mercredi 21 octobre 2020

Cinéma - “Adieu les cons” : la cavale ultime

Toujours aussi acerbe, Albert Dupontel brocarde de nouveau notre société devenue folle.

Le suicidaire (Albert Dupontel), la condamnée (Virgine Efira) et l’aveugle (Nicolas Marié), le trio improbable de la cavale du film Adieu les cons.  Jérôme Prébois - ADCB Films


Depuis toujours, Albert Dupontel a un faible pour les ratés, les oubliés de la vie, les imparfaits et autres inadaptés à notre société du toujours plus beau, toujours plus brillant. Il puise dans ces personnages des idées de scénario où toute sa loufoquerie couplée à un anarchisme radical permet de transformer le banal en extraordinaire. Adieu les cons n’échappe pas à cette règle, avec cependant de plus en plus de tendresse pour ces handicapés de la vie sociale.

Tout débute dans le cabinet d’un médecin. Suze Trappet (Virginie Efira) découvre les radios de ses poumons. Elle trouve ça très joli. Le toubib, lui, s’égare en circonvolutions pour ne pas avouer de but en blanc qu’elle est condamnée. JB (Albert Dupontel), informaticien austère, est mis au placard pour laisser la place à un jeune diplômé plus dynamique. Désespéré, il décide de se suicider. Cela tourne mal et le voilà en fuite avec Suze, qui va lui demander de retrouver le fils qu’elle a abandonné quand elle était adolescente. Pour cela ils vont avoir besoin de l’aide de M. Blin (Nicolas Marié), un archiviste rendu aveugle après une bavure policière. Ces Pieds Nickelés vont déjouer tous les pièges des forces de l’ordre et localiser le médecin qui a accouché Suze. Le docteur Lint (Jackie Berroyer), souffre de démence sénile, mais cette histoire lui permet de retrouver un peu de lucidité et finalement, après bien des péripéties improbables (qui font tout le sel du film), le trio va enfin mettre la main sur ce fils disparu et l’aider à mieux gérer sa vie sentimentale de geek coincé et introverti.

Trio équilibré

Cela semble touffu résumé de cette façon, et pourtant le film est d’une fluidité absolue. Les désespoirs de Suze, l’honnêteté de JB, les bravades de M. Blin permettent à chacun de tirer le meilleur de l’autre. Une réelle complicité, tendresse aussi, se noue entre les trois. A noter que dans le rôle de la petite amie du fils de Suze, Marilou Aussiloux, comédienne originaire de Narbonne, prouve qu’elle est aussi à l’aise en tailleur chic qu’en robe d’époque qu’elle porte dans La révolution série diffusée sur Netflix. Autre petit rôle remarqué (et remarquable), Terry Gilliam des Monty Python interprète d’un vendeur d’armes à feu qui pourrait faire de l’ombre à Trump. 

Et la morale de l’histoire me direz-vous ? Elle se résume par le titre du film : Adieu les cons !

Film français d’Albert Dupontel avec Virginie Efira, Albert Dupontel, Nicolas Marié



mercredi 29 juillet 2020

Roman - Soyez humains, aidez les animaux


Si Séverine de la Croix est surtout connue dans le milieu littéraire pour ses contributions jeunesse et ses scénarios de BD, son nouveau roman adulte devrait changer la donne. L’histoire chorale de Mado, Lazslo, Issa ou Agnesse est belle, passionnante, on ose même le terme d’apprenante devenu à la mode cet été. Mado, aide-soignante à Uzès dans le Gard, a un don. 

Quand elle touche les mains d’une personne, elle découvre son avenir, ses qualités ou ses pires défauts. Voilà comment elle décide avec son colocataire Lazslo d’aller sauver un chien martyrisé par un homme qu’elle a soigné peu de temps auparavant. Une expédition mouvementée, où elle ne doit son salut qu’à l’intervention d’un mystérieux policier, Issa, si beau et gentil qu’elle en tombe raide amoureuse sur-le-champ. 

Si les histoires de cœur font un peu cliché, le reste du récit, sur la résilience et l’action directe contre la maltraitance des animaux, compense le tout. 

« Au milieu de la foule », Séverine de la Croix, Éditions du Rocher, 17,90 €

mardi 28 juillet 2020

BD - Souvenirs d’un été dramatique


Cela fait des années que Lisa et Aless sont amis. Ils vivent tous les deux au bord du lac, rêvent de construire un radeau, pratiquent le karaté. Et puis du jour au lendemain, Aless disparaît. Sa mère s’est noyée dans le lac. 

