samedi 31 octobre 2015

Cinéma : "The Lobster", cauchemar à deux


Prix du Jury au dernier festival de Cannes, le film de Yorgos Lanthimos interroge le public sur ses rapports à l'amour, la solitude et la vie à deux. Angoissant.


Le cinéma est un excellent endroit pour s'adresser aux couples qui ne sont jamais que deux anciens solitaires. Voir un film peut être une expérience à mener en solo ou à deux. Certains films sont même exclusivement réalisés pour des couples, amoureux de préférence. Cela pourrait être le cas de The Lobster, dernière réalisation du Grec Yorgos Lanthimos : toute l'histoire est centrée sur la recherche du "bon" partenaire. Dans un futur proche, tendance 1984, arrivé à l'âge adulte, il est obligatoire de vivre en couple. David (Colin Farrell) vient de se séparer de sa compagne. Il intègre directement un établissement spécialisé, entre hôtel de luxe et maison de convalescence, pour y chercher une remplaçante. Il a 45 jours pour trouver l'âme sœur parmi les autres pensionnaires. Passé ce délai, il sera transformé en animal de son choix. Pour David ce sera un homard, car "il vit jusqu'à cent ans et peut se reproduire toute sa vie".

Camp des solitaires
Pour rallonger sa villégiature, David à la possibilité, comme tous les autres pensionnaires, de gagner des jours. Il suffit de capturer dans les bois environnants des "solitaires", ces hommes et femmes rejetant le système et préférant vivre en sauvages, plutôt seuls qu'en couple. Deux mondes que tout oppose, disséqués par un cinéaste visionnaire dans les rapports humains. Incapable de s'intégrer, malgré une lamentable tentative de mensonge pour vivre avec une maître-femme, David fuit dans les bois. Il passe de l'autre côté, individualiste jusqu'au bout. Mais c'est finalement là qu'il rencontre le grand amour auprès d'une femme myope (Rachel Weitz). Une passion qu'ils devront cacher, au risque d'être bannis. Spécialiste des sujets complexes et tortueux, Yorgos Lanthimos s'était déjà fait remarquer par le très dérangeant "Canine". Il continue dans la même veine fantastique cauchemardesque, mais avec cette fois une distribution internationale. On retrouve dans les seconds rôles Ariane Lebed, Léa Seydoux, John C. Reilly et Angeliki Papoulia, seule actrice grecque de cette production entièrement tournée en Irlande.
Un film choc, qui aura obligatoirement des conséquences sur votre vision du monde. A deux dans le mensonge, seul et épanoui, en couple amoureux ou en solitaire malheureux : vous ne pourrez pas vous empêcher de vous questionner sur votre situation dans notre société.

La métamorphose de Colin Farrell


Habitué aux rôles de jeune premier et de beau mec musclé et bagarreur (Phone Game, Minoriry Report) Colin Farrel, un peu à l'image de Matthew McConaughey, multiplie les rôles décalés pour abandonner cette image un peu trop lisse. Dans 'The Lobster', la métamorphose est étonnante. Moustachu, portant lunettes, bedonnant, timide et empoté, il donne corps à ce solitaire s'interrogeant sur l'amour et la vie en couple. Avec une sobriété de tous les instants, il joue à merveille la résignation puis la fuite en avant. Un avant et un après à l'intérieur même du film, pour presque deux personnages différents.
Tourné au printemps 2014, c'est presque le même Colin Farrell qui avait déjà fortement étonné dans la saison 2 de 'True Detective'. Il y interprète un flic corrompu, miné par les regrets et l'alcool, incapable d'aimer son fils. Dans la série aussi son personnage subissait une évolution intellectuelle au fil des épisodes. Si cela continue, ce sera la nouvelle classification de cet acteur souvent génial.

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