mercredi 18 juillet 2012

Anquetil, idole mal aimée

Paul Fournel signe un portrait subjectif et passionné de Jacques Anquetil, un géant du cyclisme mondial.



Paul Fournel, Jacques Anquetil, Seuil, cyclisme, poulidorLa Caravelle. Jacques Anquetil, dans les années 50 et 60, a hérité de ce surnom. Ce cycliste français filiforme, spécialiste du contre la montre, allait vite, très vite. Aussi vite que cet avion, fierté de la technologie française de l'époque. Paul Fournel a une dizaine d'années quand il découvre ce coureur d'exception. Le gamin vient de trouver son idole, son modèle. Paul Fournel a doublement fait du vélo, ses jambes pédalent, son esprit et son imagination réécrivent les exploits d'Anquetil. 60 ans plus tard, il raconte dans cette biographie très subjective le parcours hors norme de ce sportif de légende, imbattable mais toujours devancé dans le cœur des Français par son malheureux rival, Poulidor.

Alors que le Tour de France après une première semaine très roulante va aborder la première épreuve de vérité (un contre la montre, ce lundi), ce livre de Paul Fournel parle d'une époque où les cyclistes étaient les seigneurs de la route. Des idoles, faisant vibrer des milliers de spectateurs. Dans les années 50, ce sport va se professionnaliser. Les équipes nationales vont être abandonnées au profit des marques. La France est à la pointe, notamment depuis l'arrivée sur le circuit de Jacques Anquetil. Ce Normand, grand, blond, dur à l'effort, aime par dessus tout l'épreuve du contre la montre. Sa légende il va la construire dans le Grand Prix des Nations et quelques étapes du Tour de France. Son secret : repousser les limites de la souffrance. Pour lui, s'entraîner c'est avoir mal. Et pour gagner, il faut encore aller plus loin dans la douleur.



« Pédalant comme un forcené »

Paul Fournel, gamin de dix ans déjà passionné de vélo, est « petit et rond ». L'opposé d'Anquetil. Il s'identifie pourtant au cycliste. « La Caravelle a traversé mon enfance cycliste dans une mystérieuse majesté. Trop jeune pour comprendre, j'étais bien assez vieux pour admirer. Je dévorais des yeux ce champion avec ses allures d'étoile sur pointes et je faisais d'inlassables tours de la maison pédalant comme un forcené avec mes jambes grassouillettes, les pieds en canard. » Ce livre hommage retrace les grandes étapes de la carrière d'Anquetil, analyse son rapport avec la compétition, les médias, le dopage. Rien n'est laissé dans l'ombre. Ce n'est pas un panégyrique, le temps a fait son office. Et Paul Fournel a quand même beaucoup mis de lui dans ce texte parfois aussi sec et brutal qu'un démarrage de finisseur.

Parmi les grands exploits, les records de l'heure. En 1956, à Milan, le Français s'attaque au plus beau des titres. « Anquetil va tourner en rond, en cage, pendant une heure, sans bouger, au bout de la souffrance. Une heure à fond dans l'absolu du vélo. Pour Jacques, rien n'est plus beau que le record de l'heure. On ne peut pas y faire deuxième. C'est tout ou rien. »

De l'éternel deuxième il en est aussi beaucoup question dans ce livre. Poulidor ne gagne pas. Mais Poulidor est adulé des foules. Anquetil gagne, mais n'est pas aimé. Paradoxe français, qui place Paul Fournel, à l'époque, dans le « mauvais camp »...

Ce livre permet aussi de remettre à sa place un coureur peut-être un peu trop intelligent. Il n'a pas caché qu'il courrait pour l'argent. C'est riche et sa famille à l'abri du besoin qu'il a quitté la compétition. Là aussi il était un précurseur salué par la plume de Paul Fournel.

Michel Litout

« Anquetil tout seul », Paul Fournel, Seuil, 16 €


Aucun commentaire: