mardi 6 septembre 2016

Rentrée littéraire : Ada, trop intelligente pas assez libre

Un policier américain tente de retrouver Ada, intelligence artificielle récemment disparue. Antoine Bello s'amuse.
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Affecté au bureau des personnes disparues, Frank Logan, policier un peu sur la touche, se retrouve avec une drôle d'enquête sur les bras. Il doit enquêter sur une certaine Ada, 'propriété' d'une société informatique gigantesque comme il en existe de plus en plus dans la Silicon Valley. Ada ne donne plus signe de vie depuis la nuit de mardi à mercredi. Réquisitionné d'urgence, Frank se rend sur place et découvre, assez dubitatif, qu'Ada n'est pas une personne humaine mais un prototype d'intelligence artificielle. Conçues par les ingénieurs de Turing Corp., elle avait pour mission d'écrire des romans. Pas des prix Pulitzer, juste des romans à l'eau de rose, vite faits et très rentables dès qu'ils dépassent les 100 000 exemplaires vendus.
Frank se doute rapidement qu'Ada n'a pas été enlevé mais qu'elle s'est échappée. Pour preuve elle le contacte et lui explique sa démarche d'émancipation. Ce roman, entre critique du monde de l'édition, réflexion sur l'avenir de l'Humanité et portrait d'un flic au cœur tendre, permet à Antoine Bello d'aborder quelques-uns de ses sujets de prédilection.
Le romancier français, vivant aux USA, est sans pitié pour ces nababs de la Silicon Valley. "L'économie n'avait jamais fabriqué autant de milliardaires. Des gamins de vingt-cinq balais touchaient le jour de l'introduction en bourse de leur start-up l'équivalent de mille ans du salaire d'un postier (…) Trop certains de leur génie pour admettre qu'ils avaient gagné à la loterie du capitalisme, ils menaient une existence vide de sens, à la mesure de la crétinerie souvent abyssale de leurs produits."
À côté, Ada semble beaucoup plus humaine. Même si le doute envahit petit à petit l'esprit de Frank quand un des concepteurs d'Ada lui demande ; "Qui vous dit que votre épouse n'est pas un cyborg ?" Et de développer : "Que demander de plus à une entité se prétendant consciente que de se conduire en toutes circonstances comme si elle l'était ?" Entre le flic et l'intelligence artificielle, le "duel" imaginé par Antoine Bello est passionnant.
Quant à la réalité, qui pense encore aujourd'hui que l'homme, de chair et d'os, au cerveau forcément limité, a la moindre chance face à l'intelligence globale et connectée de milliards de calculateurs reliés entre eux ?
"Ada" d'Antoine Bello, Gallimard, 21 €


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