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lundi 16 janvier 2023

Cinéma - “Retour à Séoul” et à ses origines

Durant des années, la Corée du Sud a servi de réservoir à bébés pour les couples français en mal d’enfants. Une filière d’adoption très active, mais qui a, forcément laissé des traces dans la construction de ces hommes et femmes coupés de leurs racines. David Chou s’empare du sujet dans Retour à Séoul, avec le cas particulier de Freddie (Park Ji-min). Elle a 25 ans, a vécu toute son enfance dans la campagne française (le Lot), habite désormais Paris et devait passer 15 jours au Japon. Le hasard a voulu qu’elle ait finalement choisi, au dernier moment, Séoul comme destination de vacances. 

Très vite, elle va entrer en contact avec l’organisme chargé des adoptions et tenter de rencontrer ses parents biologiques. Une quête de parents qui ne se passe pas comme elle le voudrait. La mère refuse de la rencontrer. Le père par contre, alcoolique et possessif, ne veut plus qu’elle reparte en France, qu’elle reste en Corée pour qu’il lui trouve un bon mari. 

Freddie, entre ces deux cultures, mais avant tout femme libre, ne trouve plus sa place. La suite du film raconte l’évolution de Fredie, sur une dizaine d’années. Elle va vivre en Corée durant quelques années, loin des traditions, dans un milieu très branché. Puis devenir marchande d’armes et sillonner le monde, revenant parfois au pays du matin calme. Avec toujours l’espoir de persuader sa mère biologique d’entrer en contact avec elle. 

Un film qui passe par toutes les facettes, de la mélancolie à la révolte en passant par l’abnégation et la résignation. Preuve que l’adoption est une solution qui, trop souvent, laisse des traces indélébiles dans l’esprit des enfants, forcément partagés entre deux origines souvent très opposées. 

Film de Davy Chou avec Park Ji-min, Oh Kwang-rok, Guka Han


mercredi 23 novembre 2022

Cinéma - L’âpreté de la justice dans “Saint Omer”

Ce film d’Alice Diop est la reconstitution méticuleuse et parfois glaciale du procès d’un infanticide. 

Gusladie Malanda, époustouflante dans le rôle très compliqué de Laurence, la mère meurtrière.  Laurent Le Crabe

Avant de se lancer dans la réalisation de son premier long-métrage de fiction, Alice Diop a beaucoup tourné de documentaires. La cinéaste a donc tous les codes pour retranscrire la réalité avec une acuité absolue. On retrouve cette dextérité dans toutes les scènes du procès, constituant une grosse moitié de Saint Omer, film revenu primé de la Mostra de Venise et qui représentera la France aux prochains Oscars. 

Tiré d’un véritable fait divers, cette histoire d’infanticide a secoué la France en 2013. Le procès qui a suivi a, lui aussi, fait les grands titres. Une jeune femme noire s’est rendue sur une plage de la mer du Nord et a abandonné son bébé de 18 mois sur le sable. La fillette est morte, noyée par la marée montante. Un fait divers qui interpelle, après les déclarations de la mère aux enquêteurs. Elle a abandonné son bébé, car « c’était plus simple comme ça ». Une décision longuement réfléchie par cette jeune Sénégalaise, brillante étudiante en philosophie, vivant avec un artiste beaucoup plus âgé qu’elle. 

