mercredi 30 juin 2010

BD - Paris voit rouge dans le second tome de "Jour J"


Et si De Gaulle était mort (un accident d'avion au dessus de la Méditerranée) avant la libération ? Duval et Pécau se sont amusés à imaginer un passé alternatif pour la collection Jour J. Les Allemands ont bien perdu la guerre, mais le point de jonction entre alliés occidentaux et forces soviétiques s'est déplacé. 

Ce n'est pas Berlin qui est coupé en deux, mais Paris. Rive droite soviétique, rive gauche américaine. En 1951, alors que la guerre froide s'amplifie, un héros français, Saint-Elme, devenu espion pour le SDECE, est envoyé côté rouge pour aider la police soviétique à démasquer un tueur de prostituées. L'enquête policière n'est qu'un alibi pour récupérer des informations sur de mystérieuses usines souterraines en Bavière. 

Peut-être un peu moins réussi que le premier, ce second Jour J, dessiné par Séjourné, est cependant savoureux pour les nombreuses références décalées, de Marguerite Duras en espionne à François Mitterrand, éditeur, en passant par Albert Camus, journaliste.

« Jour J, Paris, secteur soviétique » (tome 2), Delcourt, 13,95 € 

mardi 29 juin 2010

BD - Vitesse et politique dans le "Grand Prix" de Marvano


Parfois, des batailles diplomatiques ou d'opinion se gagnent sur des terrains de sport ou des circuits automobiles. Hitler, passionné de voitures bien qu'il ne sache pas les conduire, avait parfaitement compris cet attrait des foules pour les héros modernes que sont les pilotes de grand prix. Et qu'espérer de mieux que des victoires allemandes pour montrer au monde entier la force et la suprématie du IIIe Reich ? 

Cette histoire dans l'Histoire, Marvano se propose de la raconter dans ce triptyque aux dessins léchés et précis. Le premier volume relate une renaissance, celle de la firme Mercedes qui va s'imposer sur les circuits européens, durant ces années 30, avec ses célèbres flèches d'argent. Manipulation politique, apologie du génie technique allemand mais surtout passion des pilotes. 

Ce récit aurait pu être très technique. Il devient beaucoup plus humain quand l'auteur s'intéresse aux parcours des pilotes, des passionnés pour qui mourir était peu important, du moment que c'était à pleine vitesse.

« Grand Prix » (tome 1), Dargaud, 13,50 € 

lundi 28 juin 2010

Polar - Ça chauffe entre flic et tueur

Alors que la canicule décime les personnes âgées en ce mois d'août 2002, le commissaire Mistral tente d'arrêter un tueur s'attaquant aux femmes seules.


Les thrillers français, s'ils n'ont pas la dramaturgie et le rythme des américains, ont l'avantage d'être beaucoup plus ancrés dans le réel. De ce fait, l'identification du lecteur est facilitée. Quand, en plus, le roman est l'œuvre d'un policier encore en activité, on a presque l'impression qu'être au cœur de l'enquête, avec tout ce qu'elle peut avoir d'exaltante mais aussi de pénible quand l'administration prend le dessus. Jean-Marc Souvira, commissaire divisionnaire, 25 ans d'activité au sein de la police judiciaire, est un expert. Il a mis son savoir-faire au service de ce récit se déroulant durant la canicule de l'été 2002. Après « Le magicien », il signe « Le vent t'emportera » seconde aventure de son héros récurrent, le commissaire Mistral.

Femmes défigurées

Grièvement blessé dans le final du précédant roman, le policier reprend du service en plein cœur de l'été. Alors que les premiers morts de la canicule commencent à accaparer pompiers, médecins, policiers et service des pompes funèbres, la découverte à quelques jours d'intervalles des cadavres de deux femmes célibataires sort son service de la routine. Les femmes ont été sauvagement tuées et violées. De plus, le tueur s'est acharné sur leur visage, le lacérant avec des bouts de miroirs. A chaque fois, c'est l'odeur et les mouches qui ont alerté les voisins. Quand les policiers arrivent sur la scène du crime, ils doivent faire abstraction de tout pour supporter le spectacle : « Indépendamment de l'odeur intenable et de la chaleur étouffante, il y avait ce bourdonnement incessant. Des milliers de mouches affairées sur le corps. Attirées par l'odeur du cadavre, elles étaient venues pondre leur œufs. Des larves étaient déjà apparues. Elles se transformeront en mouches, qui, à leur tour, viendront pondre. Les policiers, au bord de la nausée, chassaient ces insectes qui se posaient sur eux et repartaient vers le cadavre. »

Un réalisme saisissant

Ce thriller n'y va pas avec des pincettes. Il est cru et réaliste. A tous les niveaux. On suit le commissaire Mistral dans son enquête, mais également le tueur, l'auteur s'ingéniant à ne pas trop en dire pour maintenir le suspense. Côté police, on en apprend beaucoup sur les différentes techniques scientifiques pour identifier les suspects, retrouver des indices. On touche aussi le côté psychologique de ce métier éprouvant. Mistral, mal remis de son agression, souffre d'insomnie. Au bord de l'épuisement, il n'a pourtant pas d'autre solution que de continuer, le mois d'août voyant les effectifs fondre comme neige au soleil. Il reçoit le renfort de Dalmate, un bon flic en provenance des Renseignements généraux. Mais ce dernier ne semble pas encore prêt pour se coltiner avec ce tueur en série machiavélique et particulièrement ingénieux. Et tordu, dans sa tête. 

Par moment, le roman a des airs de documentaire. A d'autres, essentiellement quand le tueur agit, c'est un véritable cauchemar qui prend vie. Un second roman probant. Jean-Marc Souvira s'affirme comme un solide conteur. Si son héros, tout en étant humain, est un peu fade, ses « méchants » ne manquent pas d'attrait pour le lecteur en recherche de sensations fortes.

