samedi 19 février 2011

BD - Souvenirs de vacances


Ce joli roman graphique de plus de 100 pages a des airs de livre pour enfant. Tous les protagonistes ont moins de 10 ans et l'action se déroule dans un petit village durant les grandes vacances. Mais les thèmes abordés par Blaise et Robin Guinin, les auteurs, sont très adultes. 

Notamment la vengeance et la violence. Pierrot se souvient et raconte. Cet été-là, avec ses deux copains, Florentin et Xavier, ils décident de construire une cabane dans un arbre idéalement placé. Une semaine d'efforts et leur palais est prêt. Ils l'admirent, fiers de leur travail. Ils ne se doutent pas que c'est la dernière fois. Le lendemain la cabane est détruite. 

Sans preuve, ils accusent la bande rivale formée de Julie et des jumeaux. Ce n'est pas la guerre des boutons qui se rejoue mais une véritable guerre qui fera de graves dégâts dans les cœurs de ces enfants aux raisonnements d'adultes. 

Ce récit, parfois un peu trop manichéen, est implacable de logique. Jusqu'au geste de trop, définitif, irrémédiable. La maîtrise graphique des frères Guinin, un peu en décalage avec la noirceur des propos, est époustouflante.

« En attendant que le vent tourne », Casterman, 15 €

jeudi 17 février 2011

Roman français - Dérive philosophique

Un apprenti philosophe aimant trop les femmes, cherche solitude et calme dans un hôtel de montagne. Un roman picaresque signé Frédéric Pagès.

Max de Kool aime les femmes. Et la philosophie. Parfois, les deux ne font pas bon ménage. D'autant que Max, pourtant très pragmatique en toute occasion, a un point faible absolu : Julio Iglesias. Le chanteur à la voix de velours fait craquer ses conquêtes. Lui ne supporte pas ces roucoulades et sa colère vire souvent à la violence footballistique : tendance coup de boule à la Zidane.

Au début de ce roman picaresque signé Frédéric Pagès (journaliste au Canard enchaîné, inventeur de Jean-Baptiste Botul, faux philosophe repris très sérieusement par un Bernard-Henri Lévy n'ayant pas peur du ridicule), le héros, Max de Kool, se réveille dans un luxueux lit après une nuit d'amour torride. Pas de doute, les jambes qu'il entrevoit à côté des siennes sont bien celles de Blandina Blandinova, célèbre top model. Elles sont sublimes, « les plus belles du monde » selon les journaux people. Sublime c'est également le sujet qu'il potasse actuellement en philosophie. Il va tenter de passer, pour une énième fois, l'agrégation de philosophie, seule chose qui compte à ses yeux.

Des principes philosophiques, il en a à revendre. Ainsi, quand il constate qu'il vient de passer « sa première nuit avec un mannequin jambes », il se raisonne « Ne pas s'emballer, rester calme, ne pas se réjouir des événements heureux, c'est sa maxime. Le destin est le destin ; ce qui arrive arrive. C'est assez sommaire, mais efficace. Si on se réjouit quand tout va bien, on se plaindra quand tout va mal. » Justement, le beau fixe ne dure pas. Après quelques mois de parfait amour, toujours à cause de Julio Iglesias, il agresse Blandina. Recherché par la police, il se réfugie dans un hôtel abandonné perdu dans la montagne, entre France et Suisse.

Le philosophe et les Femmes

L'endroit, désert et isolé, semble idéal pour Max, désirant oublier pour quelques temps le genre humain, surtout le féminin. Pas de chance, une multitude de charmantes demoiselles vont croiser sa route, toutes plus craquantes les unes et les autres. D'abord Bintou, fière Africaine, sans papier, cherchant un avenir en Europe. Puis Aliénor, « mannequin voix », un peu mystique. Débarque ensuite Gertrude, gendarmette peu aguichante mais fan de Mme Guyon, philosophe française adepte du quiétisme. Gertrude aux sentences abruptes et définitives : « Regardez-moi ! Est-ce que je suis belle ? Non ! Je suis grosse, j'ai les pieds plats, mais je m'en tape. Et je n'ai pas de miroir dans mon sac à main ! D'ailleurs je n'ai pas de sac à main, je suis contre cette chose pathétique où se concentrent toutes les misères de la femme, tous les accessoires de son esclavage. Ah ! Mes chères sœurs, si vous pouviez vous passer de cette poche nauséabonde ! Ne cherchez pas où est votre égo : ni dans la tête, ni dans le ventre, mais dans votre sac à main ! C'est pour cela qu'il est plein à craquer ! »

L'hôtel tranquille se transforme petit à petit en endroit où l'on cause, puis en véritable lupanar quand arrivent des étudiants en commerce venus passer un week-end d'intégration. Frédéric Pagès se déchaîne, tirant sur tout ce qui bouge, des profs bouffis d'autosuffisance aux étudiants, vieux avant d'être vivants.

« Du pur amour et du saut à l'élastique », Frédéric Pagès, Libella – Maren Sell, 17 €

mercredi 16 février 2011

BD - Sherman story


Si Stephen Desberg est né en Belgique, son père est Américain. Un pays qui a nourri son imaginaire, lui donnant l'occasion de devenir un des scénaristes les plus côtés du petit monde de la bande dessinée. Les deux premiers tomes de sa nouvelle série, « Sherman », viennent de paraître. Dessinée par Griffo, elle propose un demi siècle de rêve américain par le prisme de l'ascension de Jay Sherman. Ce fils de vagabond, après une carrière d'homme de main dans la pègre, décroche le jackpot en séduisant la fille d'un richissime banquier. 

Les premières pages du tome 1 se déroulent durant les années 50. Le fils de Jay est sur le point d'être investit par les Démocrates. Il est favori pour devenir le prochain président des États-Unis. Un attentat meurtrier bouleverse les plans de Jay, déstabilisé face à l'acharnement de ses ennemis. 

Cette saga palpitante et prometteuse est dessinée par Griffo, déjà habitué au monde de Desberg grâce à « Empire USA ».

« Sherman » (tomes 1 et 2), Le Lombard, 11,95 € chaque volume. 

mardi 15 février 2011

BD - Balade dans le passé


La collection Poisson Pilote s'est spécialisée dans ces histoires décalées, loufoques et toujours étonnantes. Ce mois de janvier a vu l'éclosion d'une nouvelle pépite dans le genre, due au talent d'Antoine Perrot. Angie est chercheuse dans un laboratoire de cosmétique. Elle veut mettre au point une nouvelle crème de beauté à base de sperme de tanche birdachoise. Pour capturer un spécimen de ce poisson rare, elle embauche pour la journée un guide champêtre, Steve. 

Un bellâtre, séducteur invétéré qui tombe en arrêt devant la superbe Angie. Arrivés au bord de la rivière, les deux tourtereaux découvrent un étrange camping-car. Il s'agit en fait d'un vaisseau de voyage temporel. 

L'aventure bucolique sentimentale bascule dans la SF pure et dure avec saut dans le passé, combat contre les dinosaures, intervention d'hommes du futur chassant leurs ancêtres pour les transformer en esclaves chargés de travailler dans des usines de conditionnement de dindes, seul aliment du futur. 

Le trait faussement naïf de Perrot dévoile une Angie très sexy et des autochtones particulièrement patibulaires.

« Steve & Angie » (tome 1), Dargaud, 11,55 € 

lundi 14 février 2011

BD - Sorcière bordelaise

Nina est une sorcière. Cette jeune femme a reçu son don de sa grand-mère. Juste avant de mourir, la vieille dame lui a expliqué que ses mains avaient le pouvoir de guérir. Au début, Nina n'a pas pris au sérieux ces assertions. Jusqu'au jour où elle a soigné une camarade de classe. Depuis Nina porte des gants rouges et refuse d'utiliser son don.

