Depuis toujours, quand plus rien ne va dans notre vie, on se focalise sur un fait ou un objet pour y faire un transfert salutaire. Cela permet souvent de repartir d’un bon pied après avoir ramené la réalité à ce qu’elle est véritablement : peu de choses. Paul, le personnage principal et narrateur du roman de Michaël Uras est en pleine quarantaine rugissante. Plus rien ne va. Boulot, femme, enfant, voisins… Même son chien, un énorme bouvier l’insupporte. Alors pour trouver une échappatoire à son mal de vivre il se trouve un rêve inaccessible. Ce sera l’iguane de Mona qui donne son titre à ce roman entre farce macabre et petit traité de renaissance positive.
Sous une pluie battante, Paul, après avoir conduit son fils Milan au collège et souhaité une bonne journée à son épouse Kate, professeur de littérature à l’université, décide de ne pas aller travailler.
Immobile au soleil
Il voudrait, comme l’iguane endémique de cette minuscule île aride perdue dans la mer des Caraïbes au large de Porto-Rico, passer ses journées à se dorer au soleil, immobile, imperturbable, inutile aussi. Mais au contraire, il doit subir cette pluie incessante, en subir les conséquences. « Mon pull était lourd de toute l’humidité accumulée durant la journée. Il collait à ma peau A ma peur aussi. Peur d’affronter la réalité. » Comment s’en sortir ?
Après l’acte fondateur de la prise de conscience de Paul, ne pas aller travailler, il revient sur terre et préfère aller consulter son dentiste pour obtenir un arrêt de travail. Un dentiste qui va jouer un rôle essentiel dans la suite du récit, comme s’il avait tout compris des problèmes de Paul. Après coup, le narrateur se demandera même, « Lit-on dans une bouche comme on lit dans les lignes de la main ? » Peut-être que le soignant a repéré au fond d’une carie une écaille d’iguane ou le traumatisme de l’enfance de Paul : « Je détestais la fin des choses comme je détestais quand maman me laissait chez la gardienne. Je redoutais qu’elle ne revienne jamais. D’ailleurs, un jour, elle ne revint pas. »
Ce roman d’une vie qui déraille permet à Michaël Uras de dresser un portrait au vitriol de notre société contemporaine écartelée entre un individualisme forcené et l’intrusion des nouvelles technologies dans nos vies. On aime détester le voisin, réglé au millimètre, abject et repoussant, mais idiot nécessaire pour nous pousser à être un peu mieux que lui. Et que les amateurs d’exotisme, l’île de Mona et ses fameux iguanes existe. Mieux, Paul va aller y faire un petit tour.
"L'iguane de Mona", Michael Uras, Préludes
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