Tel un miroir

Toute l’âpreté du procès est reconstituée, avec des comédiens qui ne jouent pas, mais incarnent les véritables personnages et paroles. Une partie poignante, avec la froideur de la mère (Gusladie Malanda), l’empathie de la présidente (Valérie Dréville) et la combativité et l’humanité de l’avocate (Aurélia Petit). En contrepoint de cette réalité connue, Alice Diop raconte comment Rama (Kayije Kagame), jeune chercheuse et romancière, assiste à ce procès, découvrant toutes les résonances à ce drame dans sa situation personnelle. Elle aussi vit avec un Blanc, elle aussi est brillante intellectuellement, elle aussi attend un bébé… Pourquoi se passionner pour ce fait divers ? Quel miroir de sa propre histoire croit-elle deviner dans ce procès, ce crime, cet abandon ? Saint Omer ne donne pas de solutions, d’explications toutes faites, comme autant de bonnes paroles pour excuser ou condamner. C’est au spectateur de se forger une opinion, un avis, de tenter de comprendre, avec son propre vécu, cet enchaînement de faits. Là réside sans doute la plus grande force de ce film dont personne ne peut sortir indemne. Car en filmant, tel un documentaire, cette histoire en partie romancée (on retrouve Marie Ndiaye au scénario), Alice Diop nous donne les clés pour appréhender la grande violence de notre société. Violence, mais aussi humanité et rédemption. 

Film d’Alice Diop avec Kayije Kagame, Guslagie Malanda, Valérie Dréville




vendredi 25 mars 2022

Cinéma - “Viens je t’emmène”... loin


Certains réalisateurs français ont la particularité de former une école à eux seuls. Un style inimitable, un ton unique : Alain Guiraudie en une dizaine de films a trouvé sa voie. Mais la force de ces créateurs qui illustrent à merveille la fameuse « exception culturelle française », fait qu’ils parviennent en plus à se renouveler dans leur originalité. Viens je t’emmène est donc bien un film de Guiraudie, mais avec quelques nuances qui en font en plus une étrange comédie, entre réécriture du vaudeville et chronique de la vie provinciale en temps de guerre contre le terrorisme. 

Attentat et Vercingétorix

Un patchwork étonnant où l’on croise des hommes ou femmes souvent guidés par une seule idée ou leurs désirs les plus profonds. Médéric (Jean-Charles Clichet), personnage principal de cette histoire ayant pour cadre la ville très conventionnelle de Clermont-Ferrand, n’a d’yeux que pour Isadora (Noémie Nvovsky). Le premier est informaticien, la seconde prostituée. Ils ont 20 ans d’écart. Mais le jeune geek ne veut pas payer. Car il est amoureux d’Isadora. Il tente e la draguer et contre toute attente, cela marche. Mais une fois dans la chambre d’hôtel, le mari et proxénète débarque. Les bases d’un premier vaudeville déjà assez étrange sont posées. 

De retour chez lui, Médéric a pitié de Sélim (Iliès Kadri), un jeune SDF frigorifié devant sa porte. Il lui ouvre la porte, bien qu’il soit d’origine Maghrébine et que toutes les polices de la ville recherchent le dernier membre d’un commando qui a tué quatre personnes au pied de la statue de Vercingérotix. Sélim très attiré par Médéric et qui va tout faire pour lui plaire. Ce second arc amoureux dans le film va venir perturber le premier, déjà assez compliqué. Ensuite, tout va s’enchaîner entre violence cocardière, paranoïa et révélation sexuelle. Du pur Guiraudie qui sait si bien nous interroger sur notre société et ses apparences. 

Film français d’Alain Guiraudie avec Jean-Charles Clichet, Noémie Lvovsky, Iliès Kadri


mercredi 14 décembre 2016

Cinéma : "Personal Shopper" offre un dilemme entre dualité et solitude

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Réflexion très poussée sur le deuil, la dualité, la solitude et l’au-delà, « Personal Shopper » thriller fantastique d’Olivier Assayas avec Kristin Stewart fascine... ou énerve

