dimanche 29 mars 2020

Polar - Un très lointain héritage dans « Richesse oblige » signé Hannelore Cayre


Tous ceux qui ont aimé « La Daronne », son précédent roman policier vont adorer « Richesse oblige », nouveau livre signé Hannelore Cayre. On retrouve un peu de son esprit dans cette histoire de famille qui passe du XIXe au XXIe siècle au gré des chapitres. Un parallèle entre deux époques revendiqué par l’autrice. Le lien entre les deux récits, c’est le nom de famille des protagonistes : de Rigny. Première à entrer en scène, Blanche. Dernière d’une branche oubliée de la famille, elle vivote au palais de Justice de Paris, chargée de la reprographie des procès-verbaux d’audition de suspects ou de mis en examen. Un boulot peu exigeant, réservé aux grands handicapés. Car Blanche, à 16 ans, un soir de beuverie, a eu un accident de voiture. Ses trois meilleurs amis sont morts sur le coup. Elle, éjectée, a eu la colonne vertébrale brisée. Depuis elle marche avec des béquilles et des orthèses.

Bobo avant l’heure
L’autre héros du roman c’est son très lointain ancêtre, Auguste de Rigny. Ce fils de bourgeois, bobo avant l’heure, jouissant sans réserve de son statut de privilégié mais converti au socialisme, tremble car l’heure de conscription arrive. Il a une chance d’y échapper grâce au tirage au sort. Perdu. On est en 1870 et dans quelques semaines il a toutes les chances de rejoindre l’armée pour 9 années et surtout partir au front : les rumeurs de guerre avec la Prusse se faisant de plus en plus pressantes. Son père va alors tout faire pour épargner son plus jeune fils et cherche à acheter un pauvre bougre qui prendra sa place. Une pratique tout à fait légale que le père justifie à son fils gauchiste en ces termes : « le remplacement militaire est une bonne chose en ce qu’il contribue justement à rétablir cette justice sociale qui t’est chère. Il fait tomber l’argent des mains de ceux qui en possèdent dans celles, vides, de ceux qui n’en ont pas, pour au bout du compte donner à l’armée un bon soldat au lieu d’un mauvais. » La partie historique du roman raconte comment Auguste tente d’échapper à l’uniforme alors que la Commune vient lui faire rêver du Grand soir.

Interdit d’être pauvre
Pour Blanche, le social, ce n’est pas son truc. Handicapée, maman d’une petite fille, vivant à la colle avec une autre handicapée, tout est bon pour s’en sortir. Même quelques trafics de listes de contacts de consommateurs de drogues diverses et variées (volés dans les dossiers qui lui passent entre les mains) que l’on peut revendre un bon prix à des dealers en mal de clientèle. Mais Blanche va voir plus grand en découvrant qu’elle fait partie des rares héritières de la fortune des de Rigny. Comment faire pour que la plus éloignée des branches de cet arbre généalogique devienne la dernière en course pour hériter des millions sur les comptes en banque, des propriétés immobilières et du yacht de 35 mètres ? Quelques coups de pouce au destin devraient permettre à Blanche d’être digne de la maxime de la famille : « Un de Rigny peut faire de sa vie ce qu’il veut, mais il lui est interdit d’être pauvre ! »
Beaucoup d’humour noir et de conscience de classe dans ce roman policier où la frontière entre bien et mal est plus que fluctuante.

« Richesse oblige » de Hannelore Cayre, éditions Métailié, 18 €

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