mardi 7 décembre 2021

De choses et d’autres - Sur la paille

Dans la longue liste des lieux communs utilisés par les scribouillards de mon genre, pour parler d’une personne victime d’un revers de fortune, on est tenté de ressortir le très classique mais un peu daté « être sur la paille ».

Si l’expression est valable, dans la plupart des cas, elle est à côté de la plaque à moins de trois semaines de Noël. Car, bizarrement, la paille est devenue une denrée très prisée, voire totalement hors de prix en décembre. La faute à la confection de la crèche. Mais, uniquement dans les villes.

A la campagne, la paille est quelque chose de commun, de courant et de peu cher, au point qu’on dormait dessus quand on était ruiné. Mais, de nos jours, en zone urbaine, trouver de la paille pour la mettre dans la crèche sous le petit Jésus et les animaux, c’est carrément un investissement.

Dans un magasin dont il vaut mieux taire le nom, le sachet de 50 grammes de paille est vendu 1,69 €. Un paysan, qui, lui, achète de la paille, quand il n’en a pas assez, dans les 19 € la tonne, a fait un rapide calcul. Une tonne de paille « spéciale crèche de Noël » coûte la bagatelle de 33 800 euros. Le vendeur malin (ou exactement très malhonnête) revend donc un produit avec une marge de près de 1 800 %.

Et après, on s’étonne qu’il y ait de moins en moins de crèches dans les foyers. Il faut être, au minimum, millionnaire pour se lancer dans un tel investissement. Et je préfère ne pas imaginer le prix du kilo de bœuf.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 8 décembre 2021

lundi 6 décembre 2021

Polar - Magouilles de l’Espagne franquiste dans « L’origine du mal »

Pour comprendre comment l’Espagne a basculé dans la guerre civile dans les années 30, ce roman de José Carlos Somoza donnera au lecteur curieux des clés rarement mentionnées. Un texte qui se déroule sur plusieurs époques, au début de la cassure entre phalangistes et Républicains, durant les années 50 au Maroc et de nos jours à Madrid. Le premier narrateur, écrivain, reçoit des mains d’un ami libraire, le manuscrit d’un long témoignage intitulé L’origine du Mal

Alors que toutes les télévisions parlent de « trois jeunes étudiantes espagnoles enlevées à Ceuta, probablement par des djihadistes », le romancier va se plonger dans ce récit qui débute par ces mots incroyables : « Je suis mort. J’ai été tué d’une balle dans la tête un jour de septembre 1957. » Celui qui a écrit ces lignes se nommerait Angel Carvajal. Fils de militaire, il a intégré la Phalange avant la déclaration des hostilités par Franco contre la République. Dans cette mouvance extrémiste, il croise le chemin d’Elias Roca. Entre les deux jeunes hommes une amitié va voir le jour. Une fois la guerre terminée, Elias se retrouve au Maroc, à Tétouan, enclave espagnole (comme Ceuta qui l’est restée après l’indépendance), chef des services secrets. Angel, marié, est devenu professeur. 

Durant ces années 50, les velléités d’indépendance du Maroc sont de plus en plus fortes. La France est à la manœuvre, mais en coulisses les Espagnols, plus proches voisins, sont aussi très actifs. Et on découvre les sombres magouilles du gouvernement franquiste de l’époque. Cela constitue le corps principal du roman, mais une fois Angel mort comme annoncé dans les premières lignes, l’écrivain contemporain continue l’enquête et va découvrir une autre vérité. Un roman gigogne, étonnant, instructif et construit comme un thriller entre espionnage et récit historique.

« L’origine du mal » de José Carlos Somoza, Actes Sud, 22,80 €


De choses et d’autres - Benoît Hamon, la cohabitation permanente

Fin de la série des chroniques de l’uchronie. Avec un postulat de départ : il y a cinq ans, un autre candidat a remporté la présidentielle. Pour terminer en apothéose, Benoît Hamon.

« Un socialiste pour succéder à un socialiste. Normal pourrait-on penser. Sauf que la victoire de Benoît Hamon c’est un peu ce que redoutait le plus François Hollande. En coulisses, l’ancien président enrage. S’il avait su… Alors, en parfait stratège de parti, il pilote les investitures aux législatives, privilégiant les barons locaux moins conciliants avec le jeune loup de la gauche bombardé à l’Élysée. Et le PS, moins d’une semaine après son triomphe, retombe dans ses travers les plus dramatiques : courants et divisions. 