Quelques années plus tard, alors qu’elle est devenue une jeune fille, Lisa pense encore à son copain quand elle passe à côté de la maison abandonnée. Et 21 jours avant le 15 août, date présumée de la fin du monde selon un illuminé local, on sonne à sa porte. C’est Aless…

 

Ce roman graphique de 200 pages signé  Silviana Vecchini (scénario), Sualzo (dessin) est d’une grande tendresse. Lisa tente de comprendre pourquoi ces années de silence. Elle parviendra à surmonter les doutes de son ami en appliquant simplement les 20 préceptes du karaté, plus philosophie que sport.  

« 21 jours avant la fin du monde », Rue de Sèvres, 16 €

lundi 27 juillet 2020

Thriller - Puzzle inuit


Si le dicton « Qui aime bien châtie bien » est vrai, Mo Malo adore son héros récurrent Qaanaaq Adriensen. Dans sa 3e enquête, Nuuk, récemment parue, l’auteur entraîne le chef de la police du Groenland dans une série d’épreuves risquées. Outre le fait qu’il risque à tout moment la révocation en raison de ses agissements des précédents romans (Qaanaaq et Disko, des villes de cette île glacée, comme Nuuk), il risque de tomber dans un précipice alors qu’il est au sommet d’une montagne sacrée, se crashe en hélicoptère en pleine mer arctique, se fait attaquer par un requin et tombe en motoneige dans une crevasse. 

Mais pour ce colosse qui devient également père entre deux courses-poursuites, le pire est sans doute les séances quotidiennes obligatoires avec la psy de la police, Pia Kilanaq, qui se révèle aussi opiniâtre que lui pour le faire parler quelqu’un en interrogatoire. 

Un polar doublement dépaysant en cette période de canicule.  

« Nuuk » de Mo Malo, La Martinière, 20,90 €

samedi 25 juillet 2020

Biographie - Femme et aventurière



Si de nos jours manifester dans la rue les seins nus est le principal exploit de certaines féministes, dans le temps, d’autres militantes prenaient beaucoup plus de risque. 

Dans la nouvelle biographie de Jane Dieulafoy écrite par Audrey Marty, on redécouvre les nombreux faits d’armes de cette Toulousaine intrépide. Dès la guerre de 1870, elle se déguise en homme pour participer aux combats. À la fin de sa vie, elle sera une de celles qui obtiendra le droit des femmes de participer à l’effort de guerre. 

Entre, avec son mari Marcel, elle parcourt 6 000 km au Proche-Orient découvrant des richesses archéologiques toujours exposées au Louvre, notamment les lions de Suse. Toujours habillée en homme (ce qui lui vaudra d’être moquée dans les journaux satiriques), elle écrira un opéra pour Camille Saint-Saëns donné en 1902 dans les arènes de Béziers. 

Elle meurt en 1916, laissant un mari éploré et une œuvre à redécouvrir.

« Le destin fabuleux de Jane Dieulafoy », Audrey Marty, Le Papillon Rouge Éditeur, 19,90 €

vendredi 24 juillet 2020

BD - Trois sœurs et un secret



Alessandro Barbucci, Italien de Gênes installé à Barcelone, a un style inimitable. On reconnaît au premier coup d’œil les femmes ou filles qu’il dessine.

 Impossible de trouver plus charmant. Après avoir effeuillé son héroïne de Ekho (Arleston au scénario), il propose une série plus sage avec trois sœurs et beaucoup d’interrogations. 



Les premières planches laissent penser que c’est encore un univers magique. Mais on est dans le rêve de Sarah, l’aînée des sœurs Grémillet. Elle croise une petite méduse. Quel est le sens de ce rêve ? A-t-il un rapport avec la jeunesse de sa mère ? 

Plus spécialement destiné au public féminin, ce récit doux et fantasque, aborde le thème des secrets de famille et surtout la meilleure façon de s’en défaire. 

« Les sœurs Grémillet » (tome 1), Dupuis, 13,95 €

jeudi 23 juillet 2020

Polar - Déguste, c’est du Manchette !



Paru en 1971 dans la Série Noire, L’affaire N’Gustro de Jean-Patrick Manchette est la première pierre à son édifice le plaçant au sommet du roman noir français. Après avoir beaucoup écrit (pour la télévision, le cinéma et des romans de commande sous pseudonyme), il décide de se lancer dans le grand bain. Dans cette réédition, on découvre qu’il délaisse les intrigues entre flics et gangsters pour un roman social s’inspirant de l’enlèvement de Ben Barka. Là où il fait sensation c’est qu’il se place du côté du fasciste. 

