vendredi 31 août 2018

BD - Renaissance périlleuse



L’univers de Stephan Wul continue d’inspirer Olivier Vatine. Après plusieurs titres dans la collection dédiée de chez Ankama, il poursuit l’exploration des mondes imaginés par cet auteur de SF français des années 50 avec l’adaptation de « La mort vivante », roman paru en 1958 dans la célèbre collection Anticipation de Fleuve Noir. 

Fidèle au texte d’origine, Vatine s’est occupé du story-board, Varanda signant les dessins. Deux dessinateurs talentueux pour un album qui se déguste en couleur ou en noir et blanc dans une luxueuse édition. Dans un avenir post-apocalyptique, un jeune chercheur est contacté par une femme retirée dans un château au sommet des Pyrénées pour cloner sa fille, morte à 10 ans. Un remake de Frankenstein, notamment pour le résultat, la fillette se transformant en monstre engloutissant toute vie autour d’elle. Une histoire et un album visionnaire, ambitieux et beau. La première réalisation de Comix Buro (société imaginée par Vatine et qui devient une véritable maison d’édition) pour Glénat est une pure merveille.

« La morte vivante », Comix Buro & Glénat, 15,50 € (29,50 € la version luxe en noir et blanc)

dimanche 26 août 2018

BD - Un poussin dans la bataille divine



Quand les Dieux décident de s’affronter pour savoir qui va succéder à Udras, roi des dieux rouges, cela annonce des batailles sanglantes et violente. Du moins si on choisit bien son champion.

Pour Drouz, le sabre hurleur, pas de souci. De même Drübl, le monstre marin, a les muscles pour casser ses adversaires. Moins judicieux le choix d’Arek, un bellâtre qui séduit les femmes à tour de bras.


Mais pourquoi la déesse des animaux a-t-elle choisi de son côté Poussin-bleu ? Comme son nom l’indique, c’est un poussin bleu, éclos depuis moins d’une semaine et tout sauf téméraire. Mais c’est tout le le génie de Monsieur le Chien (un fou-furieux complètement dérangé et excellent dessinateur) qui a inventé cet univers.

Découpée sous forme de gags, l’histoire mélange situations cocasses, absurdes ou de grand-guignol. Arek, par exemple, a hérité du don de « salive acide ». A quoi ça sert ? Pas grand chose à part dissoudre les têtes de ses conquêtes féminines. Et si au final Poussin-bleu se révélait un véritable champion ? De la fausse héroic-fantasy et du vrai délire.

 ➤ « Poussin-Bleu » (tome 1), Fluide Glacial, 14,90 €

samedi 25 août 2018

Série télé - « Lost », la bible des années 2000


Pour clore cette énumération estivale de séries télé nouvelles ou cultes, impossible de ne pas faire un clin d’œil à la mère de toutes les créations, la bible : « Lost ». Phénomène mondial lors de la diffusion des deux premières saisons, Lost a pris une direction plus exigeante et compliquée dans sa narration qui a fait fondre ses audiences comme neige d’Alaska au soleil d’Hawaï. Mais un gros noyau de fidèles a continué à se passionner pour ces naufragés du temps. Derrière Lost on trouve deux créateurs qui depuis ont fait un sacré chemin. J. J. Abrams d’abord. Il a déjà connu le succès avec Alias, mais en imaginant ce monde fantastique, il marque les esprits. Du public mais aussi des professionnels. Il va quitter le petit écran pour relancer Star Trek puis la Guerre de Etoiles. On n’a pas fini d’entendre parler de lui. L’autre showrunner, Damon Lindelof, a réussi l’exploit de faire encore mieux en série télé avec « The Leftovers ». Parmi les acteurs, Mathew Fox est celui qui s’en tire le plus mal. Le héros plein de doute n’a pas su concrétiser son succès mondial sur grand écran. À l’opposé de sa « chérie », Evangeline Lilly, devenue la Guêpe pour Marvel et cumulant les millions d’entrées partout dans le monde.

➤ « Lost », ABC Vidéo

vendredi 24 août 2018

Rentrée littéraire - Casablanca, ville de passage


Ichrak, la belle de Casa, est retrouvée morte au petit matin dans la rue du quartier populaire de Cuba. Sese, jeune Congolais bloqué au Maroc dans sa fuite vers l’Occident, est le premier à prévenir le commissaire Moktar Daoudi. Elle est découverte exsangue, « une balafre lui barrait la poitrine et avait découpé son vêtement, une gandoura noire, brodée de fils d’or. » Une plongée immédiatement dans le nœud du drame. Car toute l’enquête qui suivra sera centrée sur la recherche du coupable. Le ré- cit signé In Koli Jean Bofane, auteur d’origine congolaise et vivant à Bruxelles, est surtout prétexte à raconter la vie quotidienne de ce petit peuple marocain. Entre passé et futur, des générations tentent de trouver un équilibre, toujours avec le Chergui, ce redoutable vent du désert pour déstabiliser, énerver. Une sorte de tramontane, mais chaude et étouffante.

Ce roman est aussi l’occasion de comprendre comment toute une population de réfugiés d’Afrique noire fait du Maroc la dernière étape vers cette Europe. On l’a encore vu hier avec le passage massif de dizaines d’hommes dans l’enclave espagnole de Ceuta.

Et pour la petite histoire, dernier clin d’œil à l’actualité, découvrez l’homme de confiance de Daoudi, un certain Choukri, « inspecteur bodybuildé, affublé d’une casquette et d’une lourde chaîne (...), celui qui ressemble au chanteur Booba ».

➤ « La belle de Casa », In Koli Jean Bofane, Actes Sud, 19 €

jeudi 23 août 2018

Rentrée littéraire - Combats de femmes


Quatre femmes dans une Amérique du futur proche se battent à divers niveaux avec la maternité. Quatre femmes dont on suit le quotidien avec une boule au ventre tant le récit de Leni Zumas est magistral dans la montée du drame. Il y a l’épouse, la biographe, la fille et la guérisseuse. La première a deux enfants de 6 et 3 ans. Elle vit avec Didier, son mari. Femme au foyer, elle se sent de plus en plus inutile. Et surtout ne supporte plus ses enfants. La biographe, au contraire désire ardemment un enfant. Mais célibataire elle est tributaire d’une insémination artificielle. Qui ne prend pas. Surtout les nouvelles lois américaines précisent qu’un enfant ne peut être élevé que par un papa et une maman. Sûrement pas par une femme seule, même si elle a une bonne situation professionnelle (professeur qui est en train d’écrire la biographie d’une exploratrice du Grand Nord). La fille, 16 ans, élève de la biographe, panique. Un rapport à la sauvette et la voilà enceinte. Mais dans cette Amérique du futur, l’IVG est devenu un crime. La guérisseuse peut lui arranger son affaire. Mais elle risque de passer quelques années en prison...Dans une langue moderne, où chaque situation s’imbrique au fil des pages, Leni Zumas livre un premier roman d’une incroyable force féministe.