Après un second tour très compliqué, la gauche a une petite majorité. La machine à diviser fonctionne à plein régime et dès l’élection du président de l’Assemblée nationale, Martine Aubry, candidate soutenue par le président est battue par un certain Christophe Castaner, élu par l’opposition de droite et du centre et 45 % des députés estampillés socialistes. Moins de deux mois après son élection, Benoît Hamon se retrouve en cohabitation avec une partie de son propre camp. François Hollande devient dès lors un Premier ministre omniprésent, marginalisant Benoît Hamon obligé de se contenter d’inaugurations de gymnases et de skateparks. Un François Hollande qui continue sa politique des cinq années précédentes et, tel un Poutine francophone, se prépare à retrouver l’Élysée en 2022. »

Dans la réalité indéniable, Benoît Hamon a quitté la politique et travaille au sein d’une organisation non gouvernementale d’aide aux migrants. François Hollande a lui aussi quitté la scène politique. Mais on ne sait pas encore ce qu'il va faire en 2022. 

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 31 décembre 2021

De choses et d’autres – De la bande dessinée aux urnes

Enfin ! La campagne des présidentielles semble définitivement lancée avec la désignation de Valérie Pécresse par Les Républicains. Connaître ses concurrents permet à certains de peaufiner leurs arguments.

Jean-Luc Mélenchon par exemple a intégré la candidate de droite à un de ses discours en la comparant à « Ma Dalton parce qu’elle avait réussi à venir à bout d’Averell Barnier et de Joe Ciotti. » L’image est jolie. Mais il en faut plus pour déstabiliser celle qui se voit plutôt en « Calamity Jane ».

Elle a rétorqué que Jean-Luc Mélenchon lui faisait penser au Général Salazar des aventures de Tintin. En expert des albums de l’intrépide reporter, je rigole comme une baleine. Espérons que Valérie Pécresse maîtrise mieux la politique que ses références BD. Le seul Salazar connu, c’est le véritable dictateur portugais.

Par contre le général Alcazar, c’est vrai, notamment dans sa période chef des rebelles retranché dans la jungle (Tintin et les Picaros), a bien des airs de Mélenchon.

Enfin jouons au petit jeu des ressemblances avec les autres candidats. Emmanuel Macron me fait penser à Michel Vaillant, trop beau, trop droit, trop carré. Et puis ce n'est pas marrant, c'est toujours lui qui gagne à la fin.

Le cas de Marine Le Pen est complexe. Elle est blonde comme Natacha mais a la délicatesse d’Obélix quand il charge les Romains et la duplicité d’Iznogoud, celui qui veut « être calife à la place du calife ».

Anne Hidalgo, d’une façon plus générale ressemble à l’homme invisible et Yannick Jadot au Schtroumpf à lunettes, mais qui aurait déteint en vert.

Reste le plus facile à trouver, celui qui avant même de s’être déclaré était affublé de deux surnoms tirés de l’univers de la BD : Gargamel, le sorcier qui veut capturer les gentils Schtroumpfs ou Zorglub, le fou mégalomane désirant dominer le monde dans les aventures de Spirou. Alors, vous avez trouvé ? Un indice, comme Zorglub, il signe ses méfaits d’un simple Z.  

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 7 décembre 2021

dimanche 5 décembre 2021

Cinéma - Matrix résurrections, 4e service


18 ans après la sortie du 3e et a priori dernier volet de la saga Matrix, alors que le héros, Néo est laissé pour mort, revoilà la Matrice sur les grands écrans de la planète. Keanu Reeves, 57 ans, reprend le rôle du hacker Thomas Anderson devenu sauveur de l’Humanité. Matrix Résurrections remet également en selle Trinity (Carrie-Anne Moss), par contre le grand méchant, l’agent Smith, est absent de ce quatrième opus. Autre comédien qui ne revient pas, Laurence Fishburne. Par contre son personnage, Morpheus, est de nouveau utilisé. Une version plus jeune, interprétée par Yahya Abdul-Mateen déjà remarqué dans le remake de Candyman

Dans Matrix Résurrections, Néo n’existe quasiment plus. Il ne reste que Thomas Anderson devenu un simple créateur de jeux vidéos respecté. Il vit en Californie et semble vivre une vie des plus paisibles. Pourtant, la nuit, il est aux prises avec des redoutables cauchemars. La Matrice n’a pas dit son dernier mot. Si les trois premiers films ont été réalisés par les frères Wachowski, cette nouveauté n’est mise en scène que par Lana. Car entre-temps, les deux frères ont changé de sexe et sont devenus sœurs. Mais que les fans se rassurent, on retrouve dans Résurrections des combats superbement chorégraphiés, des rappels permanents des grands moments de la saga et de nombreux « déjà-vu » qui guident l’intrigue.