Un film, une histoire, une interprétation fait souvent l’unanimité. Et puis parfois il est aussi clivant qu’un ancien Premier ministre en campagne pour prendre la place de son président bien-aimé. « Personal Shopper » d’Olivier Assayas (prix de la mise en scène à Cannes) est de cette trempe. Soit on plonge dans l’univers de Maureen (Kristen Stewart) sans se poser de question, simplement fasciné par cette jeune femme à la recherche de réponses dans sa vie pleine de vacuité, soit justement on ne supporte pas cette façon de se laisser porter sans jamais imposer un embryon de personnalité. On ressort de la salle, en fonction de ces deux approches diamétralement opposées, totalement sous le charme ou carrément énervé. A vous de vous faire une opinion, mais dans tous les cas, vous ne resterez pas insensible à cette œuvre parfois austère, tout le temps juste.
■ Ce qui peut fasciner
Le questionnement sur la dualité est omniprésent. Maureen, jeune Américaine, vit à Paris depuis quelques mois car elle cherche à reprendre contact avec son frère jumeau. Ébéniste de talent, il est mort d’une crise cardiaque. La jumelle, qui se dit également médium, comme son frère, attend un signe de l’esprit de sa moitié masculine. Elle passe des nuits dans l’ancienne maison de son frère, rencontre un fantôme, a peur, ne comprend pas. Du fantastique simple et sans grands effets spéciaux.
Le métier de Maureen mériterait à lui tout seul un film. Elle est personal shopper. En clair, elle est chargée de la garde-robe d’une riche philanthrope. De la bijouterie Cartier aux maisons de haute couture, elle choisit des robes et des bijoux, les loue ou les achète et met le tout à la disposition de sa patronne.
La plastique éblouissante de Kristen Stewart. L’actrice américaine joue avec son corps sans aucune difficulté. En jean, robe à paillettes ou dans le plus simple appareil, dès qu’elle bouge on en prend plein les yeux.
Le tour de force d’Olivier Assayas dans la dernière réplique. Une simple phrase qui explique tout le film. Ou remet en cause notre compréhension.
■ Ce qui peut exaspérer
Pourquoi cette ambiance de thriller, avec mort violente à la clé. Comme s’il fallait rajouter un peu de sang à une histoire trop intellectuelle ?
On retrouve malheureusement dans « Personal Shopper » une mode (manie ?) des films actuels : l’utilisation intensive des smartphones. Cela donne de très longues minutes de discussion, par SMS et écran interposé, entre l’héroïne et un inconnu. Comme si l’écran d’un téléphone suffisait comme recherche esthétique...
Qui dit fantôme dit un minimum d’effets spéciaux. Minimum est bien le mot. A la limite de l’escroquerie presque avec le verre en lévitation. On est loin, très loin de Twilight.
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De Twilight à Assayas
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Dans le précédent film d’Olivier Assayas, Kristen Stewart partageait l’affiche avec Juliette Binoche. Elle a d’ailleurs remporté le césar de la meilleure actrice dans un second rôle dans « Sils Maria » pour son interprétation d’une jeune comédienne bousculant une ancienne. Cette fois, le réalisateur français, ancien critique renommé, n’a pas fait dans la demi-mesure.
La belle Américaine, est de tous les plans, le film la suit pas à pas dans sa recherche d’une preuve de l’au-delà. Tantôt habillée comme une jeune étudiante presque négligée, tantôt mise en valeur par les tenues de haute couture qu’elle choisit pour sa riche patronne, Kristen Stewart est la référence beauté du long-métrage.
Le réalisateur la filme sous toutes les coutures, se permettant quelques scènes où sa fascination pour ce corps jeune et gracieux est évidente. Mais dans « Personal Shopper », Kristen Stewart est beaucoup plus que la jolie poupée découverte dans Twilight ou transformée en icône d’Hollywood dans « Cafe Society » de Woody Allen. Son interprétation est très intérieure, cérébrale. Jamais elle ne sourit. Et quand elle pleure, de chagrin, ce ne sont que quelques larmes qui s’écoulent lentement sur son visage lisse.
Un rôle sur mesure, idéal pour abandonner son image de petite fille trop sage ou de gravure de mode sans cervelle. 

vendredi 6 février 2015

Cinéma - Romain Goupil se met en abyme dans "Les jours venus"


Un cinéaste, proche de la retraite, est la vedette du film « Les jours venus », entre réflexion sur la création et grosse rigolade sur le temps qui passe et la mort.

