lundi 12 novembre 2012

Roman : déchets américains dans un polar de Brigitte Aubert

Quand Brigitte Aubert décrit l'Amérique, ce n'est pas gai. Flic alcoolo, rappeur drogué, bourgeois racistes, tueur pédophile : les USA ressemblent à une décharge.

brigitte Aubert, la ville des serpents d'eau, seuil, polar, USACloîtrée. Cela fait 19 ans que Susan est prisonnière d'un homme fou. Enlevée alors qu'elle avait 5 ans, elle est aujourd'hui une jeune femme. Une mère aussi. Son tortionnaire, qui se fait appeler Daddy, à force de la violer l'a mise enceinte. Une petite Amy est née. Elle aussi n'a jamais quitté cette cave sombre, la tanière du psychopathe. Elle va avoir 5 ans. Susan se doute qu'elle sera la suivante au tableau de chasse de Daddy. Il lui reste peu de temps pour tenter de la sauver. Amy en cavale, Daddy va exploser. Une violence extrême présente tout au long de ce thriller de Brigitte Aubert.
Comme tout bon thriller qui se respecte, l'enquête est menée par un flic malmené par sa hiérarchie. Deux exactement. Vince Limonta n'est plus policier. Renvoyé après une nouvelle bavure. Vince a longtemps côtoyé les bas-fonds de New York dans le cadre de son boulot. Pour résister, il plonge dans la boisson. Un jour, au cours d'un braquage, « l'intrépide lieutenant Limonta avait appuyé sur la détente. L'ivrogne Vince Limonta avait raté son coup. La balle était partie un poil de travers et avait fait sauter la tête d'une maman qui revenait de l'école avec son gamin. » Depuis Vince est jardinier de l'église de la petite ville d'Ennatown, la ville des serpents d'eau en langue iroquoise.

Gentil Black Dog
L'autre flic c'est Wayne Moore. Un Indien, quasiment le dernier de la région. Il fait partie de la patrouille équestre et surveille l'immense parc en lisière de la ville. C'est dans ce parc que la petite Amy va trouver refuge. Seule au début, elle va être aidée du personnage central du roman : Black Dog. Ce clochard de deux mètres, noir et simple d'esprit, survit dans un campement au milieu de la forêt. Il va prendre la fillette sous son aile car l'action se déroule fin décembre et la neige tombe drue. Amy, perdue dans ce monde réel qu'elle ne connaît que par l'intermédiaire des livres pour enfants donnés par Daddy ses jours calmes, oublie la mission confiée par sa maman : prévenir la police.
Mais dans la forêt, les « méchants » sont aussi présents. Trois braconniers tombent sur la planque de Black Dog. Ils découvrent Amy. Sont persuadés qu'il s'agit d'un enlèvement. Ils vont attaquer le colosse. Pas de chance, il avait une pioche en main. « Black Dog leva la pioche et l'abattit à la volée sur le crâne de Bud. Bud resta debout quelques secondes, l'air ahuri, la pointe tranchante de la pioche enfoncée dans le crâne, du sang giclant partout sur son visage. Il essayait de parler, sans succès. Du sang coulait de sa bouche. » La situation se complique pour le SDF. Il prend la fuite, la fillette dans les bras.

Mais qui est Daddy ?
La suite du roman raconte cette chasse à l'homme. On découvre un peu mieux la personnalité de Vince, son copain le rappeur Snake T. et Moore. Un trio de circonstance face aux notables de la ville. Car tout est fait pour préserver la tranquillité d'Ennatown. Certes elle héberge en son sein un malade mental, psychopathe et pédophile, mais il parvient parfaitement à se fondre dans la masse. Le lecteur commence à se demander qui est Daddy. Vince enquête, rouvre les vieux dossiers, même s'il n'est plus flic et que les brumes de l'alcool lui compliquent la tâche.
Le final se déroule au cours de la veillée de Noël, en présence des bons Samaritains du Comité de charité interconfessionnel. Citoyens au-dessus de tous soupçons... C'est là que la plume de Brigitte Aubert est la plus acérée. Elle décrit ces bourgeois hypocrites, aux apparences trompeuses. Black Dog n'en devient que plus sympathique. Quant à Daddy, il faut attendre les dernières pages pour découvrir sa véritable identité. Un dénouement totalement inattendu donnant encore plus de force à ce polar noir et pessimiste.
Michel LITOUT
« La ville des serpents d'eau », Brigitte Aubert, Seuil, 19,50 €

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