mercredi 24 janvier 2007

Littérature et pop - Libertines romancés

En romançant l'histoire du groupe de rock anglais les Libertines, David Brun-Lambert raconte surtout une amitié destructrice entre deux artistes dans "Boys in the band".



Carl raconte, Peter est le héros. Carl et Peter ont fondé un groupe de rock, anglais, novateur, extrême et devenu culte en quelques mois. Première oeuvre de fiction de David Brun-Lambert, journaliste musical, ce « Boys in the band » est la version romancée de la courte mais passionnante existence du groupe anglais des Libertines. Carl c'est Carl Barât, Peter c'est Pete Doherty. A la fin des années 90, ces deux jeunes Anglais se rencontrent presque par hasard et se découvrent une passion commune pour le rock. Carl, le narrateur, commence son récit par la description de son enfance, pas spécialement gaie. Son père le frappe, sa mère, ayant régulièrement abandonné son foyer, est très absente.

Alors qu'il est en vadrouille dans le pays, il rencontre Peter. Grand adolescent au visage d'ange, il est réfractaire à toute autorité, lunatique mais extrêmement doué. C'est Peter qui écrit les chansons, mais Carl y donne les dernières améliorations, la touche finale qui transforme une poésie sans concession en texte universel. Un duo fusionnel, se lançant à corps perdu dans cette aventure de la scène rock. Talent et originalité ne suffisent pas au début. Donc c'est galère sur galère. Les hôtels pouilleux, les clubs miteux, les cachets en nature (une grosse quantité de bières...): la vache enragée absolue. Dans leur projet fou, ils entraînent deux autres musiciens et un agent. A force de donner concert sur concert ils finissent par se faire remarquer par un haut responsable d'un label rock qui décide de leur faire confiance. La fulgurante ascension du groupe vient de débuter.

Passion dévorante

Concerts houleux, single impassable à la radio mais qui grimpe dans les charts par le bouche à oreille, premiers scandales et découverte du groupe par la presse spécialisée : la mayonnaise prend avec son lot de dégâts colatéraux. Carl mord dans le succès avec plaisir, Peter en profite pour sombrer dans la drogue. La jalousie vient également perturber l'entente dans le duo. Peter devient la coqueluche du public, Carl vit mal cette mise sur la touche. Les querelles pourrissent la vie du groupe, ils en viennent souvent aux mains. La réconciliation intervient toujours sur scène : « Malgré la fréquence de nos engueulades et la violence entre nous, ou peut-être grâce à ça, l'intensité de ce que nous dégagions sur scène se trouvait décuplée. Je crois même qu'elle n'avait jamais atteint ce degré d'agressivité et de sexualité. Elle était à la fois compliquée, ambiguë, destructrice. En concert, j'étais parfois traversé par une décharge d'adrénaline comme je n'en ai jamais connu par la suite. »

Ego surdimensionné

Des concerts événements mais de plus en plus rare. Peter, rongé par le crack, est souvent incapable de monter sur scène. Carl décide de l'exclure du groupe tant qu'il ne se soigne pas. Le début de la fin. David Brun-Lambert a peut-être dramatisé une simple brouille d'égo surdimentionné. Mais on lui pardonne car tout en mettant Carl sur le devant de la scène, la vedette reste Peter, écorché vif, véritable poète incompris à l'immense talent trop souvent gâché. A la fin du roman, les deux copains se séparent, le groupe meurt. Dans la vraie vie, ils continuent à créer, chacun de leur côté. Carl discrètement, Peter en faisant la une des tabloïds anglais. Pour sa liaison avec Kate Moss et ses problèmes chroniques de drogue. Il a fait de la prison, mais reste pour la jeunesse anglaise une icône romantique.

« Boys in the band », David Brun-Lambert, Denoël, 15 €

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