Après avoir bourlingué aux quatre coins du monde (pays de l’Est enfant avec son père fervent militant communiste, Afrique, Amérique du Sud, Asie), il a définitivement largué les amarres avec la France pour s’installer au Québec en 2003. « J’ai occupé un poste de professeur de bande dessinée à l’université du Québec. J’ai pris la suite d’Edmond Baudoin. » Un changement radical après un parcours professionnel atypique.
Jeune dessinateur, il place ses premières histoires dans les revues adultes comme Métal Hurlant. Il est publié chez Futuropolis et lance les aventures de Jacques Gallard où il parle de sujets politiques comme l’apartheid en Afrique du Sud.Déjà, son envie de liberté le titillait. Se retrouver enfermé dans une série, à dessiner des heures par jour ne lui donne plus satisfaction. Il range ses pinceaux et décide de faire de la sculpture et de la peinture. Une période de vache enragée, mais sans regret. Cette liberté il en avait besoin pour mieux revenir. Au Canada, donc, il réalise un nouvel album au début des années 2000 et retrouve un vieux copain, Régis Loisel. Ils décident de travailler ensemble sur une série se déroulant dans ce Québec qu’ils découvrent, émerveillés.
L’histoire du petit frère
Ce sera l’aventure du Magasin général (9 tomes chez Casterman), énorme succès de librairie et un travail en duo inédit. « J’avais des difficultés à débuter une planche, Régis Loisel lui peinait à terminer les siennes. Une fois le scénario écrit à deux, il crayonnait la planche et je la finalisais, en amenant mon style de dessin plus doux. » Plus qu’une collaboration, c’est une fusion de styles qui a donné toute sa force à ce Magasin général, qui reste avant tout « l’histoire de l’émancipation d’une femme » tient à préciser Tripp.
Entre-temps, quelques scénarios devraient être confiés à des dessinateurs. Notamment un projet autour d’une star de la radio. Un autre, coécrit avec Aude Mermilliod, se déroule dans un petit village du Sud-Ouest, à l’époque de Mai 68 et dans le milieu du rugby amateur. Sans oublier un autre scénario toujours avec Aude Mermilliod. Seulement trois personnages pour un one-shot ayant pour décor Talairan. L’œil de Tripp frétille de malice en l’évoquant. Il n’en dit pas plus, mais on devine qu’on est à mille lieues du roman de terroir.
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« Extases » : livre politique et sans tabou
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur JeanLouis Tripp ! Une phrase à scander sur l’air du Zizi de Pierre Perret car le dessinateur de la série Magasin Général (avec Régis Loisel) s’est lancé dans une longue et copieuse autobiographie dessinée portant en grande partie sur sa vie sexuelle. Il faut oser se dévoiler ainsi à 60 ans passés.
En noir et blanc, avec une grande variété de traitement graphique, on dévore dans le premier tome la découverte de la sexualité par ce gamin à peine pubère. La suite est dans les 370 pages du tome 2, l’âge adulte mais aussi celui des « Montagnes russes ». Après 8 années de vie commune avec sa première compagne, la lassitude brise le couple. Alors qu’elle ambitionne de rentrer dans le rang pour une vie normale JeanLouis aspire à une existence aventureuse. Il va bien profiter de sa vie de célibataire, mais reste le romantique qui espère le grand amour.
Le coup de foudre frappe en plein festival de BD. Capucine est le rayon de soleil qui lui permet de repartir. Dans ces pages sans la moindre censure, il raconte l’explosion des sens des premières fois, puis la routine et les accrocs, quand en festival, le dessinateur cède aux avances d’une lectrice qui aime, « vraiment beaucoup » ce qu’il fait. Une remise en cause est nécessaire. Elle passe par de nouvelles séparations et une phase de dépression suicidaire.
L’auteur se met à nu physiquement mais intellectuellement aussi. S’il parle à la première personne, chaque lecteur, quel que soit son sexe ou sa situation sentimentale, se reconnaît un peu. Forcément : il n’y a rien de plus universel que la sexualité. Et d’expliquer que ce bouquin est avant tout politique. « Je fais une proposition, dit-il dans un texte liminaire : et si l’on essayait de parler du sexe comme d’une chose naturelle et normale ? De dédramatiser le droit au plaisir ? Dédramatiser. Dire que nous avons le droit de choisir ce que nous faisons avec nos corps. » Et de conclure que sa BD, en « montrant des sexes en action » est « une démarche politique ». L’histoire va crescendo dans la découverte de la sexualité et l’exploration des tabous. Rien n’est occulté tant qu’il s’agit de pratiques « entre adultes consentants et désirants ».
La dernière partie est consacrée aux premiers pas de JeanLouis et Nathalie (sa petite amie du moment) dans un club échangiste. Le brillant dessinateur casse les codes graphiques de la BD sur la dernière séquence. Sur des doubles pages très sombres, il fait tout pour que le lecteur « entre dans la ronde des corps. Qu’il soit au plus près de l’expérience, au milieu de la chair. » L’effet est saisissant. On ne ressort pas de cette séquence, la dernière du tome 2, sans souhaiter ardemment connaître la suite.
Le chalet de Mont-Louis
La montagne a occupé une grande importance dans l’enfance de JeanLouis Tripp. En fait tout a débuté dans les Pyrénées. Son grand-père avait un chalet à Mont-Louis dans les Pyrénées-Orientales. Dans les années 50, le père de Tripp, jeune élève pilote faisant son service militaire, y passe quelques jours de permission. Arrive un camion camping-car qui se gare devant le chalet. A bord, une jolie Montalbanaise qui va craquer pour le jeune en uniforme. La future maman du dessinateur. Une belle histoire d’amour qui se prolonge par un mariage et la naissance d’un garçon. Il sera baptisé Jean-Louis, en souvenir du chalet.
Le Cambre d’Aze à 7 ans
Montagne toujours avec un rituel familial des Tripp. Pour les 7 ans des enfants, tout le monde escalade le Cambre d’Aze. JeanLouis Tripp a conservé cet amour de la montagne même si cela fait quelques années qu’il n’est plus retourné à Mont-Louis. Et si le temps le permet, il ne manque pas de photographier le Canigou depuis la garrigue des Corbières.
L’amour du rugby
Au Canada, ce qui a le plus manqué à Tripp c’est le rugby. « J’y ai un peu joué gamin, puis le club de mon village près de Montauban a fermé. Je me suis tourné vers le foot. Mais on suivait tous les matches en famille. Je me souviens d’une rencontre entre Narbonne et Montauban. La voiture était décorée aux couleurs des deux clubs, un de chaque côté. Mon père était de Narbonne, ma mère de Montauban. » Montauban dont il se souvient de la victoire en championnat de France en 1967. Il était au match après avoir vu toute la phase finale avec les parents. Supporteur du Stade Toulousain, quand il est au Québec, il regarde tous les matches du top 14 en streaming.
La Talariane
Plus qu’un simple restaurant, la Talariane tenue par Sylvie et Benoît est un véritable lieu de vie du village. On s’y retrouve pour un café sous la terrasse ombragée ou pour déguster les superbes entrecôtes à la carte. Tous les midis un menu est proposé avec entrée, plat et dessert. La cuisine est simple et copieuse, avec produits locaux et de saison.
La Talariane, 8 Avenue du Termenès, 06 78 96 38 32
Le Gourg Goutonnier
Le Canada, c’est beau, mais un peu lassant. Des forêts, des lacs… Des forêts, des lacs… Se revendiquant « Méditerranéen », Tripp, quand il est dans les Corbières, profite à plein poumons de la garrigue. Variété des paysages et des odeurs avec des endroits magnifiques comme le Gourg Goutonnier. Une résurgence de la rivière, dans un écrin de verdure. Parfait pour cet amateur de grands espaces qui ne peut jamais se trouver trop éloigné de l’eau.
Le Banquet de Lagrasse
Quand il a décidé d’acheter une maison dans les Corbières, JeanLouis Tripp visait Lagrasse. Ami depuis plusieurs décennies avec Jean-Michel Mariou, le créateur du Banquet du Livre, il a dessiné dans sa jeunesse pour le journal éphémère de la manifestation littéraire de référence des Corbières. Lagrasse, pour JeanLouis Tripp, c’est un refuge où il sait qu’il va rencontrer artistes et vie culturelle foisonnante.
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