samedi 31 octobre 2009

BD - Franquin posthume


Alors que les éditions Dupuis viennent de rééditer dans une nouvelle présentation et avec de superbes dessins de couvertures toute la série des Gaston, deux petits rigolos, Piak au scénario et Turalo au dessin, ont décidé de transformer le génial dessinateur inventeur du Marsupilami en héros de BD. 

Mais Franquin est mort. C'est donc en dessinateur zombi qu'il intervient, comme s'il tenait un blog dessiné, passage obligé pour tout jeune auteur en devenir et surtout en quête de reconnaissance. Franquin nous donne de ses nouvelles et de quelques uns de ses potes, comme Roba ou Hergé. Avec le premier, pas de problème. Avec le second, il y a souvent de l'embrouille. 

Il croise aussi Morris, Delporte qui s'invite en cours de récit et Goscinny. Avec ce dernier il a de longues discussions sur l'inspiration. Car si Franquin veut revenir sur le devant de la scène, il a un gros problème : plus d'idées. Cette BD souvent irrévérencieuse est en fait un bel hommage à ces maîtres disparus. Ils ont beaucoup apporté au 9e art. 

Mais aujourd'hui seraient complètement dépassés par la génération montante. A moins que Franquin ne parvienne à finaliser sa reprise des aventures du groom rouge. Un album intitulé « La mort de Spirou »...

« Le blog de Franquin » (tome 1), Drugstore, 10 € 

vendredi 30 octobre 2009

BD - Loustal crépusculaire

Le héros et narrateur vient de passer quatre années en prison. A sa sortie, son père l'accueille, au volant d'une grosse voiture avec une certaine Mandy à l'arrière. Une prostituée. Ces retrouvailles familiales n'ont rien à voir avec un quelconque amour paternel mais sont très intéressées. Le taulard était sur un très gros coup. Il venait de subtiliser un énorme diamant à un pigeon de première. Par manque de chance, durant la transaction, la mère de l'arnaqué était victime d'une balle perdue. Le narrateur aussi prenait une balle. Dans la tête. Et devenait amnésique. 

Aujourd'hui, de nouveau libre, il tente de se souvenir de ce qu'il a fait de la pierre avec l'aide se son père qui lui raconte l'histoire. Et une troisième personne remonte à la surface. Gwen. Sa petite amie. Il lui avait promis de l'amener à Coronado avec l'argent de la pierre. Il lui avait aussi recommandé de se méfier de son père s'il lui arrivait malheur. 

Adapté d'une nouvelle de Denis Lehane, ce récit de Loustal est d'une noirceur implacable. Beaucoup de cadavres jalonnent cette histoire se déroulant aux USA, le décor préféré du dessinateur de « Barney et la note bleue ».

« Coronado », Casterman/Rivages Noir, 17 € 

jeudi 29 octobre 2009

Roman jeunesse - Star attaque avec Hunger Games

Jusqu'où peut aller la télé-réalité ? Dans ce roman de Suzanne Collins, les participants doivent tuer leurs adversaires pour l'emporter.


Certains comparent les émissions de télé-réalité à de nouveaux jeux du cirque tant les spectateurs semblent apprécier mensonges, coups bas et trahisons. Suzanne Collins a poussé l'horreur à son paroxysme dans ce roman s'adressant principalement aux adolescents et jeunes adultes, ceux-là même qui semblent se délecter de ces programmes. Un texte d'anticipation, comme une épée de Damoclès sur nos têtes. Dans le programme vedette, Hunger games, les participants n'ont qu'un but : s'entre-tuer en direct et sous les caméras. Seul le dernier en vie remporte célébrité et cagnotte. Ils sont 24 joueurs au début, dont une grande majorité n'ayant pas choisi d'y participer. C'est le cas de Katniss et Peeta, le deux héros du roman

Désignés pour mourir

Dans un futur proche, les États Unis ont complètement explosé. Une nouvelle guerre civile qui s'est finalement achevée par une nouvelle partition du territoire. Un état central, le Capitole, régente la vie des douze districts sous sa coupe. Douze régions où le niveau de vie a considérablement baissé. Le District 12 est spécialisé dans l'extraction du charbon. C'est là que vit Katniss, une adolescente qui malgré ses 16 ans assure l'ordinaire à sa mère et sa petite soeur. Le père est mort dans un accident, un coup de grisou. Katniss prend donc le risque de quitter le district quotidiennement pour chasser dans les forêts environnantes. En ramenant écureuils ou lapins tués grâce à son habileté à l'arc, elle gagne suffisamment pour ne pas mourir de faim.

La première partie du roman décrit longuement la vie de la jeune fille et les nombreuses difficultés qu'elle doit surmonter. Quand le tirage au sort pour les Hunger games arrive, la petite soeur de Katniss est désignée. Son aînée se portera volontaire pour la remplacer.

Entraînée à tuer

Commence alors la seconde partie de cette histoire. Avec l'autre représentant du District 12, Peeta, elle va découvrir un autre monde. Car ce programme de télé, avant le sang, veut du glamour. Les candidats sont présentés au pays au cours d'une cérémonie où la jeune sauvageonne est transformée en fière amazone. « Je me retrouve dans le costume qui sera sans doute le plus sensationnel ou le plus fatal de la cérémonie d'ouverture. C'est une combinaison noire moulante qui va du cou à la cheville. J'ai aussi des bottes en cuir à lacets qui montent jusqu'au genou. » Avec en plus une cape en lanières jaune et rouge donnant l'impression de brûler. Rapidement Katniss va devenir la coqueluche du public, d'autant que son coéquipier, Peeta, timide fils de boulanger, avoue en direct être amoureux d'elle. Avant d'être lancés, à 24, dans l'arène, ils s'entraînent. Et de nouveau Katniss fait forte impression devant le jury avec un arc : « De retour au centre du gymnase, je reprends ma position initiale et je transperce le mannequin en plein coeur. Puis je coupe la corde du sac de frappe, qui s'éventre en s'écrasant par terre. Sans un temps mort, je roule sur une épaule, me relève sur un genou et tire une flèche dans l'un des projecteurs suspendus au plafond du gymnase. Une cascade d'étincelles en dégringole. »

Quand les choses sérieuses commencent, le clinquant laisse la place aux larmes et au désespoir. Katniss devra lutter seule contre les représentants des autres districts. Tout en découvrant les dessous de ce programme de télé qui ne fonctionne que grâce aux règles mouvantes, les magouilles de la production et autres coups de théâtre provoqués pour faire monter l'audience.

Tout l'art de Suzanne Collins consiste à préserver le suspense jusqu'au bout, tout en dénonçant les dérives de notre société vers le voyeurisme et la violence. Une suite est déjà programmée (en mai 2010) et une adaptation cinématographique est en cours.

« Hunger games », Suzanne Collins, Pocket Jeunesse, 17,90 € 

mercredi 28 octobre 2009

BD : Silien Melville face aux magouilles


Pas très reluisante la vie de Silien Melville. A peine la trentaine et déjà plus aucune illusion. Métier abrutissant, pompiste de nuit, solitude forcée après une séparation douloureuse, sans oublier une tendance à noyer le tout dans le whisky. En se rendant à son boulot en vélomoteur, il rêve de gagner le gros lot au loto. 

Le gros lot il va le décrocher, mais indirectement. Il reçoit la visite d'une vieille connaissance. Ils se sont connus à l'armée. Silien se retrouve alors plongé dans une affaire mêlant hommes politiques, truands et argent sale. 

Le scénario de Djian, original au début, devient plus classique par la suite. Ternon, au dessin, propose une mise en scène très cinématographique à base d'un dessin d'un réalisme chirurgical.

« Silien Melville » (tome 1), Vents d'Ouest, 9,40 € 

mardi 27 octobre 2009

BD - Police secours et Commandant Achab


Polar classique que ce premier épisode des aventures du commandant Achab. Le vieux policier, unijambiste, râleur et iconoclaste fait l'unanimité contre lui. Il est muté aux archives dans un petit bureau qu'il partage avec un chat caractériel. 

