samedi 5 février 2022

Cinéma - « Les promesses » si politiques


Présenté en compétition au dernier Festival du film politique de Carcassonne, Les promesses de Thomas Kruithof est une véritable plongée dans le mécanisme qui fait avancer les hommes politiques. En l’occurrence une femme, Clémence (Isabelle Huppert), maire d’une cité de banlieue paroissienne. Au pouvoir depuis deux mandats, elle a publiquement annoncé un an avant la nouvelle élection qu’elle ne se représenterait pas. Sa première adjointe a été désignée par le parti pour lui succéder.


Dans les dernières semaines de son mandat d’élue locale, elle se démène pour obtenir une grosse subvention de l’État qui permettra de rénover la cité des Bernardins. Les copropriétaires n’en peuvent plus de l’insalubrité malgré les charges importantes. De plus tout l’ensemble se délabre à cause des marchands de sommeil. En négociant avec un haut fonctionnaire, Clémence va recevoir une proposition de ce dernier qui va radicalement changer la donne. Les Bernardins ont peu de chance d’être rénovés et Clémence va radicalement changer sa façon de voir son avenir. Un revirement qui va totalement désarçonner Yazid (Reda Kateb), son directeur de cabinet, brillant, originaire des Bernardins et qui espère après l’élection un poste dans un ministère à Paris.

Envie de pouvoir

Le scénario permet de surfer sur plusieurs intrigues. La première, la plus importante, l’avenir de la cité. Mais on découvre aussi en filigrane les ambitions de Yazid, ses difficultés à gérer au quotidien son origine modeste dans un monde où même très efficaces, on reste avant tout issu d’une minorité. Le plus passionnant est l’analyse des décisions de Clémence, femme politique dont la complexité est remarquablement interprétée par Isabelle Huppert. Si elle semble bien décidée au début à abandonner le pouvoir, comme lassée de cette course incessante aux subventions d’un côté et aux poignées de mains de l’autre, elle se retrouve à douter quand elle s’imagine un destin national.

Alors, lentement mais sûrement, elle revient sur sa promesse de quitter son mandat. Une promesse non tenue de plus dans un monde politique où l’ivresse du pouvoir semble une drogue dure. Pourtant, le film reste assez positif. Car malgré les manœuvres de certains, les rancœurs d’autres et les abandons des derniers, il reste des hommes et femmes qui pensent que la politique reste sacrée et essentielle. Malgré les scandales, les reniements et les fameuses promesses non tenues.

Un film qui devrait particulièrement intéresser les élus locaux et tous les responsables d’associations.

Film français de Thomas Kruithof avec Isabelle Huppert, Reda Kateb


vendredi 4 février 2022

De choses et d’autres - Lapsus et fautes de Taubira

Il est des lapsus qui en disent plus que n’importe quel discours. Dimanche soir, en s’adressant à ses sympathisants après le résultat de la primaire populaire, Christiane Taubira a fait cette déclaration lunaire : « Merci d’être dès demain la cheville ouvrière d’une possible victoire en avril 2002. »

2002 ! Comme si l’ancienne garde des Sceaux voulait rejouer la présidentielle qui a vu l’élimination de Lionel Jospin à cause de la division de la gauche. Elle y croit sans doute à sa victoire. Persuadée qu’elle aura moins d’adversaires devant elle : Chirac mort, Le Pen, Jospin et Chevènement trop vieux… Elle s’est reprise dans la foulée, mais ce lapsus, même s’il n’a duré que quelques secondes, est révélateur de cette gauche qui vit dans le passé.

La même Taubira qui ne marque pas des points quand elle revendique une « laïcité qui n’écrase pas ». Désolé, mais jusqu’ici, ce sont plutôt les religions, toutes les religions, qui ont écrasé tous ceux qui ne voulaient pas croire en leur Dieu.

De toute manière, cette primaire populaire a tout de la mascarade démocratique. Pas de résultats chiffrés au final, juste une sorte de tableau d’honneur très scolaire avec des appréciations qui font un peu Bisounours. La candidate originaire de la Guyane récolte un « Bien », Yannick Jadot, en seconde position, un « Assez bien ».

Pourtant, à lire les énormes fautes d’orthographe relevées dans plusieurs messages pondus par les équipes de Christiane Taubira, c’est un « Nul » éliminatoire qui aurait dû être décerné à cette experte en division de la gauche.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 1er février 2022

jeudi 3 février 2022

De choses et d’autres - Un revers pour la Russie

Rien ne va plus pour la Russie. Avant même de lancer sa formidable armada massée à la frontière, elle vient de subir une défaite cuisante. Poutine doit enrager au Kremlin. Pourtant tout avait bien commencé et les premières manœuvres donnaient largement l’avantage au canonnier russe.

