jeudi 16 juin 2016

Cinéma : Dans la jungle, le stagiaire est roi

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Film décalé, marrant et très politique, "La loi de la jungle" d'Antonin Peretjatko va réjouir les amateurs de cinéma français hors norme, dans la lignée des délires de Mocky.


Comment dénoncer la condition des stagiaires, nouveaux esclaves de notre civilisation moderne, sans ennuyer le spectateur ? Antonin Peretjatko a la recette : montrer la violence de la société économique avec une métaphore. Le monde du travail est une véritable jungle. Donc tout le film a été réalisé dans la forêt guyanaise, une des plus redoutable jungle du monde. Le tournage a sans doute été épique au vu des acteurs crapahutant dans des marécages, de l'eau jusqu'aux genoux, recouverts de toutes les bestioles possibles et imaginables, entre serpents, crocodiles et autres insectes aux dards mortels. Sans compter la chaleur et l'humidité.
loi de la jungle,pons,macaigne,légitimus,guyane,peretjatko,haut et courtMais avant d'arriver au cœur de cet enfer vert, les deux personnages principaux, Châtaigne (Vincent Macaigne) et Tarzan (Vimala Pons) apprennent un peu à se connaître. Le premier est stagiaire au ministère de la Norme. Sa mission : certifier la conformité aux dictacts européens du projet "Guyaneige". Financé en grande partie par le Qatar et un fonds de pension canadien, il s'agit de construire la première station de ski couverte en pleine Amazonie. De quoi relancer le tourisme du département français... Tarzan est stagiaire aussi. Normalement elle doit superviser la création de jardins à la française à Cayenne. En réalité elle va servir de chauffeur à Châtaigne. Ils ont tout les deux 27 ans, l'âge moyen des stagiaires dans cette France en crise économique.
Pastiches
Le film, succession de péripéties et de rencontres improbables, décousu, foutraque et totalement improbable, passe du burlesque au poétique sans oublier quelques pastiches comme la scène de la bagarre dans lebar où Vimala Pons cogne plus fort et plus vite que Terence Hill. On croise également un Mathieu Amalric en caricature de colonialiste, Pascal Légitimus, touche locale beaucoup plus sensée que les "expatriés", des guérilleros, une secte mangeuse de cerveaux, un huissier fou et même le cadre ambitieux d'une société d'audit qui a l'intention de construire une ligne TGV entre Cayenne et Manaus. Il y a aussi beaucoup d'arbres et quelques animaux étranges comme ce serpent albinos en plein repas, un ver accordéoniste amateur de jazz ou des coléoptères dotés de deux phares phosphorescents. Cela ne donne pas spécialement envie d'aller faire du tourisme en Guyane, a moins que l'on désire, comme nos deux héros qui vont finalement roucouler ensemble nus dans une pirogue, de quitter ce monde de fous.


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"L'humain n'est pas rentable"
loi de la jungle,pons,macaigne,légitimus,guyane,peretjatko,haut et courtOn retrouve toujours avec un grand plaisir les deux acteurs fétiches d'Antonin Peretjatko. Vimala Pons en lanceuse de couteau téméraire, constamment une clope au bec, petit short sexy voire un peu moins quand elle ingurgite sans le savoir un puissant aphrodisiaque. Vincent Macaigne, costard cravate, énorme code de la Norme sous le bras, symbolise parfaitement ces technocrates européens persuadés que ces "poussières d'empire", à cause de leur statut de département français, doivent répondre aux mêmes normes qu'à Berlin ou Lisbonne... Il va rapidement déchanter, comprenant qu'il n'est qu'un rouage dérisoire dans l'énorme escroquerie du politiquement correct. Quelques tirades bien senties remettent les pendules à l'heure comme ce directeur de cabinet qui reconnaît que "l'humain n'est pas rentable" ou ce "stagiaire de la femme de ménage" venu passer l'aspirateur à sa place. On retrouve un ton libertaire absolu dans ce film, comme dans les meilleurs Mocky. L'intrigue est souvent remisée au second plan, juste pour permettre un clin d'œil comme cette statue de Marianne perdue en forêt ou ce pont financé sur des fonds publics mais qui ne sert à rien. Le pire étant cette station de ski en pleine zone équatoriale. Mais là, le réalisateur n'a rien inventé, un tel complexe existant en Arabie Saoudite...

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