lundi 29 février 2016

Cinéma : Et Jacqueline devint une star...

vachen hamidi,fatah,debbouze
Omniprésente bien que muette, Jacqueline, "La vache" du film de Mohamed Hamidi, crève l'écran. Tout comme son propriétaire, Fatah (Fatsah Bouyahmed).


Le cinéma, s'il doit faire réfléchir sur les maux de notre monde, peut aussi distraire et émouvoir. Sans s'affranchir du premier principe. Ils sont trop rares les films qui tout en faisant passer un excellent moment aux spectateurs, les éduquent, les enrichissent et œuvrent en catimini à construire une société tolérante et apaisée. Ne boudez pas cette chance ni votre plaisir, précipitez-vous dans les salles qui programment "La vache" de Mohamed Hamidi. Vous en sortirez avec des étoiles dans les yeux, quelques larmes et une formidable envie de vous dépasser, tel le héros de ce road-movie en tous points remarquable. Fatah (Fatsah Bouyahmed) cultive son jardin et prend soin de Jacqueline, sa vache, dans ce petit village du bled algérien. Il vit chichement mais heureux, à bichonner sa Tarentaise placide et vaillante, auprès de sa femme et de ses deux filles.
La faute à la poire
Ce modeste paysan, en plus de fredonner les tubes des années 80 avec son accent (hilarante version de "Li dimons de minuit"...) rêve de participer au Salon de l'agriculture de Paris. Comme il l'explique à ses amis, c'est un peu "La Mecque des paysans". Le jour où il reçoit son invitation, pour lui et Jacqueline, il saute de joie. Problème : le déplacement n'est pas pris en charge. Il demande l'aide du village. Tous se cotisent pour payer la traversée en bateau. Mais arrivé à Marseille, c'est à pied qu'il va rejoindre la capitale. Un homme et une vache sur les routes... Toute ressemblance avec "La vache et le prisonnier" n'est pas fortuite. Mohamed Hamidi, scénariste et réalisateur du film, avoue un hommage au chef-d'œuvre de Verneuil. Il fallait donc un acteur à la forte personnalité pour supporter la comparaison avec Fernandel. Fatsah Bouyahmed impose son personnage de paysan rêveur et un peu naïf avec une virtuosité de tous les instants. Gringalet, chauve et timide, il attire immédiatement la sympathie. Dans son périple, il recevra l'aide de plusieurs personnes, sans jamais rien demander. Il succombe aux plaisirs locaux, notamment une eau-de-vie de poire qui va lui gâcher la vie et permettre de créer une réplique prochainement culte : "C'est la faute à la poire !" Jacqueline, épuisée par le voyage, doit rester quelques jours au repos. Fatah trouvera étable et table accueillante chez Philippe, un comte ruiné (Lambert Wilson), bourru et pédant au premier abord mais qui lui aussi succombera à la gentillesse de Fatah. Le film se termine en apothéose au Salon de l'agriculture, avec une séquence très émouvante, preuve que tout n'est pas perdu si un tel film parvient à faire pleurer les Français grâce à une histoire d'Arabes et de ruminant.
_______________________
Jamel Debbouze, militant de l'humour

vachen hamidi,fatah,debbouze
Producteur et interprète du film de Mohamed Hamidi, Jamel Debbouze ne s'est pas économisé pour assurer la promotion de ce film qu'il qualifie de "réconciliateur, rassembleur, drôle et touchant". Auréolé du Grand prix au Festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez en janvier dernier, "La vache" signe la seconde collaboration entre l'acteur franco-marocain et le réalisateur d'origine algérienne. En 2011, ils étaient unis dans la belle aventure de "Né quelque part", l'histoire d'un jeune obligé de retourner au bled. Cette fois le héros fait le chemin inverse, abandonnant la vie simple et rurale de son village pour se frotter à la frénésie de la société européenne. Le message est à chaque fois le même : montrer au public que l'on peut vivre en bonne harmonie, malgré nos différences. L'aventure de Fatah induit aussi une série de belles rencontres. La France montrée dans le film pourrait sembler un peu trop angélique mais dans la réalité, il se trouve certainement plus d'hommes et de femmes capables de s'entraider, sans tenir compte de l'origine, la couleur de peau ou la religion, que de racistes rejetant en vrac tout ce qui n'est pas "de souche". Dans 20 ou 30 ans, espérons qu'aux générations futures restera cette image de la France et pas celle des intégristes de Daech ou des identitaires repliés sur leurs valeurs rances.

Aucun commentaire: