lundi 31 octobre 2016

"De choses et d'autres": pas de bonbons pour Halloween

halloween, bonbons, poison, e171
Désolé les enfants, inutile de venir sonner chez moi ce soir, je ne vous donnerai pas de bonbons. Pas en réaction de rejet à la mode américaine d’Halloween, mercantile et envahissante. Non, juste pour vous protéger d’un grand danger qui vous guette.
L’association Agir pour l’environnement a réalisé une étude sur les sucreries les plus courantes en France. Résultat elles contiennent toutes du colorant E171. Un nom de code pour désigner des nanoparticules de dioxyde de titane. De minuscules choses au grand pouvoir de nuisance. Selon les commanditaires de l’étude, ces nanoparticules «sont susceptibles de se glisser à travers les barrières physiologiques du corps humain, comme le cerveau, les intestins ou les reins.» Elles s’y accumulent et peuvent à longue échéance provoquer des «dysfonctionnements de l’ADN» voire «la mort des cellules».
Ces conclusions sont cependant à prendre au conditionnel car les instances européennes considèrent toujours que l’E171 ne représente aucun danger pour les consommateurs.
Mais alors, qui croire au final? Dans le doute, je m’abstiens. Pas d’en manger (faites ce que je dis,...), mais simplement, comme expliqué en préambule, d’en offrir aux enfants à Halloween. Je ne voudrais pas, dans 20 ans, être attaqué en justice par d’anciens gamins devenus légumes ou à moitié-zombies en raison d’un abus de dioxyde de titane. 

Humour, polar et SF : toutes les émotions en poche


janet evanovitch,plum,pocket,indridason,islande,points,folio,foliosf,mcdonald
À la veille d’un concours de sauce barbecue, Stanley Chipotle, célèbre cuisinier de la télévision, est assassiné à coups de hachoir dans un quartier louche de Trenton, sous les yeux de Lula. Qui de mieux que Stéphanie Plum pour se lancer sur la piste des tueurs avant que Lula ne se retrouve à son tour dans leurs filets ? Aventure inédite de la détective imaginée par Janet Evanovich.
➤ « Retour à la quinze départ », Pocket, 6,95 €

janet evanovitch,plum,pocket,indridason,islande,points,folio,foliosf,mcdonald
En pleine ascension du glacier Vatnajökull, deux jeunes randonneurs sont brutalement précipités au fond d’une crevasse. Juste avant de disparaître, l’un d’eux parvient à contacter sa sœur Kristin. Il n’y a pas encore la noirceur et le pessimisme des romans suivants d’Arnaldur Indridason, mais on retrouve quand même son style, essentiellement dans la description du grand méchant, un certain Ratoff.
➤ « Opération Napoléon », Points, 8,10 €

janet evanovitch,plum,pocket,indridason,islande,points,folio,foliosf,mcdonald
En 2009, lan McDonald a rassemblé, sous le titre « La petite déesse », les sept nouvelles et courts romans qu’il avait écrits sur cette Inde du futur imaginée dans « Le fleuve des dieux ». On y découvre un souscontinent où les hommes sont quatre fois plus nombreux que les femmes, où se côtoient des gens d’une extrême pauvreté et des stars virtuelles, tous confrontés à des menaces d’un genre nouveau.
➤ « La petite déesse », Folio SF, 8,20 €

Roman : Le libraire et la mer

françoise bourdin, face à la mer, blefond
Les relations mère-fils sont décidément dans l’air du temps. Françoise Bourdin se penche ici sur la vie de Matthieu, libraire passionné du Havre, qui néglige sa vie familiale. Un divorce après et l’adolescence de sa fille vécue en pointillé, il retrouve un certain équilibre, croit-il, auprès de Tess et de sa fille Angélique. Personne, encore moins lui-même, ne comprend donc pourquoi il s’écroule soudain. Matthieur décide alors de mener son introspection dans la belle villa rachetée en viager à son vieil ami César, trop tôt disparu. Ecriture fluide, personnages attachants malgré quelques aspects caricaturaux et l’atmosphère d’une ville reconstruite sur les ruines d’après-guerre parfaitement retranscrite, la mayonnaise prend. Goûtez-y.
F. H.
➤ «Face à la mer» par Françoise Bourdin, Belfond, 21,50 €

dimanche 30 octobre 2016

Roman : Sang, sexe et volupté dans «Trois gouttes de sang grenat » d'Hélène Legrais

Cinquante nuances de grenat, voilà le titre qu’Hélène Legrais aurait pu donner à son dernier opus très chaud.

hélène legrais,grenat,perpignan,calmann-levy
Dans ses remerciements en fin d’ouvrage, l’écrivaine catalane ajoute «un dernier mot pour mon fils Hadrien : j’espère que certaines scènes écrites par ta mère ne vont pas te choquer ! » Et en effet, elle prend un virage serré par rapport à ses précédents opus. Si l’action se déroule toujours à Perpignan et ses environs, on est très loin du classique roman de terroir avec ce héros, complexe, tourmenté, incapable depuis trois ans de consommer son mariage arrangé avec la pourtant charmante Suzanne. Fin des années 1880, rue de l’Argenterie, le joaillier Auguste Laborde fils prend la relève d’un père inspiré. Il n’est pas dupe : il manque du génie paternel et réussit à faire vivoter l’affaire sur sa réputation. Méprisé par son épouse, ignoré par sa sœur, brimé par sa mère, Auguste cherche l’ombre. Dans ce but, il achète une petite maison rue de l’Anguille. Et sa vie bascule.
■ Nuances sanglantes du grenat
hélène legrais,grenat,perpignan,calmann-levyLa porte en bois d’un réduit donne sur l’immeuble voisin, une maison close. Par l’interstice des planches, Auguste devenu voyeur compulsif, ressent des émotions charnelles inconnues devant le défilé des prostituées. Jusqu’au jour où il est témoin du meurtre de l’une d’elles. Il n’aura alors de cesse de démasquer le meurtrier dont il n’a vu que les mains. Hélène Legrais a visiblement décidé de pimenter son récit. Elle transforme son héros en bête de sexe, parsème le roman de passages débridés. Preuve en est avec de nombreux succès de librairies ces dernières années, voilà un créneau qui rapporte.
On se laisse happer par l’intrigue, on apprécie un livre bien documenté, historiquement irréprochable, on regrette néanmoins l’énumération inutile et trop fréquente des nombreuses rues de Perpignan (Google Street permet aujourd’hui même aux Esquimaux de le visualiser d’un clic). Mais comme le prouve Hélène Legrais, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Et on apprécie cette nouvelle facette d’une écrivaine autrefois un peu trop lisse.
Fabienne Huart
➤ «Trois gouttes de sang grenat », Hélène Legrais, Calmann- Lévy, 19,90 €

De choses et d'autres : La Loove, mode d'emploi


Web-série comique produite par France 4, « La Loove » se décline désormais en guide pratique. Un petit livre à l’humour ravageur ré- pondant au doux titre de « L’art du bien-être dans ton cœur (et partout ailleurs) » (Jungle, 6 €). L’intérêt de l’ouvrage réside bien entendu dans le « partout ailleurs » qui se situe résolument dans le slip des célibataires à qui les conseils d’Amélie Etasse et Clément Vallos s’adressent. On se délectera ainsi des conseils du Dr Clito sur un sujet aussi essentiel que « Comment réagir face à un homme qui refuse de mettre un préservatif » (allez direct à la fin : « Cet abruti ne mérite même pas de te toucher ») ou un test, façon « Questions pour un champion » sur les MST « Ne te fie pas à mon nom de papillon trop mignon : Je suis… Le Papillomavirus ». Totalement libéré, ce livre à ne pas mettre entre toutes les mains, est idéal pour se remettre d’une rupture amoureuse car il explique « en quoi le célibat c’est cool et la déprime c’est sympa ».

samedi 29 octobre 2016

BD : "Sept héros" oubliés

salvia, briones, sept, héros, delcourt
Tous les super-héros n’ont pas la même volonté de sauver le monde. L’idée de base de cet album écrit par Mathieu Salvia et dessiné par Philippe Briones tient dans ce constat. Hector, vieillard discret, vit caché. Cela fait des années qu’il a abandonné toute velléité de voler. Car comme Superman, il peut voler. Il se cache mais est finalement retrouvé par un organisme d’état qui veut étudier ces super-héros, vieillissants mais qui pourraient encore être utiles. Hector se retrouve avec une femme invisible, un homme caoutchouc ou une passe-muraille. Ils sont six à chercher à s’enfuir. Le septième, comme toujours dans les histoires de superhéros, a choisi le côté sombre. La bataille finale est dantesque.
➤ « 7 héros », Delcourt, 15,50 €

vendredi 28 octobre 2016

BD : Au cœur de la terreur avec un "Infiltré"

infiltrés, truc, nazis, runberg, olivier thomas, soleil, quadrants
Seconde partie du thriller nordique « Infiltrés » dessiné par Olivier Thomas et écrit par Olivier Truc et Sylvain Runberg. L’équipe de Suzanne Hennings est sur les dents. Cette unité d’élite anti-terroriste danoise surveille un groupe néo-nazi sur le point de commettre un attentat. Un homme a infiltré les extrémistes. Entre attentat aveugle avec quantité d’explosifs livrés par la mafia serbe et action ciblée exécutée par un tueur à gages, Suzanne ne sait où donner de la tête. L’album, au découpage très cinématographique, bourré de suspense, permet au lecteur d’être au plus près des terroristes. Une histoire qui doit beaucoup aux connaissances d’Olivier Truc, journaliste expert de ces milieux après de nombreuses enquêtes.
➤ « Infiltrés » (tome 2/2), Soleil Quadrants, 14,95 €


