vendredi 30 avril 2010

BD - La quête du père


Basile n'a pas de père. Du moins il ne le connaît pas. La quarantaine, il vit toujours chez sa mère, retraitée. Cet enfant, elle l'a conçu, comme beaucoup de Françaises à la fin des années 50, avec un militaire américain, un des soldats de la liberté. 

Basile, après de vaines tentatives pour devenir peintre à Paris, est revenu à Laon, vivre auprès de sa mère, rentrant dans le rang en devenant simple employé municipal. Il continue cependant à peindre. Il a abandonné sa passion des portraits pour ne peindre plus que des rues de villes américaines. Comme s'il était en permanence à la recherche de ce père qu'il n'a jamais connu. Cette petite vie simple est au centre de ce roman graphique sensible de Gabrielle Piquet. Tout en racontant les doutes et frustrations de Basile, elle revient sur cette période de l'histoire de France. 

Des années marquées par la construction de bases américaines apportant richesse et insouciance aux autochtones. Et laissant quelques « enfants de l'envie », signes tangibles du bon accueil de la part de la population féminine.

« Les enfants de l'envie », Casterman, 14 € 

jeudi 29 avril 2010

Roman - Les enfants perdus se retrouvent

Ce passionnant thriller de Patrick Graham mélange passé et présent, enfance violente et âge adulte plus calme et rangé. 


Amour, argent, réussite professionnelle, enfants : Peter Shepard a tout pour être heureux. Brillant avocat d'affaire vivant à San Francisco, il avait pourtant mal débuté dans la vie. Orphelin, fugueur, il a fait de nombreux séjours dans des centres de redressement, dont celui particulièrement strict de Rédemption. Aujourd'hui il ne se souvient plus de cette adolescence turbulente. Pourtant des relents de son passé vont lui exploser au visage et toute sa vie va s'écrouler.

Dans « Retour à Rédemption », Patrick Graham place la barre encore plus haut que ses précédents thrillers (« L'apocalypse selon Marie » vient d'être publié en poche chez Pocket). Cela débute par une conversation au téléphone entre Peter Shepard et sa femme, Barbara qui est au volant. En compagnie de ses deux fillettes, elle va rejoindre une tante dans une petite localité du Nevada. Une voiture de police lui intime l'ordre de se ranger au bord de la route.

Mortes dans le désert

La suite, Peter va l'entendre par l'intermédiaire du téléphone resté branché. Le faux policier se révèle être un vrai tueur. « Le shérif ôte son chapeau et gratte quelque chose au sommet de son crâne. Un serpentin vermillon coule le long de son visage. Il passe la main sur son cuir chevelu et se penche. Les yeux de Barbara s'arrondissent. Au milieu de la sueur et du sang, là où il devrait y avoir des cheveux, il y a des plaques de peau à vif et des sortes de boursouflures qui laissent apparaître des éclats blancs comme de l'os. » Barbara vient de rencontrer Ezzie, un camarade d'enfance de Peter. Ezzie qui va tuer Barbara et laisser mourir de soif, sanglées dans la voiture en plein désert, les deux fillettes de Shepard.

Ce dernier va tout mettre en œuvre pour retrouver l'assassin et par la même retrouver ce passé dont il n'a plus aucun souvenir.

Wendy, le premier amour

Une quête à travers les USA, au cours de laquelle il va retrouver Wendy, son premier amour, la seule fille du gang des « enfants perdus ». La bande s'est formée dans le centre de redressement de Rédemption. Un peu d'amitié ne pouvait que permettre à ces adolescents de mieux résister à la discipline de fer de Rédemption, « un ancien camp d'internement où les rebs entassaient les prisonniers yankees. Taux de mortalité maximum. Après la guerre de Sécession, c'est devenu un bagne puis un pénitencier puis un centre de redressement. On ne s'échappe pas de Rédemption. On se repent et un jour, on sort. Ou pas. » Les enfants, pour survivre, vont devoir devenir encore plus féroces et cruels que leurs geôliers.

Patrick Graham va alterner les scènes du passé et du présent. De la création de la bande à la course poursuite d'aujourd'hui. Car les enfants perdus avaient fait un pacte. Et quelqu'un l'a trahit. Un roman d'une grande intensité sur l'amitié, la résistance et l'oubli.

« Retour à Rédemption, Patrick Graham, Editions Anne Carrière, 21,50 €

mercredi 28 avril 2010

BD - Héros imaginaires


Tom est un petit garçon de 6 ans. Il découvre un véritable trésor dans une remise chez ses grands-parents : des illustrés des années 50-60. Il se plonge dedans et se délecte de ces aventures de cowboy, chevalier et super héros. 

Au bout de quelques heures de lecture intensive, il découvre que sa famille a disparu. Et quand des martiens l'attaquent, il demande la protection de Günnar, le Viking. Tom semble être le dernier survivant de son monde avec simplement quelques héros de BD pour compagnons. 

Cette histoire de 60 pages, la première de Laurent Lefeuvre, est un superbe hommage aux petits formats, souvent considérés comme des BD de série B, mais qui ont marqué l'imagination de millions d'enfants.

« Tom et William », Le Lombard, 15,50 € 

mardi 27 avril 2010

BD - Famille bretonne


Quatrième et dernier tome (du moins du premier cycle) de la série relatant les mésaventures de la famille des Porphyre. Une famille maudite sur cette lande bretonne. 

Un récit très romantique, se déroulant au 18e siècle, écrit par Balac, est mis en images par Parnotte, dessinateur réaliste hors-pair à classer parmi les « grands », entre Hermann et Giraud. Soizik, Konan et Gwemon sont bloqués dans la grotte secrète abritant le trésor du vieux Porphyre. 

Ces trois, tous descendants du vieux grigou, vont devoir affronter bagnards en cavale, pieuvre géante et naufrageurs. Sans oublier la belle Hermine, une guerrière prête à tout pour retrouver un médaillon. Embruns et vent de trahison soufflent sur cette BD.