« Le vent t'emportera », Jean-Marc Souvira, Fleuve Noir, 19,90 € 

dimanche 27 juin 2010

BD - Affronter le diable vert dans les « Catacombes »


Découvert dans « La loi du Kanun », le duo Manini Chevereau récidive sa collaboration parfaite dans « Catacombes », mais dans un univers totalement différent. Il reste que c'est de la BD populaire de qualité, un peu feuilletonnesque, où le suspense est toujours présent et les rebondissements nombreux. Idéal pour tenir le lecteur en haleine. Jeanne Chiavarino, la ravissante héroïne, est fille de carrier. Elle descend seule dans les galeries souterraines parisiennes pour tenter de retrouver son père. Elle ne le trouvera pas mais croisera le chemin du diable vert, un personnage mythique des catacombes. Elle parvient à s'échapper et retrouve la surface. Elle tombe nez à nez avec un autre type de démon : l'armée allemande. 

Nous sommes en 1940 et les soldats nazis viennent d'envahir le nord de la France. Le jeune femme, subitement orpheline, un peu désespérée, tombe dans les bras de Lucien, fuyant les Allemands. Ensemble; ils redescendront dans l'antre du diable vert pour tenter de retrouver les père de Jeanne.

Le scénario de Jack Manini mélange habilement histoire, fantastique et réalité sociale. On ne peut que compatir avec la charmante Jeanne, intrépide mais que l'on rêve de protéger. Le premier tome de cette série est dessiné par Michel Chevereau. Son trait dynamique et précis, aux mises en pages recherchées et cadrages audacieux est entièrement au service de l'histoire. On plonge dans ces sinistres catacombes avec un petit frisson de peur atténué par le plaisir des yeux...

« Catacombes » (tome 1), Glénat, 13 € 

samedi 26 juin 2010

BD - Animal lecteur : libraires au bord de la crise de nerfs


Voilà par excellence la BD qui va énerver les libraires et les collectionneurs. Pas pour le contenu, désopilant, mais la forme. C'est quoi ce format tout pourri qui va dans aucun bac ni les étagères préformatées de chez Ikéa ? Pour la hauteur,, cela va, mais la largeur est toute riquiqui... Un format directement hérité de l'emplacement de prépublication de ces gags dans le magazine Spirou. 

Sergio Salma (scénario) et Libon (dessin), ont obtenu carte blanche pour boucher une colonne en page 3 du magazine. Ils ont imaginé le quotidien d'un libraire. Mais attention, pas n'importe quel libraire, un spécialisé en BD, celui à qui vous allez régulièrement casser les pieds pour lui demander quand sortira le prochain Thorgal (*) ou si cette BD (une des 3000 nouveautés qu'il na pas lu), elle mérite qu'on l'achète. Parfois c'est un peu amer, souvent très rigolo. Le problème en bande dessinée, selon ce libraire de plus en plus blasé, c'est la surproduction et le manque d'originalité. 

Pour ce qui est du premier problème, cet album y participe mais en est également victime. Par contre, côté originalité, « Animal lecteur » sort du lot. Personnellement, on n'est pas libraire, mais on ne peut que vous conseiller cet OVNI. Enfin, surtout si vous achetez vos BD dans des librairies spécialisées. Les écumeurs de grandes surfaces ne comprendront rien à ce monde bourré de références culturelles.

« Animal lecteur, ça va cartonner ! », Dupuis, 13,50 €

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(*) : « En fait on s'en fout un peu, Thorgal ce n'est plus ce que c'était » répondrait le lecteur « vieux et nostalgique », un des personnages de la BD. 

vendredi 25 juin 2010

Roman - "L'envol du papillon", une belle leçon de vie...

Poignant. Dérangeant. « L'envol du papillon » de Lisa Genova nous emmène dans un autre monde, là où rien n'est sûr, là où les jours ne se ressemblent pas.


Imaginez-vous, le temps d'une lecture, réduits à combattre cet ennemi perfide, invisible et insaisissable qu'est la folie. Le mot est fort, peut-être, mais les faits parlent d'eux-mêmes.

Alice Howland, titulaire d'une chaire à Harvard, assiste, impuissante, à la dégradation de ses facultés mentales. Les trous de mémoire font désormais partie de son quotidien, et tous, autour d'elle, y compris son médecin, les mettent sur le compte des bouleversements de la ménopause et d'un stress élevé dû à son travail.

Seule Alice se rend compte que ses troubles ne sont pas anodins et va consulter un neurologue. Tests à l'appui, le verdict est terrible. Alice est atteinte d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer.

Lisa Genova, diplômée en neuroscience, a choisi de conter l'histoire du point de vue d'Alice.

Touchés au cœur

Au fil des pages, Alice nous entraîne dans son monde si différent et effrayant à la fois. Au tout début de la maladie, elle est victime de faits étranges. Lors d'un de ses joggings quotidien, elle est incapable de se rappeler le chemin de la maison. Un peu plus tard, dans un des amphis de Harvard, elle ne se rappelle plus que c'est elle, le professeur que ses étudiants attendent, et, au lieu de donner son cours, s'installe dans les rangées du fond de la salle, pestant contre le retard de l'intervenant ! Sous l'œil interloqué de ses élèves.

Autre torture, assortie d'un immense sentiment de culpabilité, la maladie se transmet par les gènes, de génération en génération. Les enfants d'Alice ont cinquante pour cent de « chance » de la développer, mais aussi de la transmettre à leurs propres enfants. Et le problème est d'autant plus crucial que la fille aînée d'Alice essaie d'avoir un bébé...

