Apprenti détective, Sigmundo Salvatrio va devoir résoudre une énigme se déroulant au cœur de jardins virtuels inspirés de l'Atlantide.
S'il est Argentin et que ses intrigues se déroulent à Buenos Aires, Pablo de Santis a tout du romancier français, tendance feuilletoniste de la fin du XIXe siècle. L'époque dans laquelle évolue son héros, apprenti détective. Sigmundo Salvatrio était le meilleur élève de l'agence Craig. Pour elle, il est même allé à Paris résoudre l'énigme du « Cercle des douze ». De retour en Amérique du Sud, il se retrouve seul dans l'agence en compagnie de Mme Craig. Le mentor, le mari, vient de mourir. Alors qu'il pense se retrouver au chômage sous peu, on propose à Salvatrio de résoudre une nouvelle affaire, la première où il devra agir en solo sans les conseils judicieux de son regretté maître.
Un antiquaire a disparu. Sa femme ne croit pas à la fuite amoureuse (malgré les certitudes des policiers). Un de ses amis, poète et journaliste, charge Salvatrio de retrouver sa trace. Enquêtant méticuleusement, il remarque quelques éraflures au bord d'un bassin d'eau d'un jardin d'intérieur, à l'arrière de la boutique. Bingo ! Affaire résolue. L'antiquaire est retrouvé. Mort, mais retrouvé. Alors que la police, toujours aussi peu performante, conclue à un accident, plusieurs amis de l'antiquaire suspectent un crime. Nouvel engagement pour Salvatrio qui doit cette fois découvrir le meurtrier.
Jardiner les mots
Pablo de Santis semble prendre un malin plaisir à compliquer les pistes à explorer. La graine de détective est en plein doute existentiel : il est attiré par la veuve Craig, aime toujours une certaine Greta, devenue assistante d'un autre détective, et déteste Troy, son rival dans la reprise des affaires de l'agence Craig. Malgré ces difficultés, il doit se plonger dans les vieilles histoires de ce cercle d'amis qui se réunissaient pour tenter d'élaborer le jardin parfait. Plusieurs théories s'opposent entre jardin à la française, strict et discipliné et celui, libre et désordonné prôné par les Anglais.
Mais c'est surtout la notion intellectuelle de jardin qui est débattue entre l'antiquaire (mort), un chasseur, un médecin, le journaliste et le riche entrepreneur. Ce dernier explique à Salvatrio qu'un « jardin doit être comme un livre : on ne commence jamais par le milieu ou par la fin. Tailler une plante ou arracher une fleur fanée, c'est comme corriger un poème, comme biffer les mots qui n'ont plus de vie ». De poésie il en sera aussi question dans les indices disséminés par le meurtrier.
Le jeune enquêteur, avant de démasquer le tueur et découvrir ses motivations, va devoir visiter nombre de jardins et subir les explications savantes de spécialistes. Ce qui lui provoque cette réflexion : « Pourquoi alourdir les arbres de paroles, alors que ce qu'il y a de merveilleux dans les plantes c'est qu'elles ne parlent pas, ne grognent pas, n'aboient pas ? » Ce polar botanique aux multiples rebondissements ancre Salvatrio dans le cercle fermé des détectives qui comptent, ceux qui ont toujours une longueur d'avance sur les assassins. Et les lecteurs.
Michel LITOUT
« Crimes et jardins », Pablo de Santis, Métailié, 20 €
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