« Le sang des Porphyre » (tome 4), Dargaud, 13,50 €

lundi 26 avril 2010

BD - Spirou en bateau


Lewis Trondheim, il y a déjà quelques années, avait proposé aux éditions Dupuis de dessiner une aventure de Spirou. Proposition laissée lettre morte, le héros étant à l'époque intouchable. Aujourd'hui, le créateur de Lapinot prend sa revanche en signant le 6e tome de la série dérivée donnant la possibilité à des auteurs confirmés de donneur leur version de Spirou. 

Après Bravo, Le Gall, Yann ou Tarrin, Lewis Trondheim s'approprie ce petit monde et en confie la réalisation graphique à Fabrice Parme. Cela donne une histoire très loufoque, ancrée dans les années 50/60, se déroulant sur un paquebot de luxe risquant couler en croisant des icebergs. Heureusement le comte de Champignac est à bord et ses inventions (renforcées par la bravoure de Spirou) permettront d'éviter la catastrophe. 

Frais, distrayant, novateur : un album à classer dans les incontournables de 2010.

« Panique en Atlantique », Dupuis, 13,50 € 

dimanche 25 avril 2010

Roman - Une grande leçon de littérature

Dans son dernier roman, Philippe Djian profite du métier de son héros, professeur d'université, pour donner une magistrale leçon de littérature.


Marc, la cinquantaine, est professeur de littérature dans une université de province. Il a tenté, un temps, d'être écrivain. Mais il a finalement compris qu'il faisait fausse route. Il enseigne donc à des étudiants souvent sans talent comment faire résonner une phrase, lui donner du mouvement. Un emploi presque alimentaire qui lui permet en plus de garnir son lit. Marc, en plus d'une grande connaissance de la littérature, a un charme fou qui fait fondre ses étudiantes. Au début du roman, il est au volant de sa Fiat 500. Il fonce sur la route de montagne pour rejoindre sa maison. A ses côtés, Barbara. Une de ses étudiantes. Une des plus douées. Le lendemain matin, en se réveillant, il ne retrouve pas une jeune femme enjouée et heureuse mais un cadavre déjà froid. Que s'est-il passé. Alcool aidant, il ne se souvient de rien. Mais il en sait suffisamment de la vie pour savoir qu'il vaut mieux se débarrasser du cadavre au lieu de prévenir les gendarmes...

Le lecteur d'« Incidences » apprend donc assez rapidement que Marc n'est pas moral. Il jette le corps de Barbara dans un gouffre dont il est seul à connaître la bouche. Et tente de reprendre le cours de sa vie, comme si de rien n'était. Entre ses étudiants, sa sœur qui habite la même maison, et le directeur de l'université.

Entendre sa voix

Il assure ses cours, et c'est là que Philippe Djian se permet de glisser quelques sentences définitives sur l'art d'être écrivain. « Devenir un bon écrivain avant trente ans, voilà bien de la pure fiction à de rares exceptions près, trente ans c'est le minimum du minimum expliquait-il d'emblée à ses étudiants, est-ce que vous croyez qu'on apprend à jouer avec des mots en un jour, ou en cent, que la grâce va vous tomber instantanément du ciel, écoutez-moi, je vais être franc avec vous, comptes vingt ans, comptez vingt ans avant de commencer à entendre votre propre voix, de quelque manière que vous vous y preniez. » Et de remarquer, quelques pages plus loin, toujours dans la bouche de Marc, « N'importe quel crétin est capable de raconter une histoire. La seule affaire et une affaire de rythme, de couleur de sonorité. »

Le roman, de très léger, va prendre de l'épaisseur, du volume, avec l'arrivée de Myriam, la belle-mère de Barbara. Entre elle et Marc, c'est une folle histoire d'amour qui va exploser. Mais Marc ne partagera pas ses secrets avec Myriam. « Un homme pouvait bien avoir quelques vices, estimait-il, et sans avoir à en rougir. Les épreuves que l'on traversait au cours d'une vie valaient bien ça. » Ce roman de Philippe Djian, comme souvent avec cet auteur foisonnant, entraîne le lecteur vers un monde au bord de la rupture. C'est complètement « borderline » et cela n'en a que plus de force.

« Incidences » de Philippe Djian, Gallimard, 17,90 € 

samedi 24 avril 2010

Roman - Tony Duvert sort de l'oubli

Gilles Sebhan revient sur la vie et la disparition de Tony Duvert, écrivain français mort dans l'indifférence.


A l'automne 1973, un jeune écrivain français remportait le prestigieux prix Médicis. Tony Duvert était un auteur prometteur des éditions de Minuit dirigées par Jérôme Lindon. Il n'a pourtant jamais véritablement décollé, ses œuvres devenant de plus en plus introuvables. Il est vrai qu'il abordait des sujets brûlants. Notamment la sexualité des enfants. Ce qu'il était possible d'évoquer et de dire dans les années 70 est devenu totalement tabou une décennie plus tard. Aujourd'hui, il est quasiment impossible de retrouver des écrits de Tony Duvert, comme si la malédiction de cet « enfant silencieux » l'avait suivi dans sa tombe. Au début des années 80, Tony Duvert a cessé de publier. Il s'est retiré chez sa mère, en province et s'est fait oublier. Il n'est revenu sur le devant de la scène qu'en août 2008. A la rubrique des faits divers. Les gendarmes découvrent son corps en état de putréfaction, recroquevillé dans son lit. Sa mort remontait à plus d'un mois.