➤ « Les heures rouges », Leni Zumas, Presses de la Cité, 21 €

mercredi 22 août 2018

Rentrée littéraire - Lac, bêtes, forêts : la sérénité


Grosse bouffée d’air pur et de nature sauvage dans ce court roman de la Canadienne Lise Tremblay.

Benoit, ancien dentiste, a pris sa retraite loin de Montréal l’urbaine. Il a acquis et retapé un chalet isolé dans le parc national du Saguenay, au bord du lac. Là loin de la civilisation, il vivote au calme avec son vieux chien Dan. L’automne arrive avec la saison de la chasse. Les esprits s’échauffent, les meilleures gâ- chettes espèrent tuer un caribou. Mais aussi des loups qui semblent s’approcher de plus en plus près des habitations de la petite ville. Benoit n’a que deux voisins. Rémi, sauvage et asocial. Il aime les bêtes. Sans doute car il leur ressemble. Mina, tout aussi sauvage. Mais si Rémi est dans la force de l’âge, Mina est en train de s’éteindre. Seule dans sa maison, elle refuse tout soin.

Benoit, lui, se penche sur son passé. Quand il ne vivait que pour le profit et les week-ends dans le grand nord qu’il rejoignait en pilotant son hydravion. Il a changé du tout au tout. Avec l’arrivée de Dan, son chien, offert par un vieil Indien. Et quand il reçoit un visiteur, le calme et l’ennui s’invitent dans la conversation : « Je pense souvent que ce qui va me faire le plus de peine lorsque je vais mourir, c’est de ne plus voir la nature » explique Benoit qui continue, sur l’ennui: « Je mets de la musique et je regarde le lac. C’est un ennui doux, ça ne rend pas anxieux. » Une langue imagée, poétique, une quiétude éternelle : ce roman donne envie de vivre calmement, loin de la fureur de la rentrée.

➤ « L’habitude des bêtes », Lise Tremblay, Delcourt, 15 €

mardi 21 août 2018

Jaoui - Bacri : la célébrité est-elle un problème de moumoute ?


Un film d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, dans le paysage souvent morose du cinéma français, ne peut que réjouir le spectateur amateur de rires sarcastiques et de drô- lerie originale. « Place publique » n’échappe pas à la règle. Si vous avez raté le film en salles, n’hésitez pas à faire l’acquisition du DVD ou blu-ray en vente depuis hier. Bacri et Jaoui interprètent un couple séparé. Castro est une vedette de la télévision. Star vieillissante, un peu dé- bordée par les jeunes et les nouveaux écrans. Elle est une idéaliste, toujours en lutte contre les injustices, bien à l’abri matériellement dans l’ombre de son nouveau compagnon, un dentiste triste à mourir. Ils se retrouvent lors d’une fête organisée par la productrice de Castro (Léa Drucker). Une fête où est également conviée la fille de Castro et Hélène. Cette dernière, devenue romancière, va publier une autofiction. Elle y égratigne indirectement ses parents, parlant de la moumoute du père et de l’égoïsme de la mère. Quand ils s’en rendent compte, c’est un véritable procès qui attend la jeune romancière.

Le film, en plus d’enchaîner les situations et répliques cocasses, est un brillant réquisitoire contre la société du spectacle. La télévision, mais aussi les nouveaux médias, en prennent pour leur grade. Avec Jaoui et Bacri, ça saigne et ça fait mal. Il n’y a malheureusement pas de bonus dans les coffrets, mais on se contentera de l’interprétation, sur le générique de fin, de « Osez Joséphine » de Bashung par un Bacri magistral.

➤ « Place Publique », Le Pacte, 14,99 € le DVD et 19,99 € le bluray.

BD - Seuls dans vos cauchemars


Morts, ils sont tous morts les enfants de Seuls, série fantastique de Vehlmann et Gazzotti. Ce n’était pas évident lors des dix premiers épisodes, mais maintenant le doute n’est plus permis. Quand ils se sont retrouvés seuls dans la grande ville désertée de tous ses habitants, ils s’en doutaient un peu. La rencontre avec Saul et son armée d’enfants endoctrinés a confirmé leurs doutes. Ils ne sont pas si seuls, vivent désormais dans les Limbes, peuvent souffrir et bataillent pour rester ensemble.


Dans le 11e titre, centré sur Yvan, réfugié dans une petite ville de pêcheurs en Bretagne, les cauchemars occupent encore une grande place dans le récit. Yvan vivote, économisant ses réserves de conserves et pêchant des araignées de mer dans le port. Première frayeur avec l’arrivée de Camille. La fillette, un peu bêta, a bien changé dans les Limbes. Elle fait peur. Deuxième cauchemar pour Yvan, l’arrivée la nuit du Ravaudeur et son bataillon d’enfants-zombies, les Cloueurs de nuit. Destiné aux adolescents, « Seuls » a dû en faire cauchemarder plus d’un. Ce 11e album va rendre encore plus terrifiantes leurs nuits.

➤ « Seuls » (tome 11), Dupuis, 10,95 €

lundi 20 août 2018

BD - Le cadavre ambulant de XIII Mystery


Dans la famille «Pas de veine », Alan Smith en impose. Ce personnage secondaire de la saga XIII de Van Hamme et Vance bénéficie à son tour d’un album propre dans la collection XIII Mystery. Le principe : pour chaque album (c’est le 12e), un duo différent de scénariste et de dessinateur raconte la vie avant (et parfois après) d’un personnage secondaire. Alan Smith est un jeune américain, parti combattre au Vietnam. Un jeune homme trop sensible, rapidement horrifié par les exactions de l’armée américaine dans les villages viets.


Une indignation qui ne durera pas très longtemps. Dès sa première mission, son groupe tombe dans une embuscade. Début des déboires. Laissé pour mort sur le champ de bataille, il n’est que finalement blessé. Il est récupéré par un hélicoptère abattu en vol. De nouveau indemne, il décide de mourir pour la patrie et met sa plaque d’identification autour du cou d’un cadavre calciné.