Un enterrement de 1re classe qui prend fin quand on lui confie une enquête sur des meurtres étranges. Il devra en plus se coltiner un nouvel équipier, Karim, jeune et entreprenant, rapidement déboussolé par les pratiques peu régulières de son supérieur. 

Le scénariste Stéphane Piatzszek a particulièrement réussi le portrait de ces héros atypiques. Stéphane Douay au dessin réaliste mais épuré, sert cette intrigue, imposant une ambiance très sombre malgré l'utilisation de la ligne claire.

« Commandant Achab » (tome 1), Soleil Quadrants, 14,30 € 


 

lundi 26 octobre 2009

BD - L'enlèvement d'Appoline

Jean-David Morvan, scénariste prolifique, aime explorer les tréfonds de l'âme humaine. Il excelle à mettre en scène les sentiments forts, extrêmes. 

Cette histoire complète dessinée par TBC raconte la découverte par un policier dépressif d'une jeune femme, otage depuis 8 ans. Appoline a été enlevée à la sortie de l'école. La blonde fillette de 9 ans a depuis vécue dans une pièce close, dans la cave de son ravisseur, un homme névrosé, jouissant de ce pouvoir sur l'enfant. Mais l'heure est venue pour Appoline de sortir. Grâce au policier. 

Violent et dérangeant, cet album percutant est une réflexion sur le conditionnement et la manipulation des esprits. Une démonstration édifiante.

« Appoline », Casterman, 15 € 

dimanche 25 octobre 2009

Roman français - L'amour frappe n'importe où


En cette période où les tenants de l'ordre et de la discipline ont le vent en poupe, Lydie Salvayre envoie un pavé dans le marigot des bien-pensants. Les sécuritaires à tous crins risquent d'être éclaboussés par ce « Passage à l’ennemie », roman hilarant décrivant avec minutie la métamorphose d'un agent des renseignements généraux infiltré dans une bande de jeunes squattant les halls d'une cité de banlieue.

L'inspecteur Arjona, grand lecteur de SAS et des exploits physiques et sexuels de Malko, envoie régulièrement des rapports détaillés de sa mission d'infiltration à son supérieur hiérarchique. Des rapports qui forment le corps du roman. Première difficulté pour Arjona, pour s'intégrer parfaitement il doit tirer lui aussi sur les pétards qui circulent en permanence entre les membres de la bande. L'usage quotidien de hasch va progressivement changer sa vision de la société. 


Il va de plus en plus facilement adopter le mode de vie de ces jeunes. Jusqu'à douter de sa mission. Rien ne va plus pour Arjona qui en plus s'obstine à centrer son enquête sur la belle Dulcinée, une jeune fille, silencieuse et charmante. Il tente de la séduire, mais les recettes de Malko ne semblent pas adaptées à cette rebelle énigmatique.

Un roman optimiste brocardant allègrement une certaine pensée unique sur les jeunes des banlieues.

« Passage à l'ennemie » de Lydie Salvayre, Seuil, 15 € (5 € en poche chez Points)

vendredi 23 octobre 2009

Thriller - Le train de notre avenir


Cela a tout l'air d'être l'antichambre du paradis. Petites maisons coquettes, golf verdoyant, piscines olympiques, larges allées ombragées ; des maisons de retraite de ce standing tout le monde en rêve. Clifford Estates a un seul inconvénient : être implantée aux confins de la Chine et de la Mongolie. Pas moins d'une semaine de trajet en train pour rejoindre cet îlot de verdure et de fraîcheur après les contrées désertiques du Gobi.

Dans ce futur très proche décrit par Jean-Michel Truong (une petite vingtaine d’années), les retraités n'ont plus leur place dans la société occidentale. Plus de logement pour les accueillir ni de ressources pour subvenir à leurs besoins. Les gouvernements européens ont lancé une vaste opération de délocalisation du 3e âge. Tout retraité aura droit à une place dans une maison de retraite… mais en Chine, coût de la vie oblige.

