lundi 5 octobre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le plaisir de l'objet

vinyles, disque, 33 tours, streamingLe dématérialisé a du plomb dans l'aile. Prenez la musique. A la fin des années 80, tout le monde relègue les vieux vinyles au placard. Le CD numérique puis l'écoute en streaming deviennent la norme. Et puis, mode vintage aidant, l'industrie du disque remet quelques vinyles en vente.
Résultat, aux USA, cette manne rapporte désormais plus que le streaming. Une hausse de 52 % en une année. Malgré la qualité moindre du son, l'utilisation moins pratique et les prix plus élevés. Ce retour gagnant de notre bon vieux 33 tours doit beaucoup à son statut d'objet. Outre la possession physique de la musique, le vinyle apporte à son propriétaire le plaisir du toucher. Sortir le disque de sa pochette avec précaution, ne pas poser les doigts sur les sillons, nettoyer soigneusement avant écoute, positionner avec délicatesse le bras sur la platine. Tout ce rituel permet de se mettre en condition, de pleinement profiter du moment. Même si quelques snobs ne considèrent le vinyle que comme un moyen de suivre l'air du temps, écouter de la musique de cette manière rend quasi odieuse la playlist sans fin sur un support quelconque et totalement impersonnel.
Ce phénomène rassure particulièrement le gros lecteur que je suis. Comment passer à la liseuse électronique quand on éprouve comme moi autant de plaisir à soupeser un livre avant de l'ouvrir, tâter le papier et en estimer son grammage, humer l'odeur de l'encre ? Pour moi et bien d'autres, la lecture, comme la musique, relèvent aussi et toujours d'un plaisir physique.

BD : Dessinateurs à nu dans l'Atelier Mastodonte

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Les dessinateurs de l'Atelier Mastodonte ont bien des soucis dans le troisième recueil de leurs gags. Ils tombent tous dans la grande marmite de la téléréalité. Une chaîne de télévision plante ses caméras dans l'atelier pour tourner des séquences du grand Masterchef de la BD. Entre défis et coups bas, ils se retrouvent au bord de l'implosion. Ce qui arrive finalement, ils se retrouvent tous à la rue. Ils décident alors de travailler dans des cafés, un endroit convivial mais qui nuit considérablement à leur productivité (excepté Lewis Trondheim toujours aussi obsédé par son rendement). Ils trouveront finalement refuge dans les locaux des éditions Spirou, juste au-dessus de la rédaction de Spirou, la revue dirigée par Niffle et qui publie chaque semaine les meilleurs extraits de leurs aventures. Sous une couverture « simpsonisée », découvrez les petits nouveaux de l'atelier comme Jouvray, le prof pédant, ou Jousselin, le petit dernier qui par timidité accumule les gaffes tel un Gaston en puissance. Les auteurs se mettent à nu (au propre comme au figuré) et se répondent souvent d'une planche à l'autre, tel un cadavre exquis, tendance « Tac au tac ».

« L'atelier Mastodonte » (tome 3), Dupuis, 14,50 €

samedi 3 octobre 2015

Cinéma : Elle console les hommes tristes

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Hanna (Vimala Pons) est beaucoup trop gentille. Elle console les cœurs brisés en ouvrant ses bras… et son lit. "Je suis à vous tout de suite", comédie piquante.

