jeudi 6 février 2014

Cinéma : L'horreur bourgeoise d'un beau dimanche

Entre club de plage en bord de Méditerranée et grande propriété bourgeoise dans un Sud-Ouest aisé, Un beau dimanche de Nicole Garcia raconte le rejet violent de cet habitus de classe popularisé par Pierre Bourdieu.

un beau dimanche, louise Bourgoin, Nicole Garcia, pierre Rochefort
La famille et ses carcans sont au cœur du propos de ce film lumineux de Nicole Garcia. La réalisatrice retrouve son cher sud méditerranéen pour y planter le cadre de cette histoire d'amour... et de haine. Amour naissant d'un homme pour une femme. Haine persistante et irrémédiable pour sa famille.
Instituteur remplaçant, Baptiste (Pierre Rochefort) est un jeune homme doux et patient avec ses élèves. En cette veille du week-end de Pentecôte, il raccompagne le jeune Mathias chez son père. Le gamin attendait vainement sur le trottoir qu'on vienne le chercher. Finalement l'instituteur propose de garder l'enfant pour le week-end. Cela soulage le père qui a prévu de faire la fête à Monaco avec sa dernière conquête. Le lendemain, ils vont à la plage. Mais pas n'importe laquelle. Celle qui accueille le club où la mère de Mathias travaille comme serveuse. L'accueil de Sandra (Louise Bourgoin) est glacial. Elle n'a pas le temps de s'occuper de son fils. Mais elle propose à l'instituteur de rester pour le week-end. Baptiste accepte.



La première partie du film montre Baptiste comme un homme absent, pas du tout concerné, simplement spectateur d'une vie sociale où il n'a pas sa place. On comprend qu'il ne veut pas s'attacher, avoir des rapports approfondis avec les gens qu'il croise. Louise Bourgoin interprète une femme dépassée par les événements : l'arrivée inopinée de son fils mais surtout la réapparition d'anciennes connaissances qui veulent qu'elle solde une dette ancienne. 50 000 euros à trouver de toute urgence. Ou fuir. Une fois de plus.
Cette dette va rapprocher les deux jeunes adultes. Baptiste, pour une fois, va agir. Il ne promet rien mais a peut-être une solution. Dans la veille Mercedes de Sandra, le trio part vers la propriété familiale de Baptiste. Un autre monde. Totalement inconnu pour Sandra, volontairement oublié par Baptiste. Cela fait plusieurs années qu'il n'est plus revenu dans cette vaste demeure (une dizaine de chambres) entourée d'un parc centenaire. Il a coupé tout lien. Pour Sandra, il va faire cet effort surhumain de renouer avec sa famille.

Le retour du fils prodigue
Ce beau dimanche se déroule autour de la table dressée sur la terrasse dominant le fleuve (écrevisses au menu), de la piscine et du cours de tennis. Si Baptiste vivote avec son salaire d'instituteur remplaçant, c'est contre l'avis de sa mère Liliane (Dominique Sanda) de ses frères et sa sœur. Sa part d'héritage l'attend. Avec les intérêts. Préféré du père chef de clan, Baptiste a rejeté cet avenir tout tracé. Est-ce enfin le retour du fils prodigue ?
Nicole Garcia semble avoir mis un peu de son propre vécu dans ce long-métrage tourné dans la région. Y a-t-il une ressemblance entre les rapports de Liliane et Baptiste et ceux de la réalisatrice et son acteur principal, mère et fils dans le civil. Pierre Rochefort, fils de Jean Rochefort, n'a pas immédiatement embrassé la carrière d'acteur. Comme s'il se cherchait une personnalité propre. Il a été musicien, a même fait du rap... Aujourd'hui il semble être revenu au bercail. A l'opposé du héros du film. Personne ne va s'en plaindre car il impose sa présence dans un rôle difficile. Souvent muet et en retrait, il doit cependant faire passer toute la complexité de son personnage, ses déchirements et renoncements. Avec Louise Bourgoin ils forment un couple aussi simple et évident que leur existence est compliquée. Sandra l'avoue : « Je t'aime parce que tu es triste. » Heureusement, parfois, le bonheur se moque des conventions de classe, des héritages et des dettes.
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Louise Bourgoin, fragile et sauvage

un beau dimanche, louise Bourgoin, Nicole Garcia, pierre RochefortDifficile de se débarrasser de l'étiquette « Miss Météo » de Canal+. Louise Bourgoin, malgré le temps et les films, garde toujours l'image de cette fofolle sexy pleine de gouaille et d'humour décalé. Pourtant c'est une actrice à part entière désormais, sa prestation dans Un beau dimanche en est une nouvelle preuve éclatante. Dans le rôle de cette mère séparée, criblée de dettes, acculée, elle apporte une fragilité qui fait mouche. Sous ses airs un peu sauvages, elle est d'une extrême sensibilité. Sa rencontre avec l'instit' de son fils, secret, timide, si peu à sa place, va bouleverser sa vision de la vie. Leur lent coup de foudre prouve qu'on a toujours le choix de son destin. Dans le bon ou le mauvais sens. Particulièrement à l'aise en serveuse efficace et bonne camarade, elle joue un double rôle. Car souvent, dans la vie, comme dans les films, les apparences sont trompeuses.
Louise Bourgoin excelle dans cette fille du sud, à l'aise avec son corps et le soleil.
Le film a été réalisé pour une bonne moitié au bord de la Méditerranée, dans un club de plage près de Béziers. La maison familiale de Baptiste est située dans un domaine près de Toulouse. Pour s'y rendre, le trio prend l'autoroute. On voit fugitivement la sortie de Castelnaudary. Ce long-métrage de Nicole Garcia a donc été tourné en (toute petite) partie dans l'Aude.

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