vendredi 31 janvier 2014

Cinéma : Jack Ryan, espion, patriote et cachotier

Action et romance dans The Ryan initiative de Kenneth Branagh avec Chris Pine.

jack ryan,clancy,branagh,keira knightley,chris pine,moscouImaginé par Tom Clancy, le maître incontesté du roman d’espionnage contemporain, le personnage de Jack Ryan, après bien des aventures sur papier et au cinéma, change une nouvelle fois de visage dans cette production hollywoodienne à gros budget. Après Alec Baldwin, Harrison Ford et Ben Affleck, c’est Chris Pine qui prête ses traits à cet Américain au patriotisme vissé au corps. Jack Ryan, jeune et brillant étudiant en Angleterre, assiste choqué à l’attaque des tours jumelles. Trois années plus tard il est en Afghanistan dans un hélicoptère, volontaire pour combattre les talibans, Al Qaïda et l’axe du mal. Grièvement blessé, il mettra des mois à récupérer l’usage de ses jambes.



Presque handicapé, Jack Ryan se croit perdu pour la patrie. Jusqu’à l’arrivée de Thomas Harper (Kevin Costner), un officier de la CIA intéressé par son profil. Officiellement il travaille dans une banque. Officieusement il surveille les mouvements d’argent à l’affût des multiples financement du terrorisme. Un travail ingrat, d’autant qu’il est totalement secret. Jack n’en a même pas parlé à sa fiancée, Cathy, la jolie toubib interprétée par Keira Knightley. Quand le banquier suspecte une conspiration russe pour faire vaciller le dollar, Harper l’envoie immédiatement à Moscou. Cathy, croyant à une infidélité, le suit. L’espion, sous couverture, se retrouve à tenter de stopper une attaque terroriste avec sa fiancée aux trousses. Que les amateurs de scènes d’action se rassurent, le quiproquo digne d’un vaudeville est rapidement levé et la course conte la montre débute. Montée d’adrénaline assurée.
A la réalisation on retrouve Kenneth Branagh, acteur britannique qui s’est réservé le rôle du méchant russe. Comme si diriger cette superproduction ne lui suffisait pas et qu’il voulait retourner aux bases de son métier d’origine. Il est brillant dans la peau d’un homme blessé et rancunier. Le film est très rythmé avec Moscou et New York en décors de rêve.

jeudi 30 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Écrire la réalité sous l'oeil des caméras

Mars one, académie balzac, téléréalité, iacub, banon, angot
Les concepteurs de téléréalité ne manquent jamais d'imagination. Entre la nouvelle émission aux Pays-Bas qui observe un groupe de "naufragés" volontaires réinventer la vie en société ou le projet "Mars One" visant la colonisation de la planète rouge sous l'œil de caméras, le genre a de beaux jours devant lui.
Un nouveau projet est en gestation sur internet. Les éditions du Net organisent la première émission de téléréalité littéraire qui permettra de suivre en ligne vingt écrivains enfermés dans un château, 24h/24, afin de rédiger un roman collectif en 20 jours sur le thème de leur choix. Les postulants devront avoir déjà édité un livre et les sélections débutent le 1er février. Le choix passe par un vote en ligne sur le site academiebalzac.fr, du nom de l'émission. Programmation prévue : début octobre.
Pas sur TF1, toujours aussi à cheval sur le "mieux-disant culturel" qui lui colle aux basques depuis la privatisation. Et comme le remarque Kevin, fan de Secret Story depuis la première saison : "dans culturel y'a trop de turel et pas assez de... »
A moins que le casting en cours ne donne leur chance à des pointures de l'autofiction, friandes de transgressions. Marcella Iacub dans le même dortoir que Christine Angot ou Tristane Banon, en train de se faire des confidences sur leurs ex, voilà de quoi affoler l'audimat. Plus en tout cas que de mettre des caméras à l'Académie française pour filmer le travail des Immortels sur l'utile mais très austère dictionnaire.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce jeudi en dernière page de  l'Indépendant. 

BD : Expérience temporelle dans la Station 16 de Hermann et Yves H.


Hermann, yves h, russie, essais nucléaires, zemble, lombard
L'île de Zemble, entre Russie et pôle Nord, est un territoire désert et gelé. Les Soviétiques ont longtemps utilisé ce bout de terre immense comme site pour leurs essais atomiques. C'est là que le 30 octobre 1961 a explosé la Tsar Bomba, la plus puissante jamais conçue, d'une puissance équivalente à 1400 Hiroshima. La BD écrite par Yves H pour son père Hermann débute en 1997. Les sites sont désertés. Il ne reste que quelques soldats pour surveiller les déambulations des ours polaires. Quand ils reçoivent un appel à l'aide d'une station météo désaffectée, ils s'y rendent en hélicoptère. Ils vont alors être pris dans une faille spatio-temporelle causée par les expérimentations nucléaires. Il y a un petit air de « Lost » (3e saison) dans cette histoire complète. Hermann y manie les couleurs avec virtuosité, notamment quand il s'agit de peindre toutes les nuances de la neige.

« Station 16 », Le Lombard, 14,45 €

mercredi 29 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Même attaqué par un requin, le docteur n'est pas douillet

requin, attaque, shark, nouvelle-zélande
Dans notre monde de douleur et de souffrance, il y a d'un côté la terre entière et de l'autre les Néo-Zélandais. Redoutables sur un terrain de rugby, ces Blacks semblent indestructibles.
La preuve avec ce fait divers digne des pires nanars "sharkesques" qui ouvre la une de la presse aux antipodes. James Grant, étudiant en médecine de 24 ans, profite de l'été austral pour faire un peu de plongée. Dans deux mètres d'eau, il sent comme une coupure à la jambe. En fait c'est un requin qui est en train de lui boulotter le mollet. Le Néo-Zélandais, loin de paniquer, se saisit de son couteau et donne quelques coups au squale. Suffisant pour lui faire lâcher la proie. James rejoint la plage, constate les dégâts et recoud la plaie avec la trousse de première urgence qu'il garde dans sa voiture. Sur le chemin de retour, comme il saigne toujours, il s'arrête dans un pub, se fait bander la jambe et en profite pour boire une bière.
A côté, Rambo est une chochotte. Moi, n'en parlons pas. Quand ma femme se coupe en éminçant des courgettes, la vue du sang me fait presque tourner de l'œil (celle des courgettes me donne des haut-le-cœur, mais c'est un autre problème). Autre exemple pas plus tard que ce lundi. Je me décide enfin à construire ces étagères promises depuis... il y a prescription. Je scie une planche et, en la transportant du garage à l'entrée, m'enfonce une écharde dans le gras de la paume. La douleur me fait crier si fort que les chiens se mettent à hurler à la mort.
S'il compare ma réaction à celle de James Grant, un observateur ne peut qu'en déduire que le bois est beaucoup plus dangereux que les requins.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

mardi 28 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Testeur fou

la-grande-bouffe-original1.jpgQue mangent les Français ? L'Agence nationale de l'alimentation, l'Anses, va tenter de répondre à cette vaste question en lançant une étude sur nos habitudes alimentaires. 4000 habitants de 472 communes tests seront interrogés sur leurs menus détaillés de trois jours. On saura dans un an si le cassoulet reste un des mets préférés de nos concitoyens ou si la crise chez Spanghero a signé l'arrêt de mort du plat typique de Castelnaudary.
J'ai toujours rêvé d'être sélectionné dans ces enquêtes, études et autres sondages menés par des instituts sérieux. Juste pour apporter un grain de folie dans des réponses forcément un peu rasoir. Votre viande préférée ? L'escalope d'anaconda grillée sur son lit de sarments. Le légume de prédilection : le pissenlit (et là je ne mens pas, rien n'est plus goûteux qu'un pissenlit sauvage en salade). Combien de repas faites-vous par jour ? Dix ! Au diable l'avarice et la surcharge pondérale. Que buvez-vous à table ? Du kava fraîchement mâché et macéré en provenance directe des îles Loyauté.
Ce ne serait qu'un grain de sable dans un nuage de statistiques, mais si 10 % des sondés me suivent sur cette voie, les statisticiens accros aux chiffres en feront des cauchemars.
On ne peut malheureusement pas faire pareil pour les sondages politiques systématiquement proposés sous forme de QCM (questionnaire à choix multiples). Dommage, il me serait si agréable de constater que le PRD (Parti de la Rigolade et de la Dérision) est crédité de 1% d'intention de vote aux prochaines élections.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

BD : Tueurs vénéneux comme des "Crotales"


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Soldier Sun et sa fille Agripa ont droit eux aussi à leur propre série. Personnages secondaires croisés dans les aventures de Jessica Blandy, ils font dans cette BD de Gihef (scénario) et Renaud (dessin) ce en quoi ils sont les meilleurs : assassiner. Tueurs à gage officiant en famille, ils ont un peu foiré leur coup à Salt Lake City. La série débute là où les lecteurs de Jessica Blandy les a laissés. Dans un motel, ils se cachent avant de retrouver leur prochaine cible. Agripa, insatiable, se passe les nerfs sur un routier. Nouvelle fuite du duo vers le désert. Ils arrivent dans une petite ville isolée et rapidement entrent au service d'une riche veuve. Ce que cette dernière ne sait pas, c'est qu'elle est aussi sur la liste des personnes à éliminer. Gihef s'approprie l'univers de Dufaux, mettant l'accent sur la vénéneuse Agripa. Dangereuse mais si tentante.