Capturé par les communistes, il est torturé, s’évade et se retrouve impliqué dans un trafic de drogue qui le mène de Hawaï au Costa Verde. Mais alors, qui est ce Alan Smith dans la saga de XIII ? Réponse dans les dernières pages. Écrit par Pecqueur, cette histoire est dessinée par Buchet, très à l’aise dans les scènes de combat.

➤ « XIII Mystery » (tome 12), Dargaud, 12 €

samedi 18 août 2018

Série télé - Fallet, rire suédois


Sur Netflix il y a tous les genres de série. De la romance au fantastique en passant par la science-fiction ou le thriller. Et puis dans le rayon humour, on trouve quelques belles pépites passées et présentes. Les Monthy Python, The Crown It (l’ancêtre de The Big Bang Theory) et des trucs plus étonnants encore comme « Fallet ».

Production suédoise avec une grosse dose d’humour anglais, ces huit épisodes de 30 minutes ont tout de la série policière, genre Bron. Mais pas que... Sophie Borg (Lisa Henni) est une policière d’élite. Du moins en est-elle persuadée. Quand elle abat le meurtrier d’Olaf Palme. Elle a visé la cuisse, mais a touché la tête... La bavure de trop. Mutée dans un trou perdu de Suède (sa ville natale), elle est chargée de l’enquête sur le meurtre d’un Anglais. Elle sera épaulée par Tom Brown (Adam Godley), lui aussi très mauvais flic.

Deux bras cassés, des flics locaux encore plus calamiteux, des notables intouchables : le scénario est prétexte à un maximum de scènes hilarantes. Notamment quand la légiste raconte comment la victime est morte. Retrouvé pendu, il a d’abord été vidé de son sang, enseveli, noyé, coupé en deux, recousu et finalement poignardé au bout de la corde...

De la grande parodie, avec un scénario en béton et des acteurs investis dans ces caricatures irrésistibles.

➤ « Fallet », disponible sur Netflix

vendredi 17 août 2018

BD - La philosophie à la mode Disney


L’album est beau, les dessins de Kéramidas superbes, la reliure en tissu classe, le papier faussement jauni par le temps du plus bel effet. Mais ce qui compte dans « Donald’s Happiest Adventures » reste le scénario. Un petit bijou ciselé par un Lewis Trondheim au meilleur de son inspiration. 48 planches autonomes, comme celles qui étaient publiées dans les années 50 dans les quotidiens du dimanche aux USA. Après un premier tome encore plus expérimental (les deux auteurs avaient imaginé une histoire mais n’avaient pas livré toutes les planches, laissant une grande part de vide et d’imagination aux lecteurs), ils offrent cette fois une histoire complète qui a d’ailleurs été prépubliée dans le journal de Mickey.



Donald, ce matin-là, se lève de mauvais poil (de mauvaise plume exactement). Des factures, un voisin énervant, des neveux farceurs et surtout un oncle qui ne cesse de l’utiliser pour augmenter sa fortune. Et Donald de se poser cette simple question : « Quel est le secret du bonheur ? » Immédiatement Picsou veut le connaître et se l’approprier. Résultat Donald ira par monts et par vaux, illustrant à chaque planche une petite réflexion philosophique. Génial et édifiant.

 ➤ « Donald’s Happiest Adventures », Glénat, 15 €

jeudi 16 août 2018

Roman - Monk dans le cloaque de Londres


Avec une régularité de métronome, Anne Perry sort une enquête de Monk chaque année.

Le détective anglais, responsable de la police du fleuve, est sollicité par un ami avocat. Un de ses clients est victime d’un enlèvement. Sa jeune femme vient d’être enlevée et les ravisseurs réclament une grosse somme pour la relâcher vivante. Monk est sollicité car l’échange doit se dérouler sur l’îlot Jacob, un lieu malfamé régulièrement submergé lors des grandes marées. Accompagné de quatre de ses hommes dont le fidèle et taciturne Hooper, il va tenter de capturer les kidnappeurs. Mais rien ne se passe comme prévu dans ce qui est le pire endroit de Londres : « La puanteur était abominable. Qui savait quels cadavres gisaient dans cette vase, réduits à l’état de bouillie et d’ossements ? Quelque chose bougea dans le cloaque. » La suite est violente. Les hommes de Monk sont attaqués, l’argent volé et la jeune épouse retrouvée morte lardée de dizaines de coups de couteau. Un échec sur toute la ligne pour le fier Monk. D’autant plus douloureux quand il comprend que les malfaiteurs bénéficiaient d’un complice dans son équipe.

Ce 24e volume, sorti directement en grand format, en plus de décrire un Londres du XIXe siècle toujours très dépaysant, offre l’occasion à la romancière de mettre en vedette Hooper, ancien marin entièrement dévoué à son patron.

➤ « Marée Funèbre », 10/18, 14,90 €

mercredi 15 août 2018

Cinéma - Comment faire de la poésie avec la conduite d’un chariot élévateur ?


Comment a-t-il fait ? Comment Thomas Stuber, réalisateur allemand, a-t-il réussi à faire un film aussi lumineux, beau et poétique juste en filmant des manutentionnaires dans les rayons d’un grand magasin discount ? Car « Une valse dans les allées » laisse une impression de beauté, de poésie, d’harmonie et de plénitude dé- routant au vu du sujet traité.

Christian (Franz Rogowski) vient d’être embauché dans un cette entreprise pour gérer le rayon boisson. Il sera supervisé par Bruno (Peter Kurth), un vieux de la vielle. Sans aucune expérience, Christian, quasi mutique, manipule des caisses de bouteilles et tombe en admiration devant le chariot élévateur de Bruno. Il va devoir apprendre à le conduire dans les allées, aller chercher des palettes tout au sommet du stock, être minutieux et rapide.

Le spectateur ne sait rien de la vie d’avant de Christian. Il se doute simplement qu’elle n’a pas dû être facile. Ses tatouages sur les bras et le cou, qu’il doit cacher quand il travaille car cela fait mauvaise impression sur les clients, laissent entrevoir un passé de violence. Dans les allées, comme s’il était admis dans une nouvelle famille, il veut faire bonne figure. Gentil, serviable, humble. Il ne fait pas de vague, ne veut surtout pas se faire remarquer.