Alice, sous la plume de Lisa Genova, nous entraîne dans les méandres de son cerveau en perdition. « Alice n'avait plus de cours à donner, plus de demandes de bourse à rédiger, plus de nouvelles recherches à diriger, plus de communications à préparer. Elle n'en aurait plus jamais. La part la plus importante de son être, celle qu'elle avait portée au pinacle, astiquée régulièrement sur son piédestal de marbre, lui semblait morte. Et les autres parts – de minuscules parcelles – se lamentaient, s'apitoyant sur leur sort, se demandant comment obtenir un peu de considération ».

Et c'est bien là le cœur du roman. Lisa Genova, spécialiste en la matière, nous ouvre les yeux sur le calvaire que vivent les malades atteint d'Alzheimer et leur avidité d'être reconnus en tant que personne. Au début de la maladie, ils se rendent compte de tout ce qui leur arrive mais sont impuissants face à cette force brutale qui leur ronge le cerveau de manière sournoise et imprévisible.

Mais la maladie précipite les choses. En quelques mois, les malades sont figés dans leur monde, impuissants qu'ils sont à affronter la réalité.

Leur perception, bien que réduite, leur permet quand même d'éprouver des sensations. Tel l'exemple d'Alice, qui, sans reconnaître ses propres enfants, trouve un bonheur infini à respirer l'odeur des bébés de sa fille aînée...

Un roman qui résonne comme le ferait un témoignage, et nous laisse tour à tour indignés, attendris et finalement conquis. Un véritable hymne à la vie.

Fabienne HUART

« L'envol du papillon », Lisa Genova, Presses de la Cité, 20 euros


jeudi 24 juin 2010

BD - Alexis, directeur de conscience


En 1977, à 30 ans, Alexis meurt. Pour qui n'a pas lu Pilote et Fluide Glacial de ces années-là, Alexis est un inconnu. Pourtant il est toujours présent, chaque mois dans l'ours de Fluide Glacial en tant que directeur de conscience. Dessinateur de Superdupont, ce surdoué était devenu un compère idéal pour Gotlib. Dans cette intégrale de 140 pages on retrouve les histoires écrites par l'inventeur de la Rubrique à Brac mais également des fantaisies solitaires. 

Alexis s'était fait une spécialité des récits absurdes, aux effets encore plus efficaces grâce à son dessin réaliste et racé. Il n'avait pas son pareil pour imaginer des chutes déroutantes, iconoclastes. Et puis il dessinait les femmes comme personne. Sensuelles, coquines, un peu dévêtues, jamais vulgaires, mais si désirables. 

Plus de 30 ans après, ne boudez pas votre plaisir et redécouvrez Alexis, directeur de conscience pour l'éternité.

« Alexis, intégrale », Fluide Glacial, 29 € 

mercredi 23 juin 2010

BD - Le commandant Achab et les vedettes éphémères


Dans le genre BD policière, le commandant Achab est l'opposé absolu de Ric Hochet. Face au jeune journaliste lisse et bien pensant, le vieux flic unijambiste, grand fumeur de cannabis, a quand même un peu plus de saveur. 

Ecrites par Stéphane Piatzszek et dessinées par Stéphane Douay, les enquêtes du commandant Achab devraient rapidement devenir cultes. Pour sa seconde affaire, il se retrouve plongé dans le milieu des vedettes éphémères, ces starlettes au succès foudroyant, portées par les scandales dévoilés par les paparazzi. Tosca fait une dernière fois la une. La chanteuse vient d'être assassinée. 

Son ancien petit ami, lui aussi chanteur de variété, se dénonce. Mais il se pourrait que ce ne soit qu'un coup de pub pour relancer sa carrière déjà sur le déclin. Dans ce panier de crabes, Achab va tenter de comprendre puis se mettre au niveau et bousculer sans ménagement les protagonistes pour découvrir la vérité.

« Commandant Achab » (tome 2), Soleil Quadrants, 14,30 € 

mardi 22 juin 2010

BD - "Quai d'Orsay" vous ouvre les coulisses diplomatiques


Envie de connaître les secrets de la diplomatie française ? Plongez alors dans cet album racontant dans le détail le quotidien des conseillers d'un ministre visionnaire. Abel Lanzac, le scénariste, s'est directement inspiré de son expérience en tant que membre de cabinets ministériels. 

Pour illustrer ce récit se passant presque exclusivement dans des bureaux, Christophe Blain a mis l'accent sur le ministre, Alexandre Taillars de Worms, géant hyperactif, toujours en avance d'un coup, même si parfois c'est involontaire. Un portrait très ressemblant à Dominique de Villepin. Un ministre impossible à arrêter, au verbe fort et généreux, désespéré par la mollesse de ses collaborateurs, leur manque d'audace. 

Un portrait saisissant qui subjugue le lecteur comme l'est le personnage principal, le narrateur, Arthur, jeune conseiller chargé d'écrire les discours du ministre.

« Quai d'Orsay » (tome 1), Dargaud, 15,50 €

vendredi 18 juin 2010

Histoire - Les Français parlent aux Français


Il y a 70 ans, le 18 juin 1940, sur les ondes de la BBC à Londres, un général prend la parole pour demander aux Français de poursuivre la lutte. Message fondateur, l'Appel du général de Gaulle, en donnant naissance à la France Libre, marque également le coup d'envoi d'une aventure singulière, celle d'une poignée de réfractaires qui, au micro de Radio Londres, multipliera quotidiennement de juin 1940 à octobre 1944 les messages d'espoir et de combat pour le peuple de France placé sous la botte nazie. Les voix qui deviendront familières, celles de Maurice Schumann, de René Cassin ou de Jacques Duchesne, voisinent avec celles des témoins anonymes et des grandes consciences nationales, tels Georges Bernanos ou Jules Romains ; toutes clament leur foi en la France éternelle et en la victoire finale, leur amour de la liberté.