De choses et d'autres : incertitude wallonne

ceta,belgique,canada,trudeau
L’obstination des Wallons arrangeait bien une bonne partie de l’Europe. La région francophone de la Belgique a longtemps osé dire non au traité commercial de libre échange avec le Canada. Rien ne destinait cette petite communauté à devenir le mauvais élève européen. Au contraire, depuis des années, la Belgique a beaucoup gagné en devenant une des capitales de l’Union. D’ailleurs, hier, la signature du traité était programmée à Bruxelles. Mais des élus régionaux ont décidé de défier l’administration fédé- rale avant de se raviser au dernier moment. Terre de compromis et de raison, la Belgique n’a jamais été très belliqueuse. Au contraire, le pays a évité bien des problèmes en érigeant le consensus en méthode de gouvernement. Soit tout le monde est d’accord et c’est bon, soit il y a une voix divergente et on continue de négocier. C’est dans ce cadre que le pays est resté plus d’un an sans gouvernement. Une absence peu préjudiciable car justement les régions ont beaucoup de pouvoir. Un peu trop parfois quand on constate les conséquences du blocage des Wallons têtus. Alors Messieurs les Belges on ne vous dit pas bravo pour votre revirement ultime. Le traité, en France, pas grand monde en veut. Même si officiellement personne n’ose le dire haut et fort. Par contre, nous faire rater une visite du beau Justin Trudeau... Je connais quelques jeunes femmes qui risquent vous en vouloir longtemps.

jeudi 27 octobre 2016

DVD et blu-ray : Magouilles d'est en ouest

Référence absolue en matière de roman d’espionnage tendance « guerre froide », John Le Carré, à 80 ans passés, n’a pas déposé les armes. Il signe toujours des romans ancrés dans leur époque et n’hésite pas à en superviser leur adaptation sur grand écran. «Un traitre à son goût» paru en 2011, devient «Un traitre idéal» en 2016 au cinéma dans une réalisation de Susanna White.

Sa sortie en DVD permet de retrouver toute la force des intrigues imaginées par John Le Carré. Il n’est plus question cette fois d’espionnage entre états mais de magouilles financières entre les garants de la démocratie anglaise et les nouveaux maîtres du Kremlin entièrement dévoués à la mafia russe. Tout débute par des vacances au Maroc. Un couple d’Anglais Perry et Gail (Ewan McGrégor et Naomie Harris) croisent la route de Dima (Stellan Skarsgård), riche Russe exubérant. Dima se confie à Perry. Il cherche à sauver sa famille des griffes de la mafia. Il détient des documents qui pourraient compromettre certains haut responsables anglais. Il veut les vendre au contre-espionnage britannique contre l’immunité des siens. Gail va servir de messager. Un rôle difficile à tenir pour cet universitaire, plus habitué à l’analyse des textes de Shakespeare qu’aux blanchiment de l’argent sale. Sa femme, avocate, va entrer dans la danse et l’aider. Une opération internationale sous la houlette d’un agent aux méthodes peu orthodoxes : Hector interprété par Damian Lewis.
Parfois un peu lent et compliqué, ce film vaut surtout pour les numéros d’acteurs particulièrement convaincants. On placera en tête la performance de Stellan Skarsgård, acteur suédois fidèle de Lars Von Trier, apportant folie et humanisme à un Russe lassé d’une vie trop violente et en quête d’un peu de tranquillité. 
➤ « Un traitre idéal », Studiocanal, 19,99 €

De choses et d'autres : Satan existe


satan,missile,nucléaire,russe,poutine
Dieu, je ne sais pas. Mais c’est sûr, Satan c’est sûr, existe. « Satan 2 » exactement, petit surnom du nouveau missile balistique russe répondant plus prosaïquement au nom de « RS-28 Sarmat ». Ce concentré de technologie dernier cri a officiellement été pré- senté en début de semaine par l’étatmajor de l’armée rouge. Avec une capacité d’action de 10 000 kilomè- tres, il peut toucher la côte est des Etats-Unis en quelques minutes. La grande nouveauté de « Satan 2 » consiste à posséder 12 têtes nucléaires capables de se répartir sur une superficie grande comme le Texas ou la France. Satan 2 est la cartouche au gros sel de la dissuasion nucléaire. Il crible sa cible de multiples impacts. A la différence que les dégâts ne seront pas superficiels. La France, toute la France de Lille à Perpignan, serait rasée en quelques minutes. Douze fois Hiroshima puissance mille. Douze comme le nombre de régions métropolitaines. Si les technocrates russes sont pointilleux sur les symboles, pour la première fois le Pays Catalan apprécierait d’être si éloigné du centre de décision de Toulouse. Exceptionnellement, se contenter de quelques retombées ne sera pas infamant. Savoir que cette arme est dans les mains de Poutine n’est pas pour rassurer. Et explique pourquoi chez les politiques hexagonaux, tant à droite qu’à gauche, ils sont si nombreux à vouloir faire ami-ami avec le maître du Kremlin. 

mercredi 26 octobre 2016

Cinéma : La ronde qui ne compte pas pour des prunes

La bande dessinée jeunesse a longtemps eu un problème avec le sexe féminin. Il a fallu attendre longtemps pour que des héroïnes s’accaparent les premières pages des magazines. Les éditions Dupuis ont ouvert la voie avec la pulpeuse Natacha. Dans les années 90, une autre fille a percé dans le 9e art : Tamara. Elle aussi avait des formes généreuses comme l’hôtesse de l’air de Walthéry, mais l’adolescente imaginée par Zidrou et Darasse se désespère de ces courbes un peu trop marquées.

Tamara est grosse, sa quête de l’amour en devient plus compliquée. Sur grand écran, cette BD beaucoup moins superficielle qu’il n’y paraît, devient une comédie entre leçon de vie, romance à l’eau de rose et scènes de la vie scolaire en milieu hostile. Moins osé que la BD, le film d’Alexandre Castagnetti, fait une première infidélité au physique de Tamara. Héloïse Martin, l’interprète de la replète jeune femme est tout sauf grosse. Un petit peu enveloppée peut-être. A moins que cela ne soit les gros pulls qui faussent son apparence. Mais une fois cet aspect occulté, on se retrouve face à un divertissement très prenant. Le casting y fait beaucoup. Car à côté de la « star » Rayanne Bensetti, belle gueule découverte sur TF1 et parfait dans le rôle de Diego, l’amoureux de Tamara, on trouve de très bons comédiens, judicieusement utilisés pour des respirations très réussies dans l’intrigue.
La mère de Tamara, Sylvie Testud, est touchante dans sa recherche d’amour perpétuelle. Son petit ami, beaupère de Tamara et père de la petite Anaïs, Cyril Gueï évite la caricature. Nos deux préférées restent Blanche Gardin, irrésistible dans le rôle de la voisine alcoolique et surtout Jelilah, meilleure amie de Tamara, interprétée par Oulaya Amamra, jeune comédienne surdouée, à mille lieues de son rôle de dealeuse désespérée dans Divines. 
Redécouvrir la BD

Pour la sortie du film, les éditions Dupuis proposent un album hors série de la série de Zidrou et Darasse reprenant les histoires à l’origine du long-métrage. L’occasion de retrouver la Tamara originelle, beaucoup plus enveloppée qu’Héloïse Martin, mais tout aussi craquante.
➤ « Tamara, la revanche d’une ronde », Dupuis, 10,60 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Copé casse les prix des chocolatines


copé,chocolatines,pains chocolat,twitter
Déraciné, hors-sol, au pays des Bisounours... Les expressions ne manquent pas pour décrire la sortie de Jean-François Copé lundi matin au micro d’Europe 1. A la question toute bête d’un auditeur lui demandant combien coûte un pain au chocolat, le candidat à la primaire, qui avait déjà abordé ce problème des chocolatines pour dénoncer une certaine pression de l’immigration, a répondu, après une longue hésitation, de 10 à 15 cents pièce. Franchement, si ce boulanger existe ailleurs que dans son imaginaire fantasmé, je suis preneur. Car j’adore les chocolatines. Et je sais, moi, qu’elles valent huit fois plus cher. Même achetées en lot, jamais je n’en ai trouvées de si bon marché.
Pauvre Jean-François Copé, si content d’être à nouveau sous les projecteurs après ses déboires judiciaires. Une bête histoire de viennoiserie vient plomber tout son plan com’. Moqué sur les réseaux sociaux, il a tenté de rattraper le coup en faisant de l’humour sur le fait qu’il surveillait sa ligne.
Mais les électeurs, qui visiblement fréquentent plus souvent que lui les boulangeries, se montrent impitoyables. Vu sa propension à minorer les prix, il est logique que la facture de Bygmalion ait explosé si rapidement. Et certains de se souvenir, perfides, qu’il fut ministre du Budget sous Sarkozy. Comme on dit familièrement, il « tenait les cordons de la bourse ». Comment s’étonner dès lors que l’État soit en faillite depuis si longtemps ? 

mardi 25 octobre 2016

Cinéma : Misère d’une Angleterre à l’agonie

ken loach, daniel blake, chômage, angleterre
Ken Loach, Palme d’or au dernier festival de Cannes, titre à boulets rouges sur le système social britannique dans "Moi, Daniel Blake, histoire du crépuscule d’une société solidaire.

