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mardi 12 mai 2020

Thriller - L’alternative ottomane


Et si les Turcs, en 1683, avaient remporté la victoire lors du siège de Vienne ? Raymond Khoury transforme cette simple interrogation en vaste roman d’histoire spéculative, avec un peu de fantastique et beaucoup d’action. Un pavé idéal pour se changer totalement les idées car pas une ligne, pas une description, n’est le reflet de notre réalité mais celle, créée de toutes pièces par ce romancier à l’imagination débordante. 
Le secret ottoman fait partie de ces quelques livres sortis moins d’une semaine avant le début du confinement. Cela fait donc plus de 6 semaines que les exemplaires dorment dans les rayons des librairies fermées. Mais désormais vous pouvez de nouveau vous rendre dans ces temples de la culture pour acquérir ce roman qui mérite d’être découvert. 

Voyageur du temps

Le récit se déroule à deux époques différentes. En 1682 à Istanbul et à Paris en 2017. En quelques pages, on comprend que ce texte va nous entraîner dans une épopée étrange et totalement nouvelle. Dans la chambre du sultan de l’empire ottoman, Mehmed IV, un homme recouvert de tatouages apparaît. Il explique au souverain ce qu’il doit faire pour faire tomber Vienne dans le siège qu’il prépare pour l’été prochain. Les férus d’Histoire savent que le sultan a été battu lors de ce siège, scellant le déclin des Ottomans. Mais s’il avait remporté la victoire, que serait devenu notre monde ?
Réponse dans les pages suivantes, de nos jours donc, à Paris. Les minarets sont les constructions les plus hautes de la capitale de ce qui devenu une région de l’immense empire ottoman. On découvre cette réalité alternative d’une France passée sous la coupe musulmane depuis le XVIIe siècle dans les pas de Kamal, fer de lance de la police du sultan. Il traque les terroristes qui tentent de déstabiliser le régime. Mais d’autres membres de la police sont là pour mettre fin aux envies de liberté d’un peuple lassé de la rigueur de la charia. Un collègue de Kamal tente de le convaincre du bien-fondé de la politique répressive par cette formule : « Seule la peur peut nous protéger de nos instincts, parce que cette liberté dont ils parlent fait le lit de la corruption et de la décadence. » Bref, une France cauchemardesque, qui a perdu de sa superbe, où tout semble interdit, où les femmes n’ont aucun droit. 

Double réalité

Le lecteur est happé par la description de ce quotidien alternatif à notre réalité. Et on se dit souvent que finalement on a beaucoup de chance de vivre dans ce pays, avec ces lois et ces dirigeants. Mais Le secret ottoman est aussi un thriller d’anticipation. On comprend au bout d’une centaine de pages qui est le visiteur du sultan, avant le siège de Vienne. Ce voyageur du Temps, ayant déchiffré le fameux secret ottoman conservé dans les ruines de Palmyre, est le grand architecte de cette Europe placée sous la coupe du croissant. Mais ce qui a été modifié une fois peut-il l’être de nouveau ? Attention, les voyages temporels amènent toujours quantité d’interactions difficiles à maîtriser. Raymond Khoury s’en tire avec brio, permettant au lecteur de comparer les deux civilisations sans mélanger les époques.   

« Le secret ottoman » de Raymond Khoury, Presses de la Cité, 22 €

jeudi 7 août 2014

Cinéma - Quand l'hiver turc est d'or

 

Film de l'intériorité « Winter sleep » explore les rapports humains dans une petite localité turque, perdue au cœur de l'Anatolie. Intérieur des maisons, troglodytes, sombres et silencieuses. Intérieur de l'âme, tout aussi sombre parfois.

L'hiver rend encore plus rudes les conditions de vie dans cette région. Aydin (Haluk Bilginer), ancien acteur, est revenu au pays gérer l'hôtel légué par son père. Il dérouille son anglais auprès de Japonais ou routards européens attirés par une nature sauvage et authentique. Sa jeune femme, Nihal (Melisa Sözen) s'ennuie désespérément. Elle s'occupe en animant une association de bienfaisance chargée de rénover les écoles publiques. Le début du film montre Aydin faire le tour de ses terres en compagnie de son homme de confiance. Dans leur 4x4 brinquebalant ils vont de maison en maison, récupérer les loyers. Aydin possède quasiment tout dans la région. Il a encore l'aura d'un seigneur auprès de certains. D'autres le détestent comme ce gamin qui jette une pierre sur la voiture. Il a très mal vécu la saisie de la télévision par un huissier et l'humiliation de son père pour cause de loyer impayé.
L'histoire de Nuri Bilge Ceylan a des accents sociaux. Mais ce n'est qu'une infime partie des trois heures de cet hiver turc. L'essentiel se déroule dans le bureau de cet homme partagé entre tradition et modernité. Il y reçoit des amis, sa femme et sa sœur, Necla (Demet Akbag) récemment divorcée et échouée bien malgré elle dans cet hôtel triste et silencieux.

