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mercredi 6 novembre 2024

Thriller - Le sang coule après « Le murmure des hakapiks »

Nouveau roman dépaysant de Roxanne Bouchard, toujours dans les incroyables paysages de la Gaspésie au Canada francophone. Avec des loups de mer et beaucoup de sang.


Certains auteurs ne sont pas tendres avec leurs personnages. Roxanne Bouchard, romancière québécoise fait partie des pires dans le genre. Ses deux héros récurrents, Simone Lord et Joaquin Moralès, se retrouvent dans des situations très compliquées dans Le murmurer des hakapiks.

Simone est seule sur un chalutier en compagnie de chasseurs de loups de mer et occasionnellement passeurs de drogue. Joaquin est lui aussi bloqué sur un navire, un bateau de croisière alors qu’il voudrait avant tout partir secourir sa collègue. Le lecteur, tremble surtout pour Simone, acculée par des hommes déterminés à la violer avant de la tuer. Un récit glaçant, comme ces contrées quand le vent nordet se met à souffler et transforme la mer en banquise.

Un polar très sombre, avec beaucoup de morceaux de Canada authentiques comme ces haka piks du titre, « de longs bâtons de bois munis de crochets. Contrairement aux tirs de carabines, dont la détonation est bruyante, l’élan de l’hakapik est discret. L’arme fend l’air dans un chuchotement et la masse métallique s’abat sur la bête. Un murmure, et le loup meurt, dans la froide quiétude de la banquise. » L’intrigue utilise cette chasse aux loups gris et cette technique particulière, qui a fait beaucoup couler d’encre quand Brigitte Bardot a dénoncé ces massacres.

Aujourd’hui encore les protecteurs des animaux s’opposent à cette chasse. mis le roman est tout en nuance, car la population de loups ne cesse de croître. Et leur chasse est autorisée. Mais très contrôlée, raison pour laquelle Simone se retrouve embarquée avec les chasseurs, recouverts de sang après avoir tué et dépecé une centaine d’animaux. Âmes sensibles s’abstenir.

« Le murmure des hakapiks », Roxanne Bouchard, L’Aube, 264 pages, 19,90 €

samedi 17 août 2024

Cinéma - “Comme le feu”, seuls dans la forêt canadienne

Grande bouffée d’air pur et de chlorophylle grâce à ce film canadien de Philippe Lesage. La nature comme révélateur des émotions de l’adolescence. 


Le cinéma permet de voyager tout en restant près de chez soi, dans le confort des salles obscures. Une évidence si vous achetez une place pour voir le film canadien de Philippe Lesage, Comme le feu. 2 heures et 30 minutes d’évasion. Dans les forêts encore sauvages du nord du Québec, ou dans les psychés des protagonistes, réunis pour quelques jours, loin de tout. Un périple dans l’inconscient d’hommes et de femmes aux parcours diversifiés, en fonction de leur âge, une expédition dans la nature primitive, quand on doit retrouver ses réflexes de chasseurs pour survivre.

Blake (Arieh Worthalter), réalisateur, invite dans un chalet accessible uniquement en hydravion, son vieux complice scénariste Albert (Paul Ahmarani). Ce dernier arrive en compagnie de sa fille Aliocha (Aurélia Arandi-Longpré) et d’un ami de son fils, Jeff (Noah Parker). C’est l’été, les vacances, l’insouciance. Mais on sent très vite une tension entre Jeff et Aliocha. Le jeune homme, timide et réservé, n’est pas insensible à la fougue et l’intelligence de la jeune fille. Qui elle n’a d’yeux que pour Blake. Pourtant ce dernier doit subir les remontrances de son vieil ami, Albert. Un combat de coq entre adultes, suivi d’une autre confrontation entre le réalisateur et le jeune amoureux.

Le film est très écrit, tout en maîtrise. C’était pourtant une gageure car les repas dans le chalet, à trois reprises, sont de longs plans-séquences où les comédiens, alternant texte écrit et improvisation, insufflent une vie à des scènes qu’il faudrait montrer dans toutes les écoles de cinéma.


Pour faire le pendant à ces huis clos d’une tension absolue, le réalisateur choisit la nature, les grands espaces. Mais là aussi les petites vies de ces minuscules personnages semblent dérisoires face à des paysages grandioses, présents depuis des décennies, des siècles, immuables, inébranlables. On prend une énorme bouffée de chlorophylle et d’air pur en plongeant dans la forêt touffue, en grimpant sur ces rochers surplombant les vallées, en dévalant les rapides à bord de frêles canoës ballottés par les eaux en perpétuel mouvement. On peut y mourir à tout moment. On y meurt au cours du film.

La fin, ouverte, voire anecdotique, ne frustre pas le spectateur. Elle lui donne juste l’envie, s’il n’a pas peur de se retrouver face à ses propres démons, d’affronter lui aussi la nature, de quitter le confort moderne et retourner, à l’image des personnages de Comme le feu, le temps de quelques jours (et nuits), à la virginité naturelle du creuset de l’Humanité.

Film de Philippe Lesage avec Noah Parker, Aurélia Arandi-Longpré, Arieh Worthalter, Paul Ahmarani