Si les Français se plaignent souvent de l’inefficacité de leur administration, ils feraient mieux avant de vouer tous les fonctionnaires aux gémonies d’aller voir « Moi, Daniel Blake », film de Ken Loach lauréat de la palme d’or au dernier Festival de Cannes. La situation de Daniel Blake (Dave Johns), menuisier de 59 ans, est digne d’un roman à la Kafka. Victime d’une crise cardiaque, il a du cesser de travailler. Il se remet lentement sur pied. Le temps est venu de revoir sa situation. Il doit répondre à un long questionnaire pour savoir s’il bénéficie toujours de l’aide spécifique. Des dizaines de questions absurdes comme « pouvez-vous vous mettre un chapeau sur la tête ? » Et quand le verdict tombe, il découvre qu’il n’a pas obtenu assez de « points » (12 alors qu’il en faut au minimum 15) pour conserver son allocation.
■ Une belle amitié
Sans ressource, il n’a plus qu’à contester la décision (et rester des mois sans aucune rentrée d’argent) ou s’inscrire au chômage, tout en sachant parfaitement que les médecins ne lui permettront pas de travailler... Résigné, il joue le jeu, malgré la mauvaise volonté des fonctionnaires qui ne cessent de le menacer de sanction s’il ne fait pas les choses exactement comme il faut. Une « sanction » consistant à suspendre son chômage durant quelques semaines. Dans les faits, d’anonymes serviteurs de l’état ont droit de vie ou de mort sur d’honnêtes travailleurs. Toute la révolte de Ken Loach est contenue dans ce rapport de force entre un système toujours plus in- égalitaire et des victimes qui n’ont plus que leur bonne foi pour tenter de survivre. La situation de Daniel Blake pourrait faire rire au second degré. Tant de bêtise, de rigorisme. Reste que ce n’est pas gratuit. Ce harcèlement moral a pour but de faire craquer les demandeurs. Il ne leur reste plus qu’à rejoindre les hordes de pauvres dans les files d’attente des banques alimentaires. Daniel y va finalement, pas pour lui mais pour donner du courage à sa voisine, Katie (Hayley Squires), mère isolée de deux enfants. Il va l’aider, oublier sa propre misère pour tenter de lui redonner cette envie de vivre, de s’en sortir, même si l’on a l’impression que tous les dés sont pipés. La belle amitié entre Daniel et Katie apporte une belle lumière à cette histoire austère. Mais le monde étant celui que l’on connaît, la fin du film nous replonge dans la réalité, la dure et triste réalité d’un quotidien devenu inhumain. 
Ken Loach : « Le peuple contre les puissants »

Lors de la remise des trophées en mai dernier à Cannes, le réalisateur de « Moi, Daniel Blake » a profité de cette mise en lumière pour répéter son crédo. Un discours politique, résolument à gauche, comme pour se prévenir des risques de dérives vers l’extrême droite. « Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l’une d’entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j’espère que cette tradition se maintiendra » a-t-il notamment expliqué.
Dans son film il dresse un constat alarmant sur la paupérisation de toute une classe ouvrière anglaise, souvent qualifiée, mais trop âgée pour remettre en cause son fonctionnement. Au moindre problème de santé, c’est la dégringolade. Pour Ken Loach, « Le libéralisme favorise le maintien d’une classe ouvrière vulnérable et facile à exploiter. Ceux qui luttent pour leur survie font face à la pauvreté ». Conséquence, « les pauvres doivent accepter qu’on les tienne pour responsables de leur pauvreté. C’est ce qu’on constate à travers toute l’Europe et dans le reste du monde ».
Depuis, le Brexit est passé par là, Trump est candidat aux USA et en France, la présidentielle risque de se jouer au second tour entre la droite extrême et la droite forte. 

DE CHOSES ET D'AUTRES : Surchauffe sur le net

internet, hacker, mr robot
Apprendre à tous les jeunes à coder : ce vœu pieu devient de plus en plus d’actualité tant il apparaît que les utilisateurs d’internet, de passifs, ne peuvent plus que devenir actifs. On clique et ça fonctionne : presque de la magie qu’il va falloir oublier. L’heure est à la compréhension totale et complète des méandres du réseau mondial.
Certains s’alarment de la disparition programmée du net. La semaine dernière, de multiples attaques ont gravement perturbé le fonctionnement de plateformes devenues essentielles dans nos nouvelles vies hyperconnectées. De Twitter à Netflix en passant par Amazon, tout buggait. Avec l’intention de submerger ces services, des pirates ont pris possession de millions d’objets connectés. Un four qui veut twitter, une caméra de vidéo surveillance qui désire acheter un livre : de quoi se demander si la révolution virtuelle de l’intelligence artificielle planétaire ne se met pas en marche.
Une apocalypse déjà imaginée par les scénaristes de la série « Mr Robot » (saison 1 en DVD chez Universal et saison 2 depuis hier sur France 2). Pour nuire à une multinationale, les hackers anarchistes décident d’effacer toutes les mémoires des comptes privés stockés dans les bases de données. Il suffit pour cela de neutraliser la climatisation des chambres fortes. Un petit coup de chaud et des milliards de dettes disparaissent. Une utopie, vraiment ? 

lundi 24 octobre 2016

BD : LE SPIROU ANIMALIER DE FRANK PÉ

spirou, lumière bornéo, singe, cirque, frank, zidrou, dupuis
N’en déplaise aux puristes, l’idée de confier les destinées de Spirou à d’autres auteurs permet de moderniser un héros parfois trop conventionnel. En parallèle des aventures officielles signées par Yoann et Velhmann, d’autres s’approprient le célèbre groom rouge. Comme Frank Pé (dessin) et Zidrou (scénario). « La lumière de Bornéo », longue histoire de 88 pages, décrit un Spirou devenu adulte. En jean et blouson de cuir, il claque la porte quand la nouvelle direction de son journal veut qu’il édulcore un reportage. Il devient ainsi le premier « héros de BD sans emploi ». Il va se laisser vivre, apprendre à peindre, flâner et retrouver le cirque de Noé et sa ménagerie. Mais aussi la jeune fille de Noé. Choc de génération qui donne tout son sel à l’album. L’intrigue, sur l’art et l’exploitation des animaux, permet à Frank de dessiner et de peindre ce qu’il aime le plus. Beau, intelligent, beau, touchant. Vraiment beau...
➤ « La lumière de Bornéo », Dupuis, 16,50 €

dimanche 23 octobre 2016

Livres : Grands voyages policiers dans la poche


Première destination, la région parisienne. Une jeune femme violée, mutilée et laissée pour morte dans un parking, un suicidé, des dealers assassinés... Réunis par un même sentiment de solitude, le major Mako de la BAC de nuit et la capitaine Marie Auger de la PJ décident de faire alliance. Un polar très sombre signé Laurent Guillaume.
➤ « Delta Charlie Delta », Laurent Guillaume, Folio, 7,70 €

Seconde escale à Petah Tikva petite ville israélienne tranquille, loin du bouillonnement de Tel-Aviv. Tous les habitants se plaisent à le répéter, rien ne se passe jamais à Petah Tikva. Alors, quand un journaliste d’investigation disparaît, l’inspectrice Anat Nahmias est surprise. Qui aurait pu avoir intérêt à le faire taire?
➤ « Oranges amères », Liam Shoham, 10/18, 8,40€

