mardi 27 septembre 2022

De choses et d’autres - Un (presque) éloge royal

Je m’étais promis de ne pas écrire une ligne sur la mort d’Elizabeth II. Mais impossible de passer à côté. Pas sur l’événement en lui-même qui reste une toute petite anecdote à côté de la guerre en Ukraine, de l’inflation, du réchauffement climatique et même de l’élimination des Dragons ou la seconde défaite d’affilée de l’USAP.

Ce qui me frappe, c’est la folie qui déferle sur les chaînes d’information en continu. Depuis trois jours, elles déblatèrent sans fin sur la mort d’une vieille dame de 96 ans. Dans ma rue, une autre mamie de 96 ans a tiré sa révérence. Plus discrètement. Je l’ai appris car sa descendance organisait un vide maison ce week-end.

La différence entre les deux c’est que l’une d’entre elles a vécu modestement, élevant ses enfants tout en travaillant durement. Une vie populaire à mettre en opposition avec une existence royale. Pourquoi en faire tant pour quelqu’un qui n’a jamais bossé de sa vie, est née riche, n’a connu ni la faim ni le froid alors que l’autre, malgré les difficultés du quotidien, n’a jamais failli à sa tâche ?

Une injustice selon moi, farouche partisan de la République, Français fier de la Révolution qui a mis fin à la royauté et aux privilèges iniques de la noblesse.

D’ailleurs je ne comprends toujours pas pourquoi des hommes et des femmes vouent une telle admiration à d’autres qui sont souvent plus bêtes qu’eux mais dont l’arbre généalogique (le pedigree si l’on veut être méchant), est simplement connu depuis des siècles. Alors à contre-courant, loin de la déférence généralisée, entendons le (presque) éloge royal de quelques-uns : « La reine est morte, vive la République ! ».

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 12 septembre 2022

lundi 26 septembre 2022

De choses et d'autres - Une BD sur le Brouhaha de la vie quotidienne

Nouvelle BD hilarante dans la collection Pataquès de chez Delcourt. Arthur Levrard explore la vie quotidienne des Français, dans le Brouhaha de leurs rapports souvent abscons. Des gags en une planche, six dessins au trait très simples, agrémentés de couleurs simples, délavées.

La force des petites histoires est concentrée dans ces dialogues, les fameux brouhahas qui polluent notre quotidien, que l’on n’entend plus. Pourtant, il y a des pépites au cœur de ces situations du quotidien. Comme cette discussion à la machine à café d’une entreprise.

Deux employés bavardent. Le premier demande à son collègue de résumer le projet sur lequel il travaille. Il est réticent et finalement avoue : « L’idée serait que j’assassine, chaque matin, un membre de ton entourage, afin d’effectuer un classement de tes proches d’après l’intensité de tes hurlements face à leur cadavre. » Humour noir d’une rare efficacité.

Comme cet homme, perdu dans la foule à contre-courant, hurlant « Je suis malheureux » sans provoquer la moindre réaction du troupeau de moutons. Quelques pages plus loin il crie « J’ai envie de crever » sans plus d’effets. Mais à la fin de l’album, quand un de ses voisins propose une bière pong, tout le monde accepte avec joie…

« Brouhaha », Delcourt, 13,50 €

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 17 septembre 2022

BD - Rire en travaillant


Le monde du travail a radicalement changé en quelques années. Métiers émergents, télétravail, management agressif… On est loin du boulot pépère qui durait toute une vie. Beaucoup regrettent. D’autres s’éclatent dans ces rapports sociaux différents. Germain Huby, auteur de BD, y trouve une source d’inspiration infinie.

Dans son dernier recueil de gags intitulé « Métro, boulot, boulot », il raconte par l’absurde ce monde du travail en mutation. Comme cet ouvrier en dépression, car il comprend, à rebours, qu’il a fait le travail d’un robot, durant des années, sur la chaîne de production. Jusqu’à se demander s’il n’est pas lui-même un robot. Le plus ridicule reste ce père qui se déguise en influenceuse mode et se filme quand il constate que sa fille, encore adolescente, « touchait cinq fois son salaire mensuel à chaque post ».

La boucle est bouclée quand, aux Tuileries, un sans-papier africain tente de vendre une petite tour Eiffel à un couple de Chinois. Réponse du mari : « J’en ai déjà des comme ça ! C’est celles que je fabrique à Zhejiang ! »

« Métro, boulot, boulot », Delcourt, 12,50 €

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 10 septembre 2022

dimanche 25 septembre 2022

De choses et d’autres - Des chiffres et des lettres

Me voilà encore bien énervé. La faute à ces maudits captchas qui apparaissent dès qu’on doit aller sur un site un peu sécurisé. Énervé pour deux raisons. La première, j’ai été incapable de déchiffrer le message en lettres et chiffres aléatoires déformés. Au troisième essai, impossible d’aller plus loin.

Énervé aussi par la justification donnée pour placer ces captchas : « Pour vérifier que vous n’êtes pas un robot, reproduisez les lettres ci-dessus. » Bien évidemment que je ne suis pas un robot. Pour qui vous me prenez, satanée suite logicielle composée de 0 et de 1 !


Et au summum de ma colère, je me dis que c’est un comble : pour empêcher que les robots ne se fassent passer pour des humains, on exige des humains qu’ils prouvent ne pas être des robots. C’est l’inverse qui devrait être mis en place. Il faudrait initier des captchas que seuls les robots pourraient résoudre. Ainsi, indirectement, ils avoueraient ne pas être des humains mais de sophistiqués programmes informatiques.

Nous, bêtes organismes vivants à l’intelligence limitée, on passerait l’étape du captcha et tout serait plus simple.

Raisonnement par l’absurde qui n’a que peu de chance d’être efficace. Et puis ce n’est pas parce que moi je n’arrive pas à déchiffrer ces codes que d’autres n’y trouvent pas du plaisir.

D’ailleurs, si vous aimez reproduire des chiffres et des lettres déformés, vous avez peut-être l’occasion d’envisager une reconversion professionnelle. Des sociétés (pas forcément très honnêtes), embauchent des humains pour passer l’étape du captcha. Ensuite, un robot prend le relais et pirate les comptes que vous avez ouverts. Un bon résumé de l’avenir de l’Humanité : devenir les serviteurs de robots tout puissants.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 19 septembre 2022

De choses et d’autres - Silence, on achète !

Connaissez-vous le principe de l’heure calme ou heure silencieuse ? Elle n’existe malheureusement pas dans les commerces que je fréquente. Et je le regrette. J’ai appris, récemment, sur les réseaux sociaux, l’existence de ces temps si particuliers, mis en pratique dans certaines enseignes de la grande distribution.


Durant une heure par jour, les lumières sont tamisées, la musique et les annonces micro coupées, les appareils de nettoyage restent au garage. On peut donc faire ses courses au calme, dans le silence, sans agression extérieure. Si l’initiative s’adresse au départ aux personnes autistes, de même qu’à ceux et celles qui ne supportent pas les lumières crues et le bruit, elle emporte l’adhésion de la grande majorité des clients.

Beaucoup, en découvrant cette atmosphère différente, plus zen et détendue, admettent à quel point effectuer ses courses dans un grand bazar bruyant peut être éprouvant. Je crois que la discrétion qui entoure ces heures calmes est voulue par tous ceux qui en profitent. Comme on ne divulgue pas un coin à champignons, ils veulent préserver ce moment unique.

Car si tout le monde se rue au magasin à ce moment, une autre sorte d’agression fera monter le stress : la foule.

Le plus étonnant, selon les témoignages des habitués, est de constater que même les clients parlent d’une voix feutrée. Comme si tout devait contribuer à préserver ce niveau sonore bas, cette ambiance douce.

Je ne sais pas si je serais plus prompt à acheter dans un magasin en pleine heure calme, mais il est sûr que je serais beaucoup moins pressé de quitter les rayons qu’en temps ordinaire.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 9 septembre 2022

samedi 24 septembre 2022

De choses et d’autres - Relaxation de saison

Philippe Delerm, en son temps, avait décrit dans un adorable petit livre ces « plaisirs minuscules » qui nous font tant aimer la vie. A sa façon, j’ai constaté que mon panthéon des moments agréables est souvent constitué de renaissance et de redécouverte liées aux saisons.

 Tout commence début janvier, quand je constate, émerveillé, que les jours commencent, enfin, à rallonger. Ensuite, c’est une succession de retrouvailles, comme si le cycle éternel des saisons permettait d’adoucir le temps qui passe. Dans l’ordre, les premiers mimosas, les asperges sauvages, qui devancent le printemps, le muguet de mai, les cerises rouges et gorgées de jus sucré, les melons (première fleur de l’Aude, les meilleurs), l’arrivée des touristes…


Mais, ce que j’attends le plus, chaque année, paradoxalement, ce sont les premières noix fraîches, en vente dans les magasins spécialisés. Elles sont arrivées la semaine dernière. J’en ai acheté une vingtaine, soigneusement choisies (il faut qu’elles soient encore un peu humides) et je me suis immédiatement mis à la tâche. Car, ce que je préfère dans les noix fraîches, ce n’est pas de les déguster, mais de les décortiquer.

Il faut délicatement casser la coquille pour en retirer les cerneaux intacts. Avec un couteau effilé, j’entreprends alors de décoller la peau très amère qui recouvre la chair blanche. Un travail minutieux, de patience. Le meilleur exercice de relaxation que je n’ai jamais pratiqué.

Avec une satisfaction encore plus importante quand je parviens à conserver la noix en entier. Je considère, alors, cet exploit aussi phénoménal que si j’avais escaladé le Canigou. Et vous, quelle est l’occupation du quotidien qui vous permet de retrouver instantanément calme et sérénité ?

