mercredi 28 septembre 2016

Cinéma : "Aquarius" ou ces murs dont on fait une vie

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Clara a toujours vécu dans un bel immeuble nommé "Aquarius" au bord de la plage de la ville de Recife. Bâtiment menacé par un projet immobilier. Ce sera le combat de sa vie.


Il n'y a pas qu'en Espagne (et un peu dans la région) que les promoteurs immobiliers cherchent à bétonner les bords de mer. "Aquarius", second film du Brésilien Kleber Mendonça Filho, raconte comment un projet immobilier, moderne et forcément rentable, menace un immeuble, l'Aquarius, pourtant présent en bord de mer depuis des dizaines d'années. Racheté petit à petit par une société ambitieuse, l'Aquarius est désormais désert. Excepté Clara (Sonia Braga), vivant seule au premier étage. Cette femme, passionnée de musique, la soixantaine en retraite, a perdu son mari depuis quelques années. Ses trois enfants, adultes, ont fait leur vie. Ailleurs. Elle profite au quotidien de cette douceur de vie. Le matin elle va se baigner, juste en traversant la rue. Sur sa véranda, dans son hamac, elle lit, écoute de la musique, pense à son passé, ses bons et mauvais moments.
Une battante
Relativement long (près de 2 h 30), ce film présenté en compétition à Cannes se révèle en réalité bien court tant la vie de Clara est dense. La séquence d'ouverture, se déroulant dans les années 80, la montre jeune et les cheveux très courts. Dans cet appartement, occupé à l'époque par sa tante Lucia, elle vient de vaincre un cancer du sein. Au prix fort pour une femme d'à peine trente ans. De nos jours, elle en garde une cicatrice, entraperçue pudiquement en sortant de la salle de bain. Le film, dans cette séquence donne le ton. Le réalisateur fait tout en finesse, jamais de grandes démonstrations ou d'effets voyeurs. L'arrivée des promoteurs immobiliers chez Clara est du même acabit. Ils sont gentils, sirupeux, augmentent le prix d'achat de l'appartement. Pas de violence, mais quelques mots lâchés pour faire peur. Clara, têtue, refuse fermement. Commence alors une guerre d'usure insidieuse faite de tracas quotidiens (fête nocturne dans l'appartement vide du dessus) et de démarches administratives et judiciaires harassantes.

Sonia Braga, la star
Le film, d'une grande beauté, montrant Recife sous toutes ses coutures, les belles comme les pires, est littéralement porté par Sonia Braga. La grande actrice brésilienne, révélée dans les années 80, a fait carrière aux USA tournant pour Redford ou Eastwood. Mais elle a aussi conquis le public américain dans des séries télé de grande audience, d'Alias à Sex and the City en passant par Royal Pains. Son interprétation dans "Aquarius", toute en rage rentrée, aurait dû lui donner les prix d'interprétation féminine à Cannes. Le jury en a décidé autrement. Preuve que même les plus grands professionnels de la profession peuvent, parfois, se tromper ou oublier les fondements de leur métier.

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