Terminus dans le nord de la Suède. Un pêcheur découvre le cadavre torturé de la belle Inna, porte-parole de Mauri Kallis, un industriel. Les inspecteurs de la police judiciaire de Kiruna font appel Rebecka Martinsson, l’hé- roïne créée par Asa Larsson dont la nouvelle enquête, «Tant que dure ta colère», vient de sortir chez Albin Michel.
➤ « La piste noire », Asa Larsson, Le Livre de Poche, 7,90€

samedi 22 octobre 2016

DVD : Frédéric Beigbeder à la recherche de beautés rares dans "L'Idéal"

beigbeder, proust, idéal, orange studio
Frédéric Beigbeder n'est jamais aussi bon que là où on ne l'attend pas. Le publicitaire anonyme est parvenu à émerger quand il a décidé de se lancer en littérature. Son passage à la télévision, en présentateur de talk show s'est soldé par un échec. Il a par contre duré dans le Cercle, seule émission télé véritablement critique sur le cinéma. Le cinéma qui lui fait les yeux doux. Il a participé à l'adaptation de ses romans les plus célèbres et a réalisé lui-même deux films. Une comédie sentimentale et « L'Idéal », sorte de suite de « 99 francs ». Sa sortie en DVD est l'occasion de revenir sur cette étrange chose, très inégale, mais loin d'être le ratage complet annoncé à sa sortie en salle. Le DVD permet justement de faire le tri entre les bonnes idées, l'intrigue et les parties vulgaires à faire défiler à grande vitesse. Pas la peine de rester dix minutes sur la scène de fête russe. Elle n'apporte rien au film et son esthétique donne la nausée. De même, les longues séances de castings de mannequins russes frôlent l'overdose. Par contre, dès que les trois personnages principaux daignent interpréter leurs rôles, le film a une saveur rare en France. Gaspard Proust, sniper suisse d'Ardisson, a ce détachement, cette décontraction qui fait mouche dans le monde du CAC 40 de la beauté anorexique. Il interprète un chasseur de tête pour les agences de mannequins. Il doit en urgence trouver une nouvelle égérie à l'Idéal, multinationale française ébranlée par un scandale. Il est embauché par Valentine, le directrice visuelle et Caroline, la directrice. La première est jouée par Audrey Fleurot, la seconde par Jonathan Lambert. En patron efféminé, longues boucles, ongles vernis et fond de teint à la truelle signe une prestation rare pour un acteur français. Beigbeder a su utiliser toute la folie de ce comédien au parcours unique. Voilà bien le paradoxe de ce film, réalisé par un ancien publicitaire qui se revendique obsédé sexuel et toxicomane, d'être au final un brûlot contre la société de consommation et presque une ode au communisme.
« L'idéal », Orange Studio, 16,99 euros


vendredi 21 octobre 2016

Cinéma : La renaissance de Courgette


courgette,animation,sciamma,barras

Les films d'animation ne sont pas toujours réservés aux enfants. « Ma vie de courgette » de Claude Barras prouve que quelques petites marionnettes peuvent faire passer plus d'émotion que bien des acteurs en chair et en os. Marionnettes par les personnages de ce film sont en pâte à modeler et bougent selon la technique du stop motion, soit image par image. Résultat l'histoire de Courgette, le petit orphelin malheureux, ne dure qu'un peu plus d'une heure, mais a nécessité le travail de 150 « artisans » durant plus de deux ans. Un aspect technique rapidement balayé par l'histoire écrite avec Cécile Sciamma, adaptée du roman de Gilles Paris « Autobiographie d'une courgette ».
Icare vit seul avec sa maman qui s'obstine à l'appeler Courgette. Dans sa chambre dans les combles, il rêve d'une vie meilleure. Une vie où sa maman ne boirait pas. Ne le frapperait pas. Un jour, sans le vouloir, il la fait tomber dans l'escalier. Courgette se retrouve orphelin. Et meurtrier. Un policier recueille son témoignage et le conduit dans un foyer spécialisé. Là, contre toute attente, il va rencontrer écoute et gentillesse. De la part des éducateurs mais aussi des autres enfants, des cabossés de la vie, comme lui. Simon, le dur au cœur tendre, Jujube, le glouton hypocondriaque, Béatrice, qui espère que sa maman va revenir; une réfugiée renvoyée dans son pays, sa sa fille, Alice, le visage caché derrière sa mèche, comme se protéger des horreurs de sa courte vie. Et puis un jour arrive Camille. Une fille forte, qui joue bien au foot. Une fille dont on peut facilement tomber amoureux. « Ma vie de courgette » demande aux parents d'accompagner les enfants, de les guider et peut-être parfois de leur expliquer pourquoi les pensionnaires du foyer des Fontaines, apparemment normaux, ont parfois l'air si tristes et malheureux.
Le film, à l'opposé de bien des réalisations trop linéaires, est un parfait antidépresseur. La noirceur du début s'estompe lentement, au gré des nouvelles relations de Courgette avec l'extérieur. Le petit garçon brimé, persuadé que la vie n'est jamais faite que de déceptions et de tristesse, découvre la gentillesse, l'optimisme. Et en sortant de sa coquille, il redevient humain, capable d'espoir, envisageant même le bonheur. Car le message de « Ma vie de courgette » est simple : tout le monde peut être heureux, même après des débuts très difficiles dans la vie. Une famille forte et unie se bâtit sous les yeux des spectateurs qui oublient très vite le côté animation. Ne reste que les belles âmes de personnages qui ont enfin un avenir.

jeudi 20 octobre 2016

Nouvelles : De petits bouts de Jean Teulé

nouvelles,teulé,respiration,juillard
Les romans de Jean Teulé ne sont jamais épais. L'auteur maîtrise l'art du court et direct. Il applique cette méthode à ses nouvelles, signant un recueil où chaque texte ne dépasse pas les cinq pages. Sortes de chroniques du quotidien, cela va du portrait intimiste, à la fausse BD en passant par le poème raturé. Il se livre aussi, comme cette histoire de vieille maison bretonne, se transformant, le printemps venu, en lupanar à plumes. Et puis au détour de ces textes, il y a le témoignage du fils de Philippe Bertrand, dessinateur décédé en 2010. Un dialogue fort et optimiste, des clés pour mieux accepter la mort et l'absence d'un être aimé.
« Comme une respiration », Jean Teulé, Julliard, 17,50 euros

mercredi 19 octobre 2016

Livre : Mickey décortiqué

mickey,disney,safra,vendémiaire
Ambitieux livre que cette « Face cachée de Mickey Mouse » de Clément Safra. Ce spécialiste du cinéma hollywoodien va beaucoup plus loin que l'analyse de l'animation ou des évolutions graphiques de la célèbre souris imaginée par Walt Disney. Dans ces 200 pages richement illustrées, il aborde des thèmes plus spécifiques et pointus comme sa comparaison avec des acteurs de chair et de sang ou l'anthropomorphisme de cette Amérique animée. En réalité, ce livre nous apprend aussi que la carrière de Mickey est relativement brève. Héros de films courts destinés à être diffusés en ouverture des long-métrages, il n'a jamais eu son grand film à lui. Une volonté de Walt Disney, selon l'auteur, qui a préféré conserver sa « mascotte » comme symbole de sa société de production. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, Mickey n'est plus qu'un Logo formé de trois cercles qui nous fascinent.
« La face cachée de Mickey Mouse », éditions Vendémiaire, 25 euros


mardi 18 octobre 2016

Cinéma : La toubib et « La fille inconnue »

fille inconnue,dardenne,haenel,cannes
Parfois, on se demande vraiment si le jury du festival de Cannes a bien vu les mêmes films que ceux qui depuis quelques semaines sont à l'affiche dans les salles. Rien pour « Toni Erdmann », rien pour les acteurs de « Juste la fin du monde », rien pour « Aquarius ». Trois excellents films comme on en voit rarement. Et un quatrième grand oublié sort ce mercredi avec « La fille inconnue » des frères Dardenne. Ils auraient largement mérité une quatrième palme. Et Adèle Haenel un premier prix d'interprétation. Mais comme les trois autres films, à l'arrivée, « La fille inconnue » n'a rien obtenu... Franchement incompréhensible tant ce film d'une tension perpétuelle prend aux tripes.
Jenny Davin (Adèle Haenel), médecin généraliste remplaçante, découvre son métier dans un petit cabinet de Liège en Belgique. Le soir, harassée, quand on sonne au cabinet une heure après la fermeture, elle ne va pas ouvrir. Et interdit à son stagiaire Julien (Olivier Bonnaud) d'y aller.
Le lendemain, des policiers sont devant son cabinet. Ils veulent récupérer les images de la caméra de vidéosurveillance de l'entrée du cabinet. Une jeune femme a été retrouvée morte de l'autre côté de la rue. La tête fracassée sur un bloc de béton au bord du canal. Jenny découvre avec effarement que c'est elle qui a sonné la veille. Sur les images, la fille inconnue est en panique, comme poursuivie. On ne voit pas la cause de sa terreur. Prise d'une culpabilité à rebours, Jenny va tout faire pour que l'inconnue ait une sépulture descente. La police n'a aucun indice. L'enquête piétine. Alors la jeune médecin va interroger tous ses patients pour finalement trouver un embryon de piste. Le film, social, forcément social avec les Dardenne, est pourtant construit comme un thriller. Mensonges, intimidations, Jenny joue un jeu dangereux. Mais c'est le prix à payer pour qu'elle retrouve une dignité et confiance en soi. Le travail de l'actrice principale est remarquable. Elle porte tout le film sur ses interrogations, doutes et envie de vérité. Cassante au début du film (notamment avec son stagiaire), elle s'humanise et découvre le véritable pourquoi de sa vocation.