Malade. Complètement malade la belle et timide Hanna (Vimala Pons) personnage principal de 'Je suis à vous tout de suite' de Baya Kasmi. Une névrose assez rare : celle de la gentillesse. Elle tient ça de ses parents, jamais méchants, toujours conciliants. Conséquence elle est incapable de faire de la peine. A ce stade, c'est plus que de l'empathie. Problème, cette trentenaire est DRH dans une grosse société. Parmi ses attributions, l'annonce à des employés éplorés de leur renvoi. Alors pour se faire pardonner, quand ils se mettent à pleurer en se demandant comment ils vont bien pouvoir finir de payer leur crédit sur la maison. "Je peux faire quelque chose pour vous ?" demande-t-elle de sa petite voix. Un câlin ? Un peu plus ? Une fois passés dans le lit d'Hannah, les licenciés sont certes toujours sans ressources, mais ont retrouvé le sourire. Hannah n'est pourtant pas gentille avec tout le monde. Elle déteste son petit frère Hakim (Mehdi Djaadi). Très complices enfants, tout a changé quand le garçon est devenu adolescent. Enfants d'un épicier arabe (Ramzy, touchant et attachant) et d'une mère au foyer psychanalyste bénévole (Agnès Jaoui), ils ont grandi dans une de ces grandes cités où le 'vivre ensemble' s'est lentement délité au fil des ans. Surtout Hakim qui, après un passage par la case 'petite frappe dealer', plonge dans la religion. Il ne supporte plus les tenues très légères de sa sœur et ses relations amoureuses, aussi brèves que multiples.
Une comédie… sérieuse
Le film alterne les scènes d'enfance et le présent. Hanna habite à Paris, rue Saint-Denis, Hakim chez ses parents, avec femme et enfants. Lors d'une réunion de famille, les parents demandent à Hanna un service. Et pas des moindres. Hakim, malade, doit être transplanté d'un rein. Celui d'Hanna a toutes les chances d'être compatible. Va-t-elle pour la première fois refuser de rendre service à quelqu'un ? Tant qu'elle n'est pas guérie de sa névrose, il n'y a aucun suspense. Si on rit souvent au cours du film, Vimala Pons alternant avec une virtuosité déconcertante, humour, séduction et tristesse, le sujet principal reste très sérieux. Mais comme le discours n'est pas pesant et moralisateur, il passe d'autant mieux. Car la réalisatrice aborde sans y toucher, pêle-mêle les problématiques de la religion, de la liberté de la femme, des origines, de la maltraitance des enfants, de la condition des prostituées et même des personnages âgées accros au cannabis et au jeu (un rôle sur mesure pour Anémone). Un film vivifiant, comme le joli minois de Vimala Pons.

vendredi 2 octobre 2015

DVD : Plongée dans les années 80

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Quatre films américains symbolisent l'état d'esprit particulier des années 80.
Ça a le goût de la nostalgie mais à y regarder de près, c'est plus fort, plus profond. Wild Side ressort en DVD et blu-ray quatre productions américaines dans la collection "Pépites du cinéma 80's". Les films ont donc souvent plus de 30 ans, mais semblent encore modernes, osés et novateurs. Plus en tout cas que certaines productions de ces dix dernières années honteusement formatées (à croire que les scénaristes utilisent des algorithmes pour enchaîner leurs scènes et que les acteurs sont des robots en plastiques). Rien de tout cela dans "Dangereuse sous tous rapports" de Jonathan Demme, "Hot Spot" de Dennis Hopper, "Streets of fire" de Walter Hill et "Fletch" de Michael Ritchie avec l'incroyable Chevy Chase évadé du Saturday Night Live. Du rock, du rire, du noir et un peu d'érotisme composent ces œuvres qui s'appuient sur des acteurs et actrices qui depuis ont fait une longue carrière. Le meilleur exemple avec Melanie Griffith qui explose littéralement dans "Dangereuse sous tous rapports". Le film débute par des vues du New York d'antan, quand les Twin Towers s'incrustaient forcément dans le cadre. Dans les rues, des jeunes Noirs marchent avec un énorme Ghetto Blaster sur l'épaule diffusant une musique entraînante (David Byrne des Talkings Heads signe la chanson du générique). Charlie (Jeff Daniels), rond de cuir lisse et sage, tombe dans les rets de Lulu (Melanie Griffith), jeune femme délurée, totalement imprévisible à la beauté renversante. De gothique, elle devient sage jeune fille puis hors la loi en cavale. Un road Movie dans l'Amérique profonde, celle des rêves déçus des mères exemplaires et des regrets d'étudiantes pas assez sages. A conseiller à tous ceux qui ne savent pas que l'actrice, avant d'être une célèbre cougar, était rayonnante de jeunesse et de spontanéité.
"Pépites du cinéma 80's", Wild Side, 19,99 euros le DVD, 24,99 euros le blu-ray.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Excessivement tendus