Le narrateur, Henri Butron, fils de médecin, a mal tourné. Étudiant il était du côté de l’extrême droite dans les rangs de ceux que Manchette affrontait au quotidien, lui qui était situationniste. 

La modernité de l’écriture de Manchette s’impose immédiatement. Et nous voilà complètement fascinés par Butron mais aussi par les deux militaires africains qui viennent de l’abattre. Car tout cela finit mal, très mal. 

« L’affaire N’Gustro » Jean-Patrick Manchette, Série Noire, 14 €

mercredi 22 juillet 2020

BD - Guerre civile et magie dans No War


La série No War d’Anthony Pastor se bonifie de tome en tome. Plus d’efficacité dans le dessin, intrigue prenante, personnages attachants : c’est la preuve que le roman graphique BD est capable de se réinventer. Le Vukland, petit archipel imaginaire de l’Atlantique Nord est sur le point d’exploser. 

Alors que des affairistes sont arrivés au pouvoir, les Kiviks, premiers habitants, refusent la construction d’un barrage sur leurs terres sacrées. La police intervient alors que les Chinois manigancent pour mettre la main sur le pétrole local mais aussi, et surtout, les pierres magiques des Kiviks aux pouvoirs fabuleux. 

Dans ce chaos, un groupe de jeunes tente de concilier modernité, tradition et vie libre. 

« No War » (tome 4), Casterman

Série télé - Faut pas énerver les nonnes !


Tirée d’une BD très sexy (sexiste pour certains…), la série télé Warrior Nun diffusée sur Netflix est beaucoup plus sage. Le résultat manque un peu de pimpant, la distribution très européenne desservant un peu cette production du Canadien Simon Barry. 

Dans le rôle principal, Alba Baptista, actrice portugaise qui parle en anglais et parfois en espagnol, l’action se déroulant en Andalousie. Elle interprète une tétraplégique de 16 ans, morte quelques heures plus tôt, est ressuscitée par le halo d’un ange la transformant en nonne guerrière. 

Elle devra, malgré son opposition, combattre les démons et une conspiration à l’intérieur du Vatican. Les combats sont impressionnants, les effets spéciaux acceptables. Le meilleur restant les décors naturels méditerranéens très ensoleillés. Ça donne d’aller y passer ses vacances. Dommage… 

Cinéma - Allemagne, pays meurtrier

Markus Bach (Felix Kramer) et Patrick Stein (Trystan Putter), flics et ennemis. KMBO


Polar allemand se déroulant dans les années 90 peu de temps après la réunification allemande, Lands of murders est en réalité le scénario de La isla minima, long-métrage espagnol de Alberto Rodriguez. Le policier, ancien franquiste est remplacé par un colosse passé par la Stasi. Dans cette ancienne Allemagne communiste, livrée aux capitalistes, deux policiers sont chargés d’enquêter sur la disparition de deux jeunes filles.

 Markus Bach (Felix Kramer) de la police locale doit faire équipe avec Patrick Stein (Trystan Putter), un pur et dur de la police de l’Ouest. Tout le début du film est construit sur l’opposition entre ces deux hommes. Le premier, adepte de la méthode forte, quand la police avait tous les droits dans la RDA, voudrait mener l’enquête à sa façon. On rentre dedans, on secoue les suspects et on attend qu’ils craquent. Le second, flic moderne, qui respecte les procédures, pose des questions, tente de découvrir la vérité en observant. 

L’enfer de la réunification

Quand les corps des deux femmes sont retrouvés, atrocement torturés en mutilés, la hiérarchie exige des résultats rapides. Paradoxalement, aucune des deux méthodes ne fonctionne. Bach et Stein sont en territoire ennemi, la gendarmerie est corrompue, les locaux soudés pour ne rien dire. Une chape de plomb pèse encore sur la région en pleine déshérence industrielle. 

Usines sur le point d’être rachetées et démantelées, fermes abandonnées, rivières polluées : tout dans l’ex-RDA a un goût d’apocalypse. Un véritable enfer où un diable s’amuse à tuer d’innocentes jeunes filles qui elles ne désirent qu’une chose : rejoindre Berlin pour un nouveau départ. 

Alors face à l’adversité, les deux policiers vont s’apprivoiser, s’épauler, collaborer et finalement comprendre le nœud du problème. Film sombre sur une période de l’histoire allemande rarement abordée, Lands of murders séduira tous les amateurs d’ambiances troubles et délétères.

Film allemand de Christian Alvart avec Trystan Pütter, Felix Kramer, Nora von Waldstätten