lundi 17 octobre 2016

BD : Braquage poétique

mattiussi,salem,casterman
Si vous feuilletez par hasard l'album "Je viens de m'échapper du ciel" par hasard dans une librairie vous avez de fortes chances de penser que ce roman graphique en noir et blanc est dessiné par Munoz. Poe, le loser qui gravite dans ces nouvelles de Carlos Salem, ressemble étrangement à Alack Sinner. Pourtant l'album est de Laureline Mattiussi, une dessinatrice française qui manie le noir et blanc avec une rare virtuosité. Poe est amoureux de Lola. Mais il passe ses nuits avec une sorte d'ange. Ou un fou barbu. Imaginaires. Mais en réalité il est avec Harly, gangster de son état. Casses manqués, beuveries, délires paranoïaques : l'univers de cette BD est un peu policière et beaucoup poétique. Ou l'inverse. A vous de voir...
« Je viens de m'échapper du ciel", Casterman, 18,95 euros


dimanche 16 octobre 2016

BD : "Vertigo", vengeance entre gangs

vertigo,lombard,caracas,sergeef,bufi
Si l'action de "Vertigo", histoire complète de 80 pages, se déroule essentiellement à Caracas au Venezuela, l'origine des problèmes du personnage principal, Samuel Santos, vient du Salvador, 14 ans auparavant. Santos, devenu avocat, défend les squatteurs de la tour David, haute de 45 étages et inachevée depuis des décennies. Avant cette existence 'normale', il était membre d'une mara, un gang, au Salvador. Le récit, se déroulant sur deux époques, raconte cette histoire de vengeance différée et d'espoir de renouveau. Car en quittant le Salvador, Santos a laissé un bébé. Est-ce son fils qui vient d'être emprisonné pour meurtre ? Écrite par Nathalie Sergeef, cette histoire âpre et violente est mise en images par Bufi, dessinateur italien maniant à la perfection le réalisme pur et dur.
"Vertigo", Le Lombard, 14,99 euros


samedi 15 octobre 2016

BD : Les gangsters à la papa


ravard,mort aux vaches,ducoudray,futuropolis
Du polar rural : le "Mort aux vaches" de François Ravard et Aurélien Ducoudray est de cette veine malheureusement un peu en perte de vitesse. Quatre truands braquent une banque. Quelques millions de francs, car cela se passe dans les années 90. Pour se faire oublier, ils veulent passer un mois au vert, dans la ferme d'un cousin de Ferran, un des quatre pieds nickelés. Ce dernier est accompagné par José, son complice et amant depuis 20 ans, Cassidy, belle et impudique et de Romu, un gaillard, culturiste dopé aux protéines. Normalement ils devraient cultiver une certaine discrétion. D'autant que la famille de Ferran ne sait pas pourquoi ils viennent en "vacances" dans cette exploitation agricole spécialisée dans les races à viande. Mais avec Cassidy, difficile de ne pas être vite en vedette. En une journée elle parvient à attirer les regards des veilles acariâtres du cru, des gendarmes et des prostituées roumaines. Bref, le mois va se résumer en 48 heures très animées. Des dialogues succulents, un peu à la Audiard, des décors entre beauté champêtre et puanteur du fumier et de sacrés personnages : "Mort aux vaches" est idéal pour les lecteurs amateurs d'ambiance vintage.
"Mort aux vaches", Futuropolis, 19 euros

vendredi 14 octobre 2016

DVD et blu-ray : Saga coloniale asiatique

indochine,wargnier,deneuve,yanne,colonies
Certains films méritent d'être oubliés. D'autres de rester dans nos mémoires et de profiter des dernières avancées technologiques pour être restaurés et proposés au public sur des supports dignes de leur grandeur. Parfait exemple avec « Indochine » de Régis Wargnier sorti en 1992. Ce n'est pas très ancien, mais la technique de reproduction a tellement évolué ces 5 dernières années, que ce chef -d'oeuvre devenait impossible à regarder sur un simple DVD. Sa restauration et duplication sur blu-ray, en format 4K (soit aussi bon qu'au cinéma), rend parfaitement hommage à ce spectacle de la France coloniale en plein déclin. Paysages grandioses, reconstitution pointilleuse de l'Indochine des années 30, acteurs au sommet de leur art, particulièrement Catherine Deneuve, on est fasciné par l'histoire de Camille (Linh-Dan Pham), la princesse rouge, héroïne de la libération du Vietnam, symbole de cette élite indochinoise préférant la liberté au pouvoir sous contrôle offert par la Métropole.
On retient aussi du film le rôle sur mesure du directeur de la sécurité pour Jean Yanne, toujours excellent quand il endosse la peau d'un immonde salaud. Vincent Perez, en jeune militaire exalté devenu père sacrificiel est un peu moins crédible. Mais il apporte cette fougue et jeunesse, symboles d'une génération lasse des rigorismes de l'époque. Mélodramatique et historique, « Indochine », film à très gros budget pour l'époque, a eu un immense succès en salles lors de sa sortie. Public au rendez-vous, critique aussi puisqu'il a raflé cinq César et surtout l'Oscar du meilleur film étranger en 1993. Et la sortie en blu-ray s'accompagne d'une reprise au cinéma dans quelques salles à partir de mercredi prochain.

« Indochine », Studiocanal, blu-ray (version restaurée), 24,99 euros


jeudi 13 octobre 2016

Cinéma : La famille libre et sauvage du "Captain Fantastic"

Vivre en autarcie au cœur des forêts du nord-ouest de USA : la famille de Ben Cash, le « Captain Fantastic », est en marge. Père autoritaire, il doit faire face à une révolte de ses six enfants.
Mortensen, Matt Ross, captain, fantastic
Il y a deux moments clés dans « Captain Fantastic » de Matt Ross. Deux cérémonies d’obsèques diamétralement opposées. La première, dans une église est d’un sinistre absolu. Normal pour un enterrement. Sauf quand la personne décédée a spécifiquement précisé avant sa mort qu’elle voulait une cérémonie joyeuse et festive. La seconde cérémonie, d’un tout autre genre, est emblématique de ce film particulièrement émouvant. Pour cette scène, et bien d’autres avant et après, il faut absolument le voir, s’en imprégner, réfléchir sur notre vie, notre quotidien. Œuvre de salubrité publique, d’intelligence et de liberté, il donne une autre vision de l’Amérique, pas celle de Trump ni de Clinton, plutôt la tendance Bernie Sanders mâtinée d’un peu de préceptes libertariens.
■ Des livres et un tipi
Mortensen, Matt Ross, captain, fantastic
Les premières images de « Captain Fantastic » font un peu penser à l’histoire de « L’enfant sauvage ». Dans une forêt, un jeune homme tue une biche sous les yeux de ses frères et sœurs, dissimulés dans la végétation. Ce n’est pourtant pas un enfant sauvage mais toute une famille qui vit ainsi, dans un tipi, sous les arbres, loin de la civilisation de consommation. Pas de télévision mais beaucoup de livres. Pas de conserves mais un jardin bien entretenu. Cette utopie est possible grâce à Ben (Viggo Mortensen), le père de Bo, Kielyr, Vespyr, Rellian, Zaja et Nai. Six enfants, mais pas de mère. La compagne de Ben, maman de ces six gamins de 17 à 8 ans, est malade. Hospitalisée dans une grande ville du sud du pays, près de ses parents, riches bourgeois, elle est absente. Elle manque aux enfants. Aussi quand Ben et Bo descendent au village se ravitailler et relever leur courrier, il leur tarde d’avoir des nouvelles. Mauvaises nouvelles. Ben annonce qu’elle est morte. Elle a mis fin à ses jours. Mais que la vie continue. Décidés à rendre un dernier hommage à cette maman aimante malgré ses sautes d’humeur, les six jeunes font le forcing pour aller aux obsèques. Refus de Ben dans un premier temps. Mais il cédera, toujours désireux d’apporter le meilleur à ses enfants. A bord de Steve, bus scolaire transformé en gros campingcar, ils partent vers la civilisation, cette Amérique que Ben rejette, que les enfants ne connaissent presque pas. La confrontation entre les deux mondes est source de nombreuses scènes comiques.
De la tentation des hamburgers aux jeunes filles en fleurs en passant par les jeux vidéo, Ben devra se battre pour maintenir un certain état d’esprit et conserver la garde de ses enfants face aux manœuvres procédurières des grands parents (Frank Langella et Ann Dowd). Et dans l’adversité, la famille sauvage se fissurera mais parviendra encore à trouver un terrain d’entente pour qu’une fois de plus la raison et l’intelligence l’emportent. Tel est le message de tolérance de « Captain Fantastic ».
_____________
Viggo Mortensen totalement dans le rôle
Mortensen, Matt Ross, captain, fantastic
Dans le rôle du père et récent veuf, Viggo Mortensen livre une performance de très haut niveau (une nomination aux Oscars est le minimum syndical). L’acteur, rendu si célèbre après son rôle d’Aragorn dans «Le seigneur des anneaux», a pourtant une longue et très diversifiée carrière derrière lui. Il a débuté avec Woody Allen et portait, il y a un peu plus d’un an, le film «Loin des hommes» sur le dilemme d’un instituteur français en pleine Algérie insurrectionnelle. Dans Captain Fantastic, l’athlétique acteur américano-danois n’a pas eu à beaucoup forcer sa nature pour devenir un homme des bois. « Je n’ai pas eu à lire des tonnes de manuels sur la vie en forêt ou en milieu naturel pour me sentir à l’aise sur le tournage, explique-t-il dans des notes de productions. J’ai vécu au nord de l’Idaho, dans un lieu qui ressemble assez à celui où vit la famille Cash au début du film. » Il a même préféré vivre dans la cabane du décor plutôt que dans le confort de l’hôtel réservé à son nom. Et de préciser « J’ai apporté beaucoup de plantes pour le jardin à côté du tipi. J’aime proposer des objets personnels qui semblent coller à l’univers du film. » Bref, un rôle sur mesure qu’il ne pouvait pas refuser.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Vertiges


