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lundi 7 septembre 2009

Roman - Prisonniers bourreaux

La liberté peut parfois être pire que la captivité. Philippe Carrese dans cette « Enclave » étudie la psychologie d'esclaves devenus bourreaux.


« Ils sont partis ce matin. »
La première phrase de ce roman de Philippe Carrese résume l'étonnement des prisonniers du camp de Medved' en Slovaquie. On est en janvier 1945. Ils, ce sont les soldats allemands. Depuis des années, des centaines d'hommes et de femmes sont prisonniers dans ce camp de travail isolé dans la montagne. Au début ils creusaient des galeries dans une mine. Puis la guerre devenant de plus en plus dure, ils ont eu pour tâche de fabriquer des cercueils. Des milliers de cercueils livrés partout dans le Reich par une voie ferrée, seul lien avec le reste du pays.

Les Allemands sont partis, en une nuit. Les prisonniers n'osent y croire. Et quand les plus téméraires veulent partir eux aussi, ils meurent dans l'explosion d'un pont miné par l'armée nazie. Les montagnes enneigées d'un côté, un ravin infranchissable de l'autre, les prisonniers de Medved' sont libres mais bloqués dans leur camp. Il ne faudra que trois jours pour que tout se remette en ordre, avec reprise du travail et chefs donnant des ordres.

Tout est gris

Les tortionnaires ne sont plus là, mais l'enfermement reste et de nouveaux bourreaux semblent avoir pris le pouvoir. Ces événements, le lecteur les vit à travers le regard de Mathias, un jeune garçon qui aura le bonheur de retrouver sa mère au départ des Allemands. Mais il comprendra rapidement et l'écrira dans des cahiers d'écoliers, que la vie à Medved' sera tout aussi rude dans les prochains mois. Pourtant, ce n'était déjà pas la joie : « Ici les couleurs n'existaient pas. Les façades en bois, les wagons, les grilles et leurs barbelés, les vêtements, les arbres de la forêt, les gardes-chiourmes et leurs supérieurs aryens, le ciel, la peau des hommes, tout était gris. Même le sang des suppliciés ne produisait aucune trace de rouge. »

Medved' en plus de produire des cercueils, servait également de centre reproducteur pour le Reich. Dans le « Palais », le bâtiment des officiers, une vingtaine de femmes, blondes, jeunes, répondant aux critères de la race aryenne, servaient de reproductrices. Pour assurer l'avenir de la race. Servir de putains aussi...

Bordel et maternité

Quelques enfants sont nés et vivent toujours à Medved'. D'autres ont été enlevés à leurs parents comme Dieter « et ses petits camarades blonds aux yeux bleus, des représentants parfaits de la race aryenne, conduits vers Medved', et oubliés là par l'administration de Heinrich Himmler. Paradoxe total. La pérennité de la race pure passait par Medved', et c'était une impasse. »

La situation va aller en empirant au fur et à mesure de la prise de pouvoir de Dankso, un prisonnier « au regard froid, perçant, un regard de guerrier ». Il y voit une opportunité inespérée de prendre sa revanche. Dankso, sous couvert de démocratie, va instaurer une véritable dictature qui fera au final presque autant de morts que la barbarie des nazis. Mathias va raconter ces quelques jours de liberté et comment la communauté va basculer. Des mois plus tard, il tentera de fuir. Mais il devra affronter une multitude de dangers, de la « police » de la république de Medved' aux mines laissés par les Allemands et les animaux sauvages de la forêt.

Ce roman, d'une grande dureté, est signé Philippe Carrese. Un auteur marseillais que l'on n'attendait pas dans ce genre. Il s'est surtout fait connaître en signant des polars truculents aux accents provençaux. Il démontre dans ce texte qu'il peut aborder tous les genres, même les plus dramatiques.

« Enclave », Philippe Carrese, Plon, 20 € 

samedi 8 juillet 2006

Roman - Des veuves au kilo...

Ce roman de Philippe Carrese est un road movie familial sur les routes de France en compagnie d’un flic de base et du fils d’un aristocrate.

On roule beaucoup dans "Les veuves gigognes", polar signé du Marseillais Philippe Carrese. La première scène se passe au bord d’une rivière, mais très rapidement une voiture va faire irruption dans cette scène bucolique. Une Jaguar venant de défoncer un parapet de cette route de montagne et qui plonge inexorablement vers le vide. Le conducteur, un ancien député de droite, meurt sur le coup. Une mort lourde de conséquence pour nombre de personnes qui ignoraient même son existence. En premier lieu Lucas Rosarian, flic dépressif en disponibilité après le départ de sa femme pour des cieux plus gais. Quand on vient livrer un bouquet de 38 roses à Mme Rosarian, il le prend très mal. Jusqu’à ce qu’il comprenne que ce n’est pas pour sa femme infidèle mais sa mère qui pourtant n’habite plus là depuis quelques années. 
Encore plus étonnant la personne qui tient à offrir ce bouquet à sa mère. André-Marie Vilevirain de Saint-Chamons est un aristocrate quadragénaire « à tête de poireau. Au sommet de son crâne d’œuf, une méchante mèche rebelle flotte au gré du petit mistral qui se lève. Elle balaie sa calvitie naissante comme un plumeau monté sur un mécanisme d’essuie-glace. (…) L’aristocrate a le teint pâle, les lèvres fines et les yeux globuleux ». 

Maîtresses et euros
André-Marie explique à Lucas qu’il est en service commandé. Son père, récemment décédé, veut qu’il remette 50 000 euros à chacune des « femmes de sa vie ». Car le député, catholique pratiquant très respecté des autorités ecclésiastiques, menait une double vie, collectionnant les aventures et parfois les maîtresses sur de longues périodes. Parmi elles, la mère de Lucas, aujourd’hui à la retraite. C’était il y a 39 ans, quelques temps avant la naissance de Lucas qui tout à coup a un doute sur l’identité de son père et pourrait se retrouver avec un demi frère « à tête de poireau », riche à million roulant en Porsche Cayenne. Il décidera même de suppléer l’aristocrate dans sa recherche des autres femmes de député cavaleur. 
Philippe Carrese, avec son style vif et léger, bourré de bons mots et de personnages truculents, entraîne le lecteur dans une folle course poursuite de Marseille à Nice en passant par le Havre et Paris. Le couple formé par Lucas et Jean-Marie va trouver sur son chemin quelques aigrefins appâtés par les liasses de billets à distribuer aux anciennes maîtresses. A moins qu’ils ne cherchent autre chose dans les souvenirs de ce député à la vie en total décalage avec ses convictions politiques. Il y a du San-Antonio dans ce roman, situations, personnages et coups de théâtre défilant à toute vitesse au fil des pages. 

« Les veuves gigognes », Philippe Carrese, Fleuve Noir, 19 euros