Ce premier volume couvre la première année de l'Occupation, alors qu'en France se met en place le gouvernement de Vichy et que l'Angleterre résiste avec succès aux assauts de l'aviation allemande. Ces textes, particulièrement édifiants, ont été collectés en grande partie par un historien, jeune soldat présent à Londres, Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Mais le tri et le choix a été réalisé par Jacques Pessis. Le journaliste a découvert l'histoire de Radio Londres par l'intermédiaire de Pierre Dac. L'humoriste français a lui aussi été de l'aventure et Jacques Pessis, son légataire universel, a profité de ses manuscrits.

« Les Français parlent aux Français », éditions Omnibus, 29 euros 

jeudi 17 juin 2010

BD - Insouciance estivale


Ce roman graphique est idéal pour une lecture estivale. Du moins avant de découvrir les quatre pages finales qui changent radicalement le ton de ce récit signé Nicoby. Mathieu, dans le métro parisien, aperçoit Amélie. Il l'avait rencontrée un été, alors qu'il faisait du camping avec ses parents. L'album est un long flashback racontant dans le détail cet été inoubliable. Mathieu est toujours chaperonné par sa mère. 

Ce n'est pas le cas de Franck et Greg, ni de Marine et Amélie. Ils ne se connaissaient pas avant. Vont apprendre à s'apprivoiser sous le soleil, sur le sable. Le bel été que voilà, avec baisers mouillés, nuits d'amours, premiers frissons de la liberté. 

Nicoby raconte parfaitement ces scènes sonnant étonnamment justes. Son dessin, simple, sans fioriture, éblouit comme un soleil rasant, celui des petits matins après une nuit blanche.

« Vacances », Drugstore, 15 € 

mercredi 16 juin 2010

BD - La "Face cachée" du Japon besogneux


Plongée dans le monde du travail japonais avec cet album d'un grande virtuosité graphique. « Face cachée » s'attache au quotidien de quelques analystes financiers employés dans une société de Tokyo qui cultive le goût du résultat, de l'efficacité et de la convivialité (quand le patron décide d'offrir une soirée détente dans un bar ou un karaoké). 

Satoshi, la trentaine, est un des éléments les plus brillants. Il dort dans une minuscule chambre d'hôtel, rejoignant le week-end sa femme et sa fille restées dans une ville côtière. Sa collègue, la belle, jeune et célibataire Mayumi, craque pour lui. Il cèdera à ses avances un soir de blues. Junishi, le troisième larron, jalouse Satoshi. Au point de vue professionnel et sentimental. 

Ce qui, pourrait être un vaudeville exotique se révèle sous la plume de Runberg une passionnante études de mœurs bien plus compliquée qu'en apparence. Olivier Martin, grâce à un dessin réaliste et précis, parvient exprimer les frustrations, secrets et espoirs des protagonistes.

« Face cachée » (tome 1), Futuropolis, 19 € 

mardi 15 juin 2010

BD - La "Seconde chance" d'une entremetteuse imaginée par Ozanam et Renart


« Seconde chance » de Renart (dessin) et Ozanam (scénario) c'est un peu la version adulte de Cupidon du duo Cauvin-Malik. La belle Marianne Welles a des airs de tueuse à gages. Mais lorsqu'elle reçoit un contrat, c'est toujours pour deux noms. Deux êtres qui vont devenir amoureux fou quand elle leur tire dessus avec son revolver. Tout marche parfaitement jusqu'à cette fameuse Saint-Valentin. 

Marianne, pourtant la plus cotée de sa corporation, ne remplit pas son contrat. Au contraire elle démissionne, redevient humaine et se lance à la recherche de l'homme qu'elle devait exécuter. Un homme qui lui a fait un effet bœuf. Dans la vraie vie, Marianne va vivre de ce qu'elle fait de mieux : tirer sur les gens. Mais cette fois elle les exécute réellement. Une reconversion qui n'est pas du goût de ses anciens employeurs. 

Une « Seconde chance » toujours au second degré, entre romance langoureuse et polar à la Tarantino. Etonnant et séduisant...

« Seconde chance », Casterman, 14 € 

lundi 14 juin 2010

San-Antonio : un monument de la littérature française

Une intégrale dans la collection Bouquins, une biographie en poche, des romans réédités chez Fleuve Noir : San-Antonio est toujours dans le coup.


Mort le 6 juin 2000, Frédéric Dard n'en finit plus de conquérir de nouveaux lecteurs. Son héros, le commissaire San-Antonio, est toujours aussi présent dans les bacs des libraires. Si les éditions Fleuve Noir poursuivent la réédition (avec des couvertures inédites de Boucq) de tous les titres parus depuis 1949, vous aurez également la possibilité de découvrir les 175 épisodes de cette saga, policière et lubrique, dans la collection Bouquins de Robert Laffont. Une édition « publiée selon son texte original et pour la première fois dans sa chronologie » explique dans sa préface François Rivière, le coordonnateur de ce vaste projet éditorial. Le premier recueil, reprenant les débuts du commissaire le plus célèbre de France, est composé des titres suivants : Réglez-lui son compte, Laissez tomber la fille, Les souris ont la peau tendre, Mes hommages à la donzelle, Du plomb dans les tripes, Des dragées sans baptême, Des clients pour la morgue, Descendez à la prochaine, et Passez-moi la Joconde. Un pavé de 1 200 pages à savourer sans tarder, même si tous les ingrédients du monde « sanantoniesque » ne sont pas encore présents.

Incontournable Bérurier

A la fin des années 40, Frédéric Dard est déjà un écrivain très productif. Il multiplie les romans policiers, psychologiques, grivois... Il réside à Lyon et doit faire vivre sa famille de sa plume. En 49, la première aventure ayant San-Antonio pour héros paraît chez l'éditeur lyonnais Granger. Sans aucun succès. Mais le personnage aura une seconde chance quand Frédéric Dard est contacté par une jeune maison d'édition, le Fleuve Noir, désireuse de lancer des héros récurrents sur le modèle du Saint ou de OSS 117. Là aussi le succès mettra du temps à venir. Une genèse racontée brillamment par François Rivière.

