jeudi 12 mai 2011

BD - "Les enfants du bunker" : 22e Lefranc par Maury et Jacquemart


Aventure très cérébrale que ce 22e tome des enquêtes de Guy Lefranc. Jacques Martin décédé, le héros est passé entre de nouvelles mains. Michel Jacquemart en signe le scénario alors qu'Alain Maury est au dessin. « Les enfants du bunker » est à mille lieues des albums précédents, notamment ceux donnant la possibilité à Lefranc de sauver l'humanité. Cette fois, il se pose beaucoup de questions, alors qu'il frôle la mort à deux reprises. Une première fois en Algérie, son avion est abattu par le FLN (l'action se déroule dans les années 50), la seconde dans un accident de voiture alors qu'il rejoint Jeanjean en Normandie.

Jeanjean, adolescent et compagnon de route de Lefranc, est au centre de l'histoire. On y apprend comment il a perdu tragiquement ses parents et le choc psychologique qui s'en est suivi. Alors qu'il est en vacances avec ses amis scouts, il est tenté par le suicide et rencontre des enfants dans un bunker désaffecté qui ont tout l'air de fantômes.

Un Lefranc différent mais loin d'être décevant.

« Lefranc » (tome 22), Casterman, 10,40 € 

mercredi 11 mai 2011

Thriller - Militaires hantés par "Les Murmures" de John Connolly

Charlie Parker, le détective privé très torturé imaginé par John Connolly enquête sur les suicides de militaires américains de retour d'Irak.


Thriller flirtant ouvertement avec l'horreur, le nouveau roman de John Connolly risque vous entraîner, une fois la dernière page refermée, dans des cauchemars d'anthologie. Et si tout à coup, dans le silence de votre chambre obscure vous entendez des murmures, un seul conseil : prenez vos jambes à votre cou !

Toute la force de l'univers mis en place au fil des romans par John Connolly réside dans ce mélange entre réalisme et fantastique. Charlie Parker, le héros, doit survivre dans un monde qui ne lui a que rarement fait des cadeaux. Dans le Maine, à la frontière avec le Canada, il alimente son compte en banque avec des affaires sordides de surveillance ou en démasquant des escroqueries à l'assurance. Rien de bien réjouissant. Aussi quand Bennett Patchett le patron d'un de ses restos préféré lui demande d'enquêter sur le mari, supposé violent, d'une de ses serveuses, il accepte sans broncher.

Interrogatoire poussé

D'autant que ce motif en cache un plus personnel et douloureux. Le fils de Bennett vient de se suicider. Cet ancien marines a combattu en Irak. Son retour à la vie civile l'a plongé dans une sorte de folie ayant pour paroxysme une balle dans la tête. Or le mari violent, camionneur, était lui aussi en Irak, dans la même unité. Charlie va donc se lancer aux trousses de ce Joël Tobias, un peu trop voyant au volant de son 36 tonnes rutilant.

Au début, le détective semble faire chou blanc. Certes Tobias semble vivre au dessus de ses moyens, mais il se contente de faire des aller-retour entre le Maine et le Québec, transportant inoffensives croquettes pour animaux. Charlie Parker croit faire fausse route jusqu'à ce soir où trois hommes cagoulés lui tombent dessus. Ce sont des pros du combat. Et de l'interrogatoire. « Ils rabattirent le sac, me soulevèrent et me replongèrent la tête dans l'eau, une fois, deux fois, trois fois, sans plus me poser de questions, et je crus que j'allai mourir. La quatrième fois, je leur aurai raconté n'importe quoi pour qu'ils arrêtent. Je crus entendre quelqu'un dire : « Vous allez le tuer », mais sans la moindre inquiétude. Ce n'était qu'une constatation. » L'avertissement est clair. Il ne faut plus espionner Tobias.

Le retour du Collectionneur

Menacer Parker. C'est la dernière chose à faire. Il n'a plus grand chose à perdre la vie lui ayant déjà pris sa femme et son enfant. Il décide donc de titrer cette histoire au clair et pour ne plus être du côté des victimes, il fait appel à ses amis Angel et Louis, deux gros bras ayant beaucoup à se faire pardonner, des machines à tuer qui ont changé de camp. Parker découvre alors que les anciens militaires, souffrent tous plus ou moins de syndrome post traumatique. Certains deviennent fous, entendent des voix, des murmures en langue étrangère, les poussant au suicide. Quels sont ces démons tapis dans les ténèbres ? Parker n'est pas le seul à les rechercher. Hérod, tueur purulent en phase terminale d'un cancer généralisé sème lui aussi la mort et une vieille connaissance de Parker, le Collectionneur, fera également son entrée dans la danse.

Violent, terrifiant, sans pitié mais pas sans morale, ce thriller se dévore d'une traite. Alternant habilement les parties fantastiques et celles plus rationnelles, John Connolly parvient à tenir le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page, réussissant même le tour de force de nous donner envie de lire son prochain thriller : le personnage de Charlie Parker est en pleine mutation psychologique et cela semble particulièrement prometteur.

« Les murmures », John Connolly, Presses de la Cité, 21 €

mardi 10 mai 2011

BD - Les Petits Riens de Lewis Trondheim, puissance 5


De Mayotte à Strasbourg en passant par San Diego ou le Canada sans oublier Angoulême, Lewis Trondheim aime ramener des souvenirs de ses voyages. Des instants de vie, décalés ou subtils, qu'il publie régulièrement sur son blog et qui sont repris dans des recueils publiés au sein de la collection Shampooing. 

Dans cette cinquième livraison, le créateur de Lapinot en dit un peu plus sur ses manies dans les toilettes japonaises, les restaurants américains et les avions long courriers. Ce grand malade (il est hypocondriaque) a une façon inimitable de nous faire partager les petits riens qui font que sa vie est formidable.

 Des petits riens que vous aussi vivez certainement, il suffit d'avoir assez de recul, comme Trondheim, pour les savourer après coup.

« Les petits riens » (tome 5), Delcourt, 11,50 € 

lundi 9 mai 2011

BD - "La saga des brumes", l'Islande rude et solitaire


L'Islande aux Xe siècle, ses pêcheurs, ses moutons, ses clans, ses histoires d'amour. Jean-Paul Krassinsky (scénariste) et Marc Védrines (dessinateur) nous plongent dans une longue saga de 180 pages pleine de fureur et de sang. Olaf, colosse taciturne, n'apprécie pas que sa femme le trompe. Il tue l'amant. 

Cela déclenche une réaction en chaine, le frère de la victime devant prendre une vie dans la famille d'Olaf pour être vengé. Olaf, sa femme et son frère Einar (qui n'a rien demandé) se réfugient sur une île déserte et balayée par le blizzard. 

C'est cette vie, loin de tout, en totale autarcie, qui est au centre de ce roman graphique brut de décoffrage au point de vue des sentiments.

« La saga des brumes », Glénat, 22 € 

dimanche 8 mai 2011

BD - Plus beaux les gens


En mars 2010, Thomas Cadène s'est lancé dans un projet fou : écrire un web-feuilleton quotidien, illustré par une pléiade de jeunes dessinateurs. Aujourd'hui, 1400 pages ont été publiées et cette œuvre novatrice va avoir droit à une seconde chance avec la publication des premiers épisodes sous forme de gros recueil de 220 pages. Le tome 1 est sorti début avril, le tome 2 est dans le bac des libraires depuis vendredi dernier. 

Attention, « Les autres gens » est un peu comme « Plus belle la vie », on est rapidement « addict ». Les vies de Mathilde, ses parents, ses amis, ses millions (elle gagne au loto et le cache à tout le monde) permettent une multitude de rebondissements. Chaque fin de chapitre est palpitante et pleine d'interrogations. Là est la force de cette série qui est toujours actualisée sur le net (voici le site où on peut s'abonner).