Gilles Sebhan s'est demandé comment rendre hommage à cette plume singulière. Lui même écrivain (« Presque gentil » ou « La fête des pères »), il avoue l'importance de certains textes de Duvert. Il avait même envisagé, il y a quelques années, de le rencontrer. Un projet avorté. Impossible aujourd'hui. Et de constater que Duvert, avant de mourir physiquement, était mort en tant qu'écrivain. « Tony est mort en juillet et son corps a patienté un long mois. Tout comme en lui l'écrivain était mort des années plus tôt, vingt ans plus tôt, livrant un vivant à la pourriture dans une campagne française. Un homme a vécu ce supplice d'être mort vivant. » A côté d'une partie classique, reprenant les grandes périodes de la vie de Tony Duvert, de l'enfance sous la coupe d'une mère omniprésente, à ses années de bohème à Paris puis son exil au Maroc, jouissant de l'argent du Médicis et des corps des jeunes hommes s'offrant à lui et enfin le retrait de la vie culturelle, Gilles Sebhan signe quelques passages d'une incroyable violence. Notamment quand il fait parler le corps de Duvert en train de se métamorphoser sous l'action de la chaleur, « ce corps qui s'échappe de partout, qui coule dans le matelas, qui s'éparpille, s'effondre en viscères et en peau décomposée. »

Un texte fort, un hommage sincère, un livre militant dans une époque prudente et frileuse. Un monde aseptisé dans lequel Tony Duvert n'avait définitivement plus sa place.

« Tony Duvert l'enfant silencieux » de Gilles Sebhan, éditions Denoël, 14 €

vendredi 23 avril 2010

BD - Insectes ravageurs dans la série Namibia


Après Kenya (cinq tomes parus et une intégrale), Rodolphe et Léo nous entraînent sur les terres de Namibia. Mais cette fois, les deux auteurs se sont adjoint les services d'un troisième larron : Bertrand Marchal qui assure les dessins. Marchal qui reste cependant très fidèle au style de Léo, fait de simplicité et d'inventivité et qui a fait tout le succès de ses séries, d'Aldébaran à Antarès. 

En Namibie, quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale, un journaliste anglais photographie dans des champs de maïs des chenilles grosses comme des chiens. Il surprend également un occidental les observant. Un Blanc qui a les traits de Göring...

 Une information qui alerte les Anglais qui envoient sur place l'agent Kathy Austin. La jeune femme va de nouveau (c'était l'héroïne de Kenya) être confrontée à des phénomènes étranges. Une série pleine de mystère, entre espionnage et fantastique, avec toujours ces créatures « bizarroïdes » comme aime les décrire Léo.

« Namibia » (tome 1), Dargaud, 10,95 € 

jeudi 22 avril 2010

BD - Enfants en guerre


Bienvenue à Parva Terra, monde imaginaire créé de toute pièce par Raul Arnaiz. Ce dessinateur espagnol, après avoir rodé son trait dans le monde de l'animation, a enfin concrétisé ce projet d'héroic fantasy qu'il avait dans ses cartons depuis de nombreuses années. Sur cette île, il ne reste que des enfants. Tous les adultes ont disparu. Seul Roméo, le roi des chevaliers blonds se souvient. Une mémoire qui lui donne le pouvoir sur cette petite bande, en guerre contre les mages cheveux-noirs. 

Les deux communautés se sont partagé l'île et se livrent à un conflit aux airs de guerre des Boutons. Nathan, le meilleur ami de Roméo, assailli de cauchemars, commence à douter de l'utilité de cette rivalité. 

Il sera le premier à remettre en cause l'ordre des choses et le pouvoir de Roméo. Il sera capturé par les pirates roux et livré aux mages. Ces derniers lui expliqueront qu'il a une mission : combattre un mal sournois, l'obscurité. 

Cette jolie parabole contre le racisme et la guerre est d'autant plus plaisante que les dessins d'Arnaiz sont d'une fluidité et d'une luminosité de virtuose.

« Légendes de Parva Terra » (tome 1), Le Lombard, 9,95 € 

mercredi 21 avril 2010

BD - Powa et le Chêne féerique


Cela débute comme un série pour adolescents bien ancrée dans notre époque. Nathan est un lycéen à la vie insignifiante. Il vit seul avec sa mère. Est un peu le souffre-douleur de certains de ses camarades. Côté sentiments, une timidité maladive l'empêche de faire le premier pas. Nathan pas forcément malheureux, mais pas épanoui. La première partie de cet album montre ce quotidien fait de frustrations et de petites défaites. Jusqu'à ce cours de sport qu'il redoute tant car, quand il s'agit de faire les équipes, il est toujours le dernier choisi. 

Et cette fois, il est carrément mis sur la touche. Un peu dégoûté, il quitte le terrain et va ruminer sa tristesse au pied d'un chêne. Un arbre magique où il rencontre pour la première fois une fée. Très mignonne, assez délurée, elle lui propose de lui donner un don différent chaque jour jusqu'à ce qu'il se décide pour en garder un définitivement. Nathan, après quelques heures de réflexion (et de nouvelles humiliations) lui demande de pouvoir voler... 

Remarquablement dessinée par Ben Fiquet, cette série urbano-fantastique fera rêver tous les se jeunes se désespérant de leur vie trop morne.

« Powa » (tome 1), Delcourt, 9,95 € 

mardi 20 avril 2010

Premiers polars, premiers prix

« Et on dévora leur cœur » de Sylvain Blanchot et « Turpitudes » d'Olivier Bocquet : deux premier romans primés pour des auteurs prometteurs.

Le premier vient d'être publié par les éditions du Masque car il a remporté le prix du premier roman au festival de Beaune. Le second intègre la collection thriller de Pocket après avoir séduit de milliers d'internautes qui ont voté pour son manuscrit en ligne. Sylvain Blanchot et Olivier Bocquet sont des débutants surdoués qui devraient compter dans les années à venir.


La découverte de nouveaux talents est souvent une des motivations premières de certains éditeurs. Ainsi il existe plusieurs filières pour tenter de mettre la main sur la perle rare. Une des plus originale a été lancée l'an dernier : un concours qui mettait à contribution les internautes pour donner leur avis et désigner le manuscrit gagnant. Thriller Mania a permis à 40 000 personnes de désigner les résumés les plus prometteurs puis de juger sur pièce en découvrant les premier chapitres.

A ce petit jeu, fin juin 2009, c'est Oliviou qui l'a emporté pour son histoire intitulée « Les minicrobes ». Quelques mois plus tard le pseudo a laissé la place à un véritable auteur : Olivier Bocquet. Publié dans la collection thriller entre Harlan Coben ou Maxime Chattam (qui faisait partie du jury), il propose « Turpitudes ».