« Crotales » (tome 1), Dupuis, 14,50 €

lundi 27 janvier 2014

BD : L'autre monde de Sin Titulo


cameron stewart, ankama, sin titulo
Plonger dans la BD « Sin Titulo » de Cameron Stewart chez Ankama, c'est un peu comme prolonger un rêve en se réveillant. On est entre deux mondes, celui de nos nuits imaginaires s'immisçant dans celui de notre vraie vie. Alex Mackay, le personnage principal, fait un rêve récurrent. Il est sur une plage et voit au loin une silhouette assise au pied d'un arbre mort. Une image qui va le hanter, comme ce masque africain qui l'a terrorisé enfant. Tout bascule quand Alex décide d'aller voir son grand-père retiré dans une maison de retraite. On lui apprend qu'il est mort depuis un mois. Dans les affaires du défunt, il retrouve la photographie d'une jeune femme. Elle entoure son grand-père de ses bras et ce dernier sourit. Qui est-elle ? Et quel est le rôle de l'aide soignant qu'il croise dans les couloirs ? Ce gros roman graphique de 160 pages au format à l'italienne multiplie les interrogations. Alex est de plus en plus perdu, déconnecté de la réalité, errant dans un monde onirique. Le dessin réaliste et stylisé de Cameron Stewart augmente le côté froid et cauchemardesque d'un album aussi obsédant que l'arbre sur la plage...

« Sin Titulo », Ankama, 19,90 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : François et Valérie, le plaquage à retardement

hollande, trierweiler, gayet, rupture, politique, scandale
Larguée, abandonnée, plaquée… répudiée osent les plus vindicatifs. Game over pour Valérie Trierweiler éjectée du palais de l'Elysée par son locataire jusqu'en 2017, élu par le peuple, lui. François Hollande, en plus d'être un président normal, se retrouve également célibataire (officiellement du moins), un "coeur à prendre" selon l'expression galvaudée dans les productions Harlequin.
Il devient aussi le premier président à rompre par dépêche AFP interposée. Certains goujats se contentent d'un post-it sur la porte du frigo "Tu cuisines mal, je te quitte", d'autres le font par SMS "Je t'M plus, adieu" ou pire dans un statut Facebook en précisant à leurs amies qu'ils viennent de passer de "en couple" à "célibataire". François Hollande, depuis pas mal de temps se rangeait dans la catégorie "situation amoureuse : c'est compliqué".
Enfin, s'il avait utilisé son compte Facebook comme un Français normal. Mais il a voulu faire comme si de rien n'était. Closer s'est chargé de dévoiler le pot aux roses. Quinze jours après, acculé, il rompt. Un plaquage à retardement dans toute sa splendeur.
Déjà très bas dans les sondages, il ne devrait pas remonter dans l'estime des Français. Encore moins des Françaises. Certes, il assume la rupture, mais il n'y a pas mis les formes. Résultat, Valérie Trierweiler, qui a longtemps eu l'image peu glorieuse de la maîtresse voleuse du mec de Ségolène Royal, apparaît désormais comme une victime, délaissée pour une plus jeune.
D'ici à ce qu'elle s'engage en politique…

dimanche 26 janvier 2014

Livre : Dealer en panique

fitz, gay, corps, polar, masqueFitz, héros récurrent d'Olivier Gay, n'est pas recommandable. Dealer des nuits parisiennes, il attire autant les ennuis que les belles filles en quête d'un peu de rêve.

Pour cerner la personnalité de John-Fitzgerald Dumont, Fitz pour les intimes, il suffit de lire ce passage en début de roman. Après une sortie en boîte samedi soir très arrosée, une nuit torride en compagnie d'une élégante avocate rencontrée dans le cadre de son « travail » (Fitz est dealer de cocaïne), un dimanche chez ses parents (qui ignorent tout de ses activités délictueuses) accompagnée d'une amie cliente chargée de jouer le rôle de la fiancée officielle et la livraison en urgence de quelques grammes chez un député en vue, Fitz se lève vers midi. « J'avais toujours aimé le lundi. C'est ce jour-là, lorsque je pouvais rester sous la couette alors que les travailleurs de France et de Navarre se pressaient pour affronter une nouvelle semaine que je réalisais vraiment à quel point je menais une existence privilégiée. » Mais ce qui est vrai le lundi à midi, n'est pas toujours confirmé le lundi soir.

Cambrioleur ou tueur ?
Entretemps Fitz a boulotté quelques croissants, bu du café et fait une partie de jeu vidéo en ligne avec Bob (mystérieux hacker rencontré dans le cadre de ses deux précédentes enquêtes) avant d'aller se promener sur les Champs Elysées. Bob très curieux, est resté connecté. Il a la possibilité de voir et d'entendre ce qui se passe dans l'appartement de Fitz. Il assiste donc (et enregistre) l'arrivée d'un étrange cambrioleur. Ce dernier n'est pas là pour voler mais éliminer Fitz. La preuve ? Au téléphone, il demande à son interlocuteur : « Mais je fais quoi du corps ? », terrible phrase qui donne son titre au roman d'Olivier Gay. Bob prévient Fitz et lui recommande d'éviter de rentrer chez lui dans l'immédiat.
Voilà comment débute une sale semaine pour un héros qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Il trouve refuge chez son pote Moussah, vigile survitaminé pour des sociétés de gardiennage. Il embarque dans sa cavale la belle Deborah, professeur dans un collège, celle qui accepte de jouer le rôle de Mme Fitz contre quelques grammes de cocaïne et un bon restaurant. Le trio va tenter de comprendre ce qui a déclenché cet engrenage.
Un partie d'explication se trouve en première page des journaux. Le dimanche soir, Fitz a répondu en urgence à la demande pressante de Georges Venard, 37 ans, député de gauche, très actif dans la défense du mariage pour tous (il est gay et le revendique) mais également un peu accro à la poudre blanche. Quand Fitz s'est rendu chez lui, il a trouvé porte close. Dans l'immeuble il a croisé un homme, soupçonneux. Quand il apprend que Venard s'est suicidé chez lui, Fitz subodore une histoire plus compliquée, voire un meurtre déguisé. Mais comment se défendre quand on ne sait pas qui est son ennemi ?
Jeune auteur lancé dans le grand bain de l'édition après avoir remporté le prix du premier roman au festival de Beaune, Olivier Gay prouve qu'il tient la distance. Son coup d'essai, déjà transformé, se transforme en œuvre avec ce troisième polar. Fitz y acquiert un peu plus de profondeur psychologique. Un dealer par nécessité, pas toujours à l'aise dans ses baskets dans ses activités illégales. Il a tout du joueur de poker quand il lance une grosse opération de bluff pour se tirer des griffes de ceux qui veulent l'éliminer. Il y démontre aussi toute sa science de la stratégie qui en ferait un excellent joueur d'échecs.
Et comme Olivier Gay a de la suite dans les idées, il place en début et fin de roman, deux courtes séquences indépendantes chargées d'appâter le lecteur. En fait, les ennuis de Fitz ne font que commencer...