C'est dans le courant des années 50, alors que cinq à six aventures de San-Antonio paraissent chaque année, que le public s'enthousiasme pour ces récits débridés, aux intrigues parfaitement ciselées et aux personnages de plus en plus truculents. San-Antonio semble le plus sortable du lot (si l'on excepte Félicie, la maman parfaite) face à Bérurier, Pinaud ou Berthe. Des personnages que l'on retrouve en partie dès dans le second tome de cette intégrale. Après une première salve en mai, les tomes 3 et 4 viennent de paraître cette semaine, toujours au prix de 28 euros le volume.

Deux romans à savourer

Le dixième anniversaire de la disparition de Frédéric Dard est également l'occasion pour le Fleuve Noir de reprendre les titres qui ont participé au succès phénoménal de San-Antonio. En grand format, savourez le truculent « L'histoire de France vue par San-Antonio ». Par Bérurier aurait été plus juste. Un roman qui avait dépassé le million d'exemplaires vendus l'année de sa parution, en 1964. Plus grave, mais tout aussi représentatif du talent de Frédéric Dard, « La vieille qui marchait dans la mer », roman paru en 1988. L'auteur explique qu'il s'agit de « l'ouvrage le plus grinçant de ma carrière, un conte de fées noir à vous en flanquer le vertige. » Si vous ne connaissez pas encore San-Antonio, ne manquez pas cette occasion de plonger dans un univers incomparable, une expérience littéraire ultime à déguster comme ces vins anciens qui ont pris du corps avec les années.

dimanche 13 juin 2010

Roman - Violettes sanglantes


Ce premier roman de Jean-François Chabas, a la froideur d'une lame acérée. De ces lames si aiguisées qu'il est impossible de ne pas se couper en la maniant. Le narrateur, un adolescent sans histoire, revient sur le grand bouleversement de sa vie. Ses parents, un réparateur de cycles et une postière, partent en randonnée dans cette vallée des Alpes où ils ont toujours vécu. Une descente mal négociée, une voiture incontrôlable et une double mort frappe Antoine, orphelin à 16 ans.

Recueilli dans un premier temps par ses grands-parents maternels, il découvre aux obsèques que son père avait un frère jumeau : Ismaël. Cet oncle qui tombe du ciel est une véritable bénédiction pour Antoine qui supporte mal la vie étriquée de ses grands-parents et leurs petites mesquineries. Quand Ismaël demande à Antoine de venir vivre avec lui, le jeune orphelin n'hésite pas longtemps. Regrettable erreur. Cet oncle, toujours bien habillé, PDG d'une société informatique en Suisse, semblant

très aisé, cache en fait une double vie. Mystérieuse, dangereuse. Antoine en a une première idée quand il découvre dans une cache au grenier un revolver parfaitement graissé. Mais Ismaël sait également séduire le jeune garçon en l'amenant dans des boîtes de nuit à Annecy. D'autant qu’il y rencontre une jeune serveuse rebelle, aux yeux couleur de violettes. Une fascination que se transforme en amour. Quand il trouve enfin le courage de l'aborder, elle le repousse violemment, comme si c'était le diable en personne. Antoine, déconcerté, arrive à comprendre, à force de persuasion, que c'est l'oncle qui la terrorise.

Cet homme affable et rigoureux peut par ailleurs être d'une cruauté sans mesure. La preuve quand des jeunes accrochent la voiture d'Ismaël sur l'autoroute. Sans coup férir, l'oncle se dirige vers le conducteur et avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, lui casse une jambe. Constat affolé d'Antoine : « Mon oncle venait de réduire en miettes la jambe d'un homme sans que cela lui valût un battement de cœur de plus ou de moins. Il l'avait fait comme on casse une branche morte sur son genou. Toujours aussi calme, il avait menacé les deux hommes et ni eux ni moi n'avions cru qu'il pût s'agir de bluff. » Pour la première fois, Ismaël montre son véritable visage à Antoine qui commence à regretter d'avoir accepté si vite de vivre avec lui.

Par la suite, Jean-François Chabas aurait pu transformer son roman en polar classique, avec jeune victime face au tueur. Mais il a conservé au récit la même narration linéaire, sans artifices ni effets spectaculaires. Une platitude qui paradoxalement donne toute sa force et son intérêt à ce roman hors norme.

« Les violettes » de Jean-François Chabas, Calmann-Lévy, 14 € (Egalement disponible au Livre de Poche, 6 €) 

samedi 12 juin 2010

BD - De ravissantes Guerrières de Troy sous la plume de Dany


Elles sont trois. Elles sont de Troy. Ce sont des guerrières. Jeunes, belles, impétueuses, elle se vendent au plus offrant. Pour l'heure c'est le lecteur de cette nouvelle série écrite par Arleston (avec la complicité de Mélanÿn) qui va profiter de son achat. Car ces trois filles se laissent regarder... Il est vrai qu'elles sont issues du pinceau de Dany, dessinateur qui, après avoir fait rêver les enfants avec Olivier Rameau, a, par la suite, fait fantasmer les plus grands avec sa série érotico-comique « Ça vous intéresse ? ». 

Lynche, Raya et Yssan sont belles mais surtout dangereuses. Les deux premières se rencontrent dans le prologue de l'album au cours d'une bataille navale d'anthologie. Elles sont opposées, mais se respectent. Par la suite, elle seront ensemble au côté d'Yquem le Bienveillant, un noble collectant des fonds pour les orphelins du Delpont. Un chevalier blanc finalement peu recommandable. 

Une série dérivée qui ne semble pas amener grand chose à la légende de Troy (contrairement à l'autre titre publié ce mois-ci, « L'expédition d'Alunys ») mais qui est un régal pour les yeux.