 A Bordeaux, elle file le parfait amour avec Nils. Mais un soir, en rentrant d'une fête, Nils perd le contrôle de sa voiture et meurt dans l'accident. Nina, malgré son don, n'a pas réussi à le sauver. Quatrième volume de la collection "Sorcières" de chez Dupuis, « Héritages » est entièrement féminin. Le scénario est de Bénédicte Gourdon et le dessin de Stéphanie Hans. Le début de l'album n'a rien de fantastique, au contraire c'est une vie banale, d'un jeune couple aimant et insouciant. 

Tout bascule après la mort de Nils, Nina sombre dans la dépression et remarque qu'un homme la suit. Un magicien qui veut qu'elle accepte enfin la charge de sorcière. 

Le scénario implacable est illustré par de véritables peintures où les femmes, jolies et gracieuses, ont le beau rôle.

« Héritages », Dupuis, 13,50 €

samedi 12 février 2011

Premier roman - Psychanalyse militaire

Gabriel abandonne ses études de médecine pour s'engager dans l'armée française. Il raconte les combats en Afghanistan et son retour à la vie civile.



Difficile de croire que « Le revolver de Lacan » est un premier roman. Originalité, style parfaitement maîtrisé, construction aboutie : Jean-François Rouzières marque des points pour une première œuvre. Ce psychanalyste suit pas à pas Gabriel, le personnage principal, militaire de carrière dans la première partie, patient dans la seconde, médecin au final.

Les premières pages sont un peu déstabilisantes. Pour raconter le quotidien de Gabriel, engagé dans l'armée française, militaire d'élite faisant équipe avec Nadja, le Géant et Capa, l'auteur a choisi une construction sèche, saccadée, comme ces coups de feu incessants dans les multiples accrochages avec les terroristes terrés en Afghanistan. Cela semble très éloigné d'une certaine littérature classique, mais cela donne encore plus de force à ces passages au fort taux d'adrénaline. Et une fois le combat achevé, de retour au camp, Gabriel ne se donne aucun répit : « Sommeil. Réveil. Corps qui demande à vivre. Contrainte. Entraînement. Je ne connaissais rien de plus abrutissant. Mais j'en redemandais. Je ne saurais pas nommer cette force qui me pousse à ne pas être. A mourir. A s'avilir. A se consumer à petit feu. Dans une programmation suicidaire. »

Mathilde, amour impossible

On comprend rapidement que Gabriel a un réel problème avec la vie. Amoureux fou de Mathilde, cette dernière a préféré la sécurité à la passion. Elle s'est mariée, a eu des enfants d'un mari insipide mais riche et rassurant. Régulièrement, Gabriel retourne revoir Mathilde. Cela donne des scènes aussi violentes que les combats, le sexe en plus.

Finalement Gabriel quitte l'armée. Nadja est morte au combat, il n'a plus la force de se battre. Devient même muet, comme absent de cette existence qu'il ne cautionne plus. De retour à Paris, il s'installe dans une petite chambre et cherche à oublier ses problèmes existentiels en se dépensant physiquement. Il court de dizaines de kilomètres dans la ville, de jour comme de nuit.

Le mistigri de la psychanalyse

Un jour, arrivé près d'un parc, il remarque sur une porte d'entrée la plaque d'un psy : « Monte-Cristo, psychanalyste ». Gabriel force presque l'entrée et se lance dans une analyse imposée à un étrange médecin très fier de posséder le revolver de Lacan pour se défendre. Une véritable complicité va s'installer entre Monte-Cristo et Gabriel qui communique par écrit. L'ancien militaire va presque devenir dépendant de ces séances asséchant ses économies. Jean-François Rouzières change de style pour cette partie. Plus détendue, ludique et joyeuse à l'image de cette fin de séance : « Monte-Cristo me fit un clin d'œil et esquissa comme un pas de danse.

- Je suis le mistigri de la psychanalyse ! Eh oui ! Le mistigri de la psychanalyse ! » 

Dans la troisième partie du roman, Gabriel s'assagit enfin. Il reprend ses études, mais ne quitte pas l'action et l'uniforme du militaire. Il devient chasseur. Et boucle la boucle avec Mathilde. « Le revolver de Lacan » est aussi une histoire d'amour. Fou.

« Le revolver de Lacan », Jean-François Rouzières, Seuil, 18,50 €

 

BD - L'enjeu des étoiles selon Will Eisner


Ce roman graphique, paru initialement au milieu des années 80, est considéré par certains spécialistes comme le chef d'œuvre de Will Eisner. « L'appel de l'espace » semble parler d'extraterrestres, mais en réalité c'est la perfidie humaine qui est au centre de ce récit se déroulant durant les années 60. 

Un astrophysicien américain décrypte un message venant de l'étoile de Barnard. Immédiatement les Russes tentent de prendre les devants. Alors qu'une secte d'adoration des étoiles se crée, une multinationale œuvre en coulisse pour transformer cet engouement en juteux bénéfices. 

On meurt et on trahit beaucoup dans cette histoire illustrant une certaine mentalité ayant cours durant la guerre froide.

« L'appel de l'espace », Delcourt, 13,95 € 

vendredi 11 février 2011

BD - Sombre Belgique dans la série "Les temps nouveaux" de Warnauts et Raives

Fin des années 30 en Belgique. Dans ce pays comme tous les autres d'Europe, les conversations vont bon train sur la montée du fascisme. Le plat pays a lui aussi son mouvement national réactionnaire. C'est le Rexisme et il est en toile de fond de l'intrigue de cet album signé Warnauts et Raives. 

Dans un petit village des Ardennes, les habitants découvrent avec stupeur le retour de Thomas. Il a quitté le pays depuis huit ans, pour une vie d'aventure au Congo Belge. Il s'installe dans le restaurant qu'il vient d'hériter en compagnie d'Assunta, une fière Catalane, Républicaine et rouge. Thomas sera rapidement en conflit avec son frère, notaire, notable, rexiste. 

Romantisme, histoire et politique font bon ménage dans cet album passionnant.

«Les temps nouveaux» (tome 1), Le Lombard, 14,95 euros



jeudi 10 février 2011

BD - Jésus rit grâce à Goossens


La vie de Jésus Christ, même si elle ne finit pas dans la joie et la bonne humeur, peut être une source inépuisable de gags pour un auteur osant tout. Dans cette catégorie, Daniel Goossens s'est affirmé au fil des albums comme un expert. 

Ses deux héros, Georges et Louis, romanciers, entreprennent de réécrire la vie de Jésus Christ. Cela donne des récits de 3 à 5 pages, tous aussi absurdes les un que les autres. Par exemple, on ne sait pas si Jésus était maigre ou obèse, s'il portait des lunettes ou était noir. La seule certitude c'est qu'il avait les dents en avant. Pour une raison très simple : « ça peut devenir un avantage sélectif si l'humanité doit construire des barrages comme les castors après l'apocalypse. » 

Ce Jésus, très éloigné de celui du catéchisme, est effectivement un sacré comique...

« Sacré comique », Fluide Glacial, 14 €

mercredi 9 février 2011

BD - Succube pizza


Des personnages marquants, une intrigue soignée, un sacré coup de patte : « Freaks'Squeele » de Florent Maudoux a tout pour devenir une série phénomène. Ce quatrième tome propose la conclusion de la première saison et le début de la seconde. Chance d'Estaing, la démonette, affronte Ange Saint-Just.

 Elle représente la FEAH, l'école des loosers, face au héros de Saint-Ange. La jeune étudiante pourra bénéficier de l'aide de ses deux camarades de cours, Xiong Mao, héritière d'une triade chinoise et Ombre, un homme-loup aux motivations mystérieuses. Un combat final d'anthologie où le trait de Florent Mandoux donne toute sa puissance à cette série. « Freaks'Squeele » mérite deux lectures. 

Une première pour s'imprégner de l'histoire, une seconde pour détailler la richesse du graphisme. Mandoux est un maître, rapide et efficace. En plus il ne se prend pas au sérieux, truffant son récit de gags décalés, se mettant même en scène, ainsi que quelques lecteurs rencontrés sur le forum dédié à la série.

« Freaks'Squeele » (tome 4), Ankama, 14,90 €