« Mais je fais quoi du corps ? », Olivier Gay, Le Masque, 16 €


samedi 25 janvier 2014

Livre : Émiles dans le mille à la sauce Gabriel Matzneff

émile, email, courriel, matzneff, scheerÉcrivain à la réputation sulfureuse, Gabriel Matzneff ne s'est pas assagi avec l'âge. A 70 ans passés, celui qui a séduit tant d'adolescentes se rêve toujours en gigolo d'une milliardaire américaine. Il le raconte en partie dans le recueil de ses "Nouveaux émiles". Émile comme Littré et Cioran, deux des maîtres de "Gab la rafale". Émile pour désigner le courrier électronique, courriel en français châtié, e-mail en sabir mondialisé.
Ce volume publié chez Léo Scheer (20 euros, dans toutes les bonnes librairies), reprend sa correspondance de début 2010 à mi 2013. On y apprend, dans l'ordre chronologique, qu'il a voté Mélenchon au 1er tour de la présidentielle puis Hollande (il regrette son choix très rapidement...), qu'il rompt douloureusement avec sa dernière conquête, qu'il défend bec et ongles DSK et qu'il a un cancer. Le tout dans un joyeux désordre, les destinataires des émiles n'étant désignés que par leur prénom. Les grandes envolées sur l'art d'écrire côtoient les considérations bassement matérielles des fins de mois difficiles car si Matzneff publie beaucoup, il vend peu. Celui qui a longtemps existé grâce à ses extravagances semble lassé de cette foire aux apparences. Il décline sèchement une invitation : "Je n'ai aucune envie de déjeuner avec votre monsieur passionné de littérature. La littérature, je m'en torche."
L'impression laissée à la lecture de ce livre est que Matzneff n'est plus de son temps. Au lieu d'avancer, il donne l'impression de reculer. Né au XXe siècle, il aimerait mourir au XIXe.
"Les nouveaux émiles de Gab la rafale", Gabriel Matzneff, éditions Léo Scheer, 20 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Julie Lascaux, l'ancêtre de TF1

Jeudi soir sur TF1, Julie Lescaut a fait ses adieux aux téléspectateurs. La série policière familiale est diffusée depuis 22 ans. 22 ans, à l'échelle du PAF (paysage audiovisuel français), ce sont des millions d'années. Le personnage interprété par Véronique Genest ressemble à une femme des cavernes. Les scénaristes auraient mieux fait de l'appeler Julie Lascaux.
Il est facile de se moquer de cette série télé tant elle semble datée aujourd'hui. Pourtant à l'époque, elle a bousculé les lignes. Mine de rien, nombre de minorités ont enfin eu une exposition à la mesure de leur représentativité. Première audace, une femme commissaire de police. Jusqu'à présent le flic était soit pépère (Maigret, les Cinq dernières minutes, Navarro) soit faussement agité (Moulin). Une nana patronne, c'était une première. Rousse en plus !
Dans le rôle de l'adjoint, Mouss Diouf a rapidement crevé l'écran, devenant la co-vedette de la série.
rouve,mouss diouf,veronique genest,tf1,julie lescaut,lascauxPersonnellement, Julie Lescaut m'aura permis de découvrir toute la palette d'acteur de Jean-Paul Rouve. Les sketches des Robins des Bois sur la chaîne Comédie me faisaient hurler de rire. Dans le rôle du brigadier Léveil sur TF1, il joue un flic en uniforme, planton pas très futé. Il apparaît dans 23 épisodes de 1993 à 1999. Rien de transcendant, juste de quoi faire bouillir la marmite et persévérer dans le métier, avant de connaître le succès que l'on sait.
Comme Julie Lescaut, beaucoup de séries françaises ne sont pas des chefs-d'œuvre. Mais elles restent des pépinières de talent dont le cinéma ne pourra jamais se passer.
Chronique "De choses et d'autres" parue vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

vendredi 24 janvier 2014

Livre : Série Z de J.-M. Erre, hommage au genre

série Z, erre, pocketAmateurs de bon goût à la française, passez votre chemin. « Série Z », roman de J. M. Erre a tendance à dépasser les bornes. Rien ne semble trop osé pour cet auteur à la plume alerte. Il y a du San Antonio dans les situations scabreuses qu'il imagine. Du politiquement incorrect, à la Jean-Pierre Mocky, un cinéaste régulièrement cité dans ce roman hommage aux nanars, de France et d'ailleurs. Totalement déjanté, un peu foutraque mais regorgeant de trouvailles, ce roman, entre la parodie et le polar, est un réel hommage à ce cinéma du pauvre, où souvent le meilleur était dans le titre du film. Des titres repris comme tête de chapitres, de « Y a un os dans la moulinette » (Raoul André, 1974) à « Arrête de ramer, t'attaques la falaise » (Michel Caputo, 1979). (Pocket, 6,70 €)

jeudi 23 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Ça l'affiche mal, la suite

Impossible de résister à l'envie de vous faire partager d'autres trouvailles du site internet Municiplol2014 (voir chronique d'hier). Pas de jeu de mots cette fois, mais des candidats volontairement dans le registre de la farce.
Près de Toulouse, à Castanet-Tolosan, les électeurs auront la chance de "voter pour Moi". Le matériel de propagande se montre digne de l'univers de Groland. Moi, grand escogriffe prétentieux, lunettes d'écaille et cheveux gras, débite son slogan : "Des noix, des bananes et une dictature pour tous". Son étiquette ? Le Parti du Quotidien, dit PQ… Il présente ses vœux depuis ses toilettes et sa principale ambition, après le poste de maire, est de devenir "maître du monde". Cette grosse farce va durer jusqu'en mars, date du spectacle de "La Mère Deny's", compagnie théâtrale à l'origine de ce happening.

moi candidat a castanet from brutus laval on Vimeo.

A Bordeaux, Franky Baloney a peu de chance de mettre en ballottage Alain Juppé. L'objectif de sa candidature : faire la promotion du vin. Et d'en boire un maximum au passage. Le slogan de Franky : "un Bordeaux oui, mais un Bordeaux supérieur". Pour un coût de seulement 66 millions d'euros, il propose la construction d'un tunnel de 40 kilomètres entre le centre-ville et le bassin d'Arcachon. Une étude prouve que "cette nouvelle infrastructure permettrait de vendre 1,3 verre de rosé de plus par touriste chaque jour".

Alors pour Moi ou pour Franky, qu'importe, mais votez !

Cinéma : Les belles rencontres de Lulu

Adaptée d'une Bande dessinée d'Étienne Davodeau, "Lulu femme nue" de Solveig Anspach offre un rôle puissant et lumineux à Karin Viard en femme perdue.

lulu 2.jpgUn grain de sable, un minuscule grain de sable et parfois la vie bascule. Dans le cas de Lulu, interprétée par Karin Viard, c'est un entretien d'embauche raté qui va modifier le cours de sa vie. Mère au foyer, timide et transparente, elle tente de se faire croire que travailler va changer son horizon. Ce nouvel échec va comme la tétaniser. Sur le quai de la gare, elle regarde son train partir. Le grain de sable a grippé la machine. Lulu va faire un break, appuyer sur la touche « pause » pour figer ce temps. Pas facile pour cette femme qui n'aime plus son mari mais qui est essentielle à ses trois enfants, Morgane, une adolescente énervée comme on peut l'être à 15 ans et deux jumeaux, encore trop jeunes pour se rendre compte de l'absence de leur maman. Dans cette ville de bord de mer, Lulu prend une chambre d'hôtel, regarde la plage de la fenêtre, utilise les crèmes fournies avec le shampooing et le dentifrice. Seule dans la petite salle de bain, elle se regarde dans la glace. Une scène lumineuse, où l'actrice parvient à faire passer toute la détresse d'une femme face à son image. On se rêve belle, on se voit vieille.

Le barbu bourru
lulu 1.jpgL'escapade de Lulu n'aurait du durer qu'une nuit. Juste le temps de se faire désirer. Mais une rencontre va tout changer. En bord de mer, elle se précipite au secours de Charles, un barbu bedonnant bourru qu'elle croit mort. En fait il fait semblant. « C'est important de savoir faire le mort » explique ce drôle de personnage joué par Bouli Lanners, acteur belge tout en retenue. Comme Lulu, Charles a une famille. Deux frères, parenthèse agitée du film de Solveig Anspach, sorte de gardes du corps à l'insu de son plein gré. Et si Lulu décidait d'être heureuse ? Durant quelques jours elle va se laisser porter par cette romance toute nouvelle pour elle. Certes elle n'oublie pas ses enfants, mais s'occuper d'elle lui semble plus vital sur le moment. Sur la route de la liberté, Lulu va faire d'autres rencontres. Une vieille dame (Claude Gensac) qui a peur de mourir seule et une jeune serveuse dans un bar manquant de confiance. Lulu semble se reconnaître en elles. Elle va les aider, montrer qu'elle aussi, même si elle n'a pas de travail, peut être utile.
Le film, fidèle à la bande dessinée d'Étienne Davodeau parue chez Futuropolis, montre la lente maturation d'une femme revenant à la vie. Étouffée par le quotidien, elle redécouvre son corps, ses sensations, ses envies. Karin Viard, impeccable de bout en bout, porte cette métamorphose. Empruntée au début, épanouie au final : Dieu que Lulu est belle.

mercredi 22 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Ça l'affiche mal pour les municipales (1)

Dans quelques semaines, vous aurez la lourde tâche de désigner le maire de votre commune. Élection locale par excellence, on assiste à une multiplication des listes. Autant de slogans et d'affiches de campagne. Un site internet, Municiplol2014 recense les contributions les plus décalées, ratées voire extraterrestres.
A tout seigneur, tout honneur : Jean-Antoine Moins se présente à Aurillac. Il part à l'assaut de la préfecture du Cantal sous le slogan imparable : "Faire plus avec Moins".
municipales, bourges, clémentaine, aurillac, plus, moins, politique, affiche
Le duo Véronique Fenoll-Alain Tanton présente sa liste "Bourges à cœur" dans un clip très bisounours. Dans un long plan séquence, les deux candidats arrivent, s'embrassent, puis sont rejoints par les 40 colistiers qui s'embrassent ou se serrent les mains durant trois longues minutes. Une profusion de bisous avec la chanson de Grégoire "Toi plus moi" en fond. Et pour finir, ils forment tous le signe cœur avec leurs mains. Impossible de faire plus lol (et ridicule…).



A gauche aussi on ose "l'image imagée" : Clémentine Autain pour le Front de Gauche tente de conquérir Sevran. "Une clémentine pour Sevran… des vitamines pour les Sevranais !"
municipales, bourges, clémentaine, aurillac, plus, moins, politique, affiche
Si vous avez la chance d'avoir un de ces hurluberlus candidat dans votre commune, n'hésitez pas à voter pour lui : les assesseurs chargés du dépouillement n'ont que rarement l'occasion de rire les soirs d'élection.
(1) : Pour traiter de politique dans cette chronique, je m'impose désormais de titrer avec un jeu de mot éculé. Pas par goût (bien que…), simplement pour me mettre au niveau des belligérants.

BD : Les vacanciers temporels passent par l'agence Quanta

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Jean-Marc Krings, dessinateur belge passé par le studio de Dupa (Cubitus), repreneur de la Ribambelle (Roba) et de Violine, aime par dessus tout dessiner les jolies femmes. Ses productions, jusqu'à présent très enfantines, ne lui ont que peu donné l'occasion de montrer son talent. Il a donc décidé de lancer sa propre série, avec pour héroïne une superbe métisse de 20 ans, Iona, surnommée la Fée clochette. Il semble avoir privilégié les scènes où la belle, telle une Natacha exotique, affole les sens de ses prétendants. Et elle n'en manque pas (on apprécie au passage le clin d'œil à une affaire retentissante dans un hôtel new-yorkais). Mais Iona est en réalité une visiteuse du temps. Elle sert de taxi à de riches touristes désireux de vivre des vacances extraordinaires. Le premier album, centré sur l'Agence Quanta et Iona, n'offre que peu de sauts dans le passé. Ce sera pour le prochain volume intitulé « Krakatoa ».

« Agence Quanta » (tome 1), Vents d'Ouest, 11,50 €

mardi 21 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Histoires de familles entre frères et sœurs

beigbeder,léotard,nkm,politique,cinémaIl est des noms difficiles à porter. Ce week-end à la radio, Charles Beigbeder, candidat dissident à la mairie de Paris, a tenté de parler de son projet modestement appelé « Paris libéré ». Tenté car l'intervieweur a surtout parlé de ses relations avec son frère, Frédéric, l'autre célébrité de la famille. Ils ont à peine une année d'écart mais des parcours radicalement opposés.
Frédéric, saltimbanque exubérant, habitué des nuits agitées de la jet-set, écrivain talentueux, a mille fois plus de charisme que Charles. Ce brillant entrepreneur, créateur (et revendeur) d'entreprises, ponte du patronat, incarne une certaine droite libérale qui n'arrivera jamais à être séduisante malgré les séances d'UV pour garder le bronzage des Maldives.

Beigbeder : "Hidalgo, c'est je dépense donc je... par Europe1fr
Un tandem du même genre marque les années 1980. Alors que Philippe triomphe au cinéma, François devient ministre. Les Léotard connaissent leur heure de gloire. Philippe sombre dans l'alcool et la drogue. François abandonne définitivement la politique pour devenir... écrivain.
Paradoxe, Charles Beigbeder se porte candidat à Paris après une brouille avec Nathalie Kosciusko-Morizet, elle aussi en concurrence avec un frère sur le plan médiatique. Pierre Kosciusko-Morizet, comme Charles Beigbeder, est un patron en vue. Il a créé PriceMinister, le site de vente en ligne. Mais lui ne s'intéresse pas à la politique. Il la laisse à sa sœur, qui la tient de leur père, ancien maire de Sèvres.
« Fils de... », « frère de... » ou « femme de... » reste un maître atout en France.
édit : Oublié de parler des Soral. Des collègues m'ont rapporté le cri du coeur d'Agnès Soral ce week-end sur Canal+, désespérée des prises de position de son frère, Alain, "intellectuel" de la catégorie dieudonnesque : "Je suis contre le système donc je hais les Juifs !" 

BD : Braquage et conséquences dans "Succombe qui doit"


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« Succombe qui doit », BD de Ozanam (scénario) et Rica (dessin) a des airs de thriller à la Tarantino. Quatre jeunes braquent une banque. Cela tourne mal. Ils trouvent refuge dans une casse auto. L'un d'entre eux est blessé. Sur place, il n'y a que José, le patron. Un ancien boxeur très désabusé. Ce huis-clos va aller crescendo dans la violence. Entre le blessé qui agonise, sa copine qui pique une crise de nerf et un des braqueurs qui se la joue de plus en plus « exterminateur », le sang coule, gicle même. Pour couronner le tout, José ne se laisse pas faire. Ses anciens réflexes de frappeur font des dégâts, mais cela ne suffit pas. Viendront pour compliquer encore les choses les sbires du commanditaire du braquage et un journaliste curieux, persuadé que raconter la déchéance de Laser Joe, roi de l'uppercut lui fera gagner des lecteurs. C'est violent. Surprenant aussi, Ozanam parvenant dans un rebondissement parfaitement amené à redistribuer les cartes entre « méchants », « très méchants » et « odieux »...