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Effet de la super lune ? À moins que cela ne soit le passage prochain à l'heure d'hiver... Toujours est-il que depuis quelques jours il me semble que tout le monde est "tendu", "excessivement tendu" pour parodier le film culte belge "Dikkenek".
Prenez Francis Lalanne par exemple. Le gentil chanteur, idole de toute une génération avec son premier tube "La maison du bonheur", a le cœur sur la main. Face au drame des réfugiés, il ressort une de ses chansons avec des images de ces familles à la dérive sur les routes d'Europe. Tout le monde (à part ses trois derniers fans) se moque de l'initiative. Il le prend mal, menace quiconque de procès et, dernière péripétie en date, s'invective violemment sur le plateau d'une émission de télévision en rodage. Selon certains, il se serait même battu avec un journaliste un peu trop moqueur, lui l'apôtre de la non-violence. "Tendu" je vous dis...
Rien ne va plus également entre deux réalisatrices françaises. Une brouille qui dure entre Julie Gayet et Maïwenn. Cette dernière, a récemment avoué avoir carrément voulu "l'égorger". Une histoire de coucherie comme souvent dans ce milieu ? Non, a priori François Hollande est toujours fidèle à sa compagne qui n'existe officiellement pas... Maïwenn n'a pas apprécié que Julie Gayet utilise des images d'archives pour son documentaire sur les femmes cinéastes auquel elle n'a pas voulu participer. "Je vais venir t'égorger de mes propres mains" a menacé la réalisatrice de Polisse. "Excessivement tendu"...

mercredi 30 septembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Plus rance que blanche

Ses nombreuses bourdes et déclarations tonitruantes ont longtemps provoqué rires et moqueries. Bien que privée de tout mandat depuis plusieurs mois, Nadine Morano, en star des réseaux sociaux et de télévision, est toujours sollicitée sur les plateaux pour donner son avis (et donc celui de son parti, les Républicains), sur tout et n'importe quoi.
Mais samedi soir elle a sorti une énormité : la France est un "pays de race blanche". Et d'ajouter : "Je n'ai pas envie que la France devienne musulmane". A priori, si une telle déclaration sortait de la bouche de Jean-Marie Le Pen, sa fille relancerait immédiatement une nouvelle procédure pour l'exclure du parti d'extrême-droite.
Nadine Morano se défend d'appartenir au Front National, elle clame par contre son sarkozisme zélé (tendance Droite forte). Loin de reconnaître sa boulette, elle persiste. D'autant que les premières indignations viennent de la gauche bien pensante, son ennemie de toujours. Heureusement d'autres voix condamnent sans ambages cette dérive raciste. NKM hier sur Europe 1 se montre la plus violente : "Je trouve ces propos exécrables." Plus subtil, Alain Juppé tweete un message repris des centaines de fois : "Un signe d'amitié ce matin à nos compatriotes d'Outre-Mer qui ne sont pas tous de "race blanche" mais qui sont tous Français à part entière."
Souvent Nadine Morano, par ses jugements à l'emporte-pièce, me rendait hilare. Samedi, la nausée m'a submergé, incapable de me reconnaître dans cette France plus rance que blanche.

mardi 29 septembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Merci Wiki

 Antoine Bello, écrivain, a offert une année de ses droits d'auteur à l'encyclopédie en ligne et participative Wikipédia. Une somme avoisinant les 50 000 euros en signe de sa reconnaissance pour la mine d'informations trouvées sur ce site enwikipédia, bello, don, écrivains, plagiat perpétuelle expansion.
Wikipédia, à ses débuts, était souvent décriée car peu fiable. N'importe qui pouvait y écrire n'importe quoi. Les phases de vérification et de validation ne représentaient pas la priorité. L'essentiel consistait à grossir le plus possible pour se placer systématiquement en tête des réponses aux questions les plus pointues dans les moteurs de recherche. Quelques scandales plus tard (décès "prématurés" de certaines personnalités, biographies trop flatteuses pour d'autres et même réécriture de l'Histoire), la communauté a passé vraiment plus de temps à vérifier les informations. De source peu crédible, Wikipédia est devenue référence absolue.
Dans plusieurs de ses romans, Antoine Bello reconnaît y avoir puisé anecdotes et informations, voire même inspiration. Juste retour des choses, indirectement, il "rémunère" ainsi les contributeurs bénévoles de Wiki. La démarche est noble, Antoine Bello appartient à ceux qui reconnaissent derrière chaque notice ou entrée, le travail de fourmis des passionnés dotés d'un immense "appétit pour la connaissance et son partage."
A comparer avec l'attitude hypocrite d'autres auteurs (Michel Houellebecq le cas le plus célèbre), politiques ou journalistes qui pillent allègrement Wikipédia grâce au "copier-coller, ni vu ni connu"...