Des sociétés se sont créées de toutes pièces, alliance d'assureurs, d'entreprises du bâtiment et des loisirs, pour répondre aux appels d'offres. Des concessions ont été attribuées en échange d'une somme forfaitaire par retraité. Cet avenir peu reluisant, le lecteur le découvre progressivement, au fil des kilomètres avalés par le train qui conduit plusieurs centaines de retraités de France en Chine. On suit plus particulièrement Jonathan, un ancien médecin, qui connaît bien la Chine pour y avoir vécu durant quelques années. Sa prestance et son amabilité lui permettent de devenir le confident de ces exilés volontaires. Un banquier pratiquement ruiné, un informaticien dépassé par les nouveautés, des spéculateurs sur la paille et autre vieillard laissé pour compte dans cette société qui n'en a que pour la jeunesse.

Et certains dans le train se posent des questions sur la rentabilité de Clifford Estates. Ils se demandent notamment comment cette entreprise peut devenir rentable alors que sans cesse l'espérance de vie s'allonge et que par conséquent, mathématiquement, les coûts augmentent. Ils s'interrogent, complotent, tentent de se renseigner… et meurent mystérieusement entre Moscou et Oulan-Bator. Ce paradis semble trop beau pour être vrai.

Un des amis de Jonathan, ponte du Parti au pouvoir, tempête contre la trop grande efficacité de la médecine : « Nous nous trouvons dans la situation d'une espèce sans prédateurs, de chiens de prairie sans faucons, de lapins de garenne sans renards : ses effectifs croissent bien au-delà de ce que son environnement est en mesure de supporter. »

Et le final du roman ne devrait pas rassurer le quadra qui pourrait se reconnaître dans les passagers (marchandise) de cet "Eternity Express".

« Eternity Express » de Jean-Michel Truong, Albin Michel, 19,50 € (également disponible chez Pocket)

jeudi 22 octobre 2009

BD - Les dragons et l'enfant en pleines "Ténèbres"


Attention les yeux ! Dans la catégorie « dessinateurs réalistes qui passent plus d'une semaine sur une case pour y glisser des milliers de détails » Iko, virtuose italien, en impose. Immédiatement, en découvrant ses planches remplies de soldats en armes, châteaux médiévaux et dragons ailés, on pense à Jean-Claude Gal, le dessinateur de Arn et des Armées du Conquérant. 

Un éblouissement côté dessin amplifié par l'histoire signée Christophe Bec. Dans ce monde d'héroïc-fantasy, le cours de l'histoire est modifié quand une pluie de feu s'abat sur le pays. De ces incendies sortent des monstres maléfiques, crachant le feu, détruisant tout sur leur passage. Le roi se réfugie dans un puissant château, mais ce n'est que retarder l'échéance. 

Seul espoir, une prophétie qui affirme : « Un seul viendra par siècle, dans une armure de glace, tenant dans ses mains vengeresses notre salut ». Le sauveur de pourrait être Ioen, un enfant de paysans aux pouvoirs extraordinaires. La légende des « Ténèbres » s'annonce passionnante.

« Ténèbres » (tome 1), Soleil, 12,90 € 

mercredi 21 octobre 2009

BD - "Les larmes de sang", 6e titre de la série gothique "Les démons d'Alexia"


Couverture très gothique et inquiétante pour ce 6e tome de la série ésotérique « Les démons d'Alexia ». La jeune héroïne, mi sorcière, mi exorciste, se recueille devant un cercueil. Pour clore ce second cycle, les auteurs ont décidé de « sacrifier » un des personnages secondaires. 

C'est Paolo Capaldi, le médium du CRPS (Centre de recherche des phénomènes surnaturels), qui le prédit au cours d'une réunion plénière de l'organisme : « Avant la fin de l'ultimatum, l'un d'entre nous sera mort ». L'ultimatum c'est celui lancé par les instances gouvernementales qui n'apprécient pas le déchaînement des manifestations occultes. Si rien n'est fait par Alexia, directrice du CRPS, l'armée entrera en action... 

Une course contre la montre s'engage, avec en plus pour Alexia l'obligation de veiller nuit et jour sur Gabriel, l'ange déchu que la sorcière Sarah Perkins désire assassiner. 