« Les Guerrières de Troy », Soleil, 13,50 € 

vendredi 11 juin 2010

BD - Les classiques de la rigolade de chez Fluide Glacial en intégrales


Depuis des décennies, Fluide Glacial, chaque mois, apporte sa dose de rire. Lancée par Gotlib dans les années 70, cette revue n'a cessé de découvrir des talents. Des jeunes qui sont devenus des valeurs sûres aujourd'hui. On les retrouve dans les premiers titres d'une nouvelle collection d'intégrales à petit prix. 

Des œuvres de jeunesse démontrant déjà l'inventivité de leurs auteurs. A tout seigneur, tout honneur : Larcenet. Avant de signer des albums graves, alliant beauté graphique et profondeur littéraire (Le Combat ordinaire, Blast), il s'est aguerri dans la parodie. Bill Baroud est un héros comme on les aime : prétentieux, bête et toujours perdant. 

Vous pourrez également retrouver Aimé Lacapelle, paysan tarnais (presque aveyronnais...) imaginé par Ferri et qui a popularisé l'expression « Macarel ! » dans tous les milieux intellectuels parisiens. Radada la sorcière est l'œuvre de Gaudelette alors que Mammouth et Piston sont de Coyote. Enfin deux autres albums reprennent des titres d'Edika et de Tronchet, les aventures misérables de Jean-Claude Tergal.

« Aimé Lacapelle », « Bill Baroud », « Radada la sorcière », « Mammouth et Piston »..., Fluide Glacial, 14 € chaque volume de 150 à 200 pages 

jeudi 10 juin 2010

BD - De très grandes ambitions médiatiques


Si la télévision, média global de distraction fait rêver, ses dessous sont souvent glauques et sordides. Certes, à l'écran, tout le monde semble gentil et bien s'apprécier, mais dans les coulisses ce ne sont que coups bas, trahisons et manœuvres fallacieuses. 

Un monde impitoyable qui sert de décor à la nouvelle série écrite par Philippe Richelle et dessinée par Marc-Rénier. Manu Courvet a une revanche à prendre sur la vie. Cancre, instable, il a passé quelques années dans une maison de correction. Fâché avec son père, il se réconcilie avec lui sur son lit de mort après avoir été victime d'un accident du travail, Manu est révolté car la société de BTP qui l'employait, malgré de graves manquements aux règles de sécurité, est blanchie par la justice. 

Une société qui possède également une chaîne de télévision. C'est là, lieu crucial pour le pouvoir, que Manu va mettre un pied et tenter de s'imposer. 

De la politique fiction comparable aux « Coulisses du pouvoir » (précédente série écrite par Richelle), servie par un dessin de Marc-Rénier étonnamment épuré, presque du Paul Gillon...

« Média » (tome 1), Glénat, 13 € 

mardi 8 juin 2010

BD - L'ombre d'Ezekiel, troisième cycle de la série "Haute sécurité"


Un peu à la façon des séries TV américaines qui, tout en proposant des intrigues différentes à chaque épisode, suivent également le quotidien des héros, « Haute Sécurité » de Callède (scénario) et Gihef (dessin) nous plonge dans la vie d'une prison d'Etat. On découvre ce milieu fermé, dur et inhumain, avec les yeux d'Aleks, jeune gardien faisant ses classes. Dans « L'ombre d'Ezekiel », 5e tome de la série, Aleks est rejoint pas son passé de délinquant qu'il tente d'oublier. Il va se retrouver sur la route de ce fameux Eziekel, un ponte de la mafia, sanguinaire et violent. Mais si dans son adolescence Aleks avait fui sans tenter d'aider son ami d'enfance froidement abattu par Ezekiel, il va cette fois porter secours à un truand dans la ligne de mire. 

C'est violent, bien documenté, crédible, palpitant. Le suspense est à son comble. Le dénouement, dans le tome 6, sera fin août dans les bacs de votre libraire préféré.

« Haute Sécurité » (tome 5), Dupuis, 10,95 € 

lundi 7 juin 2010

Polar - Hyper gagne dans "Discount de Bretin et Bonzon

Prise d'otages destroy dans un hypermarché. Bretin et Bonzon signent un polar rigolard où la société de consommation en prend pour son grade.


La ménagère de moins de 50 ans, cœur de cible des publicitaires et de tout gérant de grande surface, est la véritable héroïne de ce roman de Denis Bretin et Laurent Bonzon. Dans « Discount », elle s'appelle Dany. Employée dans un hypermarché, Dany vient de prendre du galon. Son mérite professionnel n'y est pour rien. Par contre, les fellations qu'elle prodigue à son patron dans le local de la photocopieuse... Dany qui rêve d'évasion, de grande vie. A Copacabana, avec quelques millions d'euros, histoire de voir venir.

Mais le problème de Dany, ce matin, c'est Tattoo. Son mec, l'officiel. Elle en a été privée durant 18 mois. Un séjour en prison pour un braquage qui a mal tourné. Tattoo qui a eu l'idée du siècle. Le jour même de sa sortie, il braque une banque avec son frère surnommé Le Castor. Pour une fois, tout se passe bien mais le soir, en allant récupérer sa dulcinée à son boulot, c'est la cata. Le Castor qui attend sur le parking de l'hypermarché, se fait contrôler par deux policiers venus récupérer une kleptomane. Il panique et dessoude les deux flics. Il va annoncer la bonne nouvelle à son frère à l'intérieur alors que les renforts rappliquent, toutes sirènes hurlantes. Les deux malfrats décident de s'enfermer dans le magasin, prenant en otage les quelques personnes qui s'y trouvaient encore.

Otages, ô désespoir !