« Succombe qui doit », Casterman, 18 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Dakar, terminus

Dakar, sabine, balavoine, amériqueAvez-vous vu la fin du « Dakar » ce week-end ? Je pose la question car le rallye-raid a beaucoup perdu en visibilité depuis quelques années. La faute à cet exil sur des terres australes américaines. Impossible de s'identifier à des aventuriers si lointains. Avant, le départ se faisait de Paris dans la froidure de l'hiver. Les concurrents filaient vers le sud et le soleil, traversaient la France en n'écrasant que hérissons et chats errants. Les vaches (voire les gamins) c'était un peu plus loin, dans le désert. L'arrivée, sur une immense plage au bord de la mer, représentait la promesse de vacances bien méritées.
Cette déferlante d'engins pétaradants, tel un nuage de sauterelles sur un champ de mil, a éveillé bien des consciences à l'humanitaire. Daniel Balavoine en a profité pour alerter les Européens sur la misère des Africains. Un crash d'hélicoptère plus tard, la famine a laissé la place aux islamistes chez des villageois définitivement maudits. Le « Dakar » course était un endroit où il fallait être vu. Johnny Hallyday y a participé. Après coup, on se dit que peut-être il s'agissait simplement d'une belle occasion pour sortir de France quelques valises pleines de billets cachés sous des blousons de cuir soigneusement pliés.
Et puis la course comptait toujours un ou deux morts. Les journalistes faisaient, des trémolos dans la voix, la nécrologie « de ces amateurs sans qui le rallye ne serait jamais aussi beau ». Alors qu'en fait, se tuer sur de l'asphalte à 3 km du foyer familial ou sur une piste en terre à des milliers de kilomètres, c'est du pareil au même du point de vue de la veuve et des orphelins.

lundi 20 janvier 2014

BD : les "Cobayes" doivent avaler la pilule


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Avant d'être autorisé, tout médicament doit être longuement testé pour en déterminer la véritable efficacité et surtout ses possibles effets secondaires. Tonino Benacquista raconte dans ce roman graphique l'expérimentation d'un nouveau antidépresseur. Dans la dernière ligne droite, trois « cobayes » sont sélectionnés. Deux hommes et une femme. Ils semblent normaux mais cachent des blessures secrètes. L'un, à la limite de l'obsédé sexuel, est en fait minable au lit. L'autre, au chômage, a de graves troubles de la mémoire. La fille, une jeune étudiante indienne, fait croire à ses parents qu'elle suit des cours aux Beaux-Arts de Paris, école dont elle a raté trois fois le concours... Durant 21 jours ils vont rester enfermés, comme des animaux de laboratoire scrutés par les chercheurs. Si au niveau physique, tout se passe bien, les conséquences du médicament va bouleverser leurs personnalités. Dessinée par Barral, cette BD va très loin dans la dénonciation des recherches pharmaceutiques. Et elle pose avec intelligence la problématique des drogues, notamment celles qui sont légales.

« Les cobayes », Dargaud, 17,95 €

dimanche 19 janvier 2014

Livre : Andréï Makine écrit sur un soldat oublié

La guerre de Jean-Claude Servan-Schreiber a duré 6 ans. De la débâcle à la Libération, parcours d'un Français d'exception sous la plume d'Andréï Makine.

servan, schreiber, andrei makine, grasset, guerre, charTout commence après la publication du livre « Cette France qu'on oublie d'aimer ». Dans cet essai, Andréï Makine, Russe écrivant en français, s'indigne de la perte de certains repères dans son pays d'adoption. Dans tout le courrier reçu, Andréï Makine remarque la lettre de Jean-Claude Servan-Schreiber, 88 ans, « médaille militaire à Dunkerque en 1940, débarqué le 16 août 1944 à La Nartelle à la tête de mon peloton de chars et terminé en Bavière à la frontière autrichienne en mai 1945. » Le lecteur invite l'écrivain à partager un whisky et termine sa missive par cette formule : « Je suis petit-fils de juifs allemands immigrés en 1877, et fier de m'être battu pour mon beau pays. » Cette rencontre a eu lieu. Le courant est passé entre les deux hommes. Ce livre en est la plus belle preuve.
Le lieutenant Schreiber a tout du personnage de roman. A peine âgé de 20 ans, il est aux premières loges quand les Allemands foncent sur la France. Il se battra, risquera souvent sa vie pour tenter de faire passer les ordres d'unités en unités. Sur sa moto, il sillonne le front, passant parfois derrière les lignes ennemies. Il ne sera que blessé alors que nombre de ses compagnons d'armes perdront la vie.

Antisémitisme
Arrive alors l'événement qui va bouleverser sa vie. Converti au catholicisme mais d'origine juive, il est exclu de l'armée française. Une injustice qui le poussera à quitter le pays et rejoindre les forces libres en Afrique du Nord, après un long passage en prison en Espagne. Ensuite il libèrera ce pays qu'il aime tant.
Entre le vieil homme et l'écrivain, une complicité s'instaure. Et le romancier de trouver trop injuste que cet homme, qui s'est battu durant 6 années, tombe dans l'oubli. Il lui glisse l'idée de raconter sa guerre, sa vie. Une bonne partie du livre raconte les difficultés quasi insurmontables qu'ils doivent affronter pour que le livre soit édité. Dans ces années 2000, la vie d'un soldat ne semble plus intéresser personne. D'un patriote encore moins. Et quand enfin l'autobiographie du Lieutenant Schreiber est disponible en librairie, c'est pour passer totalement inaperçue entre des romans estivaux et les considérations footballistiques de la coupe du Monde...
Paradoxalement, c'est Andréï Makine qui vit le plus mal cet échec. Il ne supporte pas cette indifférence. Et c'est certainement pour cela qu'il a décidé de le raconter dans ce livre. L'occasion de donner une nouvelle fois la parole au lieutenant Schreiber si clairvoyant quand il parle de la guerre : « La guerre est un sacré condensé du monde. La mort, l'instinct de survie, la haine, l'amour, la chair, l'esprit – le soldat a la chance de sonder tout cela jusqu'au fond et en très peu de temps. Et s'il n'est pas idiot, il apprend des choses essentielles ! » Encore une fois, merci à Andréï Makine de permettre à ce militaire français d'exception de sortir de l'oubli. Que ces leçons ne se perdent jamais dans les méandres de l'édition.
Michel Litout

« Le pays du lieutenant Schreiber », Andréï Makine, Grasset, 17 €

samedi 18 janvier 2014

De pire en pire

gerard, razzie, nabilla, aram, morandini
En début de semaine, tranche de rire assurée avec la cérémonie de remise des Gérard de la télévision. Les trublions du petit écran ont mis en exergue le pire du pire du PAF et de son irrésistible "mieux-disant culturel".
Parmi les triomphateurs de l'édition 2014 on retrouve les habituelles têtes de Turc comme Jean-Pierre Pernaut ou Jean-Marc Morandini, une nouvelle qui n'a pas fait long feu, Sophia Aram et la star du moment Nabilla. Le happening télévisuel intitulé "Allô Nabilla" a reçu le "Gérard du projet d'émission jeté aux chiottes par toutes les chaînes, mais apparemment les canalisations débouchent chez NRJ 12".
A noter qu'ils ne sont plus que deux à présider au dézingage en règle des daubes cathodiques. Le troisième larron, Arnaud Demanche, a pris son indépendance pour devenir... chroniqueur dans la nouvelle émission de Laurent Ruquier. Ses anciens collègues risquent de lui réserver une catégorie personnalisée pour la prochaine édition.
Hilarants, ces Gérard (qui se déclinent aussi pour le cinéma) ne sont que la transposition française des Razzie Awards américains remis la veille des Oscars. Les nominations viennent d'être rendues publiques et toute la finesse réside dans la présentation succincte des films retenus. "Copains pour toujours 2" est qualifié de "vacances d'été déguisées en film", alors que "A Medea Christmas" est le "37e film avec un homme déguisé en femme".
Vivement les Gérard de la politique et le triomphe de qui vous savez dans la catégorie "homme politique qui paraît tout mou mais qui sait être dur quand il faut."
Chronique "De choses et d'autres" parue ce samedi en dernière page de l'Indépendant

BD : Les manœuvres de Pinkerton


guérin, damour, pinkerton, lincoln, amérique, glénat
L'agence Pinkerton a beaucoup fait pour la sécurité des USA. Alors que l'Ouest sauvage était gangréné par les méfaits de bandes de voyous, voleurs de grands chemins et autres agités de la gâchette, les frères Pinkerton ont eu la lumineuse idée de proposer leurs services au gouvernement fédéral. Une sorte de police privée qui parfois avait des méthodes encore plus limites que les truands quelle mettait hors d'état de nuire. Mais au pays de l'efficacité maximum, seul le résultat compte. C'est un peu la face sombre de ces célèbres détectives que Guérin, le scénariste, met en lumière. Le second tome, après une ouverture nerveuse et musclée (classique attaque de train parfaitement dessinée par Damour), se concentre sur le dossier Abraham Lincoln. Récemment élu, le grand homme est déjà détesté par beaucoup. Quand Pinkerton apprend qu'un complot est en train de se tramer, il propose ses services au futur président des États-Unis. Une façon aussi de mettre un pied dans le cercle fermé du pouvoir et de faire de Lincoln son obligé. Une machination machiavélique, même si c'est pour la bonne cause...

« Pinkerton » (tome2), Glénat, 13,90 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Monseigneur se fait rare

Le pape François ravale la façade d'une église en pleine décrépitude. Il multiplie les petites révolutions. La dernière en date va faire grincer bien des dents dans la hiérarchie catholique. Non, il ne recommande pas l'utilisation du préservatif pour enrayer l'épidémie de sida en Afrique. Il ne revient pas encore sur le célibat des prêtres. Pas la moindre avancée dans le dossier de la pédophilie.
François, après avoir suscité de grands espoirs chez les progressistes, s'attaque à la marge. Une dépêche de l'Agence France Presse annonce que "le titre de "monseigneur" sera désormais moins couramment accordé au sein de l'Église catholique, conformément au désir du pape de lutter contre une Église mondaine et le carriérisme". Désormais il y aura moins de "Monseigneur" claironné par des ouailles dévotes sur le ton d'un Yves Montand flattant Louis De Funès atteint de "La folie des grandeurs" d'un "Monseigneur est le plus grand, monseigneur est beau".
L'AFP de préciser qu'il s'agit "d'un premier pas, de la part d'un pape qui entend réformer l'Église prudemment mais de manière déterminée." Je ne sais pas s'il a la détermination. Pour la prudence, pas de doute ! Dans le genre révolution de palais, on fait difficilement mieux.
La crise des vocations en Europe ne risque pas d'être résorbée de cette façon. Les ambitieux ne pourront même plus rêver de gravir les échelons quatre à quatre par manque de concurrents. Car l'église ressemble de plus en plus à une armée mexicaine : beaucoup de généraux (Monseigneur) et de moins en moins de soldats (curés)...
Chronique "De choses et d'autres" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

vendredi 17 janvier 2014

BD : Attractions monstrueuses à Zombillénium

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Rien ne va plus dans le parc d'attractions Zombillénium. Cette zone de distraction est animée par des démons, vampires, sorcières, zombies et autres monstres sous la domination du puissant Béhémoth. Mais ce dernier, en bon capitaliste infernal, trouve que les résultats du parc ne sont pas assez rémunérateurs. Il demande au vampire Bohémond Jaggar de Rochambeau de redresser l'activité. Ce Bohémond est une caricature du jeune loup dynamique prêt à tout pour obtenir des résultats. Il a les dents longues. Dans tous les sens du terme... L'arrivée de ce tenant du libéralisme va faire quelques vagues dans le parc qui fonctionne surtout comme une petite famille. Première victime Francis, le créateur du parc, poussé sur la touche. Arthur de Pins, le créateur de la série, parvient à renouveler l'intérêt de cette histoire au long cours. Le changement d'orientation du parc n'occulte pas les déboires des autres personnages. Comme Gretchen, le plantureuse sorcière, toujours à la recherche d'un moyen pour entrer en contact avec sa mère bloquée aux Enfers. Ou Aurélien, le DRH, démoniaque quand il est en colère. Il ne supporte plus ce boulot et pète les plombs.

« Zombillénium » (tome 3), Dupuis, 14,50 €

jeudi 16 janvier 2014

Cinéma : Trop d'amour tue l'amour

Mathieu Amalric, est un don Juan dépassé par les événements dans « L'amour est un crime parfait », thriller lumineux et glacial des frères Larrieu.

larrieu, amalric, sara forestier, maiwenn, karin viardUn homme, trois femmes. L'affiche du film de Jean-Marie et Arnaud Larrieu annonce la couleur. Le personnage principal, professeur de littérature dans une université, est tiraillé entre toutes ces femmes qu'il attire tel un aimant. Marc, interprété par Mathieu Amalric, tente de survivre entre sa sœur (Karin Viard), la belle-mère d'une de ses conquêtes (Maïwenn) et une étudiante idolâtre (Sara Forestier). Trois femmes omniprésentes tout au long du film et une quatrième, Barbara, entraperçue dans les premières minutes. Étudiante brillante, elle est aussi amoureuse de son prof. Marc accepte de la ramener chez lui, dans son chalet en altitude, isolé derrière des murs de neige. Quelques jours plus tard, le campus bruisse de rumeurs. Barbara a disparu.

Thriller machiavélique
Les frères Larrieu n'ont pas réalisé une comédie sur l'appétence sexuelle d'un homme dans la force de l'âge (pour ça, pas la peine de fiction, l'actualité suffit largement...) mais un thriller machiavélique dans lequel Marc passe de la victime au bourreau. Le récit, totalement subjectif, suit les errances de Marc. Dans son université ultra design, entre guerre de pouvoir avec son collègue et jeu de la séduction avec les étudiantes. Dans son chalet, avec la présence lancinante et pesante de sa sœur Marianne, célibataire désenchantée noyant ses échecs dans l'alcool.


Et puis arrive Anna. Interprétée par Maïwenn, excellente dans le registre mystérieuse et obstinée, Anna est la belle-mère de Barbara. Elle a décidé d'enquêter sur la disparition de la fille de son mari, un militaire en mission en Afrique. Elle demande à Marc de lui parler de Barbara qu'elle ne connaissait pas bien, elle l'avoue. Elle reviendra souvent à l'université. Au point que tout le monde est persuadé qu'elle entretient une relation avec Marc. Le prof de littérature est réputé pour ses multiples conquêtes. D'ordinaire, il pioche dans son « cheptel » d'étudiante. Mais avec Anna, c'est différent. Il repousse les avances de la belle-mère avant de céder. Une fois de plus. Une fois de trop...
Adapté du roman « Incidences » de Philippe Djian, « L'amour est un crime parfait » (titre dont la signification est dévoilée en fin de film, et cela vaut le coup) a pris quelques libertés avec le texte original. On regrette le rôle un peu effacé de Marianne la sœur, plus fort dans le roman. Karin Viard signe une composition honnête mais sans plus. Par contre toute la jeunesse et la fougue de Sara Forestier font merveille dans le rôle d'une fille à papa déterminée à accrocher un professeur d'université sur son tableau de chasse. Quant à Maïwenn, la troisième face féminine de ce triangle amoureux, elle a le rôle le plus compliqué, tout en retenue et interrogations. On retrouve aussi dans le film les ambiances caractéristiques des œuvres des frères Larrieu, amplifiées cette fois par les paysages déserts et enneigés des Alpes. Un blanc cru et aveuglant, comme l'amour.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Quand Justin Bieber casse un œuf...

justin, bieber, cocaïne, oeufs, plainteDe la cocaïne chez Justin Bieber ! "Incroyable !" s'exclament en chœur ses millions de fans. Pourtant c'est bien la seule information à peu près crédible dans le compte-rendu de la perquisition de la police américaine dans son domicile de Calabasas, une banlieue aisée de Los Angeles.
Les forces de l'ordre ne sont pas à la recherche d'un dangereux toxicomane ou d'un redoutable dealer. En fait, la patrouille se rend chez Justin Bieber pour mettre la main sur un chenapan qui a balancé des œufs chez les voisins. Il est comme ça Justin. Il a beau être majeur (19 ans) et multimillionnaire, il a gardé une âme d'enfant. Sa voisine l'a appris à ses dépens. On ne sait pour quel motif, il lui est pris d'une subite envie de jeter des œufs sur la façade de la maison d'à côté. La propriétaire dépose plainte et évalue les dégâts à 20 000 dollars, il n'y a pas de petits bénéfices. "Cela fait cher le shampoing" me glisse un 'bogoss' expert en soins capillaires. La police débarque donc chez Justin pour y trouver des preuves de la provenance des projectiles.
J'imagine la scène : pendant que certains explorent le réfrigérateur à la recherche de traces ADN, d'autres se concentrent sur les chambres. Ils découvrent quelques poules. Mais ce ne sont pas des pondeuses. Finalement c'est Kevin, apprenti policier, qui tire le gros lot. Il s'occupe d'une partie du salon. "Chef, j'ai pas trouvé d'œufs, mais y'a de la farine sur la table basse." Voilà comment quelques œufs risquent de faire capoter la carrière de l'idole mondiale des jeunes filles prépubères. Moralité : qui casse un œuf, ne fait plus de bœuf.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant. 

mercredi 15 janvier 2014

BD : Épreuves d'adultes avec Jim et Tefenkgi

Tefenkgi, jim, bamboo, grand angle
Jim, dessinateur prolifique de BD comiques dans l'air du temps, change de casquette dans ce roman graphique. Il se contente d'écrire le scénario, l'illustration des interrogations existentielles de cette bande de trentenaires est confiée à Alex Tefenkgi. Hugo a une compagne et une petite fille. Il est en plein doute. Au niveau professionnel il stagne. Et surtout il vient de perdre son meilleur copain, Fred. Ce dernier a joué un très mauvais sketch à ses potes. Une lettre d'adieu et une boite de médocs... Quelques mois plus tard, Hugo n'a toujours pas réussi à effacer le numéro de Fred dans le répertoire de son téléphone portable. Et parfois, la nuit, il compose le numéro. Pour avoir des réponses. Pourquoi il est parti ? Pourquoi plus rien ne tourne rond ? Le dessin réaliste et épuré de Tefenkgi sert cette histoire de grands gamins incapables de passer à l'âge adulte. Car la vie de Hugo est plus compliquée qu'il n'y paraît, comme s'il jouait à plusieurs jeux vidéos en même temps sur différentes consoles...