Entre traîtrise, choix difficiles et coups de théâtre, ces 48 pages de Ers et Dugomier fourmillent de trouvailles et de surprises. Une série qui semble s'être imposée, surfant sur la vague gothique et magicienne qui passionne les adolescents actuels.

« Les démons d'Alexia » (tome 6), Dupuis, 9,45 € 

mardi 20 octobre 2009

BD - Surprenante planète Altaïr-3 des "Terres lointaines" de Léo et Icar


De plus en plus passionnante l'exploration de la planète Altaïr-3. Il est vrai que cette civilisation extraterrestre est tout droit sortie de l'imagination de Léo, le créateur des mondes d'Aldebarran. Cette fois il se contente du scénario laissant le dessin à Icar. Ce dessinateur français a donc la lourde charge de donner une image à ces bêtes fabuleuses, ailées, massives, dentées, agressives et toujours surprenantes. 

C'est le principal intérêt de cette série dont les héros n'ont pas encore réussi à s'imposer. Il est vrai qu'en étant humains ils paraissent parfois très fades. Seul le stepanerk, sorte de crevette géante aux incroyables pouvoirs de persuasion sort du lot dans la petite équipe chargée d'explorer une planète encore sauvage. On suit dans un premier temps la découverte de ruines puis le travail de Paul Clauden chargé de cueillir les perles de vie. 

Un voyage merveilleux s'offre à tous ceux qui acceptent de s'immerger dans l'univers de Léo. Ils sont de plus en plus nombreux car force est de reconnaître que notre monde, quasiment privé de territoires vierges, ne nous fait plus rêver...

« Terres lointaines » (tome 2), Dargaud, 10,40 €  

lundi 19 octobre 2009

"La promesse du feu", thriller brûlant sur les hauteurs de l'Hérault

Dans la garrigue sèche héraultaise, les flammes dévorent tout sur leur passage. Pompiers et incendiaires s'affrontent dans la « Promesse du feu ».


A proximité du Lac du Salagou, sur les hauteurs du département de l'Hérault, le premier feu de la saison met pompiers et pilotes de Canadair en alerte. Cet incendie, qui rapidement prend de l'importance, a débuté par l'accident puis la combustion d'un 4X4. A son bord Baptiste Legendre, garde forestier. Dès les premières pages de ce thriller français signé Mikaël Ollivier, seul le lecteur sait que Legendre, mort dans sa voiture, a en fait été assassiné. Drogué, attaché à son volant, il a assisté à sa propre mort, dévoré par les flammes issues de l'essence de ses tronçonneuses renversée dans sa voiture par son meurtrier.

Un foyer qui va vite s'étendre aux alentours. Entre alors en action Târiq Amraoui, ancien de l'armée de l'air, reconverti dans la sécurité civile, pilote de Canadair 38. Ce fils d'immigré, issu des cités de la région parisienne, a découvert l'aviation en scrutant les gros porteurs rasant le toit de son immeuble. Il a beaucoup travaillé pour accéder à son rêve. Pour lui et sa mère, morte alors qu'il venait de réussir son bac avec mention.

Fascination du feu

Après des années à piloter des Mirage, il a refusé la reconversion lucrative de l'aviation d'affaires pour continuer le combat, dans le civil, contre le feu cette fois. Dans la fournaise, se trouve également Tiffany Roche, ancienne petite amie de Legendre, photographe. Armée de ses deux appareils, un Leica argentique et un Nikon numérique, elle veut capter la violence du feu au plus près. Au risque d'y laisser sa chevelure rousse.