tour
Impossible pour les gens comme moi qui souffrent du vertige de comprendre l'envie de certains de construire des tours de plus en plus hautes. Dubaï qui abrite déjà le Burj Khalifa, le plus haut gratte-ciel du monde (il culmine à 828 mètres), vient de lancer cette semaine la construction annoncée comme la plus haute du monde. L'émirat n'a pas révélé sa hauteur exacte mais elle sera comprise entre 950 et 1100 mètres. Ce n'est pas de l'approximation (je n'accorderai aucune confiance à un architecte qui élabore ses plans avec un pourcentage d'erreur comme pour un vulgaire sondage) mais un secret face à la concurrence. Si moi j'ai le vertige (pas pu dépasser le second étage de la tour Eiffel) les rois du pétrole eux aiment contempler leur désert de haut, de très haut. Dubaï, fier de ses records d'altitude, doit se méfier de l'Arabie Saoudite. Cette autre puissance pétrolière a lancé la construction à Jeddah, ville portuaire sur la mer Rouge, d'une tour qui doit elle culminer à plus d'un kilomètre de hauteur.
Le souci des tours c'est qu'elles peuvent s'écrouler. Comme potentiellement tous les bâtiments en cas de séisme. Mais depuis le premier étage de ma maison de village je tombe de moins haut. Cela suffit à me rassurer. Et explique pourquoi jamais, au grand jamais, je n'imiterai ces milliers de touristes qui feront le déplacement, juste pour un point de vue de quelques minutes.

mercredi 12 octobre 2016

Rentrée littéraire : L'enfance massacrée de Gaël Faye

Gabriel, 10 ans, a tout pour être heureux : famille aimante, copains. La guerre va tout bouleverser.


Le livre dont tout le monde parle en cette rentrée littéraire, « Petit pays » de Gaël Faye est un premier roman. Il est nominé dans quasiment tous les prix et ses ventes décollent. Un engouement général rarement constaté. Presque une autobiographie, l'histoire de Gabriel, petit franco-rwandais vivant au Burundi au début des années 90, a beaucoup de points communs avec la propre enfance de l'auteur. La première partie du roman a parfois des accents pagnolesques. Gabriel, avec ses meilleurs amis, jouent dans les terrains vagues, s'inventent des aventures au volant d'un combi abandonné, chapardent des mangues qu'ils revendent ensuite aux résidents de leur quartier, relativement aisé. Cela paraît presque trop beau. Mais très touchant aussi quand il raconte le repos des petits voleurs « Nos mais étaient poisseuses, nos ongles noirs, nos rires faciles et nos cœurs sucrés. C'était le repos des cueilleurs de mangues ».
gaël Faye, burundi, rwanda, hutus, tutsis, grassetOn se croirait presque dans la Guerre des boutons, version africaine. Mais la guerre, la craie, va s'inviter dans ce paysage idyllique. D'abord au Rwanda puis au Burundi. Tueries, massacres : les jeux vont tourner à l'aigre. Et c'est dans cette bascule que Gaël Faye marque le plus de points.
En racontant les angoisses de Gabriel il explique comment la peur et la folie meurtrière deviennent le quotidien. Pour Gabriel cela se traduit par d'étranges rêves, entre sécurité et cauchemar, « J'ai rêvé que je dormais paisiblement, en suspension dans un petit nuage douillet formé par les vapeurs de soufre d'un volcan en éruption. »
La suite du roman, après ces passages bucoliques, sont d'une dureté incroyable. Quand Gabriel va à l'école il peut assister presque quotidiennement à des exécutions sommaires ou des lynchages en public. Au bord des routes, les cadavres pourrissent dans l’indifférence générale. Rwanda et Burundi, pays déchirés depuis des décennies par une rivalité entre ethnies (tutsis contre hutus) se transforme en champ de bataille. Une exilée, quand elle revient au pays constate, amère, que « le Rwanda du lait et du miel avait disparu. C'était désormais un charnier à ciel ouvert. »
Exceptionnel par sa force, le témoignage de Gaël Faye vous prendra aux tripes jusque dans les ultimes pages. Un dernier chapitre coup de poing transforme ce roman en véritable chef d'oeuvre
« Petit pays » de Gaël Faye, Grasset, 17 euros (Photo J.-F. Paga)

mardi 11 octobre 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Les trumpettes de la renommée

trump,usa,clinton,élection
Dans tous les cas de figure, les USA auront un nouveau président original en 2017. Si Hillary Clinton l'emporte, sa seule particularité sera d'être une femme. Si c'est Donald Trump, il faudra compter avec un « maître du monde » misogyne, obsédé, vulgaire et... mal coiffé. Bizarrement, cette dernière tare, longtemps considérée comme la pire dans la bio du milliardaire, fait finalement presque figure de broutille aujourd'hui tant son image s'est détériorée au fil des révélations de la presse, meetings et débats. 48 heures avant celui de dimanche au cours duquel il a comparé sa rivale au « diable », on l'entendait dans un enregistrement datant de 2005 dire tout le bien qu'il pensait de sa stature de célébrité de la télé réalité. « Quand vous êtes une star, les femmes vous laissent tout faire » et de se vanter de pouvoir les tripoter où il veut, comme il veut. Pour certains, Trump n'est qu'un « peloteur ». Pour d'autres, en France notamment, il s'agit d'un « violeur ». Dimanche, il est revenu sur l'affaire, des « discussions de vestiaires » selon lui. Pas très sympa pour les sportifs. A se demander comment la plus grande puissance mondiale se retrouve à risquer d'élire président ce que tout psychologue définirait comme un « prédateur sexuel ». Le plus étonnant reste son co-listier, son remplaçant en cas d'empêchement majeur : Mike Pence représente quant à lui le prototype du parfait « chrétien conservateur ». Il s'est déclaré « outré » par les paroles de Trump. Mais en bon catholique, il lui a déjà pardonné. Pas sûr que les femmes aient la même bonté d'âme le 8 novembre.

lundi 10 octobre 2016

Poches : les femmes sont-elles toujours coupables ?


