Trois couples et un malade. Avec cette configuration inhabituelle, Alain Resnais imagine nombre de combinaisons dans Aimer, boire et chanter, son dernier film.
George ! George ! George ! Elles sont trois, trois femmes mariées (Caroline Silhol, Sandrine Kiberlain et Sabine Azéma), toutes les trois de plus en plus obnubilées par ce fameux George, véritable vedette du dernier film d’Alain Resnais, « Aimer, boire et chanter ». Mais qu’a-t-il de si exceptionnel ce George dont tout le monde parle mais que l’on ne voit jamais ? Il est charmeur, vif, séduisant, plein d’allant... et condamné. Un cancer qui ne lui laisse que six mois à vivre.
Adaptée d’une pièce de théâtre anglaise, cette comédie met en scène trois couples. Colin (Hippolyte Girardot) est le médecin traitant de George. C’est lui qui vend la mèche à sa femme Kathryn qui s’empresse de le répéter à Jack (Michel Vuillermoz), meilleur ami du malade. Par ricochet, Tamara, femme de Jack l’apprend et l’annonce à Monica, l’ancienne compagne de George, aujourd’hui en ménage avec Simeon (André Dussollier), fermier. Des Britanniques aisés et cultivés, qui s’adonnent au théâtre en amateurs. Ils auront l’idée de proposer un rôle à George, histoire de lui changer les idées.
Quatre saisons
Alain Resnais a découpé son film au fil des saisons. L’annonce de la maladie se fait au printemps, les répétitions en été, les représentations en automne. L’hiver...
Rapidement, le rapprochement de George avec Tamara et Kathryn (actrices dans la pièce) va bouleverser leur quotidien. Elles vont tout faire pour l’aider et rapidement tomber sous le charme. Tamara, trompée par son mari, va se sentir désirée. Kathryn, qui s’ennuie mortellement, va redécouvrir la joie des imprévus. Quant à Monica, elle doute de plus en plus de son amour pour le paysan bougon et se met à regretter la vie avec George. Ce dernier, tel un marionnettiste se tenant hors cadre, manipule tout ce beau monde. Le paroxysme sera son idée de passer quinze jours de vacances à Ténérife. Il propose aux trois femmes du film de l’accompagner, séparément. Quand elles l’apprennent, elles sont sur le point de s’écharper. Les maris, trompés par anticipation, ils tombent dans les 36e dessous.
Comédiens impeccables, situations cocasses, rebondissement de dernière minute : “Aimer, boire et chanter” se laisse déguster comme un bon vin gouleyant, frais et plein de saveurs.
Alain Resnais s’est peut-être un peu reconnu dans cet homme de l’ombre, excellent directeur d’acteurs, obtenant ce qu’il veut d’hommes et de femmes fascinés par sa dextérité et son talent.
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Resnais ne nous fera plus rêver...
Film posthume, « Aimer, boire et chanter » sera donc l’ultime chapitre de longue et riche filmographie d’Alain Resnais. Décédé le 1er mars, il n’aura pas vu la sortie de son film. Mais savait qu’il était déjà apprécié puisqu’il a été récompensé au Festival de Berlin par le prix du “film ouvrant de nouvelles perspectives”. Une reconnaissance de modernité pour un cinéaste qui n’a jamais cessé d’innover. Malade, il n’était pas à Berlin. Il s’en désintéressait même. Son producteur a confié que Resnais pensait déjà au scénario de son prochain long-métrage.
A l’écoute des nouvelles tendances, Alain Resnais aimait la bande dessinée. Il a collaboré avec Bilal et pour cette comédie anglaise, il a fait appel à Blutch, dessinateur de Fluide Glacial. Les scènes se déroulent dans quatre maisons différentes. Après les images réelles, la liaison avec les décors de théâtre se fait par l’entremise de grandes illustrations de Blutch. C’est lui aussi qui signe l’affiche avec un George toujours aussi énigmatique, planant au-dessus des trois couples, la tête invisible, dans les étoiles.
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