Patrice Dard, pour le 20e titre des nouvelles aventures de San-Antonio, s'essaie au format poche.
Cela fait dix ans que Frédéric Dard a quitté ce monde. Le créateur de San-Antonio et de tout son petit monde (Bérurier, Pinaud, Berthe, Félicie...) est pourtant toujours présent dans le coeur de millions de lecteurs. Ce dixième anniversaire est l'occasion pour les éditions Fleuve Noir de ressusciter quelques romans devenus rares, tout en poursuivant la réédition, avec des couvertures inédites de Boucq, des premières aventures du célèbre commissaire de police, grand tombeur de ces dames. Premières car depuis dix ans, Patrice Dard, le fils de Frédéric, a repris en main la maison San-Antonio pour les éditions Fayard. Il publie en ce mois de mars 2010 la 20e enquête de la nouvelle série. Et pour la première fois, le roman est publié en poche, ce format économique, souvent décrié par les « grands auteurs », mais qui a assuré une popularité inégalée à l'oeuvre de Dard père.
Béru en ski
« Ça sent le sapin » est un roman d'hiver. Il se déroule essentiellement dans une station de sports d'hiver, aux alentours de Noël. Cela donne d'entrée une scène comme les fans en raffolent : Béru et madame sur des skis : « Le Gravos des cimes et sa Baleine des neiges, une grosse bobonne en doudoune d'un vert dégueulis d'épinard. » Le couple n'est pas là pour s'adonner aux joies des sports d'hiver (bien que Berthe ait accepté de prendre, dixit Béru, « des cours de surf avec Frédo, le grand moniteur blond qu'a un regard d'angelot et des biscoteaux de lutteur de foire. Attention, pas un risque-tout, le zigue. Il l'a convoquée dans son studio. »)
Béru est en service commandé. Il était chargé de protéger un certain Pipo, ancien skieur alpin qui pourrait bien être assassiné ce 23 décembre. Il semble être la prochaine victime d'un serial killer ayant déjà à son actif un kayakiste, un alpiniste et un golfeur.
La mission foire lamentablement mais San-Antonio ne lâche pas l'affaire. Il va remuer ciel et terre pour retrouver le tueur et comprendre les motifs de sa folie meurtrière. Au passage il emballera une certaine Dominique Patrault, médecin légiste de son état. Il croisera aussi une ancienne connaissance policière, un malfrat reconverti, une vendeuse de lingerie, une vieille bique mauvaise langue et une avocate fiscaliste. Un défilé savoureux de second rôles faisant tout le sel de ces aventures de San-Antonio.
Reste le meilleur, les interventions de Bérurier, toujours aussi gras du bide, ordurier et obsédé. L'auteur, dans la bouche de San-Antonio, lui rend un long hommage dont voici un extrait : « Écoute-moi bien, Alexandre. Tu incarnes sans doute le personnage le plus répugnant de toute la littérature française. Tu es rustaud, trivial et aussi mal embouché qu'un chiotte à la turque. Chacune de tes phrases est un attentat contre la grammaire. Tu tourmentes le vocabulaire, persécutes la syntaxe, martyrise le subjonctif. (...) Ton haleine ferait avorter une couvée de vautours. Mais je dois humblement reconnaître que tu es un flic hors-pair ! » Patrice Dard a lui aussi compris que les enquêtes de San-Antonio, les intrigues et tout le rituel du polar ne sont que des prétextes pour mettre en scène le personnage ultime : Bérurier. Les second rôles ne sont rien sans les héros. Mais dieu que ces héros seraient fades sans leurs acolytes.
« Ça sent le sapin », San-Antonio, Patrice Dard, Fayard, 6,90 €
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