Petite femelle.jpg
Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusée d'avoir tué de sang-froid son amant. La Petite Femelle retrace la quête obsessionnelle que Philippe Jaenada a menée pour rendre justice à cette femme en éclairant sa personnalité d'un nouveau jour. Un récit palpitant, qui défie toutes les règles romanesques.
"La petite femelle", Points, 8,95 euros
Projet K.jpg
La NASA s'attelle à la construction d'une nouvelle sonde spatiale pilotée par une intelligence artificielle appelée Dorothy, conçue par la scientifique Melissa Shepherd. Des erreurs de calcul survenant durant les phases de test, la sonde parvient à s'échapper dans les méandres d'Internet. L'ancien agent de la CIA Wyman Ford est alors appelé pour traquer cette "intelligence" rebelle. Une utopie signée Douglas Preston.
"Le projet K", J'ai Lu, 8 euros
Vacances Mamm.jpg
Les affaires ne se bousculent pas dans l'agence n°1 des dames détectives, officine du Botswana. Elles se bousculent même si peu que, pour la première fois dans sa carrière, Precious Ramotswe a accepté de prendre des vacances. Une grosse erreur pour la savoureuse héroïne imaginée par Alexandre McCall Smith, par ailleurs auteur des Chroniques d'Edimbourg.
"Les vacances de Mma Ramotswe", 10/18 inédit, 7,50 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Grignotez et payez-le

mangerbouger.png
Depuis la rentrée, mon épouse et moi, profitons des matins des week-ends pour rigoler. Le samedi, rires geeks avec « The Big Band Theory » sur NRJ 12 et le dimanche, rires en beauté avec « 2 Broke Girls » sur NT1. Deux chaînes de la TNT, en haute définition, qui en plus proposent ces séries en VO sous-titrée pour ceux qui le désirent. Seul inconvénient, la rafale d'épisodes (une bonne dizaine par matinée) est entrelardée de coupures publicitaires. Je remarque un spot vantant un produit qui contient de la mélatonine, la fameuse hormone miracle pour, en théorie, retrouver des cycles de sommeil réguliers.
Habitué aux sous-titres des séries, je lis inconsciemment le bandeau incrusté sous la pub. Surprise, il y est recommandé de varier son alimentation, de ne pas grignoter ni manger en dehors des repas... Une telle recommandation pour les bonbons ou les céréales du petit déjeuner, je comprends, mais de la mélatonine, des comprimés ? J'obtiens l'explication en fin de spot. Il y est précisé que le produit vanté est un complément alimentaire... Donc l'avertissement est obligatoire. Pas très nécessaire, mais obligatoire.
Pub suivante. On voit une petite fille avec son père regarder avec envie des viennoiseries. Elle parvient à convaincre le papa à entrer dans la boulangerie et il lui achète un gâteau bien gras et sucré. Tout ce qu'il ne faut pas faire pour ne pas grossir. Et cette fois pas de bandeau d'avertissement sur les nécessaires « 5 fruits et légumes par jour ». Normal, la publicité porte sur les avantages d'une... carte bancaire.

dimanche 9 octobre 2016

BD : Vie et mort d'Anna Politkovskaïa


Le 7 octobre 2006, Anna Politkovskaïa, journaliste dissidente russe, est abattue devant chez elle. Le jour même de l'anniversaire de Vladimir Poutine, son pire ennemi. La biographie dessinée de cette infatigable protectrice des Droits de l'Homme sort en France pour les dix ans de cette sinistre date. Écrit par Francesco Matteuzzi et dessiné par Elisabetta Benfatto, cet album en noir et blanc raconte les dernières années de la reporter, rendue célèbre après ses articles pour dénoncer les exactions de l'armée russe lors de la première guerre de Tchétchénie. Une femme pleine de doute, qui semblait savoir qu'un jour, elle rejoindrait ces témoins qui ont accepté de lui confier des informations. La BD est complétée par des témoignages et un entretien avec des journalistes italiens ayant connu personnellement Ana Politkovskaïa.
« Anna Politkovskaïa, journaliste dissidente », Steinkis, 16 €


samedi 8 octobre 2016

BD : Confidences d'une "Aspie"


asperger,autisme,différence invisible,julie dachez,delcourt
Ils sont des milliers a être autistes Asperger. Une forme légère de la maladie, souvent indétectable, notamment chez les femmes. Julie Dachez a longtemps vécu avec un mal-être permanent. La faute à ce syndrome Asperger qui la pousse à fuir la compagnie des gens, préférer les animaux et se passionner pour des sujets au point d'en oublier de manger. Quand elle découvre qu'elle est une "Aspie", sa vie change. Elle accepte son anormalité et décide de la faire reconnaître. La BD dessinée par Mademoiselle Caroline raconte cette prise de conscience et devrait permettre à certains Asperger de se reconnaître ou à leurs proches de modifier leur attitude.
"La différence invisible", Delcourt, 22,95 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : La 2e fête du cinéma


fête de la vod,vodTout le monde veut avoir sa fête. Après la musique et le cinéma (sans oublier le livre, la première depuis des siècles avec la San Jordi), la vidéo à la demande (VOD) se lance dans le mouvement. Vingt ans plus tôt, on parlerait de fête des vidéo-clubs, mais numérisation oblige, ces derniers ont disparu corps et biens et les films arrivent chez vous directement grâce à votre connexion internet. La fête de la VOD consiste à bénéficier d'une promo sur tous les films jusqu'à dimanche (et depuis jeudi). Si d'ordinaire la location d'un titre récent coûte environ 4 euros, ce week-end, fête oblige, le prix est à n 50 %, soit 2 euros tout ronds.

Pratiquement toutes les plates-formes participent car l'initiative vient du syndicat professionnel de ces nouveaux acteurs de la distribution des œuvres cinématographiques. Si l'on compare les prix, on peut avec la même somme, voir un film au cinéma ou quatre, installé dans son canapé, clope au bec, verre de vin à la main et pieds sur la table basse. L'écran est forcément plus petit chez soi mais on dispose de la touche pause en plus.
Le gros avantage aussi de la VOD c'est la diversité. Là où le plus gros des multiplexes vous offre une vingtaine de salles, une plate-forme propose plusieurs milliers de titres à la location. Alors ce week-end, si vous avez la chance de pouvoir "cocooner", profitez-en pour regarder ces films délaissés lors de leur sortie en salle comme "Saint-Amour" (avec Poelvoorde et Depardieu), "Le goût des merveilles" (avec Virginie Efira) ou le délirant mais parfaitement incompris "Zoolander 2" avec Ben Stiller et Penelope Cruz. Bons films !

vendredi 7 octobre 2016

DVD : Mystification anti-capitaliste avec "Merci patron"

mercipatron.jpg
François Ruffin a beaucoup de talent. D'acteur, de metteur en scène, de scénariste. Mais surtout de militant, pour un monde plus juste où travailler signifie encore quelque chose. Ce Picard, impliqué dans les luttes ouvrières depuis des décennies, a trouvé sa voie en lançant "Fakir", "Le journal fâché avec tout le monde. Ou presque". Un brûlot contre les dérives du capitalisme, les délocalisation, le chômage de masse, l'abrutissement des ouvriers.


Dans le cadre de ses activités de journaliste, il s'intéresse au cas Bernard Arnault, Pdg du groupe LVMH. Arrivé en sauveur de l'industrie textile, il a finalement tué toute production industrielle en France. Exemple à Poix-du-Nord où étaient fabriqués les costumes Kenzo. Après la délocalisation en Pologne, tout le monde est licencié. Serge et Jocelyne Klur sont dans la panade. Leur maison va bientôt être saisie. Quand François Ruffin les rencontre, il leur propose de devenir actionnaire de LVMH et de prendre la parole lors de l'assemblée générale. Mais rien ne se passe comme prévu. Les petits actionnaires sont cantonnés dans une salle, loin du grand manitou. Ce fiasco est raconté dans les 20 premières minutes du film, conçu comme un reportage. La suite est beaucoup plus originale. François Ruffin va profiter du cas particulier des Klur pour infiltrer le groupe LVMH.
Comme des espions
A base de caméras cachées, d'enregistrements téléphoniques et de rendez-vous avec la garde rapprochée de Bernard Arnault, Ruffin non seulement améliore la situation économique des Klur, leur trouve un emploi (exactement il pousse Carrefour, propriété de Bernard Arnault à embaucher, en CDD puis en CDI Serge pour calmer les "gens de Fakir"), mais surtout dévoile les pratiques peu orthodoxes du grand groupe capitaliste. La vedette du film, en dehors de Ruffin qui endosse le rôle de Jérémie, le fils des Klur, c'est Moutarde, pseudo d'un ancien commissaire, devenu responsable de la sécurité de LVMH. Une machination qui a une morale, étonnant dans notre monde de plus en plus inhumain. C'est aussi tout le charme de ce film improbable aux 500 000 entrées. Dans sa version DVD, produite par Fakir, les bonus sont généreux, comme Ruffin et sa bande. Quelques scènes coupées, un entretien avec le réalisateur qui revient longuement sur la genèse du projet et une réjouissante fin de repas, avec l'ensemble des protagonistes du film, où il raconte sa transformation en Jérémie, le faux fils Klur et ses rapports de plus en plus étroits avec Moutarde. Un film dans le film qui est également repris dans un livret compris dans le lot, sans oublier les deux affiches du film par les dessinateurs Soulcié et Lardon.
"Merci Patron", Fakir, 20 euros.

jeudi 6 octobre 2016

Cinéma : "Le ciel attendra", réquisitoire contre Daech, virus pour la jeunesse

ciel attendra,daech,islamistes,terrorisme,dounia bouzar,bonnaire
Marie-Castille Mention-Schaar, réalisatrice du film « Le ciel attendra », signe une œuvre essentielle pour comprendre comment les islamistes de Daech embrigadent les jeunes Françaises.