« Les autres gens », (tome 1 et 2), Dupuis, 14,95 €

vendredi 6 mai 2011

BD - "Chili con carnage", western énervé de Lupano et Salomone


Une nouvelle fois, le western permet à des auteurs de mettre en scène des personnages forts et sans nuances. Dans cet ouest sauvage, même si on est en 1899, il reste encore beaucoup à faire pour civiliser certains autochtones. Par exemple le long du chemin de fer, des bandits continuent à attaquer les trains. 

Dans celui qui est abordé dans les premières pages de « Chili con carnage », se trouve la belle et aristocrate Margot de Garine. Elle est enlevée par Manolo Cruz, le chef des brigands, au grand désespoir de Tim, un bagagiste tombé fou amoureux de la Française. Margot poursuivie également par les deux personnages principaux de la série : Byron Peck, avocat de Los Angeles attaché à son confort et Knut, son homme de main, Danois et montagne de muscles.

Ce petit monde va se trahir, se battre et s'entretuer sur 48 pages de belle facture, écrites par Lupano et dessinée par Salomone.

« L'homme qui n'aimait pas les armes à feu » (tome 1), Delcourt, 13,50 €

jeudi 5 mai 2011

BD - "Pour tout l'or du monde" de Hautière et Grand : complot et empire

En 1850, à Paris, les rumeurs s'amplifient quant à un coup d'Etat de Louis Napoléon. Le président élu démocratiquement envisage de rétablir l'Empire. Dans la rue le peuple gronde, mais la police espionne et parfois frappe.

Le premier tome de cette série prévue en trois parties, plante le décor, historique et politique, et présente les héros de l'intrigue. Stanislas de Rochebourg, jeune diplômé de l'Ecole des Mines, rencontre Thibault Marsan, artiste et photographe. Ils se lient d'amitié, notamment en raison de leur concordance de vue à propos de la République. Stanislas tombe amoureux de la jeune Fanny et découvre que dans l'ombre, des comploteurs sont prêts à tout pour faire taire les démocrates.

Remarquablement dessiné par Alain Grand, au trait classique, élégant et précis, cet album écrit par Régis Hautière annonce le départ des héros vers le nouveau monde et cet or qui donne son titre à la série.

« Pour tout l'or du monde », Soleil Quadrants, 14,30 € 

mercredi 4 mai 2011

BD - Trois femmes idéales par Anne Barrois et Anne Rouquette chez Fluide Glacial


Un casting de rêve. Les trois jeunes femmes composant le générique de ces histoires courtes sont, dans trois genres totalement différents, de véritables bombes. Alors, pourquoi ne sont-elles pas heureuses en amour ? La faute à l'époque certainement. Anne Barrois au scénario et Anne Rouquette au dessin racontent avec une certaine empathie les malheurs de Martine, Marie et Muse. La première est mariée depuis sept ans, a deux enfants et s'ennuie dans son rôle de femme au foyer. La seconde, toujours vierge à 38 ans, fantasme sur tout mâle passant à moins de cinq mètres d'elle mais n'ose jamais faire le premier pas. Muse, la plus déglinguée, est persuadée d'avoir un talent immense. En ce moment elle teste le polaroïd, photographiant sans cesse ses deux enfants, au risque de la rendre aussi fous qu'elle.

Trois femmes d'aujourd'hui, pas trop caricaturales, immergées dans leur époque, avec les avantages mais aussi les inconvénients de cette dernière.

« Histoires de filles », Fluide Glacial, 10,40 € 

mardi 3 mai 2011

Romans - Nouveaux Territoires pour nouveaux lecteurs

Comment faire lire les jeunes adultes ? Les éditions Fleuve Noir tentent de trouver une réponse en lançant une collection mêlant fantastique, thriller et fantasy.

