Certains réalisateurs français ont la particularité de former une école à eux seuls. Un style inimitable, un ton unique : Alain Guiraudie en une dizaine de films a trouvé sa voie. Mais la force de ces créateurs qui illustrent à merveille la fameuse « exception culturelle française », fait qu’ils parviennent en plus à se renouveler dans leur originalité. Viens je t’emmène est donc bien un film de Guiraudie, mais avec quelques nuances qui en font en plus une étrange comédie, entre réécriture du vaudeville et chronique de la vie provinciale en temps de guerre contre le terrorisme.
Attentat et Vercingétorix
Un patchwork étonnant où l’on croise des hommes ou femmes souvent guidés par une seule idée ou leurs désirs les plus profonds. Médéric (Jean-Charles Clichet), personnage principal de cette histoire ayant pour cadre la ville très conventionnelle de Clermont-Ferrand, n’a d’yeux que pour Isadora (Noémie Nvovsky). Le premier est informaticien, la seconde prostituée. Ils ont 20 ans d’écart. Mais le jeune geek ne veut pas payer. Car il est amoureux d’Isadora. Il tente e la draguer et contre toute attente, cela marche. Mais une fois dans la chambre d’hôtel, le mari et proxénète débarque. Les bases d’un premier vaudeville déjà assez étrange sont posées.
De retour chez lui, Médéric a pitié de Sélim (Iliès Kadri), un jeune SDF frigorifié devant sa porte. Il lui ouvre la porte, bien qu’il soit d’origine Maghrébine et que toutes les polices de la ville recherchent le dernier membre d’un commando qui a tué quatre personnes au pied de la statue de Vercingérotix. Sélim très attiré par Médéric et qui va tout faire pour lui plaire. Ce second arc amoureux dans le film va venir perturber le premier, déjà assez compliqué. Ensuite, tout va s’enchaîner entre violence cocardière, paranoïa et révélation sexuelle. Du pur Guiraudie qui sait si bien nous interroger sur notre société et ses apparences.
Film français d’Alain Guiraudie avec Jean-Charles Clichet, Noémie Lvovsky, Iliès Kadri


Moins extravagant que ses précédents longs-métrages, "Rester vertical" d'Alain Guiraudie charme par ces magnifiques paysages d'une nature dure et généreuse. Les scènes sur Causse donnent une furieuse envie d'aller s'y balader, seul, comme Léo, avec un simple petit sac à dos. À moins que les plus bucoliques ne préfèrent les promenades en barque dans le marais poitevin noyé de soleil. Images et décors d'une rare beauté, contrepoints d'une histoire âpre. Cinquième film d'Alain Guiraudie, "Rester vertical" a parfois des ressemblances avec "Le roi de l'évasion", son troisième long-métrage. Léo, recherché par son producteur puis par les gendarmes, au lieu de faire face à l'adversité, choisit la fuite. Dans "Le roi de l'évasion" aussi le personnage principal prenait ses jambes à son cou quand la situation devenait trop compliquée. Autre ressemblance entre les deux films, le milieu social. Il y est beaucoup question de paysans et de personnes isolées. Et d'envie de tout plaquer pour aller vivre ailleurs, mieux, forcément mieux. Quand Léo se retrouve bloqué dans des buissons, c'est comme quand Armand et Curly fonçaient dans les bois. Ils parvenaient à semer les chiens de la gendarmerie en marchant dans une rivière. Léo, de la même façon, disparaît aux yeux de son producteur en se plongeant dans le marais poitevin. Et puis il y a la question de l'homosexualité. Chez Alain Guiraudie, elle semble généralisée. Quasiment tous les personnages du "Roi de l'évasion" étaient homosexuels, du commissaire aux agriculteurs en passant par Armand, représentant de commerce. Même constat dans "Rester vertical où, étrangement, le père de Marie, ogre terrifiant, devient tout doux quand il avoue à Léo qu'il a envie de lui...