En captant ces tranches de vie scolaire, dans toutes leurs candeurs, violences ou difficultés, Julie Bertuccelli met à nu un système souvent critiqué mais pourtant essentiel. Et humain surtout. Cette humanité qui parfois a tant fait défaut dans l’existence de ces étrangers, ballottés au fil des mutations ou des exils forcés de leurs parents.
La genèse du film est d’une simplicité... enfantine. Après avoir réalisé des fictions (“L’Arbre” avec Charlotte Gainsbourg en Australie), « j’avais envie de vivre avec des enfants, confie la réalisatrice parisienne. Quand j’ai découvert l’existence des classes d’accueil, réservées aux enfants étrangers ne maîtrisant pas bien le français, j’ai débuté des repérages. Mais je suis tombée amoureuse de la classe de Brigitte Cervoni. Les enfants venaient de tous les continents. C’était plein d’histoires extraordinaires. » Une fois toutes les autorisations obtenues, Julie Bertuccelli filme des heures et des heures de cours. Beaucoup de discussions à bâtons rompus aussi, une des trouvailles pédagogiques de la prof pour permettre aux plus timides de s’exprimer, aux autres de les corriger et surtout de façonner une cohérence à ce groupe si disparate. .
Du réfugié au concertiste
On découvre les inquiétudes de Maryam, la Libyenne en attente de la décision sur son statut de réfugiée politique, Oksana, l’Ukrainienne à la voix d’or, Luca, l’Irlandais bourru, Andromeda, la Roumaine pour qui la réussite à l’école est une question vitale, Marko, originaire de Serbie, juif persécuté par des néo-nazis, Felipe, le Chilien violoncelliste virtuose venu en France pour intégrer le conservatoire ou encore Xin, adolescente chinoise, en France pour rejoindre sa mère après une séparation de 10 ans. « Il y a des classes heureuses partout, même en banlieue dans les zones difficiles, selon Julie Bertuccelli. Moi je défends l’école laïque, l’école républicaine. Et j’ai plaisir de voir cette école faire émerger des doutes sur la religion. »
Cela ne l’empêche pas de critiquer certaines lourdeurs. « Cette école est un peu sclérosée » regrette-elle, se souvenant de la simplicité de l’accueil anglo-saxon de ses propres enfants quand elle a tourné en Australie. La clé, souvent, réside dans la personnalité du professeur. Brigitte Cervoni, que l’on voit peu mais que l’on entend beaucoup, incarne cette enseignante à l’écoute, pleine d’empathie mais aussi d’autorité.
Cette osmose parfaite, on la vit au fil des mois, avec pour repères temporels les arbres de la cour de récréation. L’apprentissage de la langue passe aussi par le rapprochement entre les élèves. Des amitiés se nouent, des drames aussi. « Il faut que chaque scène fasse avancer le récit » résume la réalisatrice. Et le film réussi ce tour de force de faire partager au spectateur toute l’émotion des liens créés entre ces jeunes déracinés. Une superbe leçon donnée par des élèves...
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Vincent Peillon : “Tous les enfants sont accueillis, sans distinction”
Le ministre de l’Éducation, Vincent Peillon, était présent mercredi dernier à Paris pour l’avant-première de “La cour de Babel” au cinéma des cinéastes. « Je suis fier, a-t-il déclaré devant une salle comble, de la République française et de sa capacité d’accueil. Nos textes, notre Constitution font que l’école laïque accueille tous les enfants, sans distinction. » Une déclaration qui avait une saveur et une tonalité particulière car, comme souvent, à son arrivée au cinéma, le ministre a été pris à partie, verbalement mais avec des mots très durs, par des militants du mouvement intégriste religieux Civitas.
« Chaque année, a souligné Vincent Peillon, 45 000 enfants qui ne parlent pas français sont scolarisés en classes d’accueil. » Une étape essentielle pour leur intégration dans le cursus scolaire, mais également au modèle éducatif français. « Un moment m’a particulièrement touché, a expliqué le ministre de l’Éducation, c’est l’apprentissage de la laïcité. Quand la professeure apprend aux enfants à vivre avec toutes les différences des autres. »
Enfin Vincent Peillon a aussi aimé ce documentaire poignant sur l’école française « car il rend hommage aux enseignants qui portent profondément ces valeurs en eux. » Des appréciations presque trop dithyrambiques quand on sait que cette production entièrement privée n’a bénéficié d’aucune aide de l’Éducation nationale...
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