lundi 4 février 2008

Roman - Sensuelle Sicile

Ce roman de Bertrand Visage se déroule en Sicile et plonge le lecteur dans les passions exacerbées par les mentalités volcaniques locales.


Huit ans. Huit ans d'absence, d'oubli, de quasi mort. Arturo a quitté la Sicile depuis huit ans. Ce Français, venu dans l'île italienne pour réaliser un film documentaire, est tombé amoureux de Véronica, une fille de gangster. Ils ont vécu une belle histoire d'amour durant quelques mois, presque une année. Mais c'est le passé. Arturo a mis longtemps pour s'en souvenir. Un matin, il a été retrouvé inanimé sur une plage sicilienne, après un sévère passage à tabac. Un mois de convalescence et puis un mystérieux émissaire lui a remis un billet d'avion pour le Chili. 

Sans mémoire, un peu perdu, il a franchi l'Atlantique et s'est refait une vie sur une île isolée. Un solitaire qui a lentement retrouvé la mémoire. Les instants de bonheur avec Veronica, la fin du rêve. En pleine reconstruction, il ne peut s'empêcher de penser à Veronica et malgré le danger, le risque, décide de reprendre contact avec ce passé qui a failli lui coûter la vie. Huit ans après, Arturo est de retour en Sicile.

Retour au bercail

Bertrand Visage, le romancier de cet « Intérieur Sud » connaît parfaitement cette région. Il y a longtemps vécu et plusieurs de ses romans ont la grande île pour cadre. Il excelle donc quand il décrit longuement la population picaresque de l'immeuble où vit Veronica. Le même appartement qu'il y a huit ans. Après quelques jours passés à espionner, Arturo a la certitude que si Veronica vit toujours dans l'appartement, elle est actuellement absente. Et par un concours de circonstance, il récupère les clés et s'installe de nouveau dans ces murs où il connu amour fou et bonheur intense. Il retrouve tous les voisins, ses chers voisins qui lui font un accueil chaleureux, persuadés qu'il est vient de reconquérir le cœur de son ancienne femme. Arturo, comme dans un rêve éveillé, fait comme si c'était la vérité, savourant avec délice ces instants de presque béatitude.

Tombée du ciel

Longtemps concentré sur le personnage d'Arturo et de l'absente, le roman change totalement d'orientation un soir d'orage. Arturo, dans un appartement plongé dans l'obscurité pour cause de coupure de courant, découvre à la faveur d'un éclair, une forme sur le petit balcon de la cuisine. « Une forme humaine. Couchée en biais sur le ciment du balcon, tout près de lui. Une fille. » Que fait-elle là ? Comment y est-elle arrivée ? « Arturo traversa la cuisine, mit un genou au sol. Assez près pour deviner que la fille n'était pas menaçante. Elle était là plutôt à la façon d'un sac de sable ou d'un panier de chiffons. Elle était là comme une vague tâche claire, comme du lait renversé. » On apprendra quelques pages plus tard qu'elle s'appelle Eva, qu'elle a 25 ans et qu'elle est étudiante en français. Occasionnellement, elle se prostitue dans l'appartement du dernier étage de l'immeuble. Eva qui va se reconstruire elle aussi, cachée chez Arturo, lui donnant une occasion d'oublier Veronica. Le solitaire du Chili, de retour en Sicile se retrouve à devoir faire un choix entre deux femmes, « Veronica est un nuage de poivre, Eva est un morceau de sucre sculpté en femme. » La sensualité et le doute sont sans cesse en toile de fond de ce roman aux succulentes saveurs sudistes.

« Intérieur Sud », Bertrand Visage, Seuil, 16 € 

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