mardi 28 février 2023

BD - Des castagnettes pour les réfugiés climatiques du futur

David Ratte, auteur complet installé depuis quelques années dans les Pyrénées-Orientales, aime l’eau. Du moins il en met dans ses bandes dessinées récentes. Beaucoup dans le premier tome du 3e cycle de sa série vedette Le voyage des pères éditée par Paquet, beaucoup moins dans la suite de son roman graphique futuriste Réfugiés climatiques et castagnettes chez Grand Angle de Bamboo. Beaucoup d’eau dans le premier donc, puisqu’il s’agit d’une variation sur la vie de Noé et de son arche, beaucoup moins dans le second expliquant que le réchauffement climatique a transformé l’Europe du Sud en désert invivable. Conséquence, les habitants du nord, en l’occurrence les Parisiens, sont obligés d’héberger des réfugiés en provenance d’Espagne, du Portugal ou d’Italie.

Voilà comment Louis, fils de bonne famille, se retrouve à devoir accueillir dans son bel appartement une famille de Barcelone.

Tout se passe bien dans le premier album car Maria, la vieille mamie espagnole arrive en compagnie de sa petite fille, Nieves. Charmante, parlant le français, moderne, cette dernière ne laisse pas indifférent Louis. Mais face à l’agressivité des Français et le marasme économique, Nieves rejoint l’Allemagne, laissant Louis en tête à tête avec Maria ne parlant pas un mot de la langue de Molière.

La seconde partie de cette fable parfois triste, souvent comique et heureusement humaniste au final, montre l’évolution des relations entre Louis et Maria. Ce fils de grand bourgeois va découvrir dans cette grand-mère perdue mais pleine d’empathie, une mère de substitution. Avec une leçon au final : les étrangers permettent parfois de s’ouvrir sur le monde, de changer sa façon de voir et de mieux vivre les changements, voulus ou subis.

« Réfugiés climatiques et castagnettes » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 15,90 €

lundi 27 février 2023

BD - Alix face à la furie des Amazones

Pour relancer une série un peu essoufflée, il suffit parfois de peu de choses. Dans le cas d’Alix, créé par Jacques Martin et repris par quantité d’auteurs qui ont avant tout essayé de copier le maître sans amener beaucoup de changement, il aura suffi de demander à une femme scénariste de s’approprier ce monde de référence dans la BD historique pour dynamiter et relancer la franchise. Valérie Mangin arrive donc en sauveuse en imaginant, en premier lieu, un Alix plus âgé, devenu sénateur. Une série parallèle dessinée par Thierry Démarez. Le succès aidant, Casterman la sollicite pour plonger dans la série initiale, celle où Alix et Enak, jeunes et fougueux, sillonnent l’empire romain pour vivre des aventures édifiantes.

Après le tome 40, l’œil du minotaure, Valérie Mangin signe le tome 41, La reine des Amazones, toujours avec Chrys Millien au dessin. Une femme au scénario et des femmes dans l’action.

Alix et Enak, en visite chez un ami à Thessalonique dans la province de Macédoine, découvrent la légende des Amazones. Ces femmes guerrières, indépendantes, fières et intransigeantes, résistent à la domination romaine. Délia, la plus forte de toutes, s’est proclamée reine des Amazones et entretient une petite armée qui veut se mesurer aux soldats de Rome. Folklore ou véritable volonté d’indépendance ? Alix ne peut que comprendre ces femmes, souvent exploitées par les hommes, notamment les colons envoyés par César. Mais quand des femmes sont enlevées voire assassinée en pleine nuit dans Thessalonique, la situation change. Qui sont véritablement ces Amazones ? Alix, bien malgré lui, devra affronter ces femmes déterminées, même s’il n’est pas véritablement du bon côté de l’histoire.

L’émergence du féminisme dans un univers outrageusement masculin (et de plus en plus homosexuel, ce qui n’était que suggéré à l’époque de Martin semble beaucoup plus explicite dans la reprise de Valérie Mangin), donne un petit air d’actualité à des albums mêlant habilement réalité historique et récit progressiste.

« Alix, la reine des Amazones » (tome 41), Casterman, 12,50 €


BD - Les moulins de Don Quichotte revus par Disney

L’histoire de Don Quichotte utilise, à merveille, le pouvoir de l’imagination. Deux auteurs Disney italiens, Fausto Vitaliano et Claudio Sciarrone, revisitent cette tragédie avec Dingo dans le rôle du chevalier trop influençable et Mickey dans celui du très cartésien Sancho Pança.

Dans la vraie vie, Dingo est le gérant d’une librairie de BD. Mickey son employé. Le premier ne s’occupe que des comptes, le second des livres. Quand un carton d’albums tombe sur la tête de Dingo, ce dernier perd la raison et se persuade d’être le chevalier Don Dingo de Castille, chargé d’aller trucider les géants de fer. Mais dans cette version contemporaine du roman universel, les moulins sont remplacés par des éoliennes.

Une histoire de 60 pages, aux dessins ronds et expressifs, parfaits pour faire fructifier l’imagination des petits et des grands. Cette collection de chez Glénat, donnant l’occasion à de grands dessinateurs européens de donner leur version du monde imaginé par Disney au fil des décennies du XXe siècle, ne cesse de se bonifier. De Loisel à Cosey en passant par ces Italiens au talent incroyable, c’est un dépoussiérage en règle d’un univers un peu suranné qui est proposé aux amateurs de BD de qualité.

« Dingo Quichotte», Glénat, 15 €

dimanche 26 février 2023

BD - Georges & Tchang, idylle sur fond de Lotus Bleu


Cette année 2023 marque les 40 ans de la disparition d’Hergé. Le créateur de Tintin, en plus d’une œuvre immortelle qui a conquis des millions de lecteurs partout dans le monde, a eu une existence exceptionnelle. Du petit dessinateur scout au maître incontesté de la Ligne claire et de l’édition illustrée en Europe, il y a un parcours atypique où vie privée, imagination et création de personnages emblématiques se mêlent dans une légende décortiquée par nombre d’exégètes. Ces 40 ans sont l’occasion parfaite pour rééditer le roman graphique de Laurent Colonnier paru en 2012, Georges & Tchang, une histoire d’amour au Vingtième siècle.

En 1934, après des aventures très caricaturales de Tintin en URSS, aux USA ou au Congo, Hergé décide de mettre plus de réalisme dans les histoires du jeune reporter publiées chaque semaine dans le supplément jeunesse du quotidien catholique (et très à droite), Le Vingtième siècle. Il met le cap vers la Chine, vaste contrée aux prises avec l’envahisseur japonais.

Pour raconter cette guerre lointaine, il va recevoir l’aide d’un étudiant chinois : Tchang.

Cet artiste, expert en calligraphie, au pinceau léger et inspiré, va devenir l’ami d’Hergé, l’aidant sur le Lotus bleu, permettant aux aventures de Tintin de franchir un cap essentiel. Laurent Colonnier relate cette collaboration, cette rencontre d’artistes, mais laisse aussi entendre que le Georges Rémi belge de 27 ans, marié mais malheureux avec son épouse, n’est pas insensible à la beauté exotique du jeune Chinois.

Si à l’époque cette supposée relation homosexuelle semblait peu probable, quelques années plus tard, elle est remise sur le devant de la scène et finalement pas si incongrue. Un superbe album, en noir et blanc, hommage à la Ligne claire mais avec beaucoup de gris au crayon de papier. Un album ressorti avec une préface de Bruno Podalydès et une postface de Numa Sadoul.

« Georges & Tchang, une histoire d’amour au Vingtième siècle », Glénat, 17 €

De choses et d’autres - Moins cuit, moins cher ?

Mode lancée par une enseigne nationale, les baguettes sont désormais proposées sous différentes cuissons. Avant, le commerçant affable demandait comment on aimait son pain quotidien, pas trop cuit ou bien doré ?

Maintenant, trois piles sont en rayonnage. La blanche, presque de la pâte crue ; la normale, baguette juste comme il faut et craquante et la bien cuite, voire noire, réservée aux bonnes dents et amateurs de croûte un peu brûlée qui colle aux dents.

Trois baguettes, plus de choix mais un seul et même prix. Pragmatique, alors que tout le monde nous demande de diminuer notre consommation (jusqu’à trouver des astuces pour faire cuire plus rapidement les pâtes), je m’étonne du fait que ces trois versions de la baguette soient au même prix.

Car objectivement, une fournée blanche consomme forcément moins d’énergie que la bien cuite. Si la baguette normale est à 1,10 €, la logique voudrait que la blanche coûte 5 centimes de moins et la beaucoup plus cuite 5 centimes de plus.

Ce serait sans doute compliqué au niveau de la comptabilité du boulanger, mais compréhensible pour les clients.

Dans le même ordre d’idée, quand, au restaurant, le serveur vous demande la cuisson de votre viande, si vous répondez bleu, l’addition sera-t-elle un peu moins lourde que celle de celui qui aime les steaks bien cuits et transformés en semelles coriaces ? Là aussi, les restaurants ne se sont pas encore adaptés.

Et pourtant, s’ils baissaient leurs steaks tartares de 10 %, je suis sûr que leur facture énergétique serait moins problématique à la fin du mois.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 8 février 2023

samedi 25 février 2023

De choses et d’autres - Erreur tatouée

Je ne me suis jamais fait tatouer. Pas fou. Je sais parfaitement qu’un tatouage c’est pour la vie. Faut-il plaindre donc des hurluberlus qui regrettent de s’être fait graver sur la peau le visage de leur idole d’antan, un certain Kanye West ? Le chanteur américain a mal vieilli selon une formule un peu surfaite dans son cas.

Récemment, au cours d’une interview, il a tenu des propos ouvertement antisémites et proclamé son admiration pour Hitler. Kanye West, d’idole de la jeunesse, est devenu un paria absolu, à juste titre quand on se répand dans les médias en déclarant de telles horreurs. Alors forcément ceux qui arborent son visage sur une partie très visible de leur anatomie se retrouvent un peu gênés aux entournures.

Par chance, depuis quelques années, il existe une technique au laser pour effacer un tatouage. Problème, c’est long et coûteux. Heureusement, une organisation londonienne consciente des souffrances suscitées par ces tatouages indésirables, propose gratuitement l’effacement de tout portrait de Kanye West. Un programme qui existe déjà pour certains tatouages, comme l’appartenance à un gang ou une relation toxique.

La meilleure solution aurait en réalité été d’offrir une opération de chirurgie esthétique à l’idolâtre hitlérien. Lui blanchir la peau et lui faire pousser la mèche et la moustache. Il ressemblerait à son icône et là, au moins, on a la certitude que pas grand monde ne se balade avec le portrait du plus grand serial killer du XXe siècle bien exposé.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 22 décembre 2022

De choses et d’autres - Ritournelle obsédante

Hier matin, aux aurores, j’ai immédiatement eu la certitude que la journée serait mauvaise en lisant la page de Prades de l’Indépendant Catalan. Mon rituel du matin est assez rodé et très cadré. Une fois avalées les premières gorgées de café, je parcours les éditions du journal où je sévis depuis une bonne paire de décennies.

Et hier, arrivé à la section Conflent, c’est le drame…

Je tombe sur cet article titré « Et si on chantait de la variété française ? » Un article de quelques lignes annonçant un concert du groupe Les Chœurs d’artichaut le 12 février au Foirail à 15 h 30.

Dès que j’ai lu « Si on chantait », la voix de Julien Clerc s’est mise à chevroter dans mon cerveau. J’ai su que le refrain de ce tube écrit par Étienne Roda-Gil n’allait pas me quitter de la journée, voire de la semaine. Je ne suis certainement pas le seul à souffrir du syndrome dit de la « ritournelle obsédante ».

On ne sait pas pourquoi, une chanson, souvent un tube de la variété française dans mon cas - alors que c’est loin d’être ma tasse de thé - en étant entendu une seule fois par hasard, est répétée à l’infini dans son subconscient. Comme si nos neurones se comportaient à l’image d’un disque rayé. Si on chantait a commencé à résonner dans ma tête très tôt et, à l’heure où je rédige ces lignes, 12 heures plus tard, la crise n’est pas passée. Forcément, écrire dessus ne va pas arranger les choses.


Mais je ne devrais pas me plaindre car parfois je suis hanté par des airs encore plus horripilants. Le gros problème de la « ritournelle obsédante » : on ne choisit pas.

Parfois cela tombe sur un chef-d’œuvre qui vous donne la patate pour toute la journée, mais trop souvent on doit ânonner intérieurement un tube des années 70 ou 80 trop entendu à la radio à l’époque ou pire, une daube commerciale actuelle. Je m’abstiendrai de citer le moindre titre ou nom d’artiste.

Trop peur de vous l’imposer, juste en le lisant, comme ça m’est arrivé en découvrant la page de Prades. Même à mes pires ennemis je ne souhaite pas un tel châtiment.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 7 février 2023

vendredi 24 février 2023

De choses et d’autres - Le raz de marée d’Avatar 2

Cela fait une semaine ce mercredi que la seconde partie d’Avatar, film de James Cameron, est sorti au cinéma. Disney, producteur et distributeur du film, n’avait pas voulu communiquer sur les premiers chiffres de fréquentation. Les mauvaises langues y ont vu le fait que, finalement, le carton et raz de marée annoncés n’étaient pas au rendez-vous. Un bide de plus pour le cinéma mondial ?

Non, au contraire. Car une fois le week-end passé, notamment le dimanche après-midi et la grosse concurrence de la finale du Mondial, les premiers chiffres sont tombés et les pessimistes ont dû ravaler leurs prédictions défaitistes. 1 847 065 billets vendus en cinq jours.

Un démarrage supérieur aux chiffres du premier Avatar. Le public a donc répondu présent en masse pour plonger dans l’eau magique de la planète Pandora. Avec un nombre astronomique de salles, malgré une longueur supérieure, le second volet semble parti pour faire aussi bien, voire mieux que le premier.

Pourtant les premières critiques ne sont pas dithyrambiques : scénario un peu plat, répliques banales. Reste les effets spéciaux époustouflants et la beauté des images. Mais est-ce que cela suffira pour battre de nouveaux records ? La barre, en France, est placée à plus de 14 millions d’entrées. Il y a donc de la marge.

Mais de toute manière, le champion absolu du box-office semble intouchable. Titanic (toujours de James Cameron) affiche un incroyable 21,7 millions d’entrées en France. Chiffre qui devrait être amélioré à partir du 8 février 2023 pour la ressortie au cinéma de ce mélo d’anthologie.

En comparaison, Avatar 2 est une vaguelette face à un vrai raz de marée.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 21 décembre 2022

jeudi 23 février 2023

De choses et d’autres - Toujours plus de prises électriques

Si Elon Musk n’est pas le plus sympathique des milliardaires de la Tech, force est de constater que ses voitures, elles, ont de la gueule. Et des Tesla, il y en a de plus en plus sur les routes de la région. Des voitures tout électrique que vous ne verrez jamais à la pompe. Elles se rechargent ailleurs, sur ces bornes qui semblent pousser comme des champignons depuis quelques mois.

Les deux premières prises pour recharger son véhicule sont apparues dans ma commune, il y a quatre ans. Sur la place centrale, près de la mairie. Deux places de parking neutralisées pour quasiment rien. Je n’ai jamais vu une « toutélectrique » y faire le plein de volts.


Ensuite, le parking du supermarché local a été recouvert de panneaux solaires. Et quatre nouvelles prises ont été inaugurées. Là par contre, je remarque souvent des véhicules branchés. Juste le temps des emplettes du propriétaire. Sur une autre zone commerciale, toute récente, d’autres prises ont été installées. Entourées de plastique elles ne fonctionnent pas.

Enfin, d’un coup d’un seul, ce sont 6 bornes de recharges rapides qui viennent d’être ouvertes à 20 mètres de la station essence. Plein de prises, que je ne sais pas utiliser (je roule toujours au diesel), mais qui me rassurent indirectement. Car notre voiture arrivant en bout de course, on envisage sérieusement de passer à l’électrique. Débarrassés de la crainte de ne pas pouvoir recharger les batteries à proximité.

C’est tout bête, mais plus que la fiabilité des moteurs électriques des voitures, c’est l’assurance de pouvoir recharger sans galérer qui devrait permettre aux acheteurs de faire le grand saut vers les voitures propres.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 9 février 2023

De choses et d’autres - Les 5 fois 3 jours de 2023

Alors que le gouvernement demande, implore plus exactement, les employés de la SNCF de ne pas faire grève ce week-end pour préserver les fêtes familiales des Français, d’autres pensent déjà comment profiter au maximum du calendrier des jours féries de 2023. Il existe même des sites d’information très sérieux qui ont publié des sortes de mémos destinés aux salariés fatigués de naissance.

Un article explicitant « le bon plan pour avoir 64 jours de congés en ne posant que 26 jours de vacances » a rapidement cumulé des millions de vues. On parle quand même de 64 jours de congés, soit deux mois ! C’est un peu plus qu’un jour de Noël ou du nouvel an qui tombent, cette année, un dimanche… Car parfois les jours fériés ont la mauvaise idée de tomber en plein week-end. Il y a les bonnes et mauvaises années. Je me suis penché sur 2023. Pas pour planifier et optimiser mes congés (je souffre plutôt de la maladie inverse), juste par curiosité en feuilletant le nouvel agenda trouvé dans ma boîte aux lettres et offert par la municipalité. Pour les amateurs de week-ends de trois jours, bonne nouvelle. Pas moins de 5 jours fériés tombent un lundi en 2023.

Début des réjouissances le 10 avril, Lundi de Pâques. Ensuite le 1er mai tombe lui aussi un lundi de même que le Lundi de Pentecôte comme son nom l’indique bien. Et à la fin de l’année, youpi, Noël et le Nouvel An tombent eux aussi un lundi. Les plus courageux pourront commencer le réveillon dès le vendredi soir. Sauf, bien évidemment, s’ils travaillent dans un service public ou une entreprise qui doit fonctionner sept jours sur sept comme santé, transports en commun, sécurité... ou presse.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 23 décembre 2022

De choses et d’autres - Maté de travers

 

L’autre matin, mon épouse s’est levée de très bonne humeur. « J’ai la pêche, ce maté m’a boosté ! » Sacrilège ! Au lendemain de la défaite de l’équipe de France au Qatar face aux Argentins, comment ose-t-elle faire l’apologie de la boisson nationale de ce pays sud-américain ?

Car depuis quelques mois, sans doute après la lecture d’un roman se déroulant à proximité du Rio Parana, elle a délaissé le thé matinal pour le maté. Cette herbe sauvage typique est consommée en infusion selon un rituel assez précis. Calebasse et bombilla sont les deux mamelles d’un maté bien préparé et subtilement dégusté. Il suffit de mettre le maté dans la calebasse, recouvrir d’eau bouillante et de refermer. Ensuite, on sirote la boisson à la paille, la fameuse bombilla équipée d’un filtre à sa base.

Froid ou chaud, le maté est idéal à toute heure de la journée car, selon mon épouse qui s’est reconvertie en influenceuse argentine pour l’occasion, « ça donne un coup de boost mais progressif, pas comme le café qui provoque des palpitations si on en abuse. » On pourrait presque penser à un dopant car pour certains spécialistes, le maté est « connu pour augmenter naturellement la concentration, la clarté mentale et l’endurance physique. »

Bref, si Messi a été si bon dimanche, c’est sans doute en raison des litres de maté qu’il a ingurgité tout au long de sa vie.

Reste que boire du maté sous mon toit en ce lendemain de défaite nationale, c’est comme si on m’avait obligé à manger une choucroute après le match France-Allemagne de Séville en 1982. Or, je n’aime pas la choucroute. Ni le maté d’ailleurs !

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 20 décembre 2022

mercredi 22 février 2023

Thriller - Terreur au nord du Québec avec "Une saison pour les ombres" de R. J. Ellory

Un thriller ayant pour cadre une ville minière à l'extrême-nord du Canada. Meurtres de jeunes femmes, légendes indiennes et familles décomposées sont au centre de cette histoire signée R. J. Ellory chez Sonatine qui s'étale sur des décennies. 

Bienvenue dans la ville la plus au nord du Québec : Jasperville. Ville est d’ailleurs un peu excessif pour ces bâtisses plantées dans ce désert blanc où rien ne peut survivre en hiver face à des températures extrêmes. Mais comme il y a quantité de minerai de fer, une mine et une fonderie permettent à quelques centaines d’âmes perdues de survivre dans cet environnement hostile.

Jack Devereaux a quitté Jasperville il y a 26 ans. A 19 ans. Et n’y a plus jamais remis les pieds. Trop de mauvais souvenirs, une famille en morceaux, la peur de finir fou comme son grand-père ou son père. Jack, le personnage principal de ce thriller de R. J. Ellory doit pourtant retourner à Jasperville. La peur au ventre. Son petit frère est emprisonné. Il aurait tenté d’assassiner un homme sans raison apparente.

Une saison pour les ombres se déroule dans sa première partie en deux histoires parallèles. Le retour de Jack vers la ville de son enfance, en parallèle au récit de son enfance justement, comment il a découvert le grand nord du Québec. Et ses légendes.

Quand des jeunes femmes sont assassinées, la légende prétend que c’est l’œuvre d’un wendigo, fantôme indien. Et de se souvenir de ces nuits de terreur derrière la fenêtre : « Il y avait des êtres, dehors, dans l’obscurité, qui retenaient leur souffle, qui attendaient leur heure. Leurs yeux étaient d’une lumière noire, aussi terne qu’éclatante, qui ne les trahissaient pas. Ils pouvaient rester tapis dans la nuit, sur leur séant, les narines tressaillant au même rythme que des cœurs d’enfants. » Des légendes colportées par le grand-père. Jack a préféré les fuir. Mais son petit frère, bloqué à Jasperville, y a cru de plus en plus.

Dans cet hiver sans fin, quand le soleil disparaît même la journée, « la nuit enveloppait tout, si bien qu’inexorablement, elle donnait l’impression de pénétrer l’âme des habitants. »

Le roman va vous glacer les sangs, vous comprendrez la panique de Jack face à ce retour en enfer. Il va tout faire pour sauver son petit frère, Mais avant tout il devra comprendre pourquoi il a fui, le laissant seul face à ses cauchemars ainsi que sa petite amie de l’époque, Carine, abandonnée dans cet environnement toxique. Un texte puissant sur l’oubli, la rédemption et la découverte de la vérité.

« Une saison pour les ombres » de R. J. Ellory, Sonatine, 25 €

De choses et d’autres - Précieuses coquillettes

En ces temps très rudes d’inflation (+ 6 % aux dernières nouvelles) et d’augmentation des prix des produits alimentaires de tous les jours, les petites bourses ont tendance à se replier vers les basiques de la cuisine pas chère, celle qui permet aux étudiants de ne pas dépérir le long de leur cursus.

La reine du petit prix reste la coquillette. Faciles à préparer, pas chères, ne demandant qu’un minimum de compétence en gastronomie, ces petites pâtes se contentent d’une noix de beurre, voire d’un peu de ketchup et l’estomac est content. Les papilles un peu moins, mais pour le prix, il ne faut pas trop en demander.

Des coquillettes qui parfois ont un petit air de « madeleines de Proust », souvenir agréable d’une vie simple et insouciante. C’est peut-être ce qui a donné l’idée à des entrepreneurs de créer un bar à coquillettes. Un peu sur le principe du sandwich à composer soi-même en choisissant les ingrédients à rajouter dans la baguette fendue, le bol de coquillettes peut être nappé de sauce au fromage, agrémenté de boulettes de viandes, recouvert de gruyère râpé, voire relevé avec quelques copeaux de truffes.

Une initiative louable, si la principale caractéristique de la coquillette était conservée : son petit prix. Et là, on prend conscience que surfer sur la nostalgie permet souvent de gonfler artificiellement les prix. Car le bol de coquillettes, même avec un peu de truffes, à 11 ou 13 euros, cela représente une marge de plus de 10 euros. Même avec un produit en forte augmentation (1,60 € le kilo en moyenne), la culbute est phénoménale.

Alors, avant de céder au plaisir de retrouver une partie de votre jeunesse et de perdre pas mal de sous, faites bouillir de l‘eau et préparez la passoire.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 4 février 2023

mardi 21 février 2023

De choses et d’autres - Retour à l’envoyeur

Chanté par Dutronc en son temps, l’Opportuniste est toujours tendance au XXIe siècle. Ils sont de plus en plus nombreux à renier leurs premières convictions pour s’assurer un peu de pouvoir ou un ministère. La recomposition politique imposée par la victoire d’Emmanuel Macron a multiplié ces opportunistes.

Dans les rangs du parti présidentiel, on trouve quelques nouvelles têtes mais surtout beaucoup d’anciens ayant retourné leur veste. De droite comme Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin, ou de gauche à l’image d’Olivier Véran ou Olivier Dussopt.

Ce dernier, en première ligne avec la réforme des retraites, a cruellement été mis devant ses reniements lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale. Inaki Echaniz, jeune député de gauche des Pyrénées-Atlantiques, a interrogé le ministre du Travail sur cette réforme rejetée par une majorité de Français selon tous les sondages. « Allez-vous réellement prendre en compte les propositions des différents partenaires sociaux ou imposer une réforme déjà décidée par l’Élysée ? » a interrogé le député d’opposition. Une intervention solennelle, avec des phrases fortes contre le passage en force du gouvernement.

Le ministre s’est justifié, comme toujours, en expliquant que la réforme était nécessaire pour l’équilibre financier du système par répartition. Un ministre qui a totalement oublié que cette question, mot pour mot, c’est lui qui l’avait écrite puis prononcée le 4 mai 2010 à destination d’Éric Woerth, ministre du Travail de Sarkozy et porteur d’une première réforme des retraites.

Un retour à l’envoyeur qui fait mouche dans cette démonstration implacable de retournement de veste.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 10 février 2023

De choses et d’autres - Champion du monde au tableau

Dans un monde binaire il y a les 1 et les 0, les ronds et les carrés. Hier dimanche, le monde n’était pas binaire car presque exclusivement consacré aux ronds personnifiés par le ballon de foot. Il y avait pourtant une petite minorité d’irréductibles qui ont délaissé le sport le plus populaire de la planète préférant se passionner pour un autre championnat du monde, beaucoup moins médiatique.

Rien de rond dans ce dernier, au contraire tout doit être carré pour l’emporter. Car face à la finale du mondial au Qatar se déroulait la finale du championnat du monde d’Excel, un logiciel appelé aussi tableur. Une pelouse verte d’un côté, un cadre rempli de cases informatiques de l’autre, associées à des formules de calcul très compliquées.


La compétition d’Excel, sponsorisée par Microsoft, est même retransmise en direct sur ESPN, le grand groupe de médias sportifs américain. Comme il s’agit d’esport encore confidentiel (10 000 dollars seulement pour le vainqueur de l’épreuve), pas de stades et donc pas de polémique sur le nombre de morts lors de leurs constructions. Excel échappe aussi à la récupération par les politiques tentés de gonfler artificiellement leur cote de popularité.

Par contre, je reconnais un point commun entre excel et football : leur manque d’intérêt. Pour avoir dû éditer quelques tableaux de service sur Excel, je peux vous affirmer que parfois, à choisir, j’aurai préféré courir derrière un ballon rond au risque de me faire tacler par un plus fort que moi. C’est dire !

Enfin, si on peut légitimement penser qu’un champion d’Excel a un QI plus élevé qu’un footballeur, s’il fait partie de la race des geeks, il risque d’avoir la même propension à prendre pour hymne une chanson ringarde qui va vous hanter jusqu’à la fin de l’année.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 19 décembre 2022

lundi 20 février 2023

Cinéma - “L’astronaute” veut aller toucher les étoiles

Seul, aux commandes d’une fusée qu’il construit dans son garage, Jim veut aller dans l’espace.

Il a pris la chanson La quête de Brel à la lettre. Jim (Nicolas Giraud) veut atteindre « l’inaccessible étoile ». Mais au lieu de rêver, ce célibataire de 40 ans construit sa propre fusée et compte devenir le premier astronaute amateur à avoir réalisé un vol au-delà de l’atmosphère et une sortie dans l’espace.

Fou, doux rêveur ou scientifique pragmatique ? L’interrogation est vite levée car Jim, dans le civil, est ingénieur en aéronautique. Un spécialiste des moteurs de fusée, employé par ArianeGroup. L’espace, c’est sa passion depuis tout petit, quand son grand-père, agriculteur aujourd’hui décédé, se distrayait en construisant des fusées miniatures qu’il expédiait au-delà des nuages.

Cela fait huit ans que Jim mène son projet en total secret. Ne sont dans la confidence que sa grand-mère (Hélène Vincent) - la ferme abrite le hangar de construction de la fusée et le pas de tir - et un ami chimiste (Bruno Lochet) qui a mis au point un nouveau carburant, très puissant, mais aussi très instable. Pour assembler le moteur, Jim subtilise des pièces commandées en double dans le cadre de son travail. Une discrétion absolue obligatoire car l’entreprise est parfaitement illégale.

La mathématicienne et l’expert 

À quelques mois du lancement, Jim décide de renforcer l’équipe. Il contacte une jeune mathématicienne qui sera chargée de calculer la trajectoire de la fusée et un ancien astronaute français, Alexandre Ribbot (Mathieu Kassovitz) qui a failli mourir lors d’une sortie en scaphandre de la station spatiale internationale. Écrit, interprété et réalisé par Nicolas Giraud, ce film de science-fiction est plus science que fiction.

Tout semble crédible et même si on se doute qu’un tel projet est de l’ordre du travail pharaonique, on se prend au jeu. Quand la fusée, au nom très anecdotique mais si significatif de l’esprit français, est dressée sur son pas de tir, le film prend une autre dimension. Cela devient une sorte de thriller spatial car le temps presse, la menace est partout, le risque omniprésent. La jolie mathématicienne précise d’ailleurs en toute franchise que la fusée a 32 % de chances d’exploser au lancement.

Réalisation finalement très terre à terre, L’astronaute n’est pas un film se déroulant dans l’espace mais un film sur un désir d’espace. Ces étoiles qui font rêver, cette Terre si belle vue d’en haut. La synthèse parfaite de l’excellence technologique, la débrouille et la poésie des promesses enfantines.

Film français de et avec Nicolas Giraud ainsi que Mathieu Kassovitz, Hélène Vincent, Bruno Lochet

De choses et d’autres - De Mitterrand à Charlemagne

Étrange décision que celle de Laurent Wauquiez. Le président de la région Auvergne Rhône Alpes semble avoir un problème avec les symboles de gauche. L’adresse officielle du conseil régional, à Lyon, est officiellement Esplanade François-Mitterrand. Était, plus exactement, puisque cette adresse a changé.

Le bâtiment n’a pas déménagé, un peu trop coûteux, mais Laurent Wauquiez a ordonné que désormais tous les papiers officiels situent le conseil régional Cours Charlemagne. Une voie qui longe le bâtiment. L’entrée est toujours côté Mitterrand, mais sur les papiers, communiqués et autres publications officielles, c’est Charlemagne qui apparaîtra.


Laurent Wauquiez fait-il preuve de wokisme en tentant d’effacer le nom du premier président de la République de gauche, élu au suffrage universel ?

Imaginons maintenant que d’autres hommes politiques entrent dans ce petit jeu. La mairie de Perpignan, de place de la Loge pourrait déménager rue de la barre. Barre à droite toute ! Le conseil départemental de l’Aude n’a pas ce problème, puisque déjà sis allée Raymond-Courrière, ancien président de l’institution. Sauf, bien sûr, si le département bascule un jour à droite…

Pour le conseil régional d’Occitanie, c’est encore plus simple, puisque depuis la fusion, il est toujours partagé entre Toulouse et Montpellier. Alors, si le maréchal Juin, de Toulouse, devient un jour trop problématique (ses positions sur l’Algérie), il suffit de mettre en avant l’avenue de Pompignane, à Montpellier. Difficile de lancer une polémique, on ne sait quasiment rien sur Pompinius, le gallo-romain qui a donné son nom au quartier.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 17 décembre 2022

dimanche 19 février 2023

De choses et d’autres - Voir le bon côté des choses

En cette fin d’année, il est temps de relativiser et de tirer des enseignements de ces 12 derniers mois. 2022 s’annonçait comme une année positive. On sortait enfin de la pandémie, l’économie repartait… Et puis Poutine a un peu douché les prévisions par trop optimistes. La guerre en Europe, les pénuries, la crise de l’énergie : d’un futur rose on est passé à un avenir sombre.

Et si on arrêtait de se plaindre ? Voir le bon côté des choses, comme une philosophie obligatoirement positive ? Par exemple, la grève à la SNCF. Certes, cela met des milliers de Français dans l’embarras. Mais le positif c’est la fin définitive du risque de coupure d’électricité à Noël. Car des trains en moins c’est de l’électricité économisée pour éclairer les sapins et faire cuire les dindes au four électrique.

Et franchement, si l’oncle lourd, celui qui ne peut pas s’empêcher de sortir une plaisanterie graveleuse à 2 grammes et des allusions racistes à 3, reste bloqué chez lui, personne dans la famille ne va s’en plaindre.

De plus, statistiquement, dans le rebond de l’utilisation du covoiturage, il y aura forcément de belles histoires d’amour qui vont naître. Quand la lutte finale devient conte de Noël : Monique, sans train pour aller d’Albi au Barcarès, accepte de faire le trajet avec un certain François. La première veut découvrir le village de Noël, le second rejoint sa fille pour les fêtes. A Castelnaudary les deux divorcés rient, à Narbonne il fait très chaud dans la voiture, à Leucate ils prennent ensemble un Airbnb.

Dans un an, ils seront mariés et brûleront chaque 23 décembre un cierge à Saint Joseph, patron des travailleurs et par extension protecteur des grévistes purs et durs.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 24 décembre 2022

Cinéma – Les illusions chantées de « La grande magie »

Sur des musiques de Feu ! Chaterton, Noémie Lvovsky propose un film « qui chante et qui danse » sur l’amour, les illusions et le temps qui passe.

Pas véritablement une comédie musicale, La grande magie est plutôt, selon la formule de sa réalisatrice, Noémie Lvovsky, « un film qui chante et qui danse ». L’histoire d’une petite troupe de magie dans les années 20, saltimbanques d’un temps révolu, surtout doués pour baratiner les bourgeois en villégiature dans les grands hôtels en bord de mer.

Une certaine effervescence règne dans ce bel hôtel dont le parc arboré donne directement sur l’océan. Les clients attendent avec impatience le spectacle de magie promis par la direction. En vedette Albert, le professeur, (Sergi López), personnage haut en couleur qui peut faire disparaître des colombes, des foulards ou votre femme, au choix. Avec son troisième œil, il peut aussi tout savoir de vous, de la dernière péripétie d’un de vos parents à la conclusion du livre que vous lisez actuellement.

Le professeur est un bel escroc, qui utilise parfaitement les talents de ses complices (François Morel et Damien Bonnard), pour découvrir les petits secrets des clients et ainsi briller à leurs yeux. Tout cela n’intéresse que très peu Charles (Denis Podalydès), mari jaloux de Martha (Judith Chemla). Sauf que lors de la représentation, elle se porte volontaire pour aller dans le cercueil dans lequel Albert compte la faire disparaître. Elle le prend au mot. Car Martha n’en peut plus de vivre sous la surveillance constante de ce mari qu’elle n’aime plus.


Quand l’assistante et femme d’Albert, Zaïra (Noémie Lvovsky), fait passer l’épouse derrière la scène par la trappe dérobée, Martha prend ses jambes à con cou et disparaît pour de bon. Au grand désespoir du magicien. Le mari s’énerve. Alors il improvise, prétend que Martha est dans une boîte en bois, qu’il a le pouvoir de la faire réapparaître s’il croit vraiment en elle. Sinon, elle s’évaporera à jamais dans les volutes de cette Grande Magie qui ressemble à s’y méprendre à de la grande escroquerie.

Donner sa chance à la magie

 Sur cette trame finalement sérieuse sur l’amour et la liberté, Noémie Lvovsky pose des scènes cocasses avec les vies en parallèle des autres membres de la troupe comme la jolie Amélie (Rebecca Marder), amoureuse d’un des garçons d’hôtel. Le tout entrecoupé de petites chansons composées par Feu ! Chaterton.

Le film a des ressemblances avec Tralala des frères Larrieu. Ce côté spectacle permanent de la vie quand on la prend du bon côté. Car finalement, on s’aperçoit que nos existences, au lieu d’être trop sérieuses, gagneraient à être plus légères, avec un peu plus de place pour l’illusion, la magie.

On sort de la séance allégé du poids des vicissitudes du quotidien, joyeux et souriant, capable d’accepter toutes les démonstrations par l’absurde du génial professeur, merveilleux Sergi López, grand manipulateur du public devant l’éternel.

Film français de et avec Noémie Lvovsky et Denis Podalydès, Sergi López, Judith Chemla, François Morel, Damien Bonnard

samedi 18 février 2023

De choses et d’autres - De l’origine des ingrédients

Un écrivain, chargé par son épouse d’aller faire les courses dans les grandes surfaces, a récemment fait part de son étonnement face aux indications qui se rajoutent sans cesse sur les emballages des produits manufacturés. Avec parfois d’étonnantes précisions. Il prend pour exemple du jambon italien. L’étiquette précise les ingrédients utilisés, mais également ceux qui ne le sont pas.

Avec stupeur, il découvre ainsi que son jambon est « sans gluten, sans dérivés du lait. » Une précision à destination des allergiques, sans doute, mais qui fait cependant bizarre, car qui utilise du lait pour faire sécher du jambon ? Comme c’est un chicaneur de la pire espèce, il aimerait que ces étiquettes soient un peu plus précises « ainsi mon jambon italien pourrait être garanti sans alcool, sans sulfate de mercure, sans hydrogène liquide, sans résidus de craie, sans extrait de houx, etc. » Par contre on ne saura jamais si le jambon est bon. Ou même s’il a le goût du jambon.

La grande mode, depuis quelques années, sur les étiquettes est de préciser, en gros et avec, si possible, un logo tricolore, l’origine française des ingrédients. Lait, pomme de terre, cochon ou haricots sont français, alors il faut l’écrire en gros. Par contre, on sait depuis l’an dernier que l’huile de tournesol est essentiellement ukrainienne et les graines de moutarde canadiennes.

Mais les industriels ont plus d’un tour dans leur sac. Le « origine France » est parfois remplacé par un « fabrication française » ou « conditionné en France ». Mais pas un seul produit n’échappe à cette récupération cocardière.

Même les bananes sont fièrement françaises puisque originaires des Antilles. On ne peut pas le rater, elles sont vendues entourées d’une bande autocollante… bleu , blanc, rouge.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 11 février 2023

DVD - Rire des riches, le credo de "Sans filtre"


Palme d’or à Cannes, en course pour plusieurs Oscars aux USA (meilleur film, scénario et réalisateur), Sans filtre (M6 Vidéo) du Suédois Ruben Östlund est une satire impitoyable de la société du paraître. Les riches, nouveaux et héritiers, en prennent pour leur grade dans ces trois heures de virtuosité cinématographique. Un long métrage découpé en trois parties.

On découvre dans un premier temps le milieu de la mode et les réussites du couple Carl et Yaya (Harris Dickinson et Charlbi Dean Kriek, décédée peu de temps avant la sortie du film en salles, à 32 ans). Un couple loué par sa beauté, invité pour briller sur une croisière de luxe avec de très riches industriels.

Dolly de Leon, une des comédiennes de Sans filtre.
  M6 Vidéo


La suite est un véritable massacre de classe, jouissive en ces temps où le peuple gronde dans la rue contre les superprofits des grands groupes capitalistiques. DVD et blu-ray offrent de jolis bonus pour un film dont l’achat se justifie déjà à lui tout seul. En plus d’un gros quart d’heure de scènes coupées (notamment l’histoire de la bague de fiançailles offerte par Carl à Yaya), deux longues interviews réalisées à Cannes sont proposées ; la comédienne Dolly de Leon et le réalisateur, espiègle quand il explique tout le plaisir qu’il a éprouvé en filmant le repas durant la tempête sur le bateau, prouesse cinématographique qui restera dans les annales du 7e art. 

vendredi 17 février 2023

De choses et d’autres - Accélération de l’actualité

La semaine qui vient de s’écouler est un exemple pour les écoles de journalisme. L’actualité est souvent conditionnée par un agenda prévisionnel et incontournable. Et puis l’inattendu bouscule tout.

Depuis la quasi fin de la pandémie, tout semblait être revenu à la normale. En dehors de la réforme des retraites et des suites de la guerre en Ukraine, rien ne semblait pouvoir perturber les sujets traités. Même la Saint-Valentin avait une petite chance de se tailler une jolie place dans les gazettes.

Mais patatras, tout change sur des impondérables. Alors que les députés insoumis semblent maîtres du temps et de l’opinion à l’Assemblée, mettant en difficulté un gouvernement en manque de popularité, il suffit d’une photo d’un certain Thomas Portes, élu LFI, pour que tout soit inversé. Il pose fièrement, tel un chasseur africain, le pied sur un ballon à l’effigie du ministre du Travail.

Ce dernier, de « super vilain » qui va pourrir la fin de vie de millions de Français se transforme en victime qu’on ne peut que plaindre… Certains élus à gauche regrettent cette propension à se tirer des balles dans le pied (l’image est doublement explicite et justifiée).

Tempête à l’Assemblée. On ne parle plus de la retraite. Ça crie, s’invective et le RN ricane. Le débat de fond disparaît totalement.

Jusqu’à ce fait divers horrible sur une route de la région parisienne. Une collision frontale, cinq blessés, un bébé mort. Comme un des conducteurs (celui qui a quitté sa voie de circulation) est connu et contrôlé positif à la cocaïne, c’est l’hallali. On ne parle plus que des dérives de Pierre Palmade, l’amuseur qui a cessé de faire rire. Un gros titre en chasse un autre. L’actualité s’accélère et redevient incontrôlable.

Si la tendance se confirme selon la classique loi des séries, je redoute le missile nucléaire lancé par inadvertance mardi ou la mort violente d’un grand de ce monde jeudi.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 13 février 2023

DVD - La petite voix intérieure de Jeanne la tourmentée

Pour son premier long-métrage, Céline Devaux tente le film hybride. Plutôt spécialisée dans le film d’animation (trois de ses courts-métrages sont proposés en bonus dans la version vidéo de Tout le monde aime Jeanne, (Diaphana Vidéo), l’histoire de Jeanne mêle prises directes et courtes séquences animées. Jeanne (Blanche Gardin), est une jeune femme brillante. Chercheuse, elle tente de sauver les océans. Mais sa dernière invention se révèle être un fiasco. De « sauveuse de l’humanité » elle se retrouve bombardée « mème comique sur le net ».

Déjà assez introvertie et propice à la dépression, Jeanne s’enfonce. Criblée de dettes, elle doit se rendre à Lisbonne pour tenter de vendre l’appartement de sa mère, morte l’an dernier. Tout l’intérêt du film réside dans la petite voix intérieure de Jeanne (les séquences en animation), souvent en totale contradiction avec ses réactions. Une sorte de petit fantôme, sarcastique, négatif et parfois moralisateur, contrepoint des actions souvent décousues d’une femme de plus en plus paumée, seule et fatiguée.

A Lisbonne, elle retrouve Victor (Nuno Lopes), un ancien amant et croise un certain Jean (Laurent Lafitte), ami d’enfance mais dont elle a totalement oublié l’existence. Jean, encore plus fou que Jeanne, passé par la case dépression et qui désormais vit selon une philosophie entre anarchisme débridé, farniente et vol dans les grandes surfaces. Le film prend une autre tournure quand ces deux inadaptés de la société tentent de se rapprocher. C’est beau et finalement plein d’espoir.  

jeudi 16 février 2023

Cinéma - L’amour à sens unique de “La femme de Tchaïkovski”

Marié pour faire taire les rumeurs sur son homosexualité, Tchaïkovski a fait vivre un véritable enfer à la femme qui, elle, l’adorait à la folie.

La célébrité n’autorise pas tous les excès. Ce qui est vrai aujourd’hui, l’actualité récente nous le prouvant par le tragique, l’était également au XIXe siècle. Kirill Serebrennikov, cinéaste russe, propose le biopic d’Antonina Milioukova (Alyona Mikhailova), La femme de Tchaïkovski.

Le musicien russe, de plus en plus célèbre vers 1877, cherche un moyen de faire taire les rumeurs circulant sur son compte. Quand il reçoit une lettre d’amour enflammée de cette jeune étudiante en musique, il se laisse tenter. Tout en la prévenant qu’il sera un très mauvais mari, sans passion ni amour, il accepte de l’épouser. Elle est aux anges, ne soupçonnant pas que l’artiste utilise ce stratagème pour persuader admirateurs et mécènes qu’il n’est pas homosexuel.

Le film, qui débute par une scène oppressante sur les obsèques du musicien, raconte comment cette femme, idéaliste, sans doute trop bercée de jolis contes, persuadée que la prière lui permettra d’arriver à ses fins, est aveuglée par un amour à sens unique. Car elle l’aime ce grand compositeur. Elle l’admire. Mais lui semble de plus en plus méfiant, hostile. Mariée, elle croit que tout va s’arranger. Mais Tchaïkovski comprend chaque jour son erreur. Non seulement il n’arrive plus à composer, mais il est gagné par une haine tenace de cette femme. Il demande le divorce quelques mois plus tard. Antonina refuse, ne le verra jamais plus mais restera sa femme jusqu’à la mort du musicien.

Dans l’esprit de l’épouse 

Ce film, très classique dans sa reconstitution historique, novateur par des effets de temps et d’espace, raconte les faits, sans trop les montrer (notamment la vie privée de Tchaïkovski comme si ce n’était pas le plus important du problème), tout en invitant avec subtilité et grâce le spectateur dans l’esprit de cette femme. On l’accompagne dans sa longue descente aux enfers. La comprenant en grande partie quand le réalisateur explique par petites touches les conditions de vie des femmes russes à cette époque.

Être mariée c’est souvent la solution pour se sortir de la misère, même si c’est toujours au détriment de sa liberté. Et si la femme de Tchaïkovski, au début, ne voulait pas divorcer par passion, au fil des années y a essentiellement vu un avantage financier impossible à remettre en cause.

Le film, qui s’arrête à la mort du mari, ne montre pas la fin de vie de l’épouse. Elle a terminé ses jours dans un asile pour fous. C’est compréhensible tant elle a subi, dès son plus jeune âge, une existence hors normes qui en aurait brisé plus d’une avec beaucoup plus de rapidité. Un film d’une rare intensité sur un amour impossible.


Film russe de Kirill Serebrennikov avec Odin Lund Biron, Alyona Mikhailova
 

Série télé - Jeunes chasseurs de fantômes dans « Lockwood & Co » sur Netflix

Réalisation anglaise destinée aux adolescents, Lockwood & Co sur Netflix propose de suivre trois jeunes chasseurs de fantômes dans Londres. 

La création télévisuelle anglaise a toujours été d’une étonnante vitalité. Confirmation ces derniers mois sur les plateformes de streaming. Périphériques, les mondes de Flynne sur Amazon, Extraordinary sur Disney + et Netflix n’est pas en reste avec Lockwood & Co, série en huit épisodes, destinée au public jeune d’après une série de romans de Jonathan Stroud (Albin Michel et Livre de Poche en France).

Dans un présent légèrement différent, du jour au lendemain, des fantômes sont arrivés en nombre dans les villes anglaises. Pour les combattre, seuls les adolescents sont efficaces. Cela a donné naissance à des agences de chasseurs de spectres, armés de chaînes, de bombes au phosphore et d’épées.

La jeune Lucy Carlyle (Ruby Stokes), très douée pour déloger les ectoplasmes, est embauchée par Lockwood (Cameron Chapman) et George (Ali Hadji-Heshmati). Un trio qui forme l’entièreté de l’agence Lockwood & Co, différentes des autres structures pas sa petitesse et surtout l’absence d’adultes pour superviser les nettoyages nocturnes des maisons hantées.

Effets spéciaux convaincants, psychologie des protagonistes très poussée mais pas trop caricaturale (Lucy est mal dans sa peau, Lockwood trop sûr de lui et George excessivement geek et prudent), la sauce prend dès le premier épisode. En huit chapitres parfaitement renouvelés, sans négliger la trame générale, Lockwood & Co est une jolie surprise de ce début d’année sur Netflix. Surprise british, encore une fois.

 

mercredi 15 février 2023

De choses et d’autres - Oiseaux de malheur

Entendez-vous ces cris d’oiseaux dans la campagne profonde ? Depuis dimanche, le doux chant d’une nature bienveillante, pour certains du moins, est devenu un véritable cauchemar pour mon épouse et moi. La faute aux pigeons qui prolifèrent dans le village.

Le grand hangar agricole ouvert placé derrière chez nous est régulièrement colonisé par des dizaines de volatiles. Les propriétaires ont tout tenté pour les faire fuir. Chats, filets… en vain. Ils semblent avoir trouvé l’arme ultime avec l’installation d’un effaroucheur sonore.

Un haut-parleur, très puissant, diffuse des cris d’oiseaux en détresse et d’autres de rapaces qui chassent. Une bande sonore d’un peu plus d’une minute qui se répète incessamment, dès 8 heures du matin et pour toute la journée… Effet immédiat sur les pigeons qui détalent à tire d’aile. J’en ai même retrouvé un totalement groggy sur un trottoir, de l’autre côté du pâté de maison, comme tétanisé par tant de frayeur.

Le problème c’est que l’effet est tout aussi rapide sur nos nerfs. Même les fenêtres (à double vitrage) fermées, le cri des oiseaux fictifs résonne dans le salon et les chambres.

Alors maintenant, après un jour seulement, je peux affirmer sans trop de risque qu’il n’existe rien de plus exaspérant que des cris de geais en panique durant des heures et des heures. J’ai demandé au propriétaire de cesser au plus vite cette torture. Il a juste consenti à diminuer un peu le volume.

C’était sans compter sur mon épouse. Réveillée en sursaut par ces bruits affreux, révoltée par tant de cruauté, elle a réussi à faire promettre au gars (très gentil au demeurant), d’éteindre définitivement sa machine diabolique. Dès demain.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 3 janvier 2023