Rayon confiserie
Ce n’est pas le cas de Marion (Sandra Hüller), la « madame bonbons » du magasin. Effrontée, joueuse, elle tourne autour de Christian. Il n’est pas insensible. Mais se lancer dans une relation amoureuse avec une femme mariée ne semble pas raisonnable. Sur cette intrigue minimale, le réalisateur tire une tranche de vie de l’Allemagne actuelle, besogneuse, respectueuse.

Quelques scènes marquent, comme le départ des employés le soir, quand, après avoir passé leur fiche à la pointeuse, ils serrent tous la main au chef de service. Ou la petite fête improvisée, le soir de Noël, quand le rush des clients est terminé.

Et puis il y a ces longues scènes où l’image se transforme en véritable peinture. Juste avec des empilages de victuailles et un chariot élévateur se dé- plaçant entre les allées, avec grâce et beauté. Au volant un Christian rayonnant. Tel un enfant heureux ayant toujours attendu ce moment. Comme s’il avait enfin trouvé sa place, modeste mais utile, dans une société déshumanisée.

➤ « Une Valse dans les allées », romance de Thomas Stuber (Allemagne, 2 h 05) avec Franz Rogowski, Sandra Hüller, Peter Kurth.

DVD et Bluray - Dans « Ready player One », Spielberg joue avec les joueurs


Les années 80 dans le monde occidental, pour certains, sont passionnantes. Le sommet de l’inventivité, l’ouverture sur le monde et surtout la possibilité de « consommer » la culture avec une facilité déconcertante. Cette ode à une décennie bénie a pris d’abord la forme d’un roman d’Ernest Cline. Succès mondial et surtout engouement des producteurs de cinéma pour un sujet qui fait la part belle à leur univers.

C’est finalement Spielberg qui décroche le gros lot et se lance dans la réalisation de ce film à grand spectacle mêlant prises réelles et réalité virtuelle à la Avatar. Le résultat est bluffant, le passage d’un monde à l’autre se faisant avec une étonnante facilité.

Buckaroo Banzaï
En 2040, les humains passent plus de temps dans un monde virtuel que dans la vraie vie. Il est vrai que l’Oasis, la plateforme de jeu mondiale imaginée par le génie des jeux vidéo Halliday (Mark Rylance) est plus chatoyante que les univers gris et pollués des villes moyennes américaines.

C’est là que vit Wade (Tye Sheridan). Ce petit binoclard sans le sou est plus fringant dans le monde virtuel. Parzival, au volant d’une voiture tirée de Retour vers le futur, est un champion de jeux vidéo. Avec quelques amis, il participe au challenge ultime, découvrir trois clés magiques pour devenir le maître de l’Oasis, comme l’a voulu Halliday dans son testament. Il se frotte à la volonté de fer de Samantha alias Art3mis (Olivia Cooke) redoutable sur sa moto.

Leur principal adversaire est constitué de l’armée de la société OIO, un conglomérat qui désire dominer l’Oasis pour la truffer de publicités… Des bons, des méchants, un dieu (Halliday), une rébellion, une romance et la liberté au bout du combat. Le scénario aurait pu être binaire et sans grande surprise. Mais l’esprit d’Halliday, geek frustré, est plus compliqué que ça. 

Reste le meilleur pour ce festival d’effets spéciaux : les références à ces fameuses années 80. On apprécie le clin d’œil à « Breakfast club », à Chucky, au Géant de fer et surtout à Buckaroo Banzaï. La rock star et neurochirurgien a marqué des générations entières de geeks et cinéphiles. Ernest Cline en fait partie. Spielberg aussi, même s’il ne doit pas réellement assumer. Et si finalement le fameux Halliday n’était que le portrait en creux de W. D. Richter, le créateur de Buckaroo ? Il n’y a pas la réponse, même pas dans les nombreux bonus de ce film sorti également en 4K et en blu-ray 3D.

 ➤ « Ready Player One », Warner Bros.


BD - Santiagolf du Morbihan, Breton légendaire


De tous les héros d’héroïc fantasy, le pire est sans doute Santiagolf du Morbihan. Ce pastiche du Seigneur des anneaux à la sauce bretonne est signé B-Gnet. Toute quête commence avec un but noble.

Pour Santiagolf, courageux guerrier chevauchant une licorne, il ne doit pas trouver l’anneau mais plus prosaïquement acheter du pain pour sa dulcinée. Pas n’importe quel pain cependant : un pain elfique « issu du blé noir des plaines de l’Armor, pétri par les trolls de Brocéliande…» 



Et le voilà parti pour 100 pages d’aventures mouvementées. Il devra affronter des armées de morts-vivants, des Gaulois fous (clin d’œil à Astérix), trouver du beurre salé et résoudre des énigmes. Car souvent un magicien se dresse sur son chemin. Comme dans Fort Boyard, il faut répondre à un petit casse-tête.

Mais là, il a un truc. Un comique de répétition, touche supplémentaire dans un album hilarant truffé de gags et dessiné de façon très réaliste comme pour donner encore plus de poids à ce côté décalé.

➤ « Santiagolf du Morbihan », Vraoum !, 15 €

Cinéma - Triste comme une plage anglaise

LE FILM DE LA SEMAINE. Amours contrariées dans le film « Sur la plage de Chesil » de Dominic Cooke.


Un mariage de six heures. Pas plus. Pourtant cela fait des mois que Florence (Saoirse Ronan) et Edward (Billy Howle) se fréquentent. Nous sommes en 1962 dans une Angleterre encore très corsetée et puritaine. Elle est violoniste, vouée à devenir professeur à moins que son quatuor ne remporte le succès dont elle rêve. Il vient de terminer ses études d’histoire et voudrait devenir écrivain. Deux jeunes pleins de projets, d’idéaux, de doutes aussi. Un coup de foudre ? Pas sûr, mais ça y ressemble. Car Florence et Edward ont besoin d’émancipation pour fuir une famille qu’ils ne portent pas spécialement dans leur cœur.

La première est fille d’un riche industriel, autoritaire, exigeant. La mère, conservatrice absolue, passe ses journées à la dénigrer ; elle et son « crincrin ». Edward vit dans une maison perdue au fond de bois en province. Loin, très loin de la civilisation. Il doit supporter les divagations de sa mère. Après un choc à la tête, elle a l’esprit « dé- rangé ». Version politiquement correcte pour cacher sa folie. Ancienne conservatrice de musée, elle ne vit plus dans le même monde que sa famille. Elle se déshabille sans raison, peint n’importe quoi, ne reconnaît plus son fils, ni son mari ou ses jumelles.