DE CHOSES ET D'AUTRES : Anniversaire gratuit

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Mille cinq cents dollars la chanson. Très rémunérateur si la composition remporte un succès planétaire. La Warner Music, multinationale américaine, a cru conclure une excellente affaire en rachetant en 1988 les droits du cultissime "Happy birthday". Et de partir à la chasse aux utilisations de cette chanson universelle dans la moindre production audiovisuelle.
Un musicien et une réalisatrice préparent un film sur cette fameuse chanson, Warner leur réclame comme de juste 1 500 dollars. Mais comme ils maîtrisent bien le sujet, ils portent l'affaire devant le tribunal.
D'après eux, "Happy birthday" date du XIXe siècle. A la base il s'agit d'une comptine destinée aux jardins d'enfants. Les juges viennent de trancher. "Happy Birthday" est tombée dans le domaine public. L'histoire ne dit pas combien Warner a racheté les droits d'une chanson gratuite...
Une escroquerie comme une autre. Peut-être qu'au moment des négociations, les vendeurs ont fait miroiter les millions de droits sonnants et trébuchants que représente une ritournelle entonnée dans le moindre repas d'anniversaire, quasiment partout dans le monde puisqu'elle a été traduite en 18 langues.
Personnellement, légèrement allergique aux fêtes d'anniversaire (surtout le mien), j'aurais préféré une autre issue au procès. Ainsi, quand mes proches commenceraient à entonner l'air popularisé par Marilyn Monroe dans une version présidentielle torride, je crierais "Stop ! Vous n'allez quand même pas offrir 1 500 dollars au grand capital !".

lundi 28 septembre 2015

BD : Soldats inhumains dans "Drones" au Lombard


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La guerre est en pleine mutation. Si certains sont encore à monter des opérations commando avec risque de corps à corps, d'autres préfèrent utiliser toutes les nouvelles technologies pour prendre zéro risque. Les USA sont devenus experts dans cette technique, les nouveaux pilotes ne quittent plus leurs bases aériennes. Ils se contentent de piloter à distance des drones meurtriers. Sylvain Runberg dans « Drones » pousse cette logique à son maximum. Dans un futur proche, la Chine est devenue une poudrière. Les démocraties occidentales profitent du régime de fer pour implanter des usines à bas coût. Le peuple se rebelle et des groupes de libération harcèlent les polices locales. Sous couvert de lutte contre le « terrorisme », les armées européennes mènent des opérations de représailles. Dessiné par Louis, ce premier tome présente surtout les deux principaux personnages de Drones. D'un côté Yun Shao, la rebelle chrétienne, meneuse d'hommes et autonomiste. De l'autre Louise Fernbach, pilote de drone pour l'armée européenne, capable de tuer des dizaines de personnes puis, deux heures plus tard, d'aller chercher ses enfants à l'école. La guerre aseptisée avec des soldats inhumains. Cela fait peur....

« Drones (tome 1), Le Lombard, 13,99 €

BD : Tyler Cross se fait la belle


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Son premier album a fait sensation. Le second est encore meilleur... Tyler Cross s’affirme comme la nouvelle vedette du polar en images. Tyler coule des jours heureux au bord de la mer avec son amoureuse. Il accepte malgré tout un dernier coup. Facile. Sans risque. Une grosse embrouille en réalité. Il finit donc au pénitencier d’Angola à la Nouvelle-Orléans. Une prison qui fonctionne comme une petite entreprise. Il va donc devoir trouver une solution pour se faire respecter, puis se faire la belle. Cela lui prendra plus de 100 pages. Il devra éliminer le cador des Italiens, trouver quelques complices, échafauder un plan pour s’évader. Tout se préparant à récupérer le magot du coup “facile” et bien évidemment se venger des imprudents qui lui ont fait cette entourloupe. Véritable thriller écrit par Fabien Nury, ce roman graphique est mis en image par Brüno, virtuose des ambiances en noir et blanc. La pagination exceptionnellement longue lui permet de dérouler à l’envi les scènes essentielles, comme la bagarre dans le pénitencier ou la fuite dans les bayous. Du grand art, passionnant et palpitant.

« Tyler Cross » (tome 2), Dargaud, 16,95 euros