La fin de vie est au centre de ce roman iconoclaste. Si l'on vit de plus en plus vieux en France, parfois les dernières années des membres du quatrième âge ne sont pas très gaies. L'action se déroule en 2024. Armand Bouzies, ancien commissaire de police, 85 ans et toujours bon pied bon œil, l'apprend à ses dépens. Placé dans une maison de retraite spécialisée par sa fille partie se relancer professionnellement à Singapour, il comprend vite que cet 'établissement collectif de séjour pour personnes dépendantes' de Nogent-le-Rotrou est un vulgaire mouroir. Terminées les sorties en goguette, les journées en pyjama et la belle vie. Sa chambre, double, a tout l'air d'une cellule. Il tombe de haut mais ce vieux monsieur foncièrement méchant ne se laisse pas abattre. La première partie du roman le montre à la manœuvre pour dégoûter ses colocataires. Trois en quelques semaines. Pour conserver sa tranquillité, il n'hésite pas à les pousser au suicide. Pas grave : ce n'est qu'avancer l'inéluctable de quelques jours ou semaines...
Se faire la belle
Avouons-le, difficile d'avoir la moindre once de sympathie pour cet octogénaire qui maltraite les alzheimers et se fait un petit pécule en trafiquant les médicaments, histoire d'avoir de quoi venir le jour où il s'enfuira. Car le but ultime de l'ancien flic est de se faire la belle. Une sacrée crapule décrite par Thiébault de Saint-Amand. Comment transformer cette charge contre les mouroirs inhumains en roman émouvant et sensible ? Il suffit de faire intervenir une nouvelle pensionnaire : Elizabeth. 83 ans, mais une distinction et une grâce intacte, malgré la perfusion qu'elle trimbale partout. Armand en tombe raide dingue amoureux. De l'amour fou, de celui qui frappe les adolescents acnéiques. Armand va-t-il changer ? Pour Elizabeth il va s'adoucir, mais n'abandonne pas ses envies de cavale. Au contraire il embringue Elizabeth dans l'affaire. Les voilà partis tous les deux vers la côte Normande pour une ultime lune de miel à Deauville. Même si parfois le tête à tête langoureux se transforme en séances de pleurs pour Elizabeth. "A un certain âge, on souffre d'un trop-plein de vie", avoue la vieille dame qui accepte enfin de se confier sur son passé professionnel. Armand n'en reviendra pas (le lecteur non plus) et cela amplifiera son amour. Entre rires grinçants et mélodie sentimentale, maladies dégénératives et personnel soignant déshumanisé, le roman est parfois un peu déstabilisant. Pourtant, l'auteur à force de coups de théâtre et de surprises, va au bout de sa démonstration avec un final très brillant."Hospice & Love" de Thiébault de Saint Amand, Hugo, 17 euros.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire