jeudi 3 mars 2022

De choses et d’autres - L’essence de la campagne

En précisant que la nouvelle mesure du gouvernement pour alléger la facture énergétique des Français prendrait effet le vendredi 1er avril, certains ont pensé que Jean Castex se moquait de ses concitoyens en dévoilant le pire poisson d’avril 2022. C’est pourtant tout ce qu’il y a de plus sérieux, à partir de ce jour, tout client bénéficiera d’une ristourne de 15 centimes par litre acheté.

Pourquoi 15 ? Pourquoi le 1er avril ? Il est parfois des questions qu’il ne faut pas poser. Car au train où va l’inflation de l’essence, ces 15 centimes seront soustraits à un carburant qui dépassera les 3 euros. Autre problème qui se profile, durant cette semaine qui débute le lundi 28 mars, plus personne ne va faire le plein, attendant le vendredi et provoquer sans doute des files d’attente monumentales.

Sans compter les aigris qui vont souligner que ce cadeau électoral d’un président-candidat, n’intervient que 10 jours avant le premier tour. Est-ce suffisant pour obtenir leur voix ?

Et si par un incroyable concours de circonstances, Emmanuel Macron n’était pas réélu, son successeur maintiendrait-il la mesure où ferait mieux ? Car pour ce qui est des promesses sur le prix de l’essence, la surenchère est aisée. Zemmour promet de bloquer le prix du litre à 1,80 €. Sans doute avec du pétrole russe acheté à vil prix. Mélenchon promet encore plus d’économies avec le litre bloqué à 1,40 €. Là, ce sont des millions de barils de pétrole vénézuélien qu’il faudra importer en France.

Et puisqu’on parle provenance de la matière première, j’attends que des distributeurs précisent l’origine des carburants vendus à la pompe. Faire le plein c’est bien, mais faire le plein avec de l’essence garantie sans pétrole russe ni la moindre goutte de sang ukrainien, c’est quand même mieux.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 13 mars 2022

mercredi 2 mars 2022

DVD - Drive my car, théâtre des émotions

Drive my car, film de Ryusuke Hamaguchi fait figure de favori dans la course à l’oscar du meilleur film étranger. Mais ce chef-d’œuvre en langue japonaise qui vient de sortir en DVD et blu-ray chez Diaphana Vidéo, réussit l’exploit de briguer trois autres statuettes : meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté et surtout meilleur film tout court, en compétition avec Licorice Pizza, Dune ou The Power of the dog. Mais on ne peut que vous conseiller, avant le verdict du 27 mars, de « rattraper » ce film dans sa version vidéo. Tiré d’une nouvelle de Haruki Murakami, cette histoire de deuil tourne autour du théâtre. 

Voiture rouge

Yûsuke Kafuku (Hidetoshi Nishijima) est metteur en scène. Il travaille sur la pièce Oncle Vania de Tchekov. Sa femme, scénariste pour la télévision, trouve ses idées en faisant l’amour. Les 20 premières minutes du film (qui dure au total 2 h 45), montrent ce quotidien très millimétré du couple, marqué par de nombreux trajets dans la voiture d’un rouge rutilant de Yûsuke. La première bascule intervient quand il apprend que son épouse le trompe avec le jeune acteur d’une de ses séries. Peu de temps plus tard, il la retrouve morte dans l’appartement, victime d’une hémorragie méningée. Deux ans plus tard, Kafuku se rend à Hiroshima pour mener un atelier international toujours sur Oncle Vania. Il a une chauffeuse pour lui faire les trajets entre le théâtre et sa résidence provisoire. Misaki Watari (Toko Miura), jeune provinciale est une taiseuse. Au fil des trajets, ils vont se découvrir et comprendre qu’ils ont un point commun : un deuil récent. La femme de Yûsuke d’un côté, la mère de Misaki de l’autre. Et chacun se sent responsable de cette mort. 

Théâtre universel

Le film devient grandiose au fur et à mesure du rapprochement de ces deux écorchés, continuant à vivre, travailler et à avancer, mais sans la moindre envie. Et pour donner encore plus de corps à ce propos fort, le réalisateur filme longuement les répétitions de la pièce, décortiquant avec minutie la technique de travail d’un metteur en scène exigeant et original. C’est ce parallèle entre la plongée dans le monde intérieur des protagonistes et l’universalité d’une œuvre culturelle qui a traversé les siècles et les continents qui donne sa formidable maestria à ce film envoûtant. Du très grand cinéma. L’académie des Oscars ne s’est pas trompée.


De choses et d’autres - Un (très) léger retard

Certaines informations semblent parfois tomber comme un cheveu sur la soupe. Lundi le masque ne sera plus obligatoire dans les lieux clos soumis au passe vaccinal. De plus, selon Gabriel Attal, la prochaine étape courant mars sera la levée dudit passe tant décrié par les « adorateurs de la liberté individuelle ». Bref, sur le front du Covid, tout va mieux.

On n’est pas sorti de la crise, mais on a l’impression de pouvoir reprendre une vie normale. C’est pile à ce moment tant attendu depuis des mois et des mois par les Français épuisés après couvre-feu, attestation de déplacement, confinement et triple vaccination que le laboratoire français Sanofi annonce la mise au point de son vaccin anti-covid.

Dans un proche avenir, l’expression « arriver après la bataille » sera remplacée par « utiliser le vaccin Sanofi ».

J’espère que le gouvernement ne s’est pas engagé à acheter des millions de doses de ce nouvel anti-virus car au rythme où est tombée la vaccination ces dernières semaines, il faudra des années pour écouler tous les flacons. On est comme ça en France : quand la situation est grave, on prend son temps pour réagir. Et même quand on arrive longtemps après la plupart, on continue à claironner qu’on est une grande puissance.

Par chance, cette annonce du vaccin de Sanofi est passée relativement inaperçue dans le flot d’informations de la journée de mercredi. Pas à cause de la crise ukrainienne. Non, un certain Douglas (qui en réalité se nomme Clovis) a agité la sphère des commentateurs politiques. Douglas, le premier des chiens à voter lors de la primaire des Républicains.

Non mais sans blague, cette campagne n’est plus « Impossible n’est pas français », mais plutôt « le pire est toujours français ».

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le 24 février 2022

mardi 1 mars 2022

Série animée - The Boys Diabolical


Amazon Prime Vidéo prolonge le succès de sa production originale, « The Boys ». La série de super-héros pas du tout politiquement correcte bénéficie d’une déclinaison en version animée interdite aux moins de 18 ans. « The Boys Diabolical » vient de débarquer sur la plateforme de streaming et les amateurs de second degré, de gore et d’excès en tout genre seront comblés. Ces épisodes de 14 minutes sont indépendants les uns des autres. Ils utilisent les ressorts du monde imaginé par Eric Kripke. Les Supes sont au centre des intrigues. 

Le premier épisode, quasiment muet, comme un toon de la grande époque, raconte comment un chercheur de chez Vought, tente de sauver un bébé dont les pouvoirs ne sont pas convaincants. Un adorable bébé qui devient redoutable quand il éternue : ses yeux se transforment en laser et détruisent tout ce qu’il regarde. Un exemple parmi les 8 épisodes qui semblent aller crescendo dans l’hémoglobine

De choses et d’autres - Menu unique : poutine

Poutine par-ci, Poutine par-là : l’actualité internationale manque de diversité. Le maître du Kremlin impose son tempo et dicte son menu à tous les autres grands du monde. Il n’y a qu’au Canada que le Vladimir est considéré avec amusement. Car là-bas, le mot Poutine, loin de signifier une menace de 3e guerre mondiale est associé au plat national. La poutine canadienne est par excellence le plat qui réchaufferait un mort par - 40 degrés.

Des frites chaudes, garnies de morceaux de fromage (généralement de la mozzarella) et recouvertes d’une sauce brune à base d’échalotes, de sucre, de maïzena et de bouillon de volaille. Environ un million de calories aux 100 grammes. Il est sûr que si Poutine mange une bonne part de poutine, après le repas du midi, il n’aura pas envie d’aller guerroyer aux frontières de l’Ukraine mais plus certainement de s’allonger dans un canapé et de lentement digérer cette arme de destruction massive fabriquée outre-Atlantique.

On pourrait d’ailleurs imaginer une tactique culinaire des alliés occidentaux pour mettre l’ours russe hors d’état de nuire. Le chancelier allemand arrive avec une choucroute, le président Macron avec un cassoulet, Joe Biden avec une dinde de Thanksgiving (minimum 5 kg, avec la confiture aux airelles qui colle aux dents) et Boris Johnson avec n’importe quoi de mitonné dans un foyer anglais.

Si après ça Justin Trudeau propose une poutine à Poutine pour clore les négociations, on assistera à une débandade intestinale du nouveau Tsar.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le 23 février 2022

jeudi 17 février 2022

De choses et d’autres - WC sur roulettes

Les propriétaires de voitures sont souvent des maniaques de la propreté. Après chaque pluie de sable, ils sont des dizaines à faire la queue pour passer leur belle auto sous les rouleaux afin de la récupérer rutilante.

Le problème, c’est que si la saleté extérieure est visible et donc rapidement à éliminer, la crasse intérieure elle se voit beaucoup moins. Et pourtant elle est beaucoup plus importante. Une étude (britannique), révèle que l’intérieur d’une voiture est plus sale que des toilettes. Cinq voitures récentes ont été analysées de même que deux cuvettes de toilettes.

Résultat il y a beaucoup plus de bactéries fécales dans les véhicules que dans les WC. Le lieu les plus contaminé ? Le coffre, suivi du siège du conducteur.

Si en temps normal les voitures sont donc sales, je préfère ne pas imaginer l’état des véhicules qui ont participé aux « convois de la liberté ». Durant cinq jours, les protestataires ont roulé, mangé et dormi dans leur véhicule chéri. Arrivés à Paris, les forces de l’ordre n’ont pas pris de pincettes pour arrêter et immobiliser ces hypothétiques fauteurs de trouble.

Pourtant, s’ils avaient eu connaissance de cette étude, ils auraient sans doute pris un peu plus de précaution avant de déloger les conducteurs de derrière leur volant.

En fait, le meilleur argument que l’État aurait dû sortir pour stopper le cortège de protestataires, c’est tout simplement de mettre en avant le risque sanitaire. Car en réalité, ces voitures étaient de véritables bombes bactériologiques qui s’ignoraient.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 14 février 2022

mercredi 16 février 2022

De choses et d’autres - Le chef coco selon Marc Dubuisson

Dans le monde réel, on ne sait pas encore qui sera élu président de la République française en avril prochain (même si beaucoup trouvent que le suspense est assez limité).

Chez Marc Dubuisson, dessinateur humoriste, le président, à la surprise générale, est une noix de coco. Un fruit exotique assez hermétique mais avec une précision importante : avec un nœud papillon.

Le président Noix de Coco l’a emporté dans la dernière ligne droite distançant le « candidat d’extrême-droite pro-armes et climato-sceptique et la candidate néo-libérale qui souhaite interdire la mort avant l’âge de la retraite pour optimiser la productivité nationale. » Alors, évidemment, une noix de coco à la tête de la France, ce n’est finalement pas si mal.

En plus, comme elle ne parle pas, il y a peu de risques de dérapages au cours d’un sommet européen.

Reste les conseillers, éditorialistes, sondeurs et simples votants qui vont se demander, durant tout cet album de 120 pages, quelle est la politique de ce président atypique. Cela donne l’occasion à l’auteur de manier l’absurde et la parabole politique jusqu’à des sommets rarement atteints.

« Le président est une noix de coco », Delcourt, 11,95 €

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 12 février 2022

mardi 15 février 2022

De choses et d’autres - Voleurs et écolos

Même les voleurs de voiture voient désormais la vie en vert. Ils abandonnent les diesel pour se rabattre sur les voitures hybrides. Le traditionnel classement des voitures les plus volées l’an dernier, publié par le magazine Auto Plus à partir des chiffres des assureurs, place Toyota Prius en tête des vols de voitures en France, en 2021. Les écolos doivent se réjouir de constater que c’est une voiture un peu plus propre qui domine ce classement. Le diesel n’est plus du tout attrayant, même pour les voleurs ; et l’essence est en train de se faire dépasser par l’hybride.

A ce rythme, la voiture la plus volée dans 5 ans sera une tout électrique.

Il faut cependant tempérer ce résultat. Car, selon la revue spécialisée, si la Toyota Prius attire tant les margoulins, ce n’est pas en raison d’une conversion de ses derniers à la protection de la planète et au combat contre le réchauffement climatique. Plus prosaïquement, c’est en raison de la présence de nombreux métaux rares dans le pot d’échappement catalytique de la Prius qu’elle est si recherchée. Certains se contentent même de démonter le pot et de laisser le reste de la voiture sur place.

Un peu comme à une certaine époque, quand seuls les sièges arrière des Clio étaient volés, uniquement pour alimenter un trafic de voitures de sociétés qui en étaient dépourvues.

