mercredi 22 mars 2017

BD : "Gérard", un portrait intimiste d'un monstre du cinéma français


Acteur incontournable du cinéma français depuis près d’un demi-siècle, Gérard Depardieu ne laisse personne indifférent. Ses positions politiques à l’emporte-pièce l’ont parfois coupé d’une partie de son public. Mais il reste envers et contre tout entier, ours mal léché, fils de prolo passionné d’art, capable de gentillesse comme de colères homériques. Pour mieux comprendre cet homme que la vie n’a pas épargné, le mieux est encore de le suivre au quotidien, entre tournage, voyages d’affaires et autres enregistrement d’émissions culinaires aux quatre coins de l’Europe. L’exercice est périlleux, mais Mathieu Sapin, dessinateur de BD, a accepté le challenge. Cela donne un gros roman graphique de 160 pages, de son hôtel particulier parisien à Moscou en passant par le Portugal ou la Catalogne.


Tout a commencé en 2012. Mathieu Sapin accompagne Gérard Depardieu en Azerbaïdjan à l’occasion du tournage, pour Arte, d’un documentaire sur les traces d’Alexandre Dumas. Une relation unique se noue entre les deux artistes. Dès lors, Gérard Depardieu va inviter Mathieu Sapin à partager son univers, ses pensées (philosophiques ou triviales), ses coups de gueule.
■ Homme attachant
Le petit dessinateur (pas tant que cela, mais tout le monde semble petit à côté des 140 kg de Depardieu), à force de gribouillages sur ses carnets, d’écoute et d’observation obtient l’amitié de l’acteur. Ce n’était pas gagné. Gérard a la relation sélective. Et peut être odieux avec quelqu’un qu’il a dans le nez. Mathieu Sapin le raconte sans détour quand l’acteur, au Portugal, prend en grippe le serveur d’un restaurant. Il ne cessera de le harceler et s’en explique ensuite auprès de son « biographe » : « Je peux continuer de les vexer jusqu’à ce que je voie qu’ils souffrent, et là je dirai ‘Je te demande pardon, je le ferai plus’».
On n’apprend rien d’essentiel sur Depardieu et ses provocations (Poutine, exil fiscal...) mais on découvre un homme beaucoup plus tendre et profond qu’il n’y paraît. Sapin sait se rendre invisible comme quand il surprend l’acteur en train de caresser et de discuter avec un vieux chien qui pue. On provoquer des confidences, comme s’il était un vieil ami de toujours.
Clairement subjectif, l’auteur est tombé sous le charme. Il ne lui pardonne pas tout, mais presque. Comme l’explique Marina Foïs à François Hollande (Sapin a ses entrées à l’Elysée) : « Je l’aime sans réserves ! L’acteur qu’il est fait que je ne veux rien juger du reste. (…) Le monde est devenu trop étriqué pour Gérard. Il cherche de nouvelles émotions, mais il n’y a plus rien qui soit à sa mesure ». Au total, Mathieu Sapin est resté « cinq années dans les pattes de Depardieu ». Un témoignage drôle et émouvant.
➤ « Gérard. Cinq années dans les pattes de Depardieu » par Mathieu Sapin, Dargaud, 19,99 €

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