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vendredi 15 août 2025

Roman – Rwanda, un génocide trop français

Enseignant et chercheur en géographie, Michel Bussi, avant de vendre des millions de polars partout dans le monde, a suivi et documenté, dès le début, le génocide des Tutsis par les Hutus en 1994 au Rwanda. En expert sur cette période noire de l'Humanité, il a tissé, autour de la mort d'un million d'innocents en quatre mois, un polar aux airs d'acte d'accusation contre les autorités françaises de l'époque. 

De 1990, arrivée de Jorik Artera, militaire français au Rwanda pour garantir la paix dans ce petit pays africain, à nos jours, ce roman raconte le chemin douloureux d'une famille. Jorik tombe amoureux d'Espérance, une Tutsi. Ils se marient, ont une petite fille, Aline. Cette dernière a trois ans en 1994 quand sa mère traverse le pays avec des hordes de Hutus à ses trousses. Jorik voudrait l'aider, mais son devoir de militaire français l'oblige à laisser s'accomplir l'inimaginable. 

En décembre 2024, Jorik retourne au Rwanda avec Aline, mère de Maé, adolescente. Et l'enfer recommence. Long, passionnant, détaillé, accusateur mais aussi bourré de rebondissements, ce roman de Michel Bussi mériterait dix fois plus le Goncourt que le futur lauréat, désigné début novembre. 

« Les ombres du monde », Michel Bussi, Presses de la Cité, 576 pages, 23,90 €

mercredi 12 octobre 2016

Rentrée littéraire : L'enfance massacrée de Gaël Faye

Gabriel, 10 ans, a tout pour être heureux : famille aimante, copains. La guerre va tout bouleverser.


Le livre dont tout le monde parle en cette rentrée littéraire, « Petit pays » de Gaël Faye est un premier roman. Il est nominé dans quasiment tous les prix et ses ventes décollent. Un engouement général rarement constaté. Presque une autobiographie, l'histoire de Gabriel, petit franco-rwandais vivant au Burundi au début des années 90, a beaucoup de points communs avec la propre enfance de l'auteur. La première partie du roman a parfois des accents pagnolesques. Gabriel, avec ses meilleurs amis, jouent dans les terrains vagues, s'inventent des aventures au volant d'un combi abandonné, chapardent des mangues qu'ils revendent ensuite aux résidents de leur quartier, relativement aisé. Cela paraît presque trop beau. Mais très touchant aussi quand il raconte le repos des petits voleurs « Nos mais étaient poisseuses, nos ongles noirs, nos rires faciles et nos cœurs sucrés. C'était le repos des cueilleurs de mangues ».
gaël Faye, burundi, rwanda, hutus, tutsis, grassetOn se croirait presque dans la Guerre des boutons, version africaine. Mais la guerre, la craie, va s'inviter dans ce paysage idyllique. D'abord au Rwanda puis au Burundi. Tueries, massacres : les jeux vont tourner à l'aigre. Et c'est dans cette bascule que Gaël Faye marque le plus de points.
En racontant les angoisses de Gabriel il explique comment la peur et la folie meurtrière deviennent le quotidien. Pour Gabriel cela se traduit par d'étranges rêves, entre sécurité et cauchemar, « J'ai rêvé que je dormais paisiblement, en suspension dans un petit nuage douillet formé par les vapeurs de soufre d'un volcan en éruption. »
La suite du roman, après ces passages bucoliques, sont d'une dureté incroyable. Quand Gabriel va à l'école il peut assister presque quotidiennement à des exécutions sommaires ou des lynchages en public. Au bord des routes, les cadavres pourrissent dans l’indifférence générale. Rwanda et Burundi, pays déchirés depuis des décennies par une rivalité entre ethnies (tutsis contre hutus) se transforme en champ de bataille. Une exilée, quand elle revient au pays constate, amère, que « le Rwanda du lait et du miel avait disparu. C'était désormais un charnier à ciel ouvert. »
Exceptionnel par sa force, le témoignage de Gaël Faye vous prendra aux tripes jusque dans les ultimes pages. Un dernier chapitre coup de poing transforme ce roman en véritable chef d'oeuvre
« Petit pays » de Gaël Faye, Grasset, 17 euros (Photo J.-F. Paga)