Fin 2003, plusieurs phénomènes extraordinaires vont bousculer la quiétude de Fontainebleau. Meurtre sanglant, émeute et épidémie vont transformer la ville tranquille en nid de problèmes insolubles. Des événements qui semblent indépendants les uns des autres mais qui pourtant sont reliés secrètement.

C'est cet enchaînement de coïncidences qu'Olivier Bocquet va raconter avec brio, d'une plume alerte non dénuée d'humour et de fantaisie. On remarque en premier lieu dans ce premier roman la maîtrise de l'intrigue et le bon timing pour présenter les différents protagonistes. On surfe ainsi du maire ripoux à Rachel, sa fille désabusée, du prof opportuniste à la petite racaille flairant le bon coup. Un roman classique entrelardé de faits divers véritables (tirés de la presse locale) et d'extraits du journal intime de Rachel. Et comme tout thriller qui se respecte, ce n'est pas forcément politiquement correct.

A noter que le concours Thriller Mania vient de débuter pour une seconde saison. Vous avez jusqu'à la mi-août pour déposer en ligne un résumé et le manuscrit de votre thriller. Après sélection du jury, dix projets seront soumis au vote des internautes à partir de septembre. Le nom du lauréat sera dévoilé mi novembre et édité en 2011 par Pocket.

A l'américaine


Plus classique est la désignation du prix du premier roman du festival du film policier de Beaune. Un jury, composé de professionnels (journalistes, scénariste, acteur et écrivain), sous la présidence de Jean-Christophe Grangé, choisit le manuscrit qui est édité dans la prestigieuse collection du Masque Jaune. Cette année c'est Sylvain Blanchot qui est distingué pour « Et on dévora leur cœur », un thriller digne des meilleurs romanciers américains. Il est vrai que l'action se déroule de l'autre côté de l'Atlantique et que la tension, omniprésente dans l'histoire, donne ce petit air très américain. Samuel Johnson, le héros, cherche à sauver sa peau. Il est poursuivi par les tueurs de Miguel Beaumont, l'homme à qui il a volé 50 000 dollars. Il se réfugie à Murton Caves, une petite localité au pied de la montagne. Mais sur place, il va devoir affronter un danger encore plus grand.

Particulièrement abouti, ce premier roman est plus que prometteur. Son auteur a de fortes chances pour rejoindre la petite légion des auteurs de polar français qui comptent.

« Turpitudes », Olivier Bocquet, Pocket, 6,50 €

« Et on dévora leur cœur », Sylvain Blanchot, Le Masque, 6,50 €

lundi 19 avril 2010

BD - Explorateur perdu


Le baron Alexandre de Humbolt est un célèbre explorateur et naturaliste du 19e siècle. Etienne Le Roux fait le récit de son dernier voyage, en Amérique du Sud et c'est Vincent Froissard qui se charge de l'illustrer. Derrière une couverture assez austère, se cache un objet graphique d'une grande originalité. D'une grande beauté surtout. 

Les errances de l'explorateur (accompagné d'une jeune femme et poursuivi par un rival) sont prétexte à des tableaux somptueux, entre gravure d'époque et effets actuels. Au fil des pages, on est littéralement transporté dans cette jungle hostile et inamicale, on sent l'humidité et la moiteur, on fait corps avec le milieu.

 Rarement un dessinateur aura réussi à ce point à faire passer des sensations avec de simples images.

« Le dernier voyage » (tome 1), Futuropolis, 17 €

dimanche 18 avril 2010

BD - Toutes les vies


Après les films chorales, voici les BD du même genre. Ce roman graphique de Gloris (scénario) et Charve (dessin) raconte le quotidien de six amis, quatre garçons et deux filles, la trentaine. Avec de très nombreux retours en arrière, quand ils étaient encore étudiants, déconneurs et plein d'enthousiasme. 

Stéph se frotte à la dure vie du chef d'entreprise, Laurent végète dans son emploi de banquier, Sophie tente d'intéresser une classe d'adolescents, Djed est chômeur longue durée, Natacha est toujours étudiante. Quant à François, le personnage pivot, il est resté le geek passionné de jeux vidéo, casanier, amoureux transi. Au début, cela ressemble à une version plus jeunes de Plus belle la vie, mais rapidement on découvre les failles des personnages, leurs échecs, leurs renoncements. 

Un petit bijou de psychologie où chacun y trouvera un peu de son histoire.

« Ainsi va la vie », Drugstore, 17 € 

samedi 17 avril 2010

BD - Un renard futé


Cyril Trichet n'avait qu'une seule série à son actif : « Les arcanes de Midi-Minuit ». Ce jeune dessinateur ayant fait ses premières armes au côté de Crisse étend sa palette graphique avec « Les McFox », BD animalière ancré dans la réalité. Son trait rond et dynamique, entre Disney et « Monster Allergy » permet au lecteur d'accrocher immédiatement aux aventures de cette famille de renards. 

Une famille très ordinaire, le père, colérique est chauffeur de poids lourds, la mère, gentille et attentionnée s'occupe du foyer et de ses deux fils, Praxis et Ecto. Le premier, adolescent amateur de skate, est écartelé entre l'envie de s'amuser et succomber aux premiers amours. Le second, plus jeune, est encore un bébé très naïf et innocent. 

Une BD tout public scénarisée par Gaudin et qui plaira plus spécialement aux moins de12 ans.

« Les McFox » (tome 1), Soleil, 9,95 €

vendredi 16 avril 2010

Roman jeunesse - Le mur du futur


Destiné aux adolescents, « Le Mur » d'Emma Clayton est un roman d'anticipation qui utilise subtilement les grandes peurs de notre quotidien : nouvelles maladies, surpopulation, pollution. L'action se déroule dans un futur proche. Exactement cinquante ans après l'apparition de la peste animale. Du jour au lendemain, tous les animaux se sont transformés en monstres assoiffés de sang. Chats, chiens, oiseaux se sont mis à attaquer les humains. 

Les gouvernements n'ont trouvé qu'une solution pour protéger la population : ériger un immense mur qui permet de préserver l'hémisphère nord de la planète. C'est dans ce contexte que le lecteur fait connaissance avec Ellie. Cette jeune Anglaise de 12 ans est aux commandes d'un Pod Fighter. Elle vient de s'échapper d'une station spatiale où elle était prisonnière depuis une année. Elle n'a qu'une envie : rejoindre sa famille et notamment son frère jumeau, Mika. Mika qui est l'autre héros du roman. Il est persuadé que sa sœur, considérée comme morte par le reste de sa famille, est toujours en vie. Il va développer des pouvoirs paranormaux avec sa jumelle. 

Deux enfants exceptionnels, des mutants en vérité, qui ont une valeur très importante pour le gouvernement. Ce premier tome (une suite est prévue en 2011) en plus de planter le décor, nous plonge dans ce monde cauchemardesque qui risque d'être une réalité pour les enfants des lecteurs d'Emma Clayton. 

Un roman de SF engagé qui vaut bien des discours politiques.

« Le Mur » (1. La peste animale), Emma Clayton, Pocket Jeunesse, 18 €

jeudi 15 avril 2010

Roman - Chronique d'une haine ordinaire

Dans le Vieux Sud américain, les passions et les brutalités déchirent une population tiraillée par les sentiments ambivalents que ressentent Blancs et Noirs des années 40. "Mississippi", un roman de Hillary Jordan.


Une ferme et de la boue. Des champs de coton et de la boue. Une petite, toute petite ville du Vieux Sud et de la boue. « Quand je pense à la ferme, je pense à la boue. (...) Avec elle, impossible d'avoir le dessus. Elle recouvrait tout. Je rêvais en marron. » A 31 ans, Laura, professeur d'anglais dans une école privée de garçons à Memphis, vit encore chez ses parents et s'est déjà résignée à son statut de « vieille fille ». C'est pourquoi elle n'ose pas croire à sa chance quand, au printemps 1939, elle rencontre Henry McAllan, invité à partager le repas dominical par son frère Teddy, de qui il est le nouveau patron.

La mère de Laura, flairant l'aubaine, réitère son invitation pour le dimanche suivant. « C'était une créature rare et merveilleuse : un célibataire de quarante et un an. » Arriva ce qui devait arriver, après quelques mois d'une cour assidue, Henry demande à Laura de l'épouser. Folle de bonheur, comment la pauvre jeune femme, éprise de littérature, de musique et de tout l'attrait culturel qu'offre une grande ville, aurait-elle pu deviner que son époux tout neuf, fils de fermier et amoureux dans l'âme de la terre qui a fait vivre ses ancêtres, achèterait quelques années après leur mariage, une ferme perdue au milieu de nulle part ?

Entre ses deux filles, la prunelle de ses yeux, son mari et le père de celui-ci, vieux bonhomme acariâtre et membre du Ku Klux Klan, Laura tente bon gré mal gré, d'être une épouse et une mère exemplaire et se résigne à la situation. « Que les choses étaient simples pour Henry ! Que je regrettais parfois de ne pouvoir le rejoindre dans cet univers austère et carré où tout était soit bien soit mal et où il n'y avait aucun doute sur ce qui était quoi. Quel luxe inimaginable que de ne jamais avoir à batailler avec des peut-être et des pourquoi, de ne jamais passer des nuits blanches à s'interroger sur des si. »

Un racisme récurrent

Dans l'après-guerre de ce coin du sud des États-Unis, les Blancs sont bien décidés à défendre la supériorité de leur race face à un peuple noir dépendant économiquement du travail que veulent bien leur donner ces mêmes Blancs. Mais la guerre a changé la donne... Et quand Ronsel Jackson, le fils des métayers noirs des McAllan rentre au pays, couvert de gloire et de médailles, il refuse de se plier à ces lois iniques, lui qui s'est battu pour son pays et a connu la considération des Européens, faisant fi de la couleur de peau de leurs libérateurs.

Dans le même temps, Jamie, le jeune frère d'Henry, ancien pilote de bombardier, revient lui aussi au bercail et s'installe à la ferme familiale.

Entre ces deux-là, qui ont partagé les mêmes angoisses pendant toutes ces années de guerre, se noue une amitié improbable. Une amitié qui va attiser la haine des Blancs de la petite ville...

Faisant parler tour à tour chacun des protagonistes du roman, Hillary Jordan réussit le pari risqué de dresser des portraits tout en nuances et en contradictions, mettant en lumière les sentiments complexes qui habitent les Blancs comme les Noirs de cette époque incertaine. « Henry se moquerait de moi pour ce que je vais dire, mais je crois que les Noirs ont la faculté innée, qui nous manque à nous autres Blancs, de pressentir les choses, une sorte de prémonition. Elle se différencie de la raison, dont nous sommes plus pourvus qu'eux, et provient d'une contrée plus ancienne, plus sombre. » pense un Jamie déchiré entre son amitié pour Ronsel, le Noir, et son éducation pétrie de racisme.

Ronsel qui s'attire les foudres de la population blanche parce qu'il refuse par exemple d'emprunter la porte de derrière de la seule épicerie du village, celle de devant étant réservée à « l'élite blanche ».

L'écriture de la romancière est puissante, bouleversante, ciselée. Elle emmène le lecteur dans les tréfonds d'une intrigue en partie inspirée par les récits dont Hillary Jordan a été bercée dans sa jeunesse passée entre le Texas et l'Oklahoma. Sans nul doute une première œuvre menée de main de maître, qui ne sera, espérons-le, que le début de sa carrière d'écrivain.

Fabienne HUART

« Mississippi » de Hillary Jordan, éditions Belfond, 19 euros.

mercredi 14 avril 2010

BD - Sherlock démasqué


Sherlock Holmes est certainement le personnage de fiction ayant le plus fait rêver et fantasmer tous les écrivains tentés de prendre la suite de Conan Doyle. « L'ultime défi de Sherlock Holmes » de Michael Dibdin, roman paru en 1978, fait se rencontrer le célèbre détective et Jack l'Eventreur dans les bas-fonds de Londres. 