Magnifiques paysages
Pendant qu'Aydin écrit son éditorial hebdomadaire pour un journal local, elle est étendue dans le canapé, derrière elle, à lui poser des questions existentielles. La magie du film opère alors à plein. Dans une atmosphère tamisée, les acteurs jouent à merveille ces nantis en mal de reconnaissance. Et de s'interroger sans cesse sur leur passé, leurs erreurs et errements. Necla qui a quitté son mari, ivrogne et violent, regrette. Elle demande à son frère si elle n'aurait pas du donner une chance au mal. En gros, ne pas interrompre les violences par son départ, simplement subir, jusqu'à ce que le mari se rende compte par lui même du mal qu'il provoque. Ces discussions philosophiques émaillent sans cesse le film et le rend passionnant. D'autant que loin de faire la morale ou imposer un point de vue, le réalisateur laisse tout ouvert. A chacun de réfléchir, une fois sorti de la salle, sur ces questions universelles.
Et puis il y a aussi les décors, superbement mis en valeur par la caméra. Notamment quand la neige tombe et étouffe encore plus le paysage. Sans oublier quelques scènes d'anthologie comme la beuverie entre Aydin, son ami et l'instituteur qui a parfois un petit côté à la Lelouch. Un film magique, où le temps immobile semble paradoxalement passer plus vite qu'ailleurs. La Palme d'Or à Cannes est peut-être un peu surestimée, mais la virtuosité de Nuri Bilge Ceylan devait être récompensée.



Amour en retenue

Lors de sa présentation en mai à Cannes, nombre de critiques ont assimilé « Winter Sleep » à un film de Bergman. Il est vrai que les longs dialogues (parfois plus de 20 minutes sans la moindre action) donnent cette impression. Il y a également les relations tendues entre Aydin et sa femme Nihal. On semble alors plonger dans les mythiques « Scènes de la vie conjugale ». A une énorme différence près. Quand Bergman montrait le couple dans son ensemble (au lit, dans la salle de bain, dans la cuisine...), le réalisateur turc limite leurs relations au minimum. Et si Aydin dit aimer la très belle Nihal, il ne s'en approche jamais à moins de trois mètres. Quand il la découvre pleurant dans son lit de désespoir, il ne fait pas un pas vers elle. Jamais on ne le voit la toucher, l'embrasser... Différence de civilisation certainement, mais cela rend quand même difficile l'identification pour le spectateur occidental qui obligatoirement aurait réagi différemment car prendre une femme qui pleure dans ses bras est naturel dans nos contrées.
Du Bergman donc, mais sans le côté physique de certains films du maître suédois. Cette froideur et la distance entre les protagonistes renforcent le climat glacial du film.

lundi 14 octobre 2013

NET ET SANS BAVURE - La prison pour un simple bisou

Trois adolescents marocains
viennent de passer trois jours en prison. Leur crime : le garçon et la fille se sont embrassés sur la bouche devant leur collège et un ami, auteur de la photo, l'a publiée sur leur profil Facebook. Un simple baiser d'amoureux. Comme il s'en donne des millions chaque jour dans le monde entre jeunes de 14 et 15 ans. Un bisou, pas plus. Au Maroc c'est direct la prison et un procès pour « atteinte à la pudeur ». Si le Maroc a la réputation d'être très tolérant, il reste une chape religieuse difficile à briser. Il est interdit de s'embrasser en public dans un pays islamique. Samedi, après un appel relayé Facebook, quelques personnes ont organisé un « kiss-in » à Rabat en soutien aux jeunes accusés. Des couples se sont embrassés devant le Parlement. Mais pas longtemps car des contre-manifestants leur ont jeté des chaises trouvées sur une terrasse...

La Turquie aussi a la réputation d'être plus tolérante. Mais il ne faut pas aller trop loin dans le décolleté plongeant. La présentatrice d'une émission de variétés l'a appris à ses dépens. Sa robe noire, échancrée sur le devant, laissait deviner la courbe des seins. Un membre influent du parti au pouvoir a trouvé son attitude extrême car, en plus de dévoiler un brin de peau, elle dansait et souriait. Pas de prison pour Gözde Kansu, mais la porte. Sur le champ. Virée avec pertes et fracas par sa direction. Noëlle Noblecourt, une des premières speakerines françaises, licenciée en 1964 pour avoir dévoilé ses genoux, doit bien rigoler... 

Chronique "Net et sans bavure" parue en dernière page ce lundi en dernière page de l'Indépendant.