Le pitch est le suivant : un cinéaste, chaque fois qu’il déclenche sa caméra, il provoque une catastrophe. Il va filmer en Islande, dès son premier plan un volcan se réveille et paralyse le ciel européen. Au Rwanda, il provoque un génocide. Partout, filmer implique un drame. Il se demande alors comment profiter personnellement de cette particularité. Pourquoi ne pas aller filmer des dictateurs pour les faire mourir ? Ou dans la chambre des coffres d’une banque ? L’idée est bonne, séduisante, mais à 60 ans, le réalisateur a d’autres soucis. La retraite !
Romain Goupil, réalisateur à part dans le cinéma français, ne va pas arranger son image de marque dans un milieu peu enclin à dévoiler les coulisses de la création. « Les jours venus » est clairement une autobiographie, avec de vrais morceaux d’histoire, des images tirées de la vidéothèque de vacances familiales et des scènes jouées, mais ancrées dans la réalité. Un patchwork étonnant et surtout réjouissant car Romain Goupil, contrairement à son image d’intellectuel de gauche, ne se prend pas au sérieux. Ou ne se prend plus...

Séducteur malgré lui
Goupil se filme du début à la fin. Présent dans tous les plans, il fait partager au spectateur sa vie de tous les jours dans un désordre très travaillé. Parisien baguenaudant dans les rues, il échappe à plusieurs catastrophes. Des chutes de pianos. Trois fois... Dans son courrier, un formulaire pour activer ses droits à la retraite. Il fait remarquer perfidement à sa femme, Sanda, et ses deux enfants, de grands adolescents, eux au moins ont pensé à son anniversaire. Ce nouveau film, celui de la caméra catastrophe, il tente de le vendre à une productrice (Noémie Lvovsky) qui boit ses paroles avec un plaisir évident. Entre une réunion des locataires de son immeuble et un passage éclair aux Assedic, il prend rendez-vous avec sa banquière (Valeria Bruni Tedeschi). Pas pour parler finances, mais pour repérer la salle des coffres. « Et vous m’y embrasserez... » dit-elle en minaudant. Romain Goupil joue à la perfection le séducteur malgré lui. Sa femme l’adore, tous les autres personnages féminins également. Dont la jeune artiste (Marina Hands) locataire du même immeuble qu’il tente de former à la manipulation d’une assemblée en bon ancien trotskiste qu’il est toujours.
Ces scènes de la vie d’un intello parisien pourraient vite être rébarbatives s’il n’y avait pas avant tout une bonne dose d’humour et d’autodérision. Et ceux qui en doutent doivent absolument rester jusqu’à la fin. Une mise en abyme du film et de l’obsession de Romain Goupil à prévoir à la virgule près les modalités de ses obsèques. Car après 60 ans, de quoi peut-on mieux rire si ce n’est de sa propre mort ?


Une femme, des admiratrices


Si l’on excepte Jackie Berroyer pour un petit rôle de gueulard aigri, le reste de la distribution des « Jours venus » est exclusivement féminine. Pour la première fois à l’écran, l’épouse de Romain Goupil dans son propre rôle. De nos jours, mais aussi au moment de leur rencontre dans une Sarajevo dévastée par la guerre. Sa beauté est sans cesse magnifiée, en jeune maman ou en épouse attentive. Pourtant on a l’impression que le réalisateur n’a pas perdu son appétence pour les belles femmes. Elles sont trois à marcher sur les plates-bandes de Sanda. Marina Hands, la plus jeune, tombe sous le charme de cet homme « vieux et marié ». Or elle ne peut aimer que ce type de personnage...
La banquière, Valeria Bruni Tedeschi (photo), joue un rôle plus pervers. On sent bien que c’est elle qui a envie d’aller plus loin avec cet homme si intelligent, attachant. Lui se laisse désirer. Avec la productrice, c’est un peu différent. On devine une vieille complicité. Comme des amants de longue date, se connaissant parfaitement et un peu lassés mais jamais repus de préliminaires faisant la part belle à l’intellect. Quatre femmes pour un seul homme. Le veinard, même si cela ne reste que du cinéma...