Un polar adapté par Olivier Cotte et dessiné par Jules Stromboni alors que le film cartonne sur les écrans. On admire particulièrement le dessin de Stromboni qui a soigné les ambiances. On se croirait dans un bouquin de l'époque, quelques gravures pleine page renforçant cette impression. 

Un futur must pour tous les fans du locataire du 221 b Baker Street.

« L'ultime défi de Sherlock Holmes », Casterman/Rivages, 18 €

mardi 13 avril 2010

BD - Vies de sorcières


Depuis la nuit des temps, les hommes ont cherché des bouc-émissaires à leurs erreurs. Dans cette catégorie, les sorcières ont souvent été bien utiles, un simple bucher permettant de calmer la vindicte populaire. Des vies de sorcières qui sont au centre de cette série de BD, toutes indépendantes les unes des autres et entièrement réalisées par des femmes. 

Les deux premiers titres se penchent sur le destin de Bianca et d'Hypathie. La première dans la Venise de la Renaissance, la seconde au Ve siècle, à Alexandrie, en pleine expansion de la religion chrétienne. Des sorcières, ou supposée telles, racontées par You et Alexine (Bianca) et Greinier et Pecout (Hypathie). On ne peut que tomber sous le charme de ces femmes envoûtantes.

« Sorcières » (tome 1 et 2), Dupuis, 13,50 € chaque volume 

lundi 12 avril 2010

BD - Bienvenue sur la Lune russe


Avec des si... Si la mission Apollo 11 avait été un échec, les Russes auraient été les premiers à marcher sur la Lune. Jean-Pierre Pécau et Fred Duval, les deux scénaristes de cette série concept intitulée « Jour J » imaginent une autre histoire. 

A l'orée des années 80, la guerre froide fait rage. Sur terre mais également dans l'espace. Russes et Américains ont chacun construit des bases lunaires permanentes. La tension est à son comble mais un événement imprévu survenu sur la Lune pourrait faire basculer l'avenir de l'Humanité. 

Dessinée par Philippe Buchet (Sillage) ce premier titre est passionnant. Entre fiction et réalité il n'y a souvent que l'épaisseur de deux lettres : si...

« Jour J : les Russes sur la Lune ! », Delcourt, 13,95 € 

dimanche 11 avril 2010

Roman - "Le Suaire" symbole de la folie


Frère Bartolomeo est un homme de foi, au cœur du XIVe siècle. Devenu responsable du monastère bénédictin du Trastevere à Rome après une épidémie de peste dévastatrice, sa soif d’idéal va le conduire à l’irréparable. Une descente aux enfers pour purifier les âmes, racontée par Agnès Michaux avec un rare brio dans "Le Suaire".

La peste fait des ravages. Partout la mort noire frappe, laissant quantité de cadavres sur son passage. Même dans la communauté religieuse « le Mal s’immisçait. Dans la ville et dans le cœur des hommes. Dans les corps moribonds et hideux des pestiférés ». Persuadé qu’il faut lancer un message fort à toute la population, il va imaginer un stratagème pour frapper les esprits. Découvrant les catacombes abandonnées, premier cimetière des Chrétiens, il entraînera ses moines dans une falsification historique de grande ampleur. Il va confectionner de toute pièce une nouvelle relique, le suaire du Christ. Pour ce faire il va procéder à la crucifixion d’un innocent, son fils Gentile, jeune muet qu’il est allé chercher à Venise.

Ce roman assez mystique vous entraînera dans les dédales du fanatisme. Bartolomeo, rendu totalement aveugle par son but, ne verra pas sa déchéance morale, ni l’amour qui unit Gentile à une religieuse, Arcangela.

On sort de cette fiction bouleversé, forcément interpellé par les symboles que toutes les religions se fabriquent au fil des siècles pour convaincre les nouveaux fidèles.

« Le suaire », Agnès Michaux, Calmann-Lévy, 15 €


jeudi 8 avril 2010

BD - Au bout de la crise


Superbe album signé du duo Jaime Martin et Wander Antunes. En pleine crise de 1929, des milliers d'Américains n'ont plus rien. Sans travail, maisons saisies, ils se retrouvent sur les routes, à mendier ou chercher un meilleur avenir à l'Ouest. 

Tom fait partie de ces hommes désespérés. Il est doublement touché par la crise car en plus d'avoir perdu tous ses biens matériels, il a également du faire le deuil de sa femme qui a préféré le suicide à la pauvreté. Tom croise la route d'un gamin passionné de Jack London. Il veut devenir marin. Ce gamin, son père le recherche. Tom va l'aider dans sa quête. 

Une intrigue simple, donnant l'occasion aux auteurs de décrire cette société américaine devenue folle. Assassinats impunis, justice expéditive : il ne faisait pas bon de vivre dans ce pays à cette époque.

« Toute la poussière du chemin », Dupuis Aire Libre, 15,50 € 

mercredi 7 avril 2010

BD - Alice virtuelle


Dans ce récit complet de 46 planches, Alice est une fillette curieuse qui va tenter de voir ce qui se cache derrière le miroir. De ce thème déjà brillamment exploré par Lewis Carroll, Frédéric Lhomme (scénariste) et Jean-François Cellier (dessinateur et coscénariste) vont en faire une histoire en forme de parabole, décortiquant les réalités virtuelles et l'asservissement de l'homme par la machine. 

Sur Mars, dans le futur, Alice rencontre Catherine, une jeune femme grande fan de jeux vidéos. Elle interprète Jeanne d'Arc dans le jeu « Guerres Médiévales », programme géré par l'ordinateur central totalement autonome et répondant au nom de Sorcière. Les relations entre Catherine, Alice, Sorcière sont au centre de ce récit jouant aussi sur l'avenir écologique de la Terre, Mars étant en pleine mutation due à sa terraformation. 

Parfois pointue, cette BD vaut surtout pour les superbes images de Jean-François Cellier, peintre plus que dessinateur de bande dessinée.

