vendredi 29 mai 2020

Avec Guy Bedos, l’humour vache perd son maître


Il est de plaisanteries dont on se passerait. Ainsi la mort de Guy Bedos hier à 85 ans ne fait pas rire. Pourtant, celui qui a érigé la méchanceté ou l’humour vache au rang d’art absolu aura beaucoup fait rire les Français durant les plus de 50 ans où il se produisait sur scène, seul ou accompagné de Sophie Daumier à ses débuts. Un pur saltimbanque, à la parole libre, se revendiquant de gauche et pas tendre pour les hommes (ou femmes) politiques de droite. Sa mort a été annoncée hier par son fils Nicolas : « Il était beau, il était drôle, il était libre et courageux. Comme je suis fier de t’avoir eu pour père. Embrasse Desproges et Dabadie vu que vous êtes tous au Paradis. »

Guy Bedos, né le 15 juin 1934 à Alger, était Juif et Pied-Noir. Deux origines qu’il revendiquait ouvertement. Revenu en France avant l’indépendance, il a débuté comme comédien dans divers films, dès les années 50. Le succès et la célébrité, il la rencontre dans les années 60 quand il passe régulièrement dans les music-halls de la capitale. Il forme un duo avec Sophie Daumier et on les voit régulièrement dans les émissions de variétés. Se lançant dans une carrière solo, Guy Bedos fait rire toute la France dans ses caricatures de « beaufs » avant la lettre. Sa plume, acerbe, lui permet d’aborder tous les problèmes de notre société. Des sketches devenus des classiques qu’il présentait sur toutes les scènes du pays. 

Comique subversif

Dans les années 70, en plus du cinéma, il peaufine son image de trublion cathodique. Ses interventions en direct sont attendues par certains, redoutées par d’autres. Sur scène, il commence à commenter l’actualité dans des revues de presse où il donne libre cours à une méchanceté devenue sa marque de fabrique. Il fait sans doute partie de ces artistes qui ont permis à la France d’oser le vote Mitterrand en 1981. Cette vie politique qui lui a donné tant d’occasions de brocarder les pratiques de certains. Il avait ses têtes de Turc. Dernière en date Nadine Morano qu’il avait qualifiée de « conne » et de « salope » dans une de ses improvisations sur scène à Toul en 2013. Un procès très médiatique sur la liberté de parole des artistes s’achevant par une victoire nette et sans bavure de l’humoriste. Comme un dernier pied de nez à tous ceux qui l’ont redouté quand ce « comique subversif » comme aimait le désigner Pierre Desproges, leur dressait des portraits au vitriol. Franck Riester, ministre de la Culture a d’ailleurs mis en avant cette spécificité saluant dans un communiqué « la parole libre » de Guy Bedos. Libre, mordant, mais aussi humain. Bedos était tout cela à la fois, concentré d’intelligence critique qui va nous faire défaut à l’avenir.   

Au cinéma, il était célèbre pour avoir interprété Simon Messina, le médecin harcelé par sa mère, un des membres de la bande de copains d’Un éléphant ça trompe énormément, film d’Yves Robert. Par un étrange concours de circonstances, il est mort la veille des obsèques de son complice de toujours Jean-Loup Dabadie, celui-là même qui a signé le scénario du film d’Yves Robert et sa suite judicieusement intitulée On ira tous au paradis. Tous, pas sûr. Lui, sans doute.

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