mercredi 3 mars 2010

BD - Poubelle symbolique


Publié dans la collection « Poisson Pilote », ces récits complets de Krassinsky auraient fait les beaux jours de Pilote, version mensuel sous la direction de Guy Vidal. Les fables de la poubelle car « toutes les belles histoires ont déjà été racontées. Il reste les autres. » L'humour noir règne en maître dans ces pages où tout un chacun peut se reconnaître. 

Du voyageur incommodé par les cris d'un bébé dans un train au baigneur prenant son pied en faisant pipi dans les piscines, les personnages imaginés par l'auteur, tout en étant extrêmes, ont une vérité qui dérange. Allant de une à dix pages, ces fables ne finissent pas forcément mal. 

Dans le lot, avouons une préférence pour celle des tomates ou « comment devenir végétarien en taquinant son épicier de quartier ».

« Les fables de la poubelle » (volume 1), Dargaud, 10,95 €

mardi 2 mars 2010

BD - Voleur condamné


Marc N'Guessan est un dessinateur réaliste surdoué très apprécié en dédicace. Après avoir tâté de la science-fiction, de la fantasy et de l'adaptation (il a dessiné trois volumes d'Arthur et les Minimoys...), il se frotte pour la première fois au récit contemporain. 

Le jour de Noël, dans une ville du Nord de la France, le scénario de Jakupi raconte la folle course d'Andrëi, un voleur à la tire sans papiers. Il tombe par hasard sur son oncle et ce n'est pas de chance car ce dernier, surnommé le Boucher, a pour mission de l'éliminer. 

Cette confrontation s'achèvera dans une friche industrielle transformée en atelier d'artiste. Haletant, plein de rebondissements, ce récit se dévore comme un polar, aussi sombre que la couverture.

« Jour de grâce », Dupuis, 14,50 € 

lundi 1 mars 2010

BD - Le Narval, plongeur téméraire


Cet album a le parfum de l'aventure et de l'exotisme des BD des années 60. Mais avec des personnages d'aujourd'hui. Robert Narval est plongeur professionnel. Le spécialiste que l'on sollicite quand il n'y a plus d'espoir ou lorsqu'on navigue en eaux troubles. 

Ce beau gosse, expert dans son domaine ne craint personne excepté son patron qui par ailleurs est son père, fondateur de l'agence Bloodshift. Ce premier recueil propose cinq histoires complètes pour mieux cerner le personnage imaginé par Supiot et dessiné par Beuzelin. Cinq destinations, de la Bretagne à la Polynésie en passant par l'arctique. 

Dépaysant et passionnant, cela pourrait n'être qu'un hommage aux grand anciens (Greg ou Franquin), mais c'est tellement réussi qu'on en redemande.

« Le Narval » (tome 1), Editions Treize Etrange, 9,90 €

dimanche 28 février 2010

Essai - Le massacre des Bobos


Cet essai intitulé "Les Bobos me font mal" est une sorte de «mise au poing» qui n'y va pas avec le dos de la cuillère. François d'Epenoux, concepteur-rédacteur dans une agence de publicité a écrit ce livre en réaction au 22 avril 2002, quand Le Pen s'est retrouvé au second tour de la présidentielle. L'auteur n'a que peu apprécié les cris d'orfraie des bourgeois bohèmes, les fameux Bobos, affolés à l'idée que leur représentant, Lionel Jospin, soit éliminé au premier tour.

Dès la couverture le tir de barrage commence : « Bourgeois bohèmes, minorité mal intégrée à qui l'on doit une droite un peu gauche et une gauche maladroite.» Mais c'est encore peu de chose comparé à l'intérieur. Quand des millions de Français votent pour l'extrême-droite, François d'Epenoux ne supporte pas que ces Bobos fustigent ces égarés des isoloirs. « La liberté de penser s'arrête là où l'indécence commence. On a beau jeu de déféquer sur des électeurs désespérés quand on pète dans la soie depuis sa naissance. On a beau jeu de mépriser le petit peuple quand on appartient à une aristocratie de gauche dont les quartiers couvrent un périmètre allant de la rue de Buci à la rue Oudinot. » Parfois cet essai est carrément méchant, d'autres fois il met le doigt là où cela fait mal mais très souvent il est avant tout humoristique.

La description de ces Bobos, plus ridicules que dangereux, est très réussie.

Aujourd'hui ils sont moins près du pouvoir, mais François d'Epenoux regrette leur trop grande influence sur le milieu des arts et des médias. Même si l'existence de ce livre prouve qu'ils n'ont pas encore réussi à tout verrouiller...

« Les bobos me font mal » de François d'Epenoux, ed. Anne Carrière, 12,50 euros (livre paru en 2003) 

samedi 27 février 2010

Roman - Le dictateur et le hamac


Selon Daniel Pennac, il n'y a pas de meilleur endroit qu'un hamac pour imaginer des histoires. Un hamac si possible accroché pas trop loin d'un flamboyant. Ce serait dans ces conditions que lui est venue l'idée d'écrire un roman sur un dictateur agoraphobe. Ce dictateur, Manuel Pereira da Ponte Martins, « un nom plausible pour un dictateur », règne sur un petit état du Brésil ayant pour capitale Teresina. Mais une fois que Pereira a assassiné le précédent dictateur, il s'ennuie. La vie en Europe semble tellement plus exaltante. Il décide donc de mettre à sa place un sosie et de profiter du luxe de l'autre côté de l'Atlantique.

Daniel Pennac raconte la vie du dictateur, jusqu'à sa mort, inéluctable puisque prédit par une voyante. Fin du roman ? Non car dans des chapitres de transition, où l'auteur se livre, racontant son processus de création et les réactions de son entourage, il annonce la suite : la vie du sosie. Tout le roman prend alors sa force, son souffle et son originalité. Ce sosie, dont on ne saura pas le nom, ancien barbier, remplit son rôle le mieux qu'il peut. Ce roman, très différent de la série des Malaussène, parsemé de réflexions personnelles, nous emmène également au Sertao, région très pauvre du Brésil, sur le plateau du Vercors et dans les cinémas de Chicago.

Sans oublier la présence permanente de Charlie Chaplin, enchanteur éternel, celui qui a tout inventé au cinéma.

« Le dictateur et le hamac », Daniel Pennac, Gallimard, 22,50 € (roman paru en 2004 et disponible en Folio au prix de 7,70 €) 

vendredi 26 février 2010

BD - La vie comme elle va


Clémence nous entraîne une seconde fois dans le quotidien de cette famille urbaine moderne et très réaliste. Elle profite du format de la collection (près de 200 pages taille livre de poche) pour donner du temps aux situations de se placer, aux personnages de dévoiler leurs petits secrets. A l'arrivée, cela donne un peu la trame d'une série télé, genre « Plus belle la vie », la sensibilité en plus, les rebondissements farfelus en moins.

Ce second tome est marqué par l'installation dans la famille française de Sandy, l'attachée de presse américaine de la mère, écrivain au succès de plus en plus planétaire. Le père continue à prendre soin de tout son petit monde, notamment ses deux filles, l'une libérée et testant au maximum toutes les distractions offertes par le sexe, l'autre romantique et amoureuse platonique de son professeur de chant. Le fils, en pleine crise d'adolescence, trouve aussi l'âme sœur en la personne d'une jeune fille qui, comme lui, adore les hamsters... 

Sandy va mettre un peu plus de joie et de bonne humeur dans ce cercle familial complété par la grand-mère, très malade, à moitié paralysée sur une chaise roulante mais ayant encore toute sa tête. En lisant ces différents chapitres prenant pour héros à chaque fois un membre de la famille différent, on se laisse emporter dans ce tourbillon de vie et de vitalité, malgré les difficultés et les hésitations. 