« Alice », Soleil, 12,90 € 

mardi 6 avril 2010

BD - Duel de fées


Elle est véritablement de plus en plus sympa cette petite fée qui vit dans un cartable. Sybil a été envoyée sur terre pour veiller sur Nina. La fillette commence à apprécier cette aide magique. Notamment quand il faut ranger sa chambre ou répondre à une interrogation écrite surprise. Mais il y a des règles qu'il ne faut pas transgresser. 

Sybil avait pourtant prévenu Nina : ne jamais la remercier. La fillette, polie, passe outre et Sybil disparaît. La vie devient rapidement terne pour Nina. Et de plus en plus périlleuse car la chipie de la classe, Lorie, a décidé de la faire souffrir. Lorie qui a de plus reçu l'aide d'Amanite, une méchante fée qui va tenter dans ce second tome de capturer Nina. 

Cet univers enfantin et fantastique a été imaginé par Michel Rodrigue (dessinateur de Cubitus). Pour dessiner les fées, très sexy, ce sont Antonello Dalena et Manuela Razzi qui ont été choisis. Cela donne une BD sucrée, qui plaira aux fillettes et grandes adolescentes.

« Sybil, la fée cartable » (tome 2), Le Lombard, 9,95 €

lundi 5 avril 2010

Roman français - Rêveur et explorateur

Avec « Le papillon de Siam », Maxence Fermine nous entraîne dans le sillage de Henri Mouhot, explorateur français du 19e siècle.


Qui n'a pas rêvé, un jour, d'enfiler un costume d'explorateur et de découvrir des contrées encore préservées ? Certes, de nos jours, il n'existe quasiment plus de terre vierge. Mais il y a 150 ans, les cartes du monde étaient encore pleines de trous. Ce sont ces zones inconnues qui ont poussé Henri Mouhot à quitter son milieu de petit bourgeois de Montbéliard, en Franche-Comté, pour le royaume de Siam. Cette vie, marquée par une quête et une découverte, Maxence Fermine la raconte dans ce roman à la facture classique, comme un peu datée mais totalement en osmose avec l'air du temps d'époque.

Le jeune Henri s'est mis à rêver d'explorations en fréquentant les rayons poussiéreux de la bibliothèque de son école. Il s'ouvre de nouveaux horizons et se promet de quitter dès que possible son petit quotidien pour courir le monde. Il s'imagine notamment en train de parcourir les forêts du Siam, un pays d'Asie qu'il ne connaît qu'à travers le livre écrit par un religieux, Mgr Jean-Baptiste Pallegoix. Il se jure d'aller lui aussi dans ce pays où tout semble différent et merveilleux.

Partir. Facile à dire. Moins à faire. Cette opportunité de quitter le cocon familial il l'a en devenant professeur de français pour un diplomate russe. Il découvre Saint-Pétersbourg et à la fin de sa mission débute un tour d'Europe. C'est en Italie qu'il rencontre sa future femme, une écossaise, nièce d'un explorateur. Un signe.

Papillon insaisissable

Pourtant ce mariage va le sédentariser quelques années. Mais le démon du voyage va le reprendre et avec beaucoup de culot, après avoir essuyé un refus du gouvernement français, il va proposer ses services aux Anglais pour explorer ce Siam qui le fait toujours rêver. Il aura gain de cause avec cependant une priorité : capturer un Papillon de Siam.

C'est lord Rosse, président de l'Académie royale des sciences de la couronne britannique qui lui décrit cet insecte rarissime « De taille gigantesque, aux couleurs mêlées d'or, de bleu et de vert, c'est une variété nouvelle et inconnue, véritable merveille de la nature. » Henri Mouhot embarque en 1858 pour un voyage qui sera l'aboutissement de sa vie.

Maxence Fermine raconte avec une forte empathie ce périple, à croire que le romancier était dans les bagages de l'explorateur. Henri retrouve sur place Mgr Pallegoix, l'écrivain et inspirateur de sa jeunesse. Durant des années, inlassablement, le Français va sillonner les forêts, vallées impénétrables et montagnes vertigineuse à la recherche de ce papillon. Il le croisera une fois, mais sera incapable de la capturer.

Désespéré, prêt à abandonner, il va par hasard découvrir les ruines d'une ville inconnue. Une seconde fois sa vie va basculer. « Il se trouve au cœur d'une cité bâtie par une civilisation disparue depuis des siècles. Une ville à la fois minérale et végétale, dont il ne subsiste qu'un amas de ruines, un cimetière de grès envahi par la végétation. Une cité de silence et de mystère. C'est là, dans ce lieu hors du temps, alors qu'il cherche désespérément un papillon qui se dérobe à lui, qu'Henri Mouhot parvient au cœur du tombeau d'une race disparue. » Henri Mouhot n'a pas trouvé son papillon, mais il a révélé au monde entier Angkor, ville-temple considérée par certains comme la 8e merveille du monde...

« Le papillon de Siam », Maxence Fermine, Albin Michel, 14,50 € 

dimanche 4 avril 2010

BD - L'étoile du Katanga


Les diamants ont toujours fait rêver. Ils ont aussi provoqué des milliers de morts violentes. Ces pierres précieuses sont au centre d'un commerce très réglementé, de plus en plus florissant malgré la crise. Bartoll, le scénariste, a imaginé comment quelques arrivistes tentent de s'accaparer une part du gâteau. 

Pour l'instant, c'est la World Diamond Co qui a le quasi monopole. Son président, Charles Jr Van Berg, devra déployer des trésors de ruse pour contrecarrer ses rivaux. 

Dessinée par Köllé, qui avoue son admiration de Francq et Denayer, la série « Diamants » nous entraîne du Congo au Canada en passant par Israël et la Russie. Ce troisième tome se déroule en grande partie à Kinshasa. 

L'étoile du Katanga, une pierre de 849 carats va passer de main en main, faisant couler beaucoup de sang au passage. Regrettons simplement que cette série d'action ne fasse intervenir que des protagonistes tous plus détestables les uns que les autres, avides de pouvoir et d'argent. Mais c'est certainement le milieu qui veut cela.