On entre alors dans la seconde partie du roman, le huis clos qui verra les différents protagonistes révéler leur véritable personnalité. En plus des deux frères, on retrouve donc le directeur de l'hyper, Berthelon, vieux lubrique qui ne raisonne qu'en terme de promotion et de techniques de vente, Dany qui se dit que décidemment, Tattoo et son idiot de frère ne sont pas des cadeaux, un vigile assez rapidement dépassé par les événements, la jeune kleptomane, Oriane Montalembert, punkette gothique révoltée qui est en réalité l'héritière d'une grosse fortune, Leïla, une gloire finissante de la télé réalité ne tenant plus que par la coke qu'elle sniffe à haute dose et son imprésario, mutant sans cœur entre un proxénète et un esclavagiste. Un échantillon finalement très représentatif de l'Humanité d'autant que s'y rajoute Robby, 30 ans, vierge, fan absolu de Leïla. Il s'est glissé incognito dans le bâtiment pour rencontrer la femme de ses rêves.

Ce cocktail va rapidement faire des étincelles car il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Pris au piège, Tattoo veut être pris au sérieux par les forces de l'ordre. Il annonce qu'il exécutera un otage si on ne satisfait pas à ses désirs. Reste à savoir par qui commencer. C'est l'occasion d'un premier grand déballage. Pour Oriane, le vigile s'impose : « Exécuter un vigile, je suis désolé, mais c'est dans l'ordre des choses. » Berthelon approuve, soulignant « la réévaluation de 6 % de la prime de risque en début d'année. » Un vigile qui n'entend pas se laisser faire et propose Leïla : « Flinguer une popstar, une finaliste de Star & Strass, c'est clair qu'on vous prendrait pas pour des rigolos. » Là c'est l'imprésario qui met son grain de sel, désirant protéger sa marchandise, il suggère le nom de Berthelon : « Sérieux, pour l'impact, il faut toujours privilégier le local de l'étape. »

Finalement c'est le directeur qui l'emporte quand il révèle qu'Oriane est la fille d'un notable, la plus grosse fortune du département. Et c'est à son papa que Tattoo va finalement réclamer 40 millions de rançon et une voiture, une Gran Torino rouge pour faire plaisir au Castor, fan de séries télé et notamment de Starsky et Hutch. Bien évidemment rien ne va se dérouler comme prévu et cette nuit dans l'hyper va se transformer en massacre. Reste à savoir qui va buter qui, avec quelles armes, pourquoi et qui en réchappera au final. Le lecteur n'est pas déçu, les deux auteurs multipliant les trouvailles comme les publicitaires des slogans idiots mais accrocheurs.

« Discount » de Bretin et Bonzon, Editions du Masque, 16 €

dimanche 6 juin 2010

BD - Intrigue familiale dans une "Chambre obscure"


Pour la première fois de sa carrière, Cyril Bonin signe scénario et dessin d'une série de BD. Remarqué sur Fog (avec Roger Seiter), il a poursuivi en dessinant des histoires de Giroud et Galandon. « Chambre obscure » est un hommage à la magie des romans de Maurice Leblanc. Au début du XXe siècle, on y retrouve l'ambiance des récits d'Arsène Lupin. 

Dans le personnage du héros qui n'a pas froid au yeux : Alma, jeune femme libre, tante de Séraphine, encore une fillette malgré ses 18 ans, vivant dans le milieu guindé de la grande bourgeoisie. Séraphine est en pamoison devant cette sufragette qui tire au pistolet, conduit une automobile et envisage de piloter un avion. 

Quand deux voleurs dérobent des toiles (trois croutes représentant des ancêtres) dans la maison familiale, la police enquête mais Alma sera bien évidemment plus efficace. Une ambiance particulière émane de cet album, renforcée par le papier plus épais et le dos toilé. Un bel objet en plus d'une bonne BD.

« Chambre obscure » (tome 1), Dargaud, 13,50 € 

samedi 5 juin 2010

BD - Quand la police devient pur esprit


A quoi serviront les policiers dans le futur ? Un futur où les progrès de la médecine et de la technologie auront transformé chaque être humain en immortel. Qui aura l'étrange idée de tuer un immortel ? Sur ce canevas simple Fabien Vehlmann a imaginé une longue histoire de 150 pages, « Les derniers jours d'un immortel », dans laquelle le héros, Elijah, est le plus célèbre enquêteur de la police philosophique.

Les hommes sont devenus immortels car ils peuvent se dupliquer en autant « d'échos » qu'ils le désirent. Des doubles qui peuvent vivre des vies autonomes. Il suffit, à un moment, que l'écho fusionne son esprit avec le « corps premier » pour qu'ils aient des souvenirs en commun. Sur cette base très intellectuelle, le scénariste déroule plusieurs intrigues purement policières. Pourquoi un extraterrestre, en très bon terme avec son collègue humain, l'a-t-il écrasé de ses bras vigoureux ? Que reprochent les Aleph, de pures vibrations intelligentes vivant dans des cavernes, aux Ganédons, l'autre race de la planète ?

Face à des énigmes semblant insolubles, Elijah va trouver les solutions simplement en tentant de comprendre le fonctionnement de ces races extraterrestres totalement différentes. Un travail prenant, difficile, épuisant intellectuellement. Pas étonnant donc si ces immortels, à un moment, choisissent de lâcher prise et de mourir. Ce temps est-il venu pour Elijah ?

Ce récit de science-fiction semble au premier abord austère et tordu. Mais si on fait l'effort d'y plonger corps et âmes, il ouvre des perspectives étonnantes. Comme le dessin de Gwen de Bonneval, faussement simple, beaucoup plus élaboré qu'il n'y paraît. Un OVNI dans la production actuelle, preuve que si Vehlmann a accepté de reprendre les aventures de Spirou et Fantasio (avec Yoann au dessin), il garde toute latitude pour signer des récits plus personnels.

