La France possède dans le Pacifique Sud (et aussi dans l’océan Indien), quantité d’îlots, derniers vestiges d’une puissance maritime colossale. Des confettis d’empire qui coûtent. Sur ce petit bout de corail perdu dans le Pacifique Sud, une station météo est à l’abandon. Pour la réparer, il est proposé à Eva, une ingénieure qui ne trouve plus de sens à sa vie dans notre société de surconsommation, un contrat de quelques mois.
Elle ne gagnera pas beaucoup et sera seule. Elle accepte la mission et part pour son caillou avec pour seul compagnon son chien.
Ce roman graphique de Léonard Chemineau débute comme un conte de fées, version 3.0 avec conscience écologique et volonté d’un véritable retour à la nature. Mais les problèmes s’accumulent et Eva, inexpérimenté, risque de mourir. Elle ne doit son salut qu’à l’intervention d’un navire d’exploration. Une société privée qui cherche des minéraux rares dans les fonds de son île. La belle et pure écologiste sauvée par les méchants exploiteurs des fonds sous-marins, destructeurs d’une fragile diversité.
La seconde partie raconte cet affrontement, les enjeux financiers et sociétaux de la perpétuelle lutte entre le pot de terre et le pot de fer. Une utopie magnifiée par les planches en couleurs directes d’un illustrateur particulièrement à l’aise pour retranscrire la beauté de la nature sauvage, sur terre comme sous la mer.
Le repli sur soi frappe le narrateur du roman d’Olivier Chantraine. Ce reporter de guerre n’ose plus sortir de chez lui depuis que sa femme a disparu.
Serge est un reporter de guerre qui a de plus publié quelques romans avec un relatif succès. Un talent reconnu par la profession. Mais depuis quelques années, la disparition de sa femme, Laura, exactement, il n’arrive plus à sortir de chez lui. Un repli sur soi synonyme de bidonnage de ses reportages. Extinction des feux, roman d’Olivier Chantraine aurait aussi pu s’appeler, La guerre racontée de mon salon. Cependant les malheurs du monde, s’ils permettent à Serge de conserver son salaire au prix de mensonges de plus en plus compliqués, ne sont que peu présents dans ce récit. Le narrateur s’apitoie surtout sur son sort, son impossibilité à être tranquille, à ruminer l’absence inexpliquée de sa dulcinée.
Serge vit toujours avec son fils, Matthieu, 25 ans. Et reçoit quasiment tous les jours la visite de Cynthia, sa voisine. Une attachée de direction à mi-temps qui lui saute dessus tous les après-midi le transformant en amant contre son gré. Juste pour le maintenir en vie selon elle.
« Se préparer à ramper tôt ou tard devant une femme »
Sur cette situation qui aurait pu se transformer en pièce de théâtre, l’auteur greffe une intrigue écologique (l’eau du robinet apporte des maladies, c’est une hécatombe en ville) et aborde indirectement plusieurs thèmes actuels. Sur la violence de notre société : « La violence sous-jacente qui a inondé notre société s’est infiltrée dans chaque interstice de la vie de la cité. La planète est à bout, le monde est à cran ». La relation avec les enfants : « J’aime terriblement mon fils, je l’admire, je redoute son départ, la perspective de son absence me terrifie, et pourtant j’ai hâte de me confronter à ce vide. » Sur l’image que l’on donne à ses enfants, cette réflexion (imaginaire) de Matthieu : « Pourquoi certains auraient le droit d’avoir des pères comptables alors que le mien ne saurait se définir autrement que comme ex-reporter de guerre, usurpateur en chef, éleveur de poules de garage, gamer amateur spécialisé en Call of Duty, alcoolique notoire, paumé célèbre, reclus volontaire, handicapé manuel, phobique. »
Il a enfin cette réflexion, que tout homme devrait méditer, à propos des amours naissantes et compliquées de son fils avec une altermondialiste radicalisée : « N’importe quel homme sensé doit se préparer à ramper tôt ou tard devant une femme si elle en vaut la peine. Les autres sont des imbéciles. »
Un roman brillant sur cette folie qui nous guette tous face à un événement imprévu (là, la disparition totalement inexpliquée de Laura, l’épouse vénérée). Une histoire qui met aussi en exergue l’importance des animaux de compagnie dans notre vie de tous les jours. Si Serge ne supporte plus les Humains en général, il ne peut se passer de sa chienne Tess et, à un moindre niveau, de ses poules pondeuses vivant dans son garage.
Mesdames, l’avenir de la planète est entre vos mains. Les microplastiques en nombre croissant asphyxient lentement mais sûrement les océans. D’où viennent ces polluants de la pire espèce ? En partie de votre fond de teint. Selon Trisia Farrelly, une anthropologue environnementale à l’université de Massey en Nouvelle-Zélande, les paillettes contenues dans les maquillages se retrouvent toutes sans exception dans les océans. Une prise de conscience qui passe difficilement auprès des vamps en herbe et leurs fournisseurs de beauté. En boîte de nuit, la paillette est devenue incontournable pour capter la lumière. Son petit côté pétillant et éblouissant renforce (selon certaines d’entre vous) la séduction. Jusqu’au jour où l’un de vos prétendants, expert en biologie marine, vous traitera en public d’arme de destruction massive des organismes primaires. Car tout ce qui vit dans les eaux du globe avale les paillettes et en meurt, du plancton aux gros mammifères en passant par tous les poissons. Même leurs prédateurs, les oiseaux, peuvent en souffrir, les particules mortelles restant dans leur estomac après digestion. Alors mesdames, concédez à notre terre en souffrance ce simple geste. Vous disposez de tant d’autres possibilités de briller.
Chronique parue le 1er octobre en dernière page de l'Indépendant