Par contre, dans la suite du classement, pas de doute, ce sont les voitures en entier qui sont volées : la luxueuse DS 7 Crossback et la sportive Renault Mégane RS.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 11 février 2022

lundi 14 février 2022

De choses et d’autres - Amour, toujours

Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, tout est bon pour déclarer sa flamme ou la raviver. « Encore une opération commerciale pour nous faire dépenser l’argent qu’on n’a pas ! » vont protester les plus aigris, souvent célibataires. Certes, mais allez expliquer ça à votre petite amie, compagne, épouse ou maîtresse (je vois large en matière d’amour, sans limite ni exclusive). Le repas, en amoureux, par exemple. Certains restaurants préparent des menus dignes des réveillons du Nouvel An

Il est cependant possible de faire des économies en choisissant la soirée en tête à tête à une « table en coin VIP pour profiter d’un service à table pour un moment de détente en amoureux ». Moment de détente, mais pas de gastronomie, car dans ce fast-food, pour un menu acheté, vous aurez droit à un café, une glace et une surprise en cadeau. J’espère quand même que le chevalier servant d’un soir aura l’élégance d’aller vider le plateau de sa belle dans la poubelle.

Dans mon village, depuis une bonne décennie, des cœurs sont accrochés aux lampadaires avec écrit dessus des maximes à la gloire de l’amour qui auraient pu, pour certaines, terminer comme titre d’un roman de la collection Harlequin. J’ai même découvert un fauteuil en acier (pas du genre Game of Thrones…), peint en rose bonbon et orné d’un superbe cœur pour réaliser des clichés inoubliables. Enfin, sauf en cas de rupture dans les deux semaines. A priori l’amour n’est pas une maladie, mais j’ai parfois des doutes sur les effets de ce sentiment si mystérieux sur l’intelligence des « infectés ». Même si, par chance, il n’existe pas de vaccin.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 10 février 2022

dimanche 13 février 2022

Cinéma - Avant-première du film "À demain mon amour" au Castillet

Monique et Michel Pinçon-Charlot ont longtemps été sociologues dans les beaux quartiers de la capitale. Le réalisateur Basile Carré-Agostini les a suivis durant plusieurs années pour un documentaire retraçant leur combat contre les capitalismes. Le film est présenté en avant-première ce mercredi 16 février à 19 h en présence de Monique Pinçon-Charlot.


Exceptionnel parcours que celui du couple Pinçon-Charlot. Monique et Michel se rencontrent à la bibliothèque universitaire de Lille. Encore étudiants en sociologie, ils sont mariés depuis 50 ans. Résolument de gauche et adeptes des méthodes de Pierre Bourdieu, ils décident de se lancer dans une étude exhaustive d'une catégorie sociale peu référencée jusqu'alors : la grande bourgeoisie fortunée.

Un travail de très longue haleine (20 ans comme directeurs de recherche au CNRS), qui leur permet de signer de nombreux ouvrages de référence. Une fois à la retraite, ils abandonnent les beaux quartiers pour continuer leur engagement contre le capitalisme. Toujours très amoureux, ils ont accepté d'ouvrir leur quotidien à la caméra de Basile Carré-Agostini, réalisateur de documentaire. Durant plusieurs années il a filmé leur vie privée de toujours jeunes amoureux mais aussi leurs luttes quotidiennes et interventions universitaires.

"Vivre la lutte dans la joie"

Le film, présenté en avant-première ce mercredi 16 février à 19 heures au Castillet sort nationalement le 9 mars prochain. Entre manifestation de Gilets Jaunes, rencontres avec des militants ou retour dans les beaux quartiers, "À demain mon amour" raconte la France de ces années 2010, celle des petites gens qui ne s'en sortent plus. Des inégalités sociales qui ne font que grandir mais qui ne découragent pas le couple de sociologues.

Monique Pinçon-Charlot sera présente lors de la projection et se prêtera au jeu des questions après le documentaire. Elle pourra sans doute expliquer, comme elle l'a fait dans le dossier de presse du film, pourquoi "le tout est de vivre la lutte dans la joie. C’est la seule règle. C’est ce que nous avons vécu tous les deux pendant 50 ans. Il faut lutter dans le plaisir, l’issue est incertaine, on n’a qu’une vie, autant qu’elle soit le plus joyeuse possible ! La camaraderie et la solidarité évitent également d’être tétanisés et de se décourager face à la violence des capitalistes." Elle reviendra aussi sur leur but commun : "Aujourd’hui à la retraite, nous essayons d’aider le prolétariat, à se défendre dans la lutte des classes en cours, mais dont seuls les dominants semblent avoir conscience."