« Où sont passés les grands jours ? », (tome 1), Bamboo Grand Angle, 13,90 €

mardi 14 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Foot, cinéma, ils sont "accros" aux récompenses

lawrence, ribéry, ronaldo, golden globes
Ils ont tout et même plus. Cela ne leur suffit pas... Obtenir une récompense semble parfois plus important que la satisfaction du travail bien fait ou la reconnaissance du public. Personne n'est épargné, des laudateurs de la paix avec le Nobel aux artistes (Goncourt, Oscars) en passant par les sportifs avec l'attribution hier du Ballon d'or.
Dans ce dernier cas, la « compétition » opposait Messi, Ronaldo et Ribéry. Trois footballeurs qui n'ont pourtant pas besoin d'une ligne supplémentaire sur leur palmarès déjà bien rempli. Encore moins de ce titre honorifique pour gonfler leurs émoluments. De toute manière si l'on rajoute un zéro de plus à leurs salaires, il faudra créer des chèques spéciaux beaucoup plus larges que la version classique (à l'opposé, un simple post-it® suffit pour le salarié de base...).
De plus, pour recevoir le trophée, le gagnant devra porter un costume et dire quelques mots, deux conditions qui ne mettront pas le vainqueur à son avantage. Surtout si c'est Ribéry. Ronaldo a une certaine prestance en smoking. Mais l'immense majorité de ses fans féminines le préfère en boxer.
Le milieu du cinéma n'est pas en reste. Dimanche soir, les Golden Globes ont fait office de galop d'essai pour les Oscars. Et toujours des étoiles dans les yeux des gagnants. Même pour Jennifer Lawrence, meilleur second rôle féminin dans la comédie « American Bluff » (phto ci-dessus). Un petit prix, mieux que les dizaines de millions de spectateurs de la saga « Hunger Games » dont elle tient le rôle principal...

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépépendant

BD : New York, jouet de Robert Moses

Christin, Balez, new york, robert moses, glénat
Derrière chaque ville se cache un mentor, un penseur. Si Paris ne serait pas Paris sans les grands travaux de Haussmann, New York doit beaucoup à Robert Moses. Moins connu car beaucoup plus discret, il a pourtant régné sur la ville durant des décennies, construisant plus de 150 000 logements, des ponts et quasiment toutes les autoroutes. Il toujours su profiter de l'argent public pour aménager l'habitat urbain de façon progressiste. Les plages publiques, les piscines et les centaines d'aires de jeu font également partie de ses réalisations. Le parcours étonnant de ce riche juif foncièrement Américain est raconté par Pierre Christin. Le scénariste de Valérian est aussi un grand spécialiste des USA. Il ne romance pas l'existence de R. Moses, mais sa science de la mise en scène rend cette BD aussi passionnante qu'instructive. Au dessin, Olivier Balez, délaisse pour une fois la bio d'artiste (Le chanteur sans nom, Dominique A) pour celle d'un industriel visionnaire. Il y montre toute sa technique a reproduire des ambiances urbaines, des années 20 à nos jours.

« Robert Moses, Le maître caché de New York », Glénat, 22 euros

lundi 13 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Du sex-appeal du scooter et du casque de François Hollande

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Mille mercis M. le président ! Vos frasques extraconjugales mettent en exergue un fait qui m'enchante : pour emballer une actrice, rien ne vaut le sex-appeal d'un scooter et d'un casque intégral. Des nuits entre le premier personnage de l'Etat et la jolie Julie, Closer ne montre rien. Pour fantasmer, le magazine people n'offre à ses lectrices et lecteurs qu'un mystérieux homme casqué et en scooter.
Il se trouve que je ne me déplace qu'en scooter. Certes je n'ai pas de garde du corps chauffeur, mais la frime en deux-roues, ça me connaît. Comme j'ai en plus l'insigne honneur de ne guère être plus grand que le président et ne pas avoir un corps gracile (version politiquement correcte du sobriquet gros patapouf), impossible d'éviter le transfert. Et me voilà, au guidon de mon 50 cm3, à m'imaginer séduire mes idoles sur grand écran. Si Julie Gayet n'a jamais attiré mon attention, et encore moins Carla Bruni, j'espère de tout mon cœur que Marina Foïs, Valérie Lemercier ou Valérie Bonneton (mon trio de tête dans la catégorie actrices belles, intelligentes et ne se prenant pas au sérieux) sont sensibles au bruit du moteur deux- temps.
Et quand Hervé Morin de l'UDI prétend au micro de RTL que "Hollande a un peu plus discrédité la fonction présidentielle avec son casque et sa mobylette", c'est qu'il n'a rien compris. Car pour ne rien vous cacher, c'est en ramenant chez elle ma future épouse, à l'arrière de mon scooter voilà presque 20 ans, que notre histoire d'amour a véritablement commencé.

Livre : De la courtoisie à l'amour dans "Les amants" de Joël Schmidt

Le roman « Les amants » de Joël Schmidt est une transposition de l'amour courtois moyenâgeux à notre époque.

amants, amour, courtois, Joël Schmidt, albin michelRoman érudit mais dérangeant, « Les amants » de Joël Schmidt a pour but de faire découvrir les richesses de l'amour courtois du Moyen âge. L'originalité du propos tient dans le fait que le texte n'est pas historique. Il se passe de nos jours et montre toute la difficulté d'être différent dans un monde moderne.
Le narrateur, Johann, médiéviste émérite, débarque dans une petite ville de province. Nommé professeur de lettres dans un khâgne, il est toujours célibataire malgré sa cinquantaine bien tassée. Il a eu des compagnes, des maîtresses, des conquêtes... mais jamais l'amour absolu dont il rêve.

Aurore, la belle
Johann est un romantique éthéré. Il se réserve pour la Belle qui comprendra sa démarche. Coup de foudre à la rentrée scolaire. Ce sera Aurore, une de ses étudiantes. 19 ans, fille de très bonne famille, intelligente et vierge. Quand elle quitte la classe, Johann a « le temps d'admirer la blancheur de sa peau, ses jambes élancées et moulées dans des bas résille noirs dont une jupe courte dévoile les cuisses. » L'amour courtois et ses 31 codes est à l'opposé de l'amour platonique. Il y a certes toute une partie de cour chaste et respectueuse, mais c'est aussi l'occasion de pleinement profiter des joies de la chair, de tous les excès des sens et du corps.
amants, amour, courtois, Joël Schmidt, albin michelLe roman de Joël Schmidt, comme le code ancestral, est très progressif. Le professeur va mettre en place toute une stratégie pour conquérir la jeune fille. « Je sais que c'est par ces codes que j'atteindrai le cœur d'Aurore, que c'est le première étape pour l'entraîner avec moi, après l'avoir capturée dans la nasse de mon imaginaire. » Malgré la différence d'âge, Johann va se faire aimer d'Aurore et accepter par des parents trop modernes pour être honnêtes. Ils se marieront et pourront alors consommer cet amour.

Jusqu'à la mort
Le malheur de Johann, c'est qu'il sait parfaitement que cela ne peut que mal finir. Il existe un code qu'il ne faut jamais respecter, un code rajouté par l'Église pour détruire le bel ensemble. Il fait tout pour l'éviter, mais Aurore cède au besoin impérieux de respecter l'ordre, d'aller au bout du bout. Il la perd. Mais va pouvoir la reconquérir. Cela se passera dans des caves, hors du temps, des bas-fonds de Nuremberg. Là, il va participer à une de ces orgies signe de la grande liberté des codes, « mélange de douleur et de plaisir qui nous ont tant frappé Aurore et moi au cours de tous les avatars de notre amour. » Pour l'auteur l'amour courtois est le symbole malheureusement oublié de cette renaissance médiévale « où la femme prend des droits qu'elle n'a jamais eus et où l'homme accepte de souffrir pour elle jusqu'à la mort. » Un amour fou qui conduit inéluctablement à la folie.
Michel LITOUT

« Les amants » de Joël Schmidt, Albin Michel, 16 €

dimanche 12 janvier 2014

Livres : cinéma et fourmis

1001 films
1001 films, trilogie fournis, livre de poche, omnibus, werberLe titre exact du livre est « 1001 films à voir avant de mourir ». Il va de soi que cet exploit est quasiment irréalisable. Pour preuve ils se sont mis à plusieurs pour rédiger ce pavé de 1000 pages tout en couleur et pesant plus de 2 kilos... Le jeu c'est de lister ceux que l'on a vu. Un cinéphile averti en a certainement vu plus de 200. Le consommateur lambda de 7e art se contente d'une petite centaine. Donc on a envie de piocher dans cette liste qui semble sans fin. Comme elle est classée par année, on peut également voir l'évolution des modes au fil des décennies. Bref, un livre à prendre par tous les bouts, à garder à porter de main pour savoir si un de ces 1001 films ne serait pas rediffusé à la télé. (Omnibus, 33 €)

La trilogie des fourmis
1001 films, trilogie fournis, livre de poche, omnibus, werberSi Bernard Werber est un des romanciers français les plus publiés de par le monde, il le doit beaucoup à la trilogie des fourmis. Le Livre de Poche propose la réédition en un seul gros volume de 1400 pages de ce classique de la SF. En bonus, car c'est Noël, une planche de stickers !

(Le Livre de Poche, 18,90 €)





samedi 11 janvier 2014

BD : Cath et son chat en vacances

carth, chat, bamboo, cazenove, richez, yrgane ramon
Les chats ont pris le pouvoir. Ils sont partout sur le net et investissent de plus en plus la BD. Terminés les beaux rôles pour les Rantanplan, Cubitus, Idéfix et autres Milou. Leurs ennemis héréditaires sont les rois du moment. Prenez par exemple la série « Cath et son chat » écrite par Cazenove et Richez et mise en images par la jeune et talentueuse Yrgane Ramon. Si la fillette, vivant seule avec son père, est la vedette officielle, Sushi, son matou, est le ressort comique ultime de quasiment tous les gags. Que cela soit avec la chatière, une balle en caoutchouc ou une imprimante, il a toujours des réactions décalées et hilarantes. Une bonne partie de l'album conte les vacances de la famille dans un camping. Et bien entendu, pas question de laisser Sushi seul à la maison. Il est donc du voyage. Pour le plus grand malheur des tentes des autres campeurs, peu résistantes face aux griffes d'un chat fou... Simples et efficaces, ces gags plairont à toutes les générations, le dessin de Ramon étant moderne tout en affichant des influences nettes des dessins animés des années 70.

« Cath et son chat » (tome 3), Bamboo, 10,60 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Tremblez bonnes gens, Fantômas est de retour


Tremblez bonnes gens, Fantômas est de retour. Il va sévir cette nuit sur Arte. La chaîne entend célébrer le centenaire de la première guerre mondiale. Et avant de plonger les téléspectateurs dans l'enfer des tranchées, elle propose ce week-end une programmation consacrée à l'avant-guerre, notamment autour de la culture. C'est dans ce cadre que Fantômas va débarquer sur les écrans. Pas celui des films d'André Hunebelle avec Jean Marais et Louis de Funès. Non, le Fantômas choisi par Arte est la version muette et en noir et blanc de Louis Feuillade. Après un documentaire pour présenter le personnage imaginé par Pierre Souvestre et Marcel Allain, vedette de 32 romans, diffusés sous forme de feuilletons dans les meilleurs journaux, vous pourrez replonger dans l'ambiance d'époque avec les 5 films de la saga datant de 1913 et 1914. Durant la nuit de samedi à dimanche, tremblez face à "Fantômas à l'ombre de la guillotine", "Fantômas contre Juve" et "Le mort qui tue". Dans la nuit de dimanche à lundi, prolongez le cauchemar avec "Fantômas contre Fantômas" et "Le faux magistrat". Ces chefs-d'œuvre du cinéma populaire sont diffusés dans une version restaurée et agrémentée d'une musique de Yann Tiersen.



Le méchant absolu, masqué et sans pitié, est pour certains l'ancêtre des super-héros, version maléfique. Un personnage à jamais ancré dans la mémoire collective. Il inspire même la nouvelle génération avec la sortie (le 17 janvier) du second tome de "La colère de Fantômas", BD de Bocquet et Rocheleau aux éditions Dargaud.

vendredi 10 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Séparation de biens

couple, mari, femme, mariage
On a beau s'aimer, il n'est pas obligatoire de tout partager. L'Insee, selon une récente étude, souligne le recul du mariage et la hausse du régime de la séparation de biens. Cette tendance est beaucoup plus généralisée qu'on ne le croit. Des années de vie commune n'empêchent pas les petites mesquineries égoïstes.
Quelques exemples pour savoir si votre amour est véritablement payé de retour. Madame, si l'homme avec qui vous partagez votre quotidien hésite toujours à vous prêter sa voiture, n'y voyez pas une cause de divorce. C'est personnel une voiture. Et puis quand vous la rendez il doit à nouveau régler le siège, les rétroviseurs et faire le plein... De toute manière, il ne la prête pas à sa maîtresse non plus. Pas de jalouses. Si de plus il ne vous autorise pas à utiliser sa carte bleue, ce n'est pas par défiance. Il applique simplement ses convictions politiques. Non, la France ne sortira pas de la crise en relançant la consommation. Sans compter que tous les vêtements qui vous plaisent sont fabriqués à l'étranger.
Par contre, remettez sérieusement en cause son amour pour vous si, après lui avoir reproché de ne jamais participer aux tâches ménagères, il se contente, à la fin du repas, de débarrasser son assiette (jamais la vôtre) en l'abandonnant, sale et non rincée, dans l'évier.
Dans l'autre sens, messieurs, ne soyez pas offensé si votre épouse ou compagne refuse que vous portiez ses sous-vêtements. Ce n'est pas parce qu'elle ne vous aime plus. Juste un problème de taille. Et d'orientation sexuelle. Mais, ça, c'est votre problème, pas le sien...

(Illustration extraite de la BD "La faute aux Chinois" Futuropolis)

BD : Virus révolutionnaire dans Métronom'

metronom, corbeyran, grun, glénat
Dans le genre « Ne vous plaignez pas du présent, ce sera pire dans le futur », la série « Metronom' » de Corbeyran et Grun en impose. Vraiment pas réjouissant l'avenir décrit par les deux auteurs bordelais (qui parviennent quand même à glisser une pub subliminale pour les vins de Graves). Dans quelques décennies, un pouvoir autoritaire et policier bride la liberté des citoyens. Et pour abolir la moindre velléité de rébellion, le gouvernement a interdit toute création artistique. L'histoire, assez dense, se déroule sur plusieurs niveau. Il y a la fuite d'une famille et la mission d'un couple pour récupérer un savant dans le coma. Ce dernier serait à l'origine d'un virus venu de l'espace. Il a muté et est dangereux. En fait, à la base, il devait simplement augmenter les envies de révolte du peuple. Mais le meilleur dans cette BD est le travail d'un petit groupe de résistants. Ils écrivent et impriment un livre illustré pour dénoncer la dictature. Le prochain coup d'éclat, se sera en public. Ils répètent en secret une pièce de théâtre. Ce qu'ils ne savent pas c'est qu'il y a un traitre dans leurs rangs, Radcliffe, un policier infiltré. Mais qui sait, l'art est parfois plus fort que la violence et l'intolérance.

« Metronom' » (tome 4), Glénat, 14,50 €