Une atmosphère pesante qu’Edward ne supporte plus. Il va pourtant présenter Florence à cette mère à part. Le courant va passer et le père s’empressera de conseiller à son fils d’épouser cette perle rare.

Mariage non consommé
Le film de Dominic Cooke, adapté d’un roman de Ian McEwan, est une plongée dans l’Angleterre des années 60, ses blocages, ses lourdeurs. Le film débute véritablement quelques heures après le mariage. Florence et Edward se retrouvent seuls dans la suite nuptiale d’un hôtel près de la plage de Chesil. Après leur repas en tête à tête, ils passent dans la chambre.

Pour « consommer » ce mariage tant désiré. Une scène découpée en plusieurs parties, avec des flashbacks intercalés. Pour comprendre pourquoi il semble si difficile pour Florence de profiter de ce moment unique. Voire impossible. Ce mélodrame, où la musique occupe une place essentielle (la grande mais aussi celle de Chuck Berry) nous interroge sur nos échecs, nos balbutiements et renoncements. Faut-il regretter ? Comment comprendre sur le moment que l’on commet la plus grosse bêtise de sa vie ?

Une thématique portée par deux comédiens talentueux. Billy Howle, gauche et timide, laisse entrevoir une rage, une colère, qui va lui gâcher la vie. Saoirse Ronan, dans une composition encore plus compliquée, doit jouer simultanément l’amour et la répulsion. Comme si son corps refusait d’entendre ce que lui ordonnait son esprit. Au final, cette histoire d’amour contrariée offrira aux plus sensibles quelques larmes salvatrices.

➤ « Sur la plage de Chesil », romance de Dominic Cooke (G.-B., 1 h 50) avec Saoirse Ronan, Billy Howle, Anne-Marie Duff.

mardi 14 août 2018

Roman - La belle évaporée d'Andrea Camilleri


Grand maître de la littérature policière italienne, Andrea Camilleri aime faire quelques infidélités à son personnage préféré, le commissaire Montalbano. Exemple avec « Noli me tangere » (Ne me touche pas), court roman élaboré comme un puzzle à remettre en ordre.

Pas de longues descriptions ni de mise en scène savante pour amener les coups de théâtre : le texte est composé à 80 % de dialogues, le reste étant des « documents » authentiques comme des lettres, des coupures de journaux ou des dépêches d’agence.

Tout commence par la disparition de Laura Garaudo. Cette jeune femme savante, qui allait sortir son premier roman à la rentrée, est l’épouse de Mattia Todini, célèbre romancier. Ils ont 30 ans d’écart mais semblent s’aimer. Le placide commissaire Maurizi est chargé de l’enquête. La plus discrète possible. Car si l’écrivain est persuadé qu’il s’agit d’un enlèvement, la police penche plutôt pour une fugue amoureuse.

Avec une subtilité sans égale, Camilleri promène le lecteur dans le monde de cette femme qui de vénale dans un premier temps (elle collectionne les amants), semble en réalité plus complexe. Et surtout comme gagnée par une grâce spirituelle depuis la découverte de la signification de la fresque de Fran Angelico montrant Jésus, après sa résurrection, dire à Marie-Madeleine « Ne me touche pas ». Un roman à énigme sur une femme complexe et attachante.

➤ « Noli me tangere », Métailié, 16 €

lundi 13 août 2018

BD - Negan, la brute de Walking Dead


Walking Dead, série télé qui a remis les zombies à la mode, est avant tout un comics. Imaginé par Robert Kirkman (qui est également aux manettes de la version télé), ce monde apocalyptique est surtout prétexte à un déchaînement de violence. Et dans le genre, ce ne sont pas les morts-vivants affamés qui sont les plus redoutables. Parmi les dizaines de personnages imaginés depuis le début, celui de Negan remporte le pompon dans la catégorie « Je suis un pourri et je l’assume ».



Mais pourquoi tant de haine ? Réponse dans cet album de 100 pages en noir et blanc. Negan, avant le dé- but de l’épidémie, était un professeur de sport dans un petit collège. Une vie tranquille à côté de sa femme qu’il aime plus que tout. Il parle comme un charretier, mais n’est pas spécialement agressif.

Sa vie bascule quand il apprend que sa dulcinée a un cancer. En phase terminale, elle va vivre ses dernières heures dans cet hôpital quand les premiers zombies attaquent. Et Negan doit la voir mourir deux fois. Une première fois du cancer. Puis une seconde quand elle se réveille et tente de le boulotter. On comprend dès lors sa haine du genre humain.

➤ « Negan », Delcourt, 12,99 €

samedi 11 août 2018

Série télé - Espions vintages et franchouillards


Elles ne sont pas légion les séries françaises comiques originales. Et ambitieuses. «Au service de la France » a été la bonne surprise de ces dernières années. Une première saison pour camper les personnages, une seconde pour chambouler le tout, avec rebondissements, évolution et caricature encore plus appuyée. Diffusée en juillet dernier sur Arte, les nouvelles aventures de l’agent secret français André Merlaux se déroulent sur 12 épisodes de 25 minutes.


Un format parfait pour détailler le parcours de ce jeune homme à la recherche de la vérité sur la mort de ses parents en pleine seconde guerre mondiale. André, espion au service de la France, est passé dans la clandestinité. Et pour tenter de découvrir la vérité, il va même faire semblant d’intégrer le KGB. Nous sommes en 1961 en pleine guerre froide. La saison 2 permet à Marie-Jo (Marie-Julie Baup) de passer de secrétaire un peu idiote à agent d’élite. Une métamorphose emblématique en cette période de libération de la femme.

Quant au trio Moulinier, Calot et Jacquard, ils apportent cette touche d’humour absurde typique de cette France vieillotte et dépassée. 

➤ « Au service de la France », intégrale, Arte Éditions, 49,99 €

vendredi 10 août 2018

BD - Foot et fric : ménage dangereux


Si vous n’êtes pas rassasié de foot après la victoire de la France en Russie, découvrez les coulisses peu reluisantes de la vie d’un footballeur professionnel. Un album BD sous forme de thriller mais qui s’apparente plus au reportage dessiné tant les faits racontés semblent fréquents dans ce milieu gangrené depuis des années par les sommes astronomiques en jeu.