Itinéraires de jeunes filles influençables. Alors que la menace de Daech à l'intérieur de nos frontières est toujours aussi importante, "Le ciel attendra" est un film à montrer à tous les jeunes Français. Sans exception. Marie-Castille Mention-Schaar a monté ce film dans l'urgence. Car le mal est profond dans notre société. Aidée d'Emilie Frèche au scénario, elle a imaginé le parcours de deux jeunes filles, embrigadées dans les rangs de Daech. Une œuvre de fiction entièrement inspirée de parcours réels. Sonia (Noémie Merlant) et Mélanie (Naomi Amarger) n'ont absolument rien en commun. La première a un père d'origine maghrébine. L'islam elle en a beaucoup parlé avec son grand-père quand elle était enfant. La seconde est élève en seconde S, brillante, investie dans une association humanitaire, musicienne dans l'âme (le violoncelle). Le film raconte leur quotidien. La première, on le devine, est déjà complètement radicalisée. Dans cette famille mixte et ouverte, elle refuse en bloc ce mode de vie occidental. Elle prie dans les toilettes, refuse de sortir si elle n'est pas couverte de la tête aux pieds.
  • Prince pas charmant
Surtout elle a communiqué par internet et messagerie avec des activistes qui voulaient l'utiliser pour faire un attentat en France. Mineure, elle échappe à la prison, placée sous la surveillance stricte de ses parents (Sandrine Bonnaire et Zinedine Soualem). La première héroïne illustre la phase de déradicalisation. La seconde incarne celle de la victime tombant dans les griffes des islamistes. Pourtant rien ne la prédispose, à part une adolescence compliquée entre deux parents séparés dont une mère (Clotilde Courau), simple coiffeuse pas armée intellectuellement pour comprendre les interrogations de sa fille un peu trop idéaliste. Tout se passe par internet au début. Sur son profil Facebook elle devient amie avec un "prince", qui sous couvert de vouloir le bien de l'Humanité, dénonce les Grands de ce monde. Puis la persuade de véracité de la théorie du complot. Une fois sensibilisée à ces problématiques, il joue de son charme. Elle tombe amoureuse et perd toute raison. En secret, elle va se convertir et croire au paradis promis par son prince. Pour cela elle devra le rejoindre, là-bas, en Syrie. La construction du film est implacable. Avec ces deux cas particuliers, la réalisatrice balaie tout le prisme du problème. Avec Mélanie elle raconte comment une jeune fille trop influençable peut se métamorphoser, souvent sans signe apparent. De l'autre côté, on voit le long travail de déradicalisation de Sonia. Elle a failli commettre l'irréparable et n'a pas encore coupé toutes les entraves dans son esprit, mais l'espoir est là. Une famille à l'écoute, l'aide de spécialiste comme Dounia Bouzar (lire ci-dessous) et finalement la sortie du tunnel est possible. C'est ce message optimiste qui fait aussi que ce film est essentiel en cette époque très trouble.

________

 Une dose de réalité
Film de fiction, « Le ciel attendra » ressemble parfois à un documentaire. Marie-Castille Mention-Schaar est une réalisatrice du réel. Déjà dans « Les héritiers », elle faisait intervenir un véritable rescapé des camps de la mort. Cette fois c'est Dounia Bouzar qui apporte une dose de réalité. Cette anthropologue de formation, femme de terrain engagée contre le radicalisme islamiste a publié plusieurs livres sur le sujet. Elle a fondé le Centre de prévention, de déradicalisation et de suivi individuel avec lequel elle accompagne des familles de jeunes tombés sous l'emprise djihadiste. Sa parole apaisée, compréhensive, pleine d'empathie tant pour les jeunes radicalisés que les parents déboussolés prouve qu'il existe une solution. Elle donne surtout une autre image de l'islam, beaucoup plus tolérant et attaché à la liberté individuelle. Avant d'écrire le scénario, la réalisatrice a suivi Dounia Bouzar dans plusieurs de ces rencontres avec des familles. Elles ont servi de base pour de nombreux dialogues. Et quand le moment est arrivé de tourner ces scènes, la présence de la véritable Dounia s'est imposée. Elle est une lumière rassurante dans ce film sombre sur les dérives de l'adolescence aux prises avec des « recruteurs » capables de tout pour endoctriner, brimer et rendre dociles des jeunes filles livrées comme de la chair fraîche aux « combattants » de l'État islamique. Des pratiques racontées dans plusieurs livres par Dounia Bouzar dont le dernier, « La vie après Daech », paru l'an dernier aux éditions de l'Atelier.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Vade retro satanas !

épilepsie, surnaturel, religion, croyancePetit rappel pour les lecteurs qui ne suivent pas : nous sommes le jeudi 6 octobre 2016. Pas 1016 mais bien 2016. Au XXIe siècle. Ce préambule car un sondage réalisé pour la Fondation française pour la recherche sur l'épilepsie (FFRE) et rendu public en début de semaine révèle que 9 % des Français sont persuadés que l'épilepsie est d'origine… surnaturelle. Sachant que nous sommes 66 millions d'habitants, cela fait quand même près de 6 millions de mes compatriotes qui pensent que les 600 000 épileptiques que compte le pays sont possédés par le démon. 6 millions de personnes en retard d'un millénaire. Par chance, ils ne sont pas à la tête du clergé puisque cela se transformerait en bûchers, seule solution trouvée à l'époque pour "soulager" les prétendus possédés.
En pleine semaine des prix Nobel, ce sondage nous apprend que certaines croyances sont encore fortement ancrées dans l'imaginaire collectif. Je crains qu'il n'y ait pas que l'épilepsie comme maladie mal connue. Le sida, virus longtemps énigmatique, a été présenté, alternativement, comme créé par Dieu pour éliminer les déviants (la communauté homosexuelle) ou le Diable (pressé de retrouver ses disciples). À moins que cela ne soit la CIA, le KGB ou le Mossad. Quand on ne comprend pas, toutes les inventions même les plus délirantes sont bonnes à prendre.
À toutes fins utiles, précisons que les "bipolaires" ne sont pas des aimants humains alternant positif et négatif et qu'un "dépressif" n'est pas tributaire de la météo, des dépressions et autres anticyclones.

mercredi 5 octobre 2016

BD : Le fabuleux roman de Joséphine Baker

josephine baket, catel, bocquet, casterman
Elle avait deux amours, son pays et Paris. Cette chanson a mondialement fait connaître Josephine Baker. La petite noire américaine, après des débuts difficiles dans le Sud des États-Unis, débarque en France en 1925. Danseuse de moins de 20 ans, elle fait sensation en apparaissant à moitié nue dans la Revue nègre. Le public parisien tombe amoureux de cette espiègle Vénus noire, cette dernière adopte ce pays où elle devient une reine de la nuit. José-Louis Bocquet et Catel racontent sur plus de 500 pages cette vie extraordinaire. Des brimades de sa jeunesse aux combats des dernières années, Josephine Baker semble avoir eu mille vies. Des hauts, des bas, des passions et des folies. Elle a connu les plus grands, inspirés les meilleurs et aimé sans limite. Reste trois films, des disques mais surtout une tribu, les 12 enfants qu'elle adopté et qui portent encore sa mémoire à travers le monde.
"Joséphine Baker", Casterman, 26,95 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : La course des courses

courses,caisses,supermarchésLe journal "Aujourd'hui en France" consacre un grand article sur le test grandeur nature que réalise Carrefour dans un de ses magasins du Val-de-Marne. Les clients volontaires peuvent télécharger une application sur leur smartphone permettant de ne plus faire la queue aux caisses. La belle invention que voilà. Car parmi les désagréments de la vie quotidienne, attendre trop longtemps à une caisse de supermarché fait certainement partie du Top 3. Tout le monde a déjà vécu la scène. On scrute les longueurs de file, on hésite un peu avant de se décider pour une caisse, sans aucune certitude. Et dès que quelqu'un d'autre s'est mis derrière vous, empêchant toute modification du choix, le client devant a un problème. Code barre inconnu, flacon qui fuit et qu'il faut aller remplacer ou paiement avec une multitude de bons cadeaux dont il faut signer tous les exemplaires. Sans oublier la demande de facture... Le journal, pour illustrer l'article, propose une infographie présentant "Quelques astuces pour choisir la bonne caisse".
J'ai un peu tiqué sur "Repérez une caissière qui paraît expérimentée et qui parle peu... » Par expérience, je sais que l'un est souvent incompatible avec l'autre. Certaines caissières qui ont quelques années de boîte derrière elles sont effectivement très efficaces. Mais comme elles connaissent la majorité des clients, elles sont régulièrement sollicitées pour un brin de conversation. Mais faut-il s'en plaindre ? Que représentent dix minutes de perdues face à un peu d'humanité dans notre monde automatisé et aseptisé ?