Mais les forces de l’Otan avaient décidé de mettre en valeur une petite unité d’un pays satellite, pourtant très loin de la ligne de front. Vaillamment, sans jamais rechigner aux kilomètres parcourus et confiant dans sa bonne étoile (celle de Noël), le tirailleur espagnol a lâché quelques rafales totalement incroyables.

Le combat fut long, mais au final, l’ours russe a craqué face aux ruades du taureau ibérique. L’Ukraine n’est pas encore sauvée, mais la victoire de Nadal face à Medvedev ce dimanche en Australie apporte un peu d’espoir. À moins que, vexé comme un pou, Poutine décide sur le champ de lancer ses milliers de soldats à l’assaut du pays qui fait de la résistance.

Et pourquoi ne pas envahir aussi l’Espagne ? En espérant qu’il ne décide pas de débarquer entre Port-La Nouvelle et Le Barcarès pour lancer ses chars vers le sud par la route inverse d’Hannibal. A priori on ne risque pas grand-chose. L’Otan nous protège. Enfin si l’on en fait bien partie…

Un récent sondage nous apprend que seulement 66 % des Français le savent avec certitude. C’est mieux que les Américains qui ne sont que 65 %. Quant aux 11 % de Russes qui croient en faire partie, je serais eux, je me méfierais. Cela frise la trahison et pourrait les conduire directement dans les camps sibériens en compagnie de Navalny, officiellement estampillé la semaine dernière comme « terroriste ».

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 31 janvier 2022

mercredi 2 février 2022

De choses et d’autres - Défis pour les traducteurs

La semaine dernière, Joe Biden, en pleine conférence de presse, croyant que son micro était coupé, a lâché une appréciation peu reluisante à l’encontre d’un journaliste de Fox News. Une belle grosse insulte, de celles qui sont bipées dans les programmes de téléréalité. Certains s’offusquent, d’autres rigolent… Et puis, il y a les journalistes de l’Agence France Presse basés à Washington qui se posent des questions.

Dans un tweet, Sébastien Blanc, responsable du bureau américain de l’agence de presse française, résume le problème : « Gros débat au bureau de l’AFP, à Washington, sur comment traduire au mieux le dérapage de Joe Biden, qui a lancé à un journaliste de Fox News : « Stupid son of a bitch ». « Espèce d’enfoiré » ?, «Fils de pute » ?, «Gros connard » ?

Décision finale : « Espèce de connard » ! Voilà donc comment le mot « connard » s’est invité dans la diplomatie mondiale.

Mais ce n’était pas une première, car le dilemme inverse s’était présenté quelques jours auparavant. Cette fois c’était les journalistes anglo-saxons qui se sont arrachés les cheveux quand Emmanuel Macron a expliqué à des lecteurs du Parisien qu’il avait envie « d’emmerder les antivax ». Certains ont choisi la version light avec les verbes « to bug », plus proche d’embêter. D’autres ont bien compris l’intérêt du trash et le président français se retrouvait à scander du « piss off » à tire-larigot.

Bref, en « emmerdant les sons of a bitch », les plus hautes sphères parlent parfois aussi mal que dans les cours de récréation.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 29 janvier 2022

mardi 1 février 2022

De choses et d’autres - Test technique

Pour fabriquer ce quotidien, nous utilisons, journalistes et techniciens, un logiciel particulier. Mardi, nous sommes passés à la nouvelle version, la 7. Un transfert totalement transparent pour vous, lecteurs de l’Indépendant. Pourtant, il y a toujours des risques quand on mélange technique, test et mise en production.

Pour apprendre à maîtriser les nouvelles fonctionnalités offertes par la nouvelle version, on travaille dans des pages test. Et ces formations, parfois, ressemblent à des occasions inespérées de se décharger de toute la pression quotidienne. C’est la foire au mot d’esprit ou transgression qui, a priori, ne franchira jamais ces quatre murs.

Sauf quand on fait une fausse manœuvre. Je me souviens de cette grosse gaffe à Tahiti, un laborantin aigri, croyant que les clichés avaient déjà été utilisés, a gravé au cutter des insultes sur le visage du PDG apparaissant dans une soirée organisée par le journal. Photos qui ont été publiées avec les mots orduriers...

On ne compte plus les fois où un texte en latin a été imprimé. C’est en fait du texte de « remplissage » servant à en mesurer la longueur.

Des dérapages qui n’arrivent pas que dans les journaux. En début de semaine, tous les utilisateurs d’Air France (soit quelques millions de personnes) ont reçu un SMS assez abscons : « Test de Julien à nouveau. » Rien à voir avec les PCR qui nous bouffent la vie. Simplement un technicien travaillant sur l’appli de la compagnie aérienne a fait un test d’envoi de message. Mais au lieu de rester dans sa configuration de travail, il est passé en production et l’a envoyé à tous les clients.

C’est bon Julien, ça fonctionne !

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 28 janvier 2022