vendredi 30 juin 2006

Thriller - Belle mais dangereuse....

Plongée dans les travers de la petite bourgeoisie de province. Un polar au goût de terroir signé Sylvie Granotier


On ne dira jamais assez le pouvoir néfaste des congés payés et autres RTT obligeant les stakhanovistes du travail à faire des breaks non désirés. Pierre Mangin, commissaire à la police judiciaire parisienne, a trop accumulé de retard dans ses repos légaux. Il accepte donc de faire une pause de quelques jours et décide, soyons fous, de passer ces moments de loisirs à la campagne. Et pas n'importe quelle campagne. Plutôt que de choisir la proche Normandie ou la dépaysante Provence, il opte pour la Creuse, « le bout du monde ». 
Il va rendre visite à de vieux amis, Robert et Anne-Marie, installés près de Guéret depuis des années. Mangin, le narrateur de ce polar écrit par Sylvie Granotier, décrit ainsi sa plongée dans le terroir : « La vraie panique surgit lorsque je me rendis compte que je ne traversais plus que des villages coupés en deux par la nationale, (...) autour de moi, la verdure gagnait, les champs aussi, vallonnés et remplis de vaches d'abord, de moutons placides ensuite. Seul un tracteur, de-ci de-là, rappelait la présence de l'homme. Et puis vint la forêt, de plus en plus envahissante, dans son état dénudé, le pire de l'année, même pas de neige pour habiller tout ça ». On le comprend, notre citadin regrette sa décision. Mais il a promis à ses amis de passer quelques jours en leur compagnie. Donc... 
 À son arrivée il tombe dans une famille on ne peut plus classique. Robert, entrepreneur débordé, passe toutes ses journées au travail, Anne-Marie, de jeune étudiante du temps de sa rencontre avec Mangin, s'est transformée en mère de famille en guerre avec ses deux ados. Le fils aîné, s'est réfugié dans la lecture et internet alors que la plus jeune, 14 ans, ne jure que par son portable et les aventures amoureuses de ses copines. Mangin, le devine vite, ce ne sera pas une sinécure. 

Ariane, l'apparition 
 Mais dans la grisaille, apparaît un rayon de soleil : Ariane. Il la rencontre brièvement au cours de sa première balade. Une jeune et farouche chercheuse de champignons. Second contact le soir même puisqu'elle fait partie des invités au grand repas organisé par Anne-Marie. Ariane, bibliothécaire, célibataire, mystérieuse, si belle. Mangin n'en croit pas ses yeux. Il aura fallu qu'il débarque dans ce trou perdu pour qu'il tombe éperdument amoureux. Mais la belle est insensible au charme viril du policier parisien. Elle repousse ses avances, avec calme mais détermination. 
 Mangin, déçu, cafardeux, va trouver un dérivatif en prêtant main forte au gendarme du cru dans la recherche d'un tueur en série de jeunes autostoppeurs. Et les rares indices vont le mener tout droit vers... Ariane. 
 Sylvie Granotier prend visiblement beaucoup de plaisir à décrire sans concession les mentalités parfois très obtuses et rétrogrades de cette petite bourgeoisie provinciale. Mais elle n'est pas tendre non plus pour son héros, Parigot, urbain, trop sûr de lui, fumeur invétéré car dit-il, « Aimant la vie, je ne renoncerai pas au tabac que j'aime, sous prétexte qu'il tue. ». Et puis, il y a surtout au centre de ce roman le personnage d'Ariane, complexe, tourmenté, au passé chargé de lourds secrets. Ange ou démon, jusqu'au bout le lecteur se posera la question. 

« Belle à tuer », Sylvie Granotier, Albin Michel 18 €.

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