Lucas DiLucca fait partie des rares qui ont allié talent, chance et circonstances favorables. Issu d’un milieu modeste, il bosse pour transformer son rêve, devenir joueur de foot pro, en réalité. Et il devient une star. Celle du club de la capitale, engagé sur plusieurs fronts, du championnat à la Ligue des Champions. Gros salaire, Ferrari, pas de femme mais une « régulière » tarifée, belle et discrète.

Tout se complique quand un intermédiaire le contacte. Contre une valise de billets, il lui demande de moins bien jouer dans le prochain match. Lucas refuse et au contraire brille en marquant un but. Seconde phase : intimidation. Mais l’attaquant a du répondant.

Un roman graphique de Matz (scénario) et Lem (dessin) remarquablement documenté, impitoyable pour le foot en général, et surtout l’arbitrage...

➤ « Arrêt de jeu », Casterman, 16,50 €

jeudi 9 août 2018

Thriller - Corso, le voyou devenu flic



Jean-Christophe Grangé excelle dans la noirceur. Ses thrillers ne sont pas à mettre entre toutes les mains car les pires aspects de la personnalité humaine sont mis en lumière.

Dans ce nouveau thriller, cela débute par une plongée dans le milieu gonzo porno. Une stripteaseuse est retrouvée assassinée. Attachée savamment selon un rituel japonais, elle est morte en voulant se libérer de ses liens, chaque mouvement resserrant la corde sur son cou. Mais ce n’est pas un suicide car elle a été défigurée. Comme sur une toile de Goya. Ce n’est pas Corso, le flic chargé de l’enquête qui le découvre, mais une de ses collaboratrices. Et quand Corso découvre que la victime tournait également dans des films pornos très violents, il est persuadé d’être sur la trace d’un réseau de sadiques sans limites. Or, le sado-maso il connaît bien.

Car Corso est un flic un peu spécial. Ancien voyou passé par la case deal dans les cités, il s’est racheté une conduite. Mais a gardé un fond violent. Il a rencontré une femme intelligente mais aux pratiques sexuelles extrêmes. Un personnage multiple comme aime les inventer Jean-Christophe Grangé. Mais finalement Corso n’est pas le plus tordu.

Au fil de l’enquête de plus de 550 pages on tombe sur quelques spécimens de la pire espèce. Passionnant, plein de rebondissements, le thriller idéal pour les amateurs de littérature et de sensations fortes.

➤ « La terre des morts », Albin Michel, 23,90 €

mercredi 8 août 2018

Cinéma - La politique de Neuilly à Nanterre

LE FILM DE LA SEMAINE. Les héros de « Neuilly sa mère » ont grandi. Et beaucoup évolué politiquement.


Un pont, juste un pont sur la Seine à traverser et vous passez de la commune la plus riche de France, Neuilly, à la plus pauvre, Nanterre. Cette frontière invisible est au centre du film « Neuilly sa mère, sa mère », réalisé par Gabriel Julien-Laferrière, scénarisé et produit par Djamel Bensalah, le réalisateur du premier opus.

En 2008, le jeune Sami Benboudaoud (Samy Seghir) débarquait dans la famille de son oncle par alliance, un riche industriel résidant à Neuilly. Pour le petit Arabe, débarquer dans la ville la plus à droite de France était un choc culturel radical. Notamment quand Charles (Jérémy Denisty), son cousin, persuadé qu’il deviendrait un jour président de la République comme son idole, Sarkozy, lui sortait cette phrase culte « Ma chambre tu l’aimes ou tu la quittes ».

Dix ans plus tard, la France a beaucoup changé. Sarkozy a été battu par Hollande qui lui-même a été déboulonné par Macron. Sami termine ses études à Sciences-Po et est sur le point d’intégrer l’ENA. Charles, désespéré par la défaite de son leader, sombre dans une léthargie handicapante. Il a cependant son bac et se retrouve en fac de sociologie, ce repère de gauchistes. La seule qui l’accepte...

Tout bascule quand un scandale secoue l’entreprise du père de Charles (Denis Podalydès). Vilipendé par les médias, il doit trouver refuge dans le petit appartement de Sami au cœur de la Cité Picasso. Et tout le reste de la famille le suit, dont Charles pour qui c’est la fin d’une dé- chéance totale.

Objectif mairie
Tout le film, comme le premier, est basé sur l’opposition entre deux mondes si proches géographiquement mais totalement étrangers. Mais cette fois ce sont les bourgeois et riches « Français de souche » qui sont plongés dans cette ville cosmopolite où le vivre ensemble n’est pas une figure de l’esprit.

Car la cité Picasso décrite par Djamel Bensalah, sans être idyllique, est beaucoup plus humaine que le triste Neuilly intolérant du premier opus.

On retrouve avec plaisir quelques personnages du film initial comme le trio de racailles composé par Malik (Booder), Tran (Steve Tran) et Sekou (Bayou). Julien Courbey, autre membre attitré de la bande à Bensalah se fond dans un personnage de petit blanc converti à l’Islam, encore plus radical que tous les Musulmans de la Cité. Si Sami a quelques déboires amoureux, Charles reprend du poil de la bête et décide de briguer la mairie de Nanterre... sous l’étiquette du Parti socialiste.

Superbe film politique, intelligent, marrant et futé, ce « Neuilly 2 » est un parfait résumé des soubresauts de la vie politique française (et de ses faux-semblants) de ces dernières années.

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Des seconds rôles époustouflants


Au générique de « Neuilly sa mère, sa mère », Djamel Bensallah a tenu à « prendre des gens qui ont d’autres vies ». On découvre avec plaisir deux des humoristes de France Inter dans leur premier rôle au cinéma : Sophia Aram et Charline Vanhoevacker.


Plus étonnantes les participations de deux politiques très connus du grand public. Arnaud Montebourg interprète le rôle d’un professeur à Science-Po, l’école d’excellence qui permet à Sami de brillamment démontrer que les banlieues peuvent elles aussi fournir l’élite de la nation française. Un Montebourg détendu et totalement crédible dans sa composition.

Julien Dray campe lui un responsable du PS à Nanterre. Totalement désabusé, il constate le naufrage de son parti. Jusqu’à l’OPA très macronienne de Charles. Julien Dray qui ne manque pas d’humour car le scénario raconte comment le patron investi une partie de son argent dans des montres de luxe. « Il était au courant de ce détail, se souvient Djamel Bensalah. Il a même tenu à choisir lui-même les modèles présentés dans la mallette. » Un véritable passionné selon le producteur qui n’a pas gardé rancune des allégations sur ses goûts luxueux.