Le dessin rond, efficace et minimaliste de Clémence devrait lui permettre de proposer rapidement la suite de ce feuilleton de la vraie vie.

« Rillettes au sucre » (tome 2), Clémence, Delcourt, 8,95 € 

jeudi 25 février 2010

BD - Parker & Badger déménagent


Les deux personnages imaginés par Cuadrado sont enfin de retour en France. Et pour l'occasion ils changent... d'éditeur. Ce 7e titre est publié par Dargaud, les six premiers restant chez Dupuis. Parker c'est un grand dégingandé en pantalon baggy, le dos vouté et la casquette à l'envers. Badger c'est son animal domestique, un blaireau qui se prend pour un chien. Ces deux-là sont une mine de gags. Ils semblent être la version moderne de Gaston et de Bill... 

De retour dans leur appartement, ils doivent se coltiner Nicolette, une fille rencontrée au USA et qui se révèle être particulièrement collante. Elle en pince pour Badger, mais ce dernier est toujours amoureux de la belle Clarisse, qui trouve refuge dans les bras de Aaron, le fils d'un milliardaire californien. 

Les relations tendues entre ces quatre forment la trame de l'album qui voit également le retour du concierge irascible, M. Garcia. Et cerise sur le gâteau, vous trouverez dans cet album une planche d'autocollants pour montrer à tout le monde que vous êtes « certifié 100 % blaireau ».

« Parker & Badger » (tome 7), Dargaud, 9,95 € 

mercredi 24 février 2010

BD - Redécouvrir toute la magie graphique de Wasterlain


Marc Wasterlain a été un précurseur dans la bande dessinée pour la jeunesse, dès le milieu des années 70. Première innovation, il a injecté une énorme dose de poésie dans ses histoires du Dr Poche. 

Et puis il n'a fait aucune concession pour arrondir son trait, le rendre plus doux, dans la norme des autres auteurs de l'époque, de Peyo à Franquin. Résultat, quand débute dans le Spirou numéro 2001 « Il est minuit, docteur Poche », c'est un véritable choc pour nombre de lecteurs. Une dessin plus sombre, une ambiance plus adulte, certaines scènes carrément inquiétantes, notamment quand les mannequins s'animaient tels des robots destructeurs. 

Une histoire qui ne laissait pas indifférent d'autant que cet auteur avait un style bien à lui. Le Dr Poche a vécu d'autres aventures, avec plus ou moins de succès commercial. Puis Jeannette Pointu, l'aventurière imaginée par Wasterlain a pris le dessus. 

Aujourd'hui, la réédition des trois premières histoires du Dr Poche, en intégrale (240 pages) et dans l'ordre chronologique, est une formidable opportunité de redécouvrir un auteur majeur de la BD, malheureusement un peu tombé dans l'oubli.

« Docteur Poche » (Intégrale, tome 1), Dupuis, 24 € 

mardi 23 février 2010

BD - Alien crade


Si vous recherchez une BD pleine de poésie et de finesse pour vos rejetons, évitez le nouvel opus des aventures de Samson et Néon par Tébo. Par contre, si votre enfant est un adepte de blagues un peu crades et pas très nettes, il adorera ces héros de BD qui dépassent allègrement les limites. 

Samson, jeune écolier, a pour meilleur ami Néon, un extraterrestre rose. Ils forment un couple infernal, vivant des péripéties dans toute la galaxie ou dans la cour de récréation. Dans le premier récit complet, le couple désire rendre service à Michel, un pote à Néon, immense cyclope désirant faire bonne impression auprès de sa fiancée Onguline. Il leur demande d'exploser les furoncles qui ornent ses fesses. Comme les boutons font un mètre de diamètre, imaginez l'explosion de pus... 

Le reste de l'album est à l'avenant, jouant avec tout ce qui fait rire quand on est jeune et boutonneux. Ce n'est pas du meilleur goût mais cela plait beaucoup dans les cours de récréations. 