Film américain de Lana Wachowski avec Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss

De choses et d’autres - Jean Lassalle tutoie les sommets

Suite des chroniques à la mode uchronie. Avec un postulat de départ : il y a cinq ans, un autre candidat a remporté la présidentielle. Aujourd’hui Jean Lassalle.

« Le montagnard au sommet. Difficile d’aller plus haut pour Jean Lassalle, parti de très bas et qui finalement l’emporte au second tour de la présidentielle. Il a su, en bon grimpeur, gérer son effort. Notamment dans la dernière ligne droite, multipliant les idées originales lui permettant de se distinguer de tous les autres candidats, tellement tristes et formalistes. Une fois au pouvoir, il a continué à être partout où on ne l’attend pas. Rapidement il décide de déménager. 


Terminé l’Élysée et Paris, il investit le château de Pau, sur les traces d’Henri IV. De même tous les ministères sont dispatchés hors de la capitale. Les armées à Toulon, l’Agriculture à Rodez, l’Industrie à Lille. Il n’oublie pas ses racines en implantant le ministère de la cohésion des territoires dans sa ville de Lourdios-Ichère (138 habitants) où il est devenu maire à 21 ans. Cette décentralisation à marche forcée passe très bien dans la population, moins chez les hauts fonctionnaires. Par contre, il ne parvient pas à changer l’hymne du pays. Les Français restent attachés à la Marseillaise et peu séduits par l’interprétation d’Aqueros Mountagnos par le président. Une performance a cappella qui est quand même devenue une des vidéos les plus vues de 2020 dans le monde entier. »

Dans notre réalité indéniable, Jean Lassalle, toujours aussi déterminé, laboure le pays pour trouver ses 500 signatures. Le chemin est long, mais le montagnard, très résistant, aime marcher.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 30 décembre 2021

De choses et d’autres - Elle remporte le titre de Miss Covid 2021

Le mois de décembre, en plus des fêtes, de la grippe et du froid, c’est aussi le moment où l’on parle le plus de miss. Ce samedi, on connaîtra la nouvelle Miss France. Et le lendemain, place à l’élection de Miss Univers, en direct depuis Tel Aviv, en Israël.

La France a, bien évidemment, envoyé une représentante en la personne de Clémence Botino, Miss France 2020. Élue, quelques semaines avant que le coronavirus ne bloque tout le pays, cette charmante Guadeloupéenne a doublement gagné le titre, peu enviable, de Miss Covid.

Bien avant de participer au concours de Miss Univers, elle s’est fait vacciner. Et testée, la veille du départ. Négative au décollage de Roissy, elle est de nouveau testée à sa descente d’avion... Et là, catastrophe, elle est positive. Immédiatement, elle est placée à l’isolement durant 10 jours.

Bref, elle a peu de chance de pouvoir participer au show qui sera regardé par des milliards d’humains… Privée de répétitions, pour passer le temps, elle a publié des vidéos sur les réseaux sociaux. Notamment, d’essayage de tenues, ponctuant chacun de ces petits défilés de de commentaire : « cette tenue, je l’adore, mais je n’ai pas pu la porter ». Notre jolie Miss Covid va beaucoup mieux, aux dernières nouvelles.

Reste à comprendre comment elle a pu développer la maladie durant le trajet en avion. À moins que les tests réalisés, en France, au départ, soient un peu moins efficaces que ceux déployés sur le sol israélien. 

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 6 décembre 2021

samedi 4 décembre 2021

Cinéma - “Madeleine Collins”, l’inconnue du quotidien

Une femme, deux identités et deux familles. Virginie Efira sublime ce thriller psychologique qui joue avec la folie

Judith (Virginie Efira), une double vie et de nombreuses bouffées d’angoisse.  Paname Distribution / UFO

Le thème de la double vie est souvent utilisé en littérature ou au cinéma. Comme s’il était impossible de se contenter d’une famille, d’un boulot, d’une femme… Car la plupart du temps, ce sont des hommes qui se démultiplient. Comme dans ce film sorti récemment où une femme découvrait que son mari, un marin, était marié à une autre femme en France avec qui il avait eu un enfant (After Love d’Aleem Khan). Dans Madeleine Collins d’Antoine Barraud, c’est une femme qui mène une double vie. Judith (Virginie Efira), est mariée à Melvil (Bruno Salomone). Ils ont deux garçons et vivent en France. Mais pour son boulot d’interprète, Judith doit se rendre très souvent à l’étranger pour des périodes de 5 à 10 jours. En réalité elle ne quitte jamais la Suisse où elle élève une petite Ninon avec le père Abdel (Quim Gutiérrez). 

