mardi 30 janvier 2007

Roman - Les lettres du prisonnier

Quand un de ses lecteurs, par ailleurs prisonnier, écrit à Michel Ragon, l’écrivain y trouve prétexte à se remémorer sa jeunesse.


Ecrivain prolixe, Michel Ragon a traversé la seconde partie du XXe siècle. Ses œuvres, souvent historiques, abordaient rarement le « je ». Dans ce court roman, il ose, racontant ses amours, ses passions, ses origines. Le prétexte ? Une lettre de lecteur. Un lecteur prisonnier qui parvient à l’intriguer en déclarant dans ses missives qu’il connaît la femme de l’écrivain, Christine. L’inconnu écrit « Christine et moi étions du même monde. Nés dans le même milieu privilégié, ayant poursuivi les mêmes études. Et nous nous sommes abandonnés aux mêmes dérives. Les miennes m’ont conduit à l’incarcération. Les siennes l’ont menée vers vous ». Quelles dérives s’interroge l’auteur, se demandant s’il n’a pas manqué une partie importante de la personnalité de la femme avec qui il a vécu dix ans. Interloqué, intrigué, il se décide à aborder le sujet avec son ancienne épouse. Qui est cet homme ? Par ces missives, il désirait en fait retrouver l’adresse de Christine. Cette dernière est-elle d’accord ? Réponse sans équivoque : « Qu’il crève ! ».

La deuxième femme

L’inconnu prétend dans ses écrits que Michel Ragon s’est inspiré de Christine pour créer plusieurs de ses héroïnes. L’auteur, sans à priori, va tenter de se laisser convaincre par ces affirmations. Mais en recherchant dans sa mémoire, rapidement, ce n’est pas Christine qui s’impose, mais Louise, serveuse dans un bistrot, gouailleuse, désinvolte, libre. Louise qui lui permet de découvrir la vie, la vraie, dans la grande ville : « Venu avec ma mère veuve d’une campagne encore endormie dans son passé agricole, finalement douce à vivre, dans une grande ville industrielle, bruyante, remuante, je n’avais eu d’autre désir que de me cacher dans un trou de souris. » Louise est là pour le déniaiser, lui donner confiance. Louise qu’il retrouve des années plus tard à Paris. Le prisonnier continue ses parallèles entre Christine et les héroïnes, Michel Ragon est de plus en plus persuadé que ses personnages féminins tiennent beaucoup de la fougueuse Louise. Un cours magistral sur les sources d’inspiration des romanciers, leurs muses, conscientes ou inconscientes.

« Le prisonnier », Michel Ragon, Albin Michel, 12,50 €

Aucun commentaire: