au Schtroumpf à lunettes, mais qui aurait déteint en vert.

Reste le plus facile à trouver, celui qui avant même de s’être déclaré était affublé de deux surnoms tirés de l’univers de la BD : Gargamel, le sorcier qui veut capturer les gentils Schtroumpfs ou Zorglub, le fou mégalomane désirant dominer le monde dans les aventures de Spirou. Alors, vous avez trouvé ? Un indice, comme Zorglub, il signe ses méfaits d’un simple Z.  

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 7 décembre 2021

dimanche 5 décembre 2021

De choses et d’autres - Jean Lassalle tutoie les sommets

Suite des chroniques à la mode uchronie. Avec un postulat de départ : il y a cinq ans, un autre candidat a remporté la présidentielle. Aujourd’hui Jean Lassalle.

« Le montagnard au sommet. Difficile d’aller plus haut pour Jean Lassalle, parti de très bas et qui finalement l’emporte au second tour de la présidentielle. Il a su, en bon grimpeur, gérer son effort. Notamment dans la dernière ligne droite, multipliant les idées originales lui permettant de se distinguer de tous les autres candidats, tellement tristes et formalistes. Une fois au pouvoir, il a continué à être partout où on ne l’attend pas. Rapidement il décide de déménager. 


Terminé l’Élysée et Paris, il investit le château de Pau, sur les traces d’Henri IV. De même tous les ministères sont dispatchés hors de la capitale. Les armées à Toulon, l’Agriculture à Rodez, l’Industrie à Lille. Il n’oublie pas ses racines en implantant le ministère de la cohésion des territoires dans sa ville de Lourdios-Ichère (138 habitants) où il est devenu maire à 21 ans. Cette décentralisation à marche forcée passe très bien dans la population, moins chez les hauts fonctionnaires. Par contre, il ne parvient pas à changer l’hymne du pays. Les Français restent attachés à la Marseillaise et peu séduits par l’interprétation d’Aqueros Mountagnos par le président. Une performance a cappella qui est quand même devenue une des vidéos les plus vues de 2020 dans le monde entier. »

Dans notre réalité indéniable, Jean Lassalle, toujours aussi déterminé, laboure le pays pour trouver ses 500 signatures. Le chemin est long, mais le montagnard, très résistant, aime marcher.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 30 décembre 2021