« Les derniers jours d'un immortel », Futuropolis, 20 € 

vendredi 4 juin 2010

BD - La grande régression de "La Zone" de Stalner


La thématique de science-fiction « Après la bombe » a été un des succès des années 60 et 70. En pleine guerre froide, les auteurs se faisaient peur à imaginer ce que serait notre futur après l'explosion de quelques bombes nucléaires.

De nos jours, c'est plutôt une épidémie ravageuse qui ferait que la civilisation moderne se mettrait à régresser. Un thème qu'aborde Eric Stalner dans sa nouvelle série, « La Zone », prévue en quatre tomes aux éditions Glénat. Dans le nord de l'Angleterre, une petite communauté survit après le grand cataclysme. Des hommes et des femmes repliés sur eux, interdisant à quiconque d'aller vers le Sud, là où la vie est impossible. Ce retour au Moyen âge a également marqué le regain d'influence des hommes d'église et le désintérêt pour quelque chose pourtant d'essentiel : la lecture. 

Lawrence est un des derniers à savoir lire. Dans sa maison, il conserve des milliers d'ouvrages et tente d'apprendre à lire à Keira, une adolescente. Mais si cette dernière est si assidue aux cours, c'est avant tout pour dérober à Lawrence les cartes du pays. Ainsi équipée, elle désire aller à Londres avec deux de ses amis. Lawrence, qui lui connaît l'enfer qu'est devenu la capitale, décide de retrouver Keira. Contraint et forcé, les villageois le considérant comme responsable ont voulu le tuer et ont incendié sa maison, transformant cette basse vengeance en immense autodafé.

Cette nouvelle série semble avoir du souffle et de l'esprit. Si on ne parvient pas encore à s'identifier aux personnages (il ne s'agit que du premier tome), cet album de 56 pages ne manque pas d'action et de rebondissements. Et surtout, on ne peut que saluer ce récit qui tente, à l'avance, de persuader les générations futures de l'intérêt du savoir, de la lecture et de la mémoire des anciens. A lire de toute urgence, en espérant que cette fiction de devienne jamais une réalité.

« La zone » (tome 1), Glénat, 13 € 

jeudi 3 juin 2010

BD - Questions autour d'une peinture


Clovis a tout du Français moyen. Lunettes, raie sur le côté, cravate sombre de représentant en commerce (métier qu'il exerce sans passion), marié, deux enfants, les traites d'une maison à payer dans une petite ville de province. Clovis aurait pu vivre tranquillement sans se poser de questions jusqu'à la fin de ses jours. Mais un jour, Clovis décide d'aller au musée. A Paris, à Orsay. Il découvre l'Angélus de Millet et sa vie bascule. 

Ce tableau, représentant deux paysans en train de prier dans un champ alors que l'angélus résonne au loin semble lui dire plus que cette simple scène champêtre d'un autre âge. Clovis va donc se remettre en questions, accumuler la documentation sur ce tableau et découvrir qu'il n'est pas le premier à avoir été fasciné par cette toile. Durant deux années, Dali n'a peint que des interprétations de l'Angélus. Pourquoi, quel lien avec Clovis ? 

Ces questions sont au centre de la première partie de ce dyptique de la série Secrets écrite par Giroud. Au dessin, une nouvelle fois, c'est un Espagnol surdoué, Homs, qui donne vie et couleur à ces interrogations.

« L'Angélus » (tome 1), Dupuis, 13,50 € 

mercredi 2 juin 2010

BD - Vol dans un tombeau


Les séries concept ont toujours le vent en poupe. « Le casse » est une des dernières imaginée par David Chauvel pour les éditions Delcourt. Six albums, de six duos différents, racontent un vol célèbre ou exceptionnel. Le premier album, en Sibérie, avec des diamants, concordait parfaitement avec le concept. 

Mais un concept, cela peut également voler en éclat. Meunier et Guérineau, dans « Le troisième jour », sont à mille lieues du thriller classique. Nous sommes à Jérusalem le 6 avril de l'an 30. Le peuple et les responsables religieux ont choisi : entre Barrabas, le voleur, et Jésus, le prophète, c'est ce dernier qui sera crucifié. Marie-Madeleine, dans l'ombre, va imaginer une savante machination pour tenter de sauver la vie de celui qu'elle considère comme le fils de Dieu. 

Elle intrigue avec les Romains, cherche des complicités sur le chemin de croix. Avant un final époustouflant, devant le tombeau du Christ, le lieu du fameux « casse ». L'Histoire des débuts du Christianisme racontée par ces deux auteurs est iconoclaste, mais très crédible...

« Le Casse : le troisième jour », Delcourt, 14,95 € 

mardi 1 juin 2010

BD - Baptême du feu pour Alpha avec Jigounov


Comment l'agent Alpha, dont les aventures sont contées par Mythic et Jigounov depuis une décennie, a-t-il intégré la CIA ? C'est l'idée de départ de cette série dérivée du best-seller de la collection « Troisième vague ». Herzet (scénario) et Loutte (dessin) ont relevé le défi. Côté dessin, c'est le même classicisme rigoureux. Loutte, après des années de Biggles, n'a pas peur de la technologie ni des « pinailleurs » sur les armes ou les uniformes. 

Pour le scénario, Hervet, avant de faire entrer en scène le sergent Dwight Delano Tyler, a longuement expliqué la machination qui est sur le point de changer la face du monde. La société Thirdnail a mis au point un composant électronique, arme ultime de la surveillance planétaire. 

En multipliant ce composant dans tous les systèmes, elle tisse une toile où plus rien ne lui échappe. Mais quand un informaticien est sur le point de découvrir le pot au roses, Thirdnail choisit la méthode radicale. C'est dans ce cadre que Tyler fait ses premières armes.

« Alpha, premières armes » (tome 1), Le Lombard, 10,75 €