Enfin on saluera la prestation d’Eric Dupond-Moretti. Déjà vu dans un film de Lelouch, il devient un « baveux » obséquieux, totalement dépassé par les événements et obsédé par ses honoraires. Un brillant exercice d’autodérision.

Et comme d’habitude, plusieurs seconds rôles sont remarquables, de Josiane Balasko à Elie Semoun en passant par Atmen Khelif.

➤ « Neuilly sa mère, sa mère », comédie de Gabriel Julien-Laferrière (France, 1 h 42) avec Samy Seghir, Jérémy Denisty, Denis Podalydès, Booder, Steve Tran, Bayou.

Cinéma - Les dessous de Hollywood explorés dans "Under the silver Lake"



Présenté à Cannes, revenu bredouille, « Under the silver Lake » traite de pop culture selon son réalisateur, David Robert Mitchell. Cette culture omniprésente depuis un demi-siècle. Tout semble relié, de la dernière chanson à la mode aux séries cultes en passant par des produits aussi inutiles qu’addictifs.

On peut donc voir ce film, parfois un peu bavard dans ses démonstrations tarabiscotées, comme une critique en creux de la société capitalistique du paraître. La norme en Californie et plus particulièrement à Los Angeles, théâtre des événements vécus par Sam (Andrew Garfield). Jeune trentenaire oisif, il rêve de célébrité. Sans le sou, sous la menace d’une expulsion de son appartement dans une résidence fermée avec piscine au centre, il profite de la quiétude de sa terrasse.

Un peu comme dans « Fenêtre sur cour » (première référence aux chefs-d’œuvre du cinéma américain, il y en a des dizaines), il observe avec des jumelles une voisine qui nourrit ses perroquets topless ou la jolie Sarah (Riley Keough), blonde évanescente, se baignant en toute innocence dans l’eau claire.

Personnages troubles
Alors qu’un tueur de chiens sévit dans le quartier, Sam entre en relation avec Sarah grâce à son chien. Il obtient même un rendez-vous pour le lendemain. Mais quand il sonne à la porte 24 heures plus tard, l’appartement est vide. Sarah et ses deux locataires ont disparu.

La veille il a remarqué un mystérieux et très louche homme habillé en pirate. Sam, abandonnant tout, se lance donc à la recherche de belle blonde.

La quête du jeune homme le mène en divers endroits de Los Angeles. Dans des grottes cachées, sur des toits de buildings, dans des magasins de comics, au cœur de l’antre d’un artiste adepte de la théorie du complot. Il croise la route de personnages étranges, comme la Californie en regorge. Un ami qui ne met que des chemisiers de femmes, le roi des SDF et sa couronne en carton, un compositeur de génie, fou cloîtré dans sa maison-château, une ribambelle d’escort, starlettes s’occupant en attendant le rôle qui leur permettra de devenir célèbres.

C’est mystique et souvent abscons. Mais il ne faut pas regarder ce film avec des yeux réalistes. Laissez-vous bercer par le fantastique diffus et vous aurez alors l’impression de comprendre ce qui se passe sous la surface de ce fameux lac argenté.  

➤ « Under The Silver Lake », thriller de David Robert Mitchell (USA, 2 h 19) avec Andrew Garfield, Riley Keough, Topher Grace.

mardi 7 août 2018

BD - Tchô ! revient dans un gros format


Novembre 2013, 164e numéro de Tchô !. Le dernier. Le magazine de Titeuf tire sa révérence dans un marché de la presse BD en crise. Une belle aventure sur le point de reprendre de plus belle avec la sortie au début de cet été du premier exemplaire de « Supertchô ! », trimestriel de 192 pages.

Julien Neel est à la manœuvre et propose d’entrée les premières planches de la nouvelle aventure de Lou. Son héroïne, devenue adulte, part sur les routes avec pour seul bagage un sac à dos. Elle multiplie les rencontres dans une petite ville balnéaire qu’on imagine au bord de la Méditerranée.

Autres avant-premières, quelques planches des souvenirs de Mamette de Nob. Ce dernier est aussi beaucoup sollicité dans le dossier retraçant l’épopée du magazine lancé par Zep. Durant de longues années il a été rédacteur en chef (rédactchô! en chef, selon la terminologie officielle) et raconte sa façon de diriger cette jolie bande de gamins créatifs.

Parmi les nouveautés, car Supertchô ! ce n’est pas que de la nostalgie, laissez-vous séduire par Lexa de Max de Radiguès ou par les débuts de L’aventure fantastique de Lylian et Drouin, à paraître en album en septembre prochain.

 ➤ Supertchô !, Glénat, 5,95 €, en librairie et certains marchands de journaux

lundi 6 août 2018

DVD et bluray - Alicia Vikander, la nouvelle Lara Croft


17 ans. Il y a 17 ans d’écart entre la personnification de la première Lara Croft en 2001 par Angelina Jolie et la seconde, Alicia Vikander en 2018. Un laps de temps suffisant pour abandonner toute comparaison entre les deux comédiennes.

La jeune Suédoise après quelques beaux succès aux USA a de plus en plus le vent en poupe et sa prestation, toute en force et souplesse, comme dans le jeu vidéo d’origine, fait qu’elle devrait encore marquer des points et continuer sur sa lancée. Le film a rapporté pas moins de 273 millions de dollars tous pays confondus.

La nouvelle version, signée du norvégien Roar Uthaug, reprend le scénario original : Lara Croft, fille d’un explorateur disparu, cherche à le retrouver. Première destination le Japon. Tournées dans plusieurs pays, la majorité des scènes en exté- rieur ont cependant été réalisées en Afrique du Sud.

Aventure, charme et action : le tiercé gagnant.

➤ « Tomb Raider », Universal Vidéo.

dimanche 5 août 2018

DVD et bluray - Revoilà les robots de Pacific Rim


Il est toujours compliqué de signer une suite à un gros succès cinématographique. «Pacific Rim » de Guillermo del Toro avait fait des prouesses au boxoffice. Mais la suite n’a pas pu être réalisée par le cinéaste oscarisé avec « La forme de l’eau ».