Une BD déjantée qui a fait l'objet d'une adaptation télévisée. Un DVD reprenant un épisode est d'ailleurs offert avec cet album.

« Samson et Néon » (tome 7), Glénat, 9,40 € 

lundi 22 février 2010

Thriller - De la lâcheté à la vengeance

Chronique de la bêtise et de la haine ordinaire dans ce thriller de Jacques Expert racontant un fait divers de l'intérieur.


C'est sûr, il n'aurait pas du boire ce soir-là. Et ne pas répondre au téléphone en conduisant. Mais Jean-Pierre Boulard n'est pas du genre à se faire dicter sa loi. Roulant de plus en plus vite car il est en retard pour le repas du soir (et sa femme Christine ne plaisante pas avec les horaires), il percute un gamin qui circulait à vélo. S'arrête mais préfère prendre la fuite quand il voit que « le gamin est salement touché ». Ce n'est que le lendemain matin, alors qu'il arrive au travail, qu'il apprend la nouvelle. Le fils d'Antonio Rodriguez, un ouvrier de la société, est mort, tué par un chauffard qui a pris la fuite.

Sur ce fait divers horriblement banal, Jacques Expert a construit un thriller psychologique implacable. Et le dénouement final est dans le titre : « Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils ». Un roman qui nous plonge au cour d'une certaine France, celle de l'individualisme, de la prétention. Tout le roman est écrit à la première personne. Par les quatre principaux protagonistes : Antonio Rodriguez, le père de l'enfant mort, sa femme Sylvia, Jean-Pierre Boulard, le chauffard et Christine, son épouse. 

C'est Jean-Pierre qui raconte le premier. Sa soirée arrosée et l'accident. « Le petit a du faire un écart sur la gauche » tente-t-il de se persuader. Constatant que « du sang gicle de sa bouche », « je me rends compte en un instant de toutes les emmerdes qui m'attendent ». La suite est horrible mais logique quand on connaitra mieux la personnalité de Boulard : « La nuit tombe, la petite route est déserte, personne n'est passé. J'ai du pot et il faut que j'en profite. Vite ! » Et alors qu'il enclenche la première, laissant l'enfant mourir lentement de ses blessures, Boulard jubile : « J'ai vraiment eu de la chance et j'ai bien fait de me tirer. »

L'effondrement d'une famille

Cette première partie est très dure mais interpelle car on ne peut s'empêcher de s'imaginer à la place du chauffard. Un roman miroir qui se prolonge avec l'autre côté du drame, du côté du père. Antonio Rodriguez a tout pour être heureux. Marié à Sylvia, ils ont deux enfants. Un garçon puis une fille. Au dernier Noël, l'aîné a eu ce vélo qui le faisait tant rêver. Ce vélo rouge qui aura indirectement provoqué sa mort et l'effondrement de cette famille. 

Durant de longues semaines, Boulard se fait tout petit, les gendarmes piétinent et Antonio n'en peut plus de ne pas connaître l'identité de l'assassin de son fils. Quelques mois plus tard, alors Sylvia s'enfonce dans une profonde dépression, elle fait jurer à Antonio de retrouver le chauffard et de le tuer. Le père qui est persuadé d'avoir enfin démasqué le lâche un soir, après avoir remarqué que Boulard passe régulièrement sur cette portion de route. Il est sur le point de passer à l'action quand le gendarmes lui annoncent qu'un chômeur alcoolique vient d'avouer...

Jacques Expert a parfois un peu forcé le trait, mais ses personnages restent très crédibles. Par leurs différentes réactions, ils nous interrogent sur notre responsabilité, notre raison, nos sentiments, de la lâcheté à la vengeance. L'encre de ce roman est puisée dans toutes les noirceurs de l'âme humaine.

« Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils », Jacques Expert, Editions Anne Carrière, 18 €