Ces cinquante première pages permettent à l'auteur de décrire avec un étonnante précision la fascination de la photographe pour cet incendie de forêt progressant à la vitesse d'un cheval au galop : « La forêt se tordait, impuissante, soumise à la langue fauve de l'incendie qui s'immisçait au creux des racines et s'étirait jusqu'à lécher la cime des arbres qu'elle nettoyait comme des os. L'air crépitait, claquait, craquait, gémissait sous l'avancée du sinistre aux ronflements de forge. » Vu du ciel, du cockpit de Târiq, le spectacle aussi vaut le détour : « La fournaise était en vue. La limite mouvante de l'incendie mangeait la cime des arbres, des flammes gigantesques jaillissaient et disparaissaient au gré des bourrasques de vent. »

Jeune gendarme persévérant

Une fois l'incendie éteint, les avions rentrés à la base et Tiffany à l'abri, place à l'enquête. Elle sera menée par Damien Le Guen, gendarme scientifique, exactement technicien d'identification criminelle. Il fera les premières constatations sur le cadavre calciné de Legendre. L'hypothèse de l'accident semble la plus plausible. Mais c'est la première enquête en solo de Le Guen et il va explorer toutes les pistes. Celle de la petite amie, des pompiers présents sur l'incendie, à terre et dans le ciel. Aidé de sa mère, retraitée passionnée par les romans policiers, il va tenter de découvrir la vérité.

On croit alors entrer dans un roman policier plus classique mais Mikaël Ollivier va prendre ses lecteurs à revers, laissant passer du temps et orientant son texte vers un récit plus psychologique. On découvrira ainsi les névroses de Tiffany, la solitude de Damien et l'esprit de revanche de Târiq. Un trio au centre du roman qui reprendra son cours plus tragique l'été suivant pour un nouvel incendie, le dernier d'une longue série.

« La promesse du feu », Mikaël Ollivier, Albin Michel, 19,90 € 

dimanche 18 octobre 2009

BD - "Boulevard des crimes", sixième titre des aventures de l'Agence Hardy


Paris 1959. La Ve république est encore balbutiante et déjà, dans l'ombre, des factieux tentent de renverser celui qui a voulu cette grande réforme des institutions françaises : le général de Gaulle. Edith Hardy, détective privée mais également républicaine, va aider les services secrets français pour faire capoter ce projet d'attentat. 
Mais ce n'est qu'une des multiples intrigues proposées dans le 6e tome des aventures de l'Agence Hardy, imaginées par Pierre Christin et dessinées par Annie Goetzinger. Si la patronne s'occupe des hautes sphères, Victor, son jeune assistant enquête dans le milieu du spectacle. Par deux fois, un acteur est abattu sur scène au final d'une pièce de l'auteur Jehan Lanouilh. 
Victor va donc prendre le rôle du jeune premier et flirter avec la vedette, Thelma, au grand désespoir de sa fiancée, Rosa, journaliste à Combat. 
Cette série, débutée comme une simple suite d'intrigues parisiennes, se transforme au fil des albums en une reconstitution brillante et criante de vérité de la France du milieu du XXe siècle, avec personnages attachants, ressort comique ou tragique en fonction des événements.

« Agence Hardy » (tome 6), Dargaud, 10,40 € 

samedi 17 octobre 2009

BD - Bienvenue à Sable Noir, deux fois...


"Vampyres Sable Noir" est un vaste projet autour de l'univers des vampires à travers trois modes d'expression : la littérature, le cinéma et la bande dessinée. A la base, six écrivains ont fourni des nouvelles à partir du pitch suivant : « Dans le village de Sable Noir, la malédiction s'abat le 3 novembre... » Ensuite, des cinéastes s'emparent de ces écrits pour les adapter à l'écran pour la chaîne Ciné Cinéma Frisson. Tr

oisième étage de la fusée, cette année, des duos scénaristes-dessinateurs proposent leur propre vision. Cela donne deux gros albums contenant chacun trois récits de 25 pages. Et pas mal de surprises car les talents sont au rendez-vous : des textes originaux de Thierry Jonquet, Ann Scott, Brigitte Aubert ou Pierre Pelot, des adaptations d'Alcante, Krassinsky, Filippi ou Ricard sans oublier les dessinateurs (par ordre d'entrée en scène), Laumond, Redolfi, Lieber, Matteo, March et Durand.

Du contemporain à l'ancien, du romantique au gothique, vous aurez du vampire à toutes les sauces. Avec cependant une constante : la couleur rouge du principal ingrédient.

