mardi 14 février 2017

Roman noir : Causse toujours

Sur le Causse, balayé par le vent et le froid, seules les bêtes vous entendent hurler, de solitude ou de terreur.
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Là-haut sur le Causse, la vie semble s’être arrêtée. Longtemps les petits villages étaient suffisamment peuplés, malgré les rigueurs de la météo et de la terre. Mais inexorablement les familles sont clairsemées, les jeunes sont partis, les derniers résistants se sentent de plus en plus seuls.
« Seules les bêtes », roman noir de Colin Niel, aborde de façon frontale ce problème. La campagne française se meurt. Est morte plus exactement. Cela n’empêche pas les faits divers. Le roman propose la version de quatre personnes qui tournent autour de la disparition d’une jolie bourgeoise. Une fille de la ville qui a dit oui à un notable du cru, assez intelligent pour délaisser les troupeaux pour la politique. Même s’il est toujours question de moutons…
Première intervenante Alice. Fille d’exploitant, elle a repris l’exploitation de son père. Exactement elle s’est mariée avec l’ouvrier agricole qui a prolongé le travail d’élevage d’un beau troupeau d’aubrac. Alice est l’assistante sociale de la région. Elle va de ferme en ferme, renseigne sur les évolutions des directives européennes. Fait beaucoup d’écoute. Des vieux.
Des hommes seuls aussi comme Joseph. Célibataire, il a perdu sa mère il y quelques années. Depuis, à part Alice, il ne voit plus personne à part sa centaine de brebis. Il raconte avec une étonnante perspicacité sa situation. « Je sais pas comment c’est pour les autres, mais moi la solitude, je dirais pas que je l’ai voulue. Et elle m’est pas tombée dessus du jour au lendemain. Non, c’est venu lentement, j’ai eu le temps de la voir arriver avec les années, de la sentir m’entourer comme une mauvaise maladie. » Alice, comme pour tenter de le sauver, s’offre à lui. Une relation adultère qui détonne et ne sera pas sans conséquence sur la suite de l’intrigue.
Car l’auteur, qui a déjà signé plusieurs romans se déroulant en Guyane, dans la troisième partie quitte le Causse pour des cieux plus exotiques. Drame de la mondialisation et de l’omniprésence des réseaux sociaux. Le mari d’Alice, sous des airs de brute épaisse, est un cœur d’artichaut. Il est amoureux fou d’Amandine, jeune femme avec qui il converse par ordinateurs interposés. Amandine qui raconte son quotidien, à mille lieues des mensonges à destination de l’agriculteur français.
De polar rural, le roman de Colin Niel bascule dans le glauque. Par l’intermédiaire de Joseph, mais aussi d’Amandine, la surprise de taille de ce texte particulièrement actuel par ses thèmes abordés.
➤ « Seules les bêtes » de Colin Niel, éditions du Rouergue, 19 €

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