« Diamants » (tome 3), Glénat, 9,40 € 

samedi 3 avril 2010

BD - La nébuleuse Roxana


Qui est All Watcher ? Cette question, Larry B. Max, le héros de la série IRS se la pose toujours dans le second tome de ce spin-off dessiné cette fois par Daniel Koller. Il est sur sa piste, ou plus exactement sur celle d'un Français qui est peut-être en relation avec ce personnage qui serait l'homme le plus riche de la planète car exploitant toutes les failles du système monétaire mondial. 

Vincent Coutelier est un escroc de grande envergure. Il peut changer d'apparence en quelques secondes et lancer des arnaques à très grande échelle. Cette fois il a été contacté par Roxana Wilson-Habib, agent immobilier qui lui propose une affaire en or. Acheter des terrains pour 100 millions de dollars. 

Des terrains qui en vaudront, dans peu de temps, 1000 fois plus. Larry parvient à se faire passer pour Coutelier. Mais il est moins bon en comédie et le rendez-vous tourne mal. 

Aussi passionnante que la série mère écrite par Desberg, « All Watcher » comptera 7 tomes, tous dessinés par des auteurs différents.

« All Watcher » (tome 2), Le Lombard, 10,95 € 

vendredi 2 avril 2010

BD - Petits riens essentiels


Chabouté, après quelques récits au long cours, revient à ses premières amours, la nouvelle. Ce recueil, petit format, en noir et blanc, propose une dizaines d'histoires courtes sur la vie de tous les jours. Intitulé « Fables amères, de tout petit riens », il brosse le portrait de notre société, de plus en plus solitaire, intolérante et inégalitaire. 

Chaque récit est comme un coup de poing au foie. Il semble anodin, mais après coup il vous casse en deux. Comme cette fillette dans un avion qui tente désespérément de discuter avec le monsieur assis à côté d'elle, malgré les remontrances de sa mère. Une fillette qui n'a jamais pris l'avion. Elle en est très fière, de même que de ses bons résultats à l'école. Elle le raconte durant tout le vol. 

A l'arrivée, elle et sa mère sont remises aux autorités locales par le monsieur peu bavard : un fonctionnaire français consciencieux qui vient d'expulser deux sans papiers. 

D'une force incroyable, cette BD nous fait réfléchir, culpabiliser aussi, parfois...

« Fables amères », Vents d'Ouest, 12 € 

jeudi 1 avril 2010

San-Antonio - Neige, boules et bévues

Patrice Dard, pour le 20e titre des nouvelles aventures de San-Antonio, s'essaie au format poche.


Cela fait dix ans que Frédéric Dard a quitté ce monde. Le créateur de San-Antonio et de tout son petit monde (Bérurier, Pinaud, Berthe, Félicie...) est pourtant toujours présent dans le coeur de millions de lecteurs. Ce dixième anniversaire est l'occasion pour les éditions Fleuve Noir de ressusciter quelques romans devenus rares, tout en poursuivant la réédition, avec des couvertures inédites de Boucq, des premières aventures du célèbre commissaire de police, grand tombeur de ces dames. Premières car depuis dix ans, Patrice Dard, le fils de Frédéric, a repris en main la maison San-Antonio pour les éditions Fayard. Il publie en ce mois de mars 2010 la 20e enquête de la nouvelle série. Et pour la première fois, le roman est publié en poche, ce format économique, souvent décrié par les « grands auteurs », mais qui a assuré une popularité inégalée à l'oeuvre de Dard père.

Béru en ski

« Ça sent le sapin » est un roman d'hiver. Il se déroule essentiellement dans une station de sports d'hiver, aux alentours de Noël. Cela donne d'entrée une scène comme les fans en raffolent : Béru et madame sur des skis : « Le Gravos des cimes et sa Baleine des neiges, une grosse bobonne en doudoune d'un vert dégueulis d'épinard. » Le couple n'est pas là pour s'adonner aux joies des sports d'hiver (bien que Berthe ait accepté de prendre, dixit Béru, « des cours de surf avec Frédo, le grand moniteur blond qu'a un regard d'angelot et des biscoteaux de lutteur de foire. Attention, pas un risque-tout, le zigue. Il l'a convoquée dans son studio. »)

Béru est en service commandé. Il était chargé de protéger un certain Pipo, ancien skieur alpin qui pourrait bien être assassiné ce 23 décembre. Il semble être la prochaine victime d'un serial killer ayant déjà à son actif un kayakiste, un alpiniste et un golfeur.

La mission foire lamentablement mais San-Antonio ne lâche pas l'affaire. Il va remuer ciel et terre pour retrouver le tueur et comprendre les motifs de sa folie meurtrière. Au passage il emballera une certaine Dominique Patrault, médecin légiste de son état. Il croisera aussi une ancienne connaissance policière, un malfrat reconverti, une vendeuse de lingerie, une vieille bique mauvaise langue et une avocate fiscaliste. Un défilé savoureux de second rôles faisant tout le sel de ces aventures de San-Antonio.

Reste le meilleur, les interventions de Bérurier, toujours aussi gras du bide, ordurier et obsédé. L'auteur, dans la bouche de San-Antonio, lui rend un long hommage dont voici un extrait : « Écoute-moi bien, Alexandre. Tu incarnes sans doute le personnage le plus répugnant de toute la littérature française. Tu es rustaud, trivial et aussi mal embouché qu'un chiotte à la turque. Chacune de tes phrases est un attentat contre la grammaire. Tu tourmentes le vocabulaire, persécutes la syntaxe, martyrise le subjonctif. (...) Ton haleine ferait avorter une couvée de vautours. Mais je dois humblement reconnaître que tu es un flic hors-pair ! » Patrice Dard a lui aussi compris que les enquêtes de San-Antonio, les intrigues et tout le rituel du polar ne sont que des prétextes pour mettre en scène le personnage ultime : Bérurier. Les second rôles ne sont rien sans les héros. Mais dieu que ces héros seraient fades sans leurs acolytes.

« Ça sent le sapin », San-Antonio, Patrice Dard, Fayard, 6,90 €