La première difficulté aura été de trouver un successeur. Steven S. DeKnight, surtout connu pour ses séries (Daredevil ou Spartacus) relevait le défi. Second écueil, trouver le remplaçant d’Idriss Elba. John Boyega, auréolé de sa prestation dans Star Wars, endossait le rôle du fils de Pentecost.

L’action se déroule 20 ans après le premier épisode. La menace Kaiju est de retour. Le reste du film est surtout prétexte à multiplier les combats entre aliens gigantesques et robots terrestres, les Jaegers. La sortie en blu-ray de cette grosse production offre une ribambelle de bonus.

En plus des scènes coupées et des commentaires audio du réalisateur, le making of est découpé en une dizaine de chapitres du « Hall des hé- ros » à la génération suivante des Jaegers.

Du grand spectacle dont on ne se lasse jamais.

 ➤ « Pacific Rim Uprising », Universal Vidéo

samedi 4 août 2018

Série Télé - Perdus dans la noirceur du temps


En se développant en Europe, Netflix a lancé quelques productions de séries originales dans divers pays. Si en France on a eu droit au peu glorieux « Marseille », les Allemands eux ont tiré le gros lot avec « Dark ». Cela commence comme une série d’adolescents, avec bande de lycéens cherchant à se dévergonder dans des grottes abandonnées de Widen, la petite ville qui sert de décor à Dark. Mais quand Mikkel, le plus jeune, disparaît, on a l’impression de tomber dans un thriller classique d’enlèvement d’enfant. Mais on fait une nouvelle fois fausse route. Dark c’est de la pure science-fiction, intelligente et exigeante. En réalité, les adolescents sont projetés dans le passé. Dans ces grottes, un passage entre dimension temporelle permet de reculer ou d’avancer par paliers de 33 ans. Il y a beaucoup de Lost dans cette série. Les paradoxes temporels, assez abscons dans la série de JJ Abrams, sont mieux expliqués. On retrouve cependant la classique lutte entre le bien et le mal, le sombre et la lumière. Avec quand même un effort pour ne pas tout réduire à une vision manichéenne. Certains personnages, sympathiques au début se révèlent beaucoup plus pervers à la fin. Succès oblige, une seconde saison est d’ores et déjà en tournage.

➤ « Dark », série allemande disponible sur Netflix.

vendredi 3 août 2018

BD - Un siècle espagnol à Laroqu’en Bulles


«L’art de voler » est un roman graphique exceptionnel pour qui veut découvrir l’histoire de l’Espagne du siècle dernier. Antonio Altarriba, écrivain renommé et scénariste de BD, a décidé de raconter la vie extraordinaire de son père. Ce petit paysan, né au début du XXe siècle, a traversé plusieurs guerres. La première, la plus dure, est civile. Républicain, il doit fuir en France l’avancée des Franquistes. « Le 11 février 1939, raconte l’auteur, mon père traverse la frontière. C’est le jour de son anniversaire. Mon père a 29 ans et il affronte un futur totalement incertain. Son premier destin est un symbole cet avenir vide. Plage de Saint-Cyprien, que le ciel, la mer, le sable et le froid. Commencer à revivre dans le camp. »

De retour au pays dans les années 50, il abandonnera ses idéaux pour vivre simplement avec femme et enfant. À la fin de sa vie, victime d’une grave dé- pression, il se suicidera en sautant du 4e étage de la maison de retraite. Il avait 90 ans et tentait d’appendre l’art de voler. Ces 230 pages en noir et blanc (dont un épilogue en couleur), sont dessinées par Kim, auteur barcelonais.

Avec le scénariste, il était à Laroque-des-Albères pour le premier festival de bande dessinée de ce village des Pyrénées-Orientales.

jeudi 2 août 2018

BD - Un mort encombrant dans les Pyrénées audoises


Inspirée d’une histoire vraie se déroulant en Pays de Sault dans l’Aude, « Charogne » de Benoit Vidal et Borris débute en 1864. Quelques années après une meurtrière épidémie de choléra, quelques familles tentent de survivre dans un petit village dans le piémont pyrénéen. La seule route reliant le hameau à la ville, dans la vallée, est coupée depuis trop longtemps.

Le maire, Joseph, serviable, descend régulièrement par le sentier escarpé pour s’occuper des affaires de ses administrés. En plein été, au moment des moissons (à la faux), il meurt d’un coup d’une crise cardiaque. Rapidement va se poser la question de ses obsèques. Mais le curé ne vient plus au village. Comment dès lors administrer les derniers sacrements à l’homme pieux ? Quatre villageois vont porter le cercueil à mi-chemin, au niveau de « La Pause des morts ». Mais ce périple ne va pas se dérouler comme prévu et les tensions entre familles ennemies vont faire éclater quelques vérités cachées.

Sorte de road movie (mais sur sentier de chèvre) montagnard, l’album en noir et blanc permet à Borris de magnifier cette nature encore sauvage.

➤ « Charogne », Glénat/Treize Étrange, 19 €

mercredi 1 août 2018

Polar : La famille suédoise selon Roslund & Thunberg


Marre de cuire sur la plage par 32° à l’ombre du parasol, beaucoup plus en plein soleil ? Envie de fraîcheur ? Et si vous vous plongiez dans un bon polar nordique ? Vous avez le choix des destinations et des températures. Très froid en Islande, un peu plus supportable en Suède.

Attention par contre si vous choisissez « Made in Sweden » de Roslund et Thunberg, les 650 pages denses et prenantes risquent de vous conduire à l’insolation si vous le lisez d’une traite. Pour la première fois Roslund quitte son compagnon de plume habituel (Hellström) pour s’associer à un scénariste, Thunberg. Ce polar, inspiré de faits réels, raconte le périple violent de trois frères dans les années 90. Ils font le casse du siècle en dérobant des armes dans une base secrète  militaire. Suffisamment pour équiper une petite armée. Ils vont utiliser leur arsenal pour multiplier les braquages et même tenter de faire chanter le gouvernement.

Vous voulez du frais ? « Ivan tenait l’enveloppe avec les billets dans une main et s’appuyait contre la porte close avec l’autre, balançant son corps gelé. Alors que dehors il faisait deux degrés, il portait une veste fine par-dessus une chemisette. »

Trois frères soudés, un enquêteur têtu et opiniâtre : ce polar est doublement réel car Thunberg est le quatrième frère des braqueurs ayant inspiré le roman.

➤ « Made in Sweden », Actes Sud, 23,80 €