Le début du film, après une scène d’introduction énigmatique mais d’une rare tension, montre Judith s’occuper parfaitement de la petite fille. Jeux dans un parc, repas du soir, coucher et lecture d’une histoire. Pourtant l’enfant est malheureuse. Elle sait que le lendemain elle se retrouvera seule avec son père. Judith, elle, change de vie en un clin d’œil. Terminée la petite vie modeste de la Suisse, elle est dans le grand monde en France. Melvil, chef d’orchestre renommé, aime monter cette femme si belle, si brillante. Seul problème, ses longues absences. 

Le nom du film, Madeleine Collins, reste longtemps un mystère pour le spectateur. Mais c’est anecdotique car plus le temps passe, plus on sent Judith prise dans cet engrenage de mensonges et de faux-semblants. Elle est prise de bouffées d’angoisse, commence à se demander si elle n’est pas réellement folle. Mais pourquoi ces deux vies, ces deux facettes ? Toute la virtuosité du film est de donner une explication crédible à une situation qui paraît totalement improbable. Judith est aussi Margot et pourrait devenir aussi une autre femme, différente, pour embrasser une troisième vie. Comme si elle n’était jamais satisfaite de son quotidien. 

Un thriller qui tutoie la folie, porté par une Virginie Efira exceptionnelle dans ce jeu de rôles de tous les jours. Elle donne la réplique à deux comédiens connus dans des registres comiques, Bruno Salomone et Quim Gutiérrez (vu dans Le voisin sur Netflix), qui prouvent que leur talent aussi est à double facette.

Film français d’Antoine Barraud avec Virginie Efira, Bruno Salomone, Quim Gutiérrez



De choses et d’autres - Marine Le Pen mise tout sur ses chats

Troisième épisode des chroniques à la mode uchronie. Avec un postulat de départ : il y a cinq ans, un autre candidat a remporté la présidentielle. Après François Fillon et Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen.

« Le Pen à l’Élysée : il aura fallu sept candidatures d’affilée, cinq du père et deux de sa fille pour que l’extrême droite accède au pouvoir en France. Malgré une forte mobilisation dans la rue, le Front National remporte les législatives. Un boulevard s’ouvre à la première femme élue présidente de la République.

Pourtant, rien ne se passe comme prévu. L’amateurisme des députés transforme les travaux de l’Assemblée en chaos complet. Sans relais dans les forces économiques ni au niveau européen (excepté la Hongrie d’Orban), Marine Le Pen se sent impuissante. Sortant de moins en moins du palais présidentiel, elle trouve réconfort et espoir auprès de ses chats qui profitent du grand parc de la République.

Des chats qui prennent de plus en plus d’importance au point que la France se retrouve à la pointe du combat pour reconnaître le fait que les animaux sont doués de sensibilité. Il a même été un temps envisagé la création d’un ministère chargé du bien-être des animaux, mais le lobby des chasseurs a usé de son influence pour tuer dans l’œuf le projet.

Reste que depuis qu’elle publie de nouveau des photos d’elle en compagnie de ses matous, la cote de Marine Le Pen a grimpé de 15 points. »

Dans la réalité indéniable, Marine Le Pen a toujours des chats, mais elle se montre beaucoup plus discrète, craignant une image de « mémère à chats » qui nuirait à sa stature internationale.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 29 décembre 2021

De choses et d’autres - Voyage silencieux

Avez-vous remarqué combien les voitures de nos jours sont moins bruyantes qu’il y a dix ou vingt ans ? Parfois, dans la rue, si comme ces derniers jours la tramontane est impétueuse, on n’entend quasiment pas un véhicule qui arrive par-derrière. Excepté les excités de l’accélérateur qui ne peuvent s’empêcher de faire ronfler leur moteur, comme s’ils prouvaient ainsi à la face du monde entier leur extrême virilité.

Voilà pourquoi ces paradeurs à essence ne seront jamais des adeptes des véhicules électriques. Trop discrets, quasi invisibles acoustiquement parlant. Quand une voiture électrique passe près de vous, elle ne fait pas plus de bruit que, dirait Bérurier l’adjoint graveleux de San-Antonio, « un pet glissant sur une toile cirée ».

Au volant, personnellement, j’aime que le moteur soit discret. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Les constructeurs ont visiblement reçu plus de critiques que de compliments puisque certaines marques ont décidé de proposer en option des amplificateurs du bruit du moteur.

Deux possibilités : le bruit est plus fort dans l’habitacle. Cela passe simplement par les haut-parleurs qui normalement servent à diffuser de la musique ou la radio. Ou, plus rare, le bruit plus fort du moteur est destiné aux passants par des haut-parleurs extérieurs supplémentaires. Étrange paradoxe quand on sait que certaines associations militent pour l’installation en ville de radars contre la pollution sonore.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 4 décembre 2021