samedi 22 mars 2014

Cinéma : Coup de foudre numérique dans "Her" de Spike Jonze

Dans un avenir proche miné par la solitude des grandes villes, un homme a le coup de foudre pour une intelligence artificielle. Her, de Spike Jonze explore les limites de l'amour.


Her, spike jonze

Un film de science-fiction sans le moindre effet spécial, ni vaisseau inter-galactique et encore moins d'aliens. Le futur imaginé par Spike Jonze dans « Her » est purement intellectuel, cérébral. Dans le Los Angeles projeté, les gens se déplacent à pied, s'habillent comme dans les années 30 et portent en permanence une oreillette connectée qui leur débite les dernières informations ou le contenu de leurs emails. Ce monde ressemble beaucoup au nôtre. La grosse différence tient à la généralisation de la commande vocale. La voix prend donc une importance primordiale dans ce film centré autour de la personnalité de Theodore Twombly interprété par Joaquin Phoenix. Theodore exerce un de ces métiers qui n'existe pas encore de nos jours. Il est chargé d'écrire des lettres très personnelles pour des particuliers. Le petit-fils à sa grand-mère, le mari à sa femme... Il se fond dans le monde des clients et dicte de poétiques missives, imprimées en écriture cursive par la société portant le joli nom de « Belles lettres manuscrites ».


Si Theodore ressent autant d'empathie pour les autres, c'est peut-être parce qu'il ne s'est toujours pas remis d'une séparation douloureuse. Solitaire, limite dépressif, il tente bien les rencontres sur internet ou les rendez-vous arrangés par ses amis compatissants. Sans succès.

Samantha, la voix
Son quotidien bascule le jour où il achète un nouveau système d'exploitation pour son ordinateur. Avant de l'installer, une voix synthétique lui pose quelques questions personnelles destinées à l'adapter au mieux à ses attentes. Theodore choisit une voix féminine et l'incroyable histoire d'amour imaginée par Spike Jonze peut débuter. L'intelligence artificielle se choisit un prénom. Samantha (voix de Scarlett Johansson) devient dès lors la confidente et meilleure amie de Theodore. Toujours disponible, pleine d'humour et de compassion, se perfectionnant sans cesse, Samantha va rapidement mieux connaître son utilisateur que lui-même.
Au début, Theodore éprouve quelques réticences à se confier à cette voix immatérielle mais aux tonalités incroyablement humaines. Quand il ose le dire à Samantha, elle lui répond, pleine de bon sens : « Un être non-artificiel a forcément des difficultés à comprendre ». Au fil des jours, la complicité entre ces deux solitudes prend de plus en plus d'ampleur. Jusqu'à cette incroyable scène où Theodore avoue à Samantha : il est amoureux d'elle. Sentiment réciproque. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cet amour virtuel nous paraît très plausible. Joaquin Phoenix est convaincant dans ses hésitations de petit garçon, Scarlett Johansson craquante avec sa voix grave et ses petits rires de gorge.
Mais ne vous attendez pas à une simple romance sentimentale sur l'amour virtuel, une bluette futuriste où l'amoureux promène sa petite amie (sous forme d'un téléphone portable) sur une plage bondée au soleil. Spike Jonze, comme dans son film « Dans la peau de John Malkovitch », va compliquer l'affaire. Si Theodore se contente pleinement de cette relation binaire, Samantha, intelligence artificielle en pleine expansion, veut aller plus loin. Beaucoup plus loin... Le final est digne des meilleurs romans de science-fiction et place la barre très haut, justifiant parfaitement l'Oscar 2014 du meilleur scénario original.

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Joaquin Phoenix, seul face à la caméra


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« Her » repose sur les épaules de Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansson. Le premier est omniprésent à l'image. Pas un plan sans lui, au bureau, dans les rues aseptisées de Los Angeles, au restaurant, dans son appartement déshumanisé de célibataire dépressif. La seconde se contente de parler. Des réponses au début, beaucoup d'interrogations par la suite. La performance des deux acteurs est à placer au même niveau. Avec une nuance : Joaquin Phoenix doit jouer l'évolution de son état d'esprit durant les deux heures du film. Mélancolique, triste et dépressif, quasiment au ralenti dans la première partie, il retrouve goût à la vie après sa rencontre avec Samantha. Il court dans le métro, saute tel un cabri, fait des farces, profite à nouveau de ce corps qui semblait l'encombrer quelques jours plus tôt. Il doit en fait vivre pour deux, tenter de faire passer ces sensations très matérielles à son amie virtuelle. Une communion qui va jusqu'à la nuit d'amour, comme un couple ordinaire.
On se demande quand même comment Theodore résiste aux charmes des femmes (en chair et en os) qu'il croise. Toutes plus belles les unes que les autres : son amie d'enfance (Rooney Mara) qu'il aime toujours un peu, sa voisine aussi triste que lui (Amy Adams), la célibataire d'un rendez-vous raté (Olivia Wilde) ou la doublure humaine d'un soir de Samantha (Portia Doubleday). Il fallait tout le charme de la voix de Scarlett Johansson pour rendre crédible cette histoire d'amour hors normes.
Un film à voir en version originale au Castillet à Perpignan.

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