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 20 septembre 2022

BD - L’or de Dali


Seconde partie de l’histoire de Salvador Dali et la guerre d’Espagne. Pas un biopic mais une œuvre de fiction dans le cadre de la collection Jour J qui utilise les ressorts de l’uchronie pour revisiter notre passé. Grâce à Dali, les Franquistes sont sur le point de perdre la guerre.

Mais le peintre est enlevé dans sa maison de Cadaqués et torturé. Il ne dira rien et parviendra même à s’évader pour aller mettre en lieu sûr l’or des Républicains. Une histoire surréaliste avec des homards, des espions russes, quelques anarchistes et de méchants nazis s’affrontant de Lisbonne à Perpignan.

Le scénario est signé Duval et Pécau avec une mise en images par un dessinateur Brésilien réaliste très talentueux : Arlem Renato.

« Jour J » (tome 47), Delcourt, 14,95 €

vendredi 23 septembre 2022

BD - Maya, petite fille seule face à l’infini de l’univers


Maya est une petite fille de 8 ans absolument adorable. Juste un peu trop éveillée pour son âge. Elle pose beaucoup de questions sur l’univers, Dieu, la vie en général.

Pour y répondre, c’est Léonardo, son meilleur ami, encore plus intelligent qu’elle ou son oncle Eugène.

Des questions qui sont comme autant d’interrogations sur ses parents, disparus depuis des années dans un accident d’avion. Mais comme les corps n’ont jamais été retrouvés, Maya doit vivre avec l’incertitude. Imaginées par Adam (dessinateur du très ludique Game Over), ces histoires courtes en une ou deux planches sont d’une étonnante profondeur.

Et le final vous donnera des frissons. Aussi sûr que l’univers est sans limite !

« Maya », Glénat, 14,50 €

jeudi 22 septembre 2022

De choses et d’autres - Études frigorifiques

On se demande parfois à quoi ça sert de faire de longues études. Dernier exemple en date, la décision prise par la direction de l’université de Strasbourg. Face à l’envolée du prix de l’énergie, et pour faire des économies sur la facture, il a été décidé de fermer tout le campus durant deux semaines supplémentaires, cet hiver.

Dans le genre « on est très intelligent, on a bac plus 8, mais on gère au jour le jour », il n’y a pas pire. Même un élève de CP aurait pu prendre une décision aussi simpliste. Résumé simplement : « Le chauffage coûte trop cher ? On coupe le chauffage ! »


Oui, mais du coup, on supprime aussi tous les cours en présentiel. Avouons, cependant, que pour beaucoup de jeunes, c’est une aubaine. En plus des deux semaines de fin décembre, ils se retrouvent avec sept jours de bonus (du lundi 3 janvier au dimanche 8) pour récupérer des excès des réveillons. Et ils auront encore une semaine en février où les portes de l’université resteront fermées.

Cela ne suffira pas, il a donc été décidé que le chauffage sera rallumé le plus tard possible et réglé sur un petit 19°.

L’an dernier, un scandale avait secoué le campus de Bordeaux, car les radiateurs des cités universitaires étaient à peine tièdes. Cette année, si rien n’a été fait pour remédier au problème, le même organisme girondin recevra des lauriers du gouvernement pour ces quelques degrés d’économisés.

Problème, c’est au détriment des étudiants qui ne pourront que moins bien étudier dans la froidure hivernale. Reste la solution extrême qui va, forcément, être un jour mise sur la table : placer les grandes vacances de novembre à février compris et travailler tout l’été. À condition d’installer des climatiseurs dans les facs, canicule oblige.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 21 septembre 2022

Roman - Les « Commencements » de Catherine Millet


Comme elle le fait remarquer dans ce nouveau « roman », Catherine Millet n’a qu’un seul thème inspirant : elle-même. Ces Commencements racontent ses débuts dans la vie, quand encore à peine adolescente elle a découvert la puissance de l’amour, est entrée dans le milieu journalistique et de l’art contemporain, a quitté ses parents pour vivre en autonomie.

Un texte parfois un peu décousu, avec une multitude d’hommes, d’amis, d’amants, qui lui permettent de pleinement découvrir la vie libre, libertine. Il y a cependant moins de détails explicites que dans ses précédentes autobiographies.

On découvre dans ces pages l’intellectuelle, celle qui se rêvait poète et qui redoutait aussi de devenir adulte. « L’adolescence, c’est la période où l’on hésite à sortir de l’enfance, je n’avais pas envie de perdre le privilège d’être celle qui se contente de regarder et qu’on tient à l’écart sous prétexte qu’elle ne peut pas comprendre. » La petite Catherine va donc grandir et on va découvrir dans son sillage l’effervescence de ce Paris des années 60 et 70.

« Commencements » de Catherine Millet, Flammarion, 20 €