Une histoire de jeune magicien, une autre de fin du monde : « Chat blanc » et « Un blog trop mortel » sont les deux premiers titres de cette nouvelle collection lancée par Fleuve Noir et intitulée « Territoires ».


« Chat blanc » est le premier tome de la série « Les Faucheurs » issue de l'imagination de Holly Black. Une sombre histoire de jeune magicien qui devrait plus particulièrement plaire à la gente féminine. Cassel, 17 ans, a tué son amie d'enfance. Mais il ne s'en souvient pas. Après tout, si sa famille le dit ce doit être vrai. Oui, sauf que dans sa famille, tous, à part Cassel, ont des pouvoirs paranormaux très dangereux. Et aussi très pratiques. Auraient-ils pu le manipuler ? Et que lui veut ce chat blanc qui vient le visiter en rêve toutes les nuits ? Cassel ne supporte plus le mystère et le silence qui planent sur lui. Il part à la recherche de la vérité et décide d'affronter les siens pour se débarrasser une fois pour toutes de ses cauchemars et de ses doutes. Holly Black est mondialement célèbre grâce aux Chroniques de Spiderwick (Pocket jeunesse) adaptées au cinéma en 2008. Auteur d'une vingtaine de livres pour la jeunesse, elle aime les ambiances gothiques et fantastiques.


« Un blog trop mortel » est plus marqué zombies et fin du monde. Ecrit par Madeleine Roux, une Américaine vivant dans le Wisconsin, ce roman est l'émanation d'un blog ayant remporté un incroyable succès. L'auteur a publié sur la toile l'appel au secours d'une certaine Allison Hewitt. Cette jeune fille expliquait à qui pouvait encore la lire : « Ceci est mon blog et peut-être le tout dernier témoignage. Les Infectés nous ont encerclés, ils sont de plus en plus nombreux. Quelques survivants m'accompagnent. Nous voulons rejoindre Liberty Village, un havre de paix pour les derniers hommes. S'il existe vraiment. Si vous lisez ce blog, où que vous soyez, répondez... Aidez-nous ! » Allison, armée de sa hache, affronte le chaos et devient une combattante de choc, symbole d'espoir pour les derniers humains. Beaucoup de frisson dans ce texte nettement plus gore que le premier. C'est certainement le meilleur exemple pour définir cette nouvelle collection à cheval entre deux âges, deux approches de la vie et de l'imaginaire. Jeune, on redoute d'avoir peur, un peu plus âgé on aime se plonger dans ces univers angoissants.


La collection, lancée en ce début avril, annonce d'autres titres pour les prochains mois. Ainsi le 1er juin vous pourrez dévorer les exploits de 
« Moi, Jennifer Strange, dernière tueuse de dragons » de Jasper Fforde, une trilogie hilarante où magie et monde moderne font un drôle de ménage. En septembre, place au « Bar de l'enfer » de A. Lee Martinez, (roman de bit-lit, littérature mordante pour jeune fille) où un vampire et un loup-garou vont s'associer pour sauver une ville des griffes d'une sorcière en pleine crise d'adolescence...

dimanche 1 mai 2011

BD - Quand quelques poils suscitent des doutes au sein d'un couple


« L'extravagante comédie du quotidien », tel est le surtitre général de cet album signé Grégory Mardon. Un peu à la façon d'un film de Rohmer, l'auteur décortique la relation d'un couple en légère crise. Elle travaille dans un journal, lui est inspecteur de police. Gracieuse, il est massif et poilu. Sur le conseil d'un ami (mais l'était-il vraiment ?), il se rase tout le corps pour donner un peu plus de piment aux ébats sexuels de son couple. 

Un choc pour sa femme qui a l'impression de faire l'amour avec quelqu'un d'autre. Un sentiment agréable qu'elle va chercher à reproduire, en vrai...

Une histoire de corps pour mieux explorer les âmes des personnages.

« Les poils », Dupuis, 18 €