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vendredi 25 mars 2022

Cinéma - “Viens je t’emmène”... loin


Certains réalisateurs français ont la particularité de former une école à eux seuls. Un style inimitable, un ton unique : Alain Guiraudie en une dizaine de films a trouvé sa voie. Mais la force de ces créateurs qui illustrent à merveille la fameuse « exception culturelle française », fait qu’ils parviennent en plus à se renouveler dans leur originalité. Viens je t’emmène est donc bien un film de Guiraudie, mais avec quelques nuances qui en font en plus une étrange comédie, entre réécriture du vaudeville et chronique de la vie provinciale en temps de guerre contre le terrorisme. 

Attentat et Vercingétorix

Un patchwork étonnant où l’on croise des hommes ou femmes souvent guidés par une seule idée ou leurs désirs les plus profonds. Médéric (Jean-Charles Clichet), personnage principal de cette histoire ayant pour cadre la ville très conventionnelle de Clermont-Ferrand, n’a d’yeux que pour Isadora (Noémie Nvovsky). Le premier est informaticien, la seconde prostituée. Ils ont 20 ans d’écart. Mais le jeune geek ne veut pas payer. Car il est amoureux d’Isadora. Il tente e la draguer et contre toute attente, cela marche. Mais une fois dans la chambre d’hôtel, le mari et proxénète débarque. Les bases d’un premier vaudeville déjà assez étrange sont posées. 

De retour chez lui, Médéric a pitié de Sélim (Iliès Kadri), un jeune SDF frigorifié devant sa porte. Il lui ouvre la porte, bien qu’il soit d’origine Maghrébine et que toutes les polices de la ville recherchent le dernier membre d’un commando qui a tué quatre personnes au pied de la statue de Vercingérotix. Sélim très attiré par Médéric et qui va tout faire pour lui plaire. Ce second arc amoureux dans le film va venir perturber le premier, déjà assez compliqué. Ensuite, tout va s’enchaîner entre violence cocardière, paranoïa et révélation sexuelle. Du pur Guiraudie qui sait si bien nous interroger sur notre société et ses apparences. 

Film français d’Alain Guiraudie avec Jean-Charles Clichet, Noémie Lvovsky, Iliès Kadri


samedi 27 août 2016

Cinéma : L'inexorable envie de fuite en avant de "Rester vertical"

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Face à l'adversité il faut "Rester vertical", titre du film d'Alain Guiraudie au cours duquel ses personnages semblent en permanence chercher un ailleurs inaccessible.




Si "L'inconnu du lac" a fait scandale lors de sa sortie, "Rester vertical", dernier film d'Alain Guiraudie ne devrait pas lui non plus passer inaperçu. Le réalisateur filme des scènes d'amour sans détour, avec un réalisme qui se moque des apparences et des codes du genre. Côté politique, il aborde également des sujets très clivants comme l'euthanasie assistée ou, de façon indirecte, la GPA, gestion pour autrui réclamée par la communauté homosexuelle. Reste que ce n'est pas l'essentiel du film, ancré dans le réel, mais avec surtout des personnages déboussolés, perdus dans leur propre vie qu'ils n'assument plus.
La fermière et le scénariste
Le héros, Léo (Damien Bonnard) est un scénariste en perdition. Son producteur lui réclame un début d'histoire, quelques scènes, juste de quoi justifier les nombreuses avances déjà consenties. Mais Léo est sec. Il erre sur le Causse Méjean, homoncule dans une nature grandiose. Il croise le chemin de Marie (India Hair), jeune bergère. Elle surveille son troupeau de brebis, un fusil à l'épaule. Les attaques de loups se multiplient. Léo et Marie, presque comme dans un film romantique à la "Farrebique", se plaisent, s'aiment. Le scénariste abandonne ses tracas d'écriture pour vivre le parfait amour dans cette ferme appartenant au père de Marie, Jean-Louis (Raphael Thiéry). Un an plus tard, Léo cache pourtant bien des choses à Marie, la mère de son enfant. Il va régulièrement dans une petite bourgade pour tenter de rencontrer Yoann, jeune éphèbe qu'il rêve de faire apparaître dans son prochain film. Léo a la sexualité aussi sinueuse que les routes de Lozère où est tourné le film, comme toujours dans les créations d'Alain Guiraudie, parfait exemple de récits politiquement non corrects. Quand Marie quitte la ferme, abandonnant le bébé à un Léo désemparé, le film bascule dans la fable sociale grinçante. Un homme seul, avec un bébé, sans domicile fixe ni revenus ? Difficile de s'intégrer dans le paysage français policé. La suite du film consiste à plusieurs allers-retours entre la ferme sous la menace des loups, le marais poitevin et une druidesse très nature, et Brest, sa grisaille et ses clochards. En passant par Séverac-le-Château, village d'Aveyron où Léo fausse compagnie à des gendarmes, personnages récurrents de tous les films de Guiraudie. Pour boucler cette histoire, il fallait l'intervention d'un élément extérieur fort. Le loup, dont la menace a plané tout le long du film peut entrer en scène.
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Partir, toujours partir
rester vertical,gay,guiraudie,berger,loupMoins extravagant que ses précédents longs-métrages, "Rester vertical" d'Alain Guiraudie charme par ces magnifiques paysages d'une nature dure et généreuse. Les scènes sur Causse donnent une furieuse envie d'aller s'y balader, seul, comme Léo, avec un simple petit sac à dos. À moins que les plus bucoliques ne préfèrent les promenades en barque dans le marais poitevin noyé de soleil. Images et décors d'une rare beauté, contrepoints d'une histoire âpre. Cinquième film d'Alain Guiraudie, "Rester vertical" a parfois des ressemblances avec "Le roi de l'évasion", son troisième long-métrage. Léo, recherché par son producteur puis par les gendarmes, au lieu de faire face à l'adversité, choisit la fuite. Dans "Le roi de l'évasion" aussi le personnage principal prenait ses jambes à son cou quand la situation devenait trop compliquée. Autre ressemblance entre les deux films, le milieu social. Il y est beaucoup question de paysans et de personnes isolées. Et d'envie de tout plaquer pour aller vivre ailleurs, mieux, forcément mieux. Quand Léo se retrouve bloqué dans des buissons, c'est comme quand Armand et Curly fonçaient dans les bois. Ils parvenaient à semer les chiens de la gendarmerie en marchant dans une rivière. Léo, de la même façon, disparaît aux yeux de son producteur en se plongeant dans le marais poitevin. Et puis il y a la question de l'homosexualité. Chez Alain Guiraudie, elle semble généralisée. Quasiment tous les personnages du "Roi de l'évasion" étaient homosexuels, du commissaire aux agriculteurs en passant par Armand, représentant de commerce. Même constat dans "Rester vertical où, étrangement, le père de Marie, ogre terrifiant, devient tout doux quand il avoue à Léo qu'il a envie de lui...