« Vampyres » (tomes 1 & 2), Dupuis, 16 € 

vendredi 16 octobre 2009

BD - Hervé Bourhis, écolo à vélo


Et si la crise écologique qui nous pend au bout du nez était plus proche qu'on ne le croit ? Les pessimistes parlent d'une dizaine d'années, les optimiste un bon siècle. Et si c'était l'année prochaine ? C'est le postulat de départ de cette BD de Hervé Bourhis. 

Le héros, dessinateur de BD insouciant travaillant sans grand entrain à un projet ésotérique, met de longues semaines à prendre conscience de la réalité, notamment quand son éditeur lui avoue que la boite a fermé, que plus personne n'achète de BD, objet superflu par excellence. Sont beaucoup plus prisés les légumes frais, le kilo de tomates affichant un incroyable 50 euros... Passé le choc, le narrateur trouve une solution en devenant vélotaxi (il n'y a plus d'essence). 

Cela fait de belles fesses, de beaux mollets et un peu d'argent. Mais le must ce serait de faire son potager sur la terrasse. Reste à apprendre à faire pousser légumes et fruits.

 Demander à son père serait la meilleure solution. Encore faut-il se réconcilier avec lui et franchir les 400 kilomètres qui séparent Bordeaux de Tours. Une BD visionnaire, entre noir pessimisme et vert optimisme...

« La main verte », Futuropolis, 15 € 

jeudi 15 octobre 2009

Roman - La fête des juges dans "Parquet flottant" de Samuel Corto

Portrait au vitriol d'une partie de la magistrature, ce « Parquet flottant » basé sur une expérience réelle est édifiant et un peu inquiétant.


Qui ne craint pas la justice ? Et notamment le parquet, ces juges qui accusent, demandent réparation. Samuel Corto (il s'agit d'un pseudonyme) a décidé de transformer son expérience de substitut du procureur en un roman acidulé. L'homme, qui se revendique aujourd'hui écrivain à temps complet, a débuté de l'autre côté des prétoires. Avocat, il a perdu de ses convictions au fil des années et des affaires. Il tente une reconversion dans le camp de l'adversaire : juge au parquet.

Le roman débute donc par l'arrivée d'Etienne Lanos, en plein été, dans ce petit tribunal de province. La justice, il connaît. Le parquet, il découvre. Et de détailler par le menu ce petit monde, imbu de sa personne, fonctionnaire jusqu'au bout des ongles, respectueux de la hiérarchie et prêt à tout pour plaire à son chef. Le roi, c'est le président. Vient ensuite le procureur. Etienne a le défaut de ne pas jouer le jeu. N'étant pas passé par le moule de l'Ecole nationale de la Magistrature, il ne pense pas comme ses collègues. Ou du moins, lui, il pense, comprend ce qu'il fait, quelles sont les conséquences de ses décisions.

Il explique ainsi que toute ouverture de dossier doit déboucher sur, au minimum, une mise en examen. La garde à vue, cela fait mieux dans le dossier pour l'avancement. Mais attention, le pire c'est la relaxe au moment du procès. Mais il y a peu de risque : même si leur fonction est tout autre, les juges du siège rendant les décisions sont souvent amis et solidaires de ceux rattachés au Parquet. Magouille ? Non, simplement de la bonne intelligence entre amis et connaissances. Une connivence visible dès le cérémonial. « Précédés d'une sonnette d'un autre temps, nous étions entrés en rang d'oignons, solennellement et dans un ordre immuable, avant de nous installer derrière nos bureaux-bunkers, empêtrés dans nos panoplies de corbeau, l'air grave. Devant nos allures de comédiens professionnels, n'importe quel esprit raisonnable pourrait croire que ce protocole usé, nous ne ferions que le subir, comme un tribut dû à l'Histoire. Qu'il se détrompe immédiatement : rien n'est plus important que ces privilèges d'autorité visuelle. »

Un peu trop misogyne

Rapidement Etienne va se rebeller contre ce système qui écrase les justiciables. Il va notamment prendre en grippe une collègue femme. C'est aussi la partie la plus criticable du roman, une certaine forme de misogynie semblant justifier toutes ses positions. Valérie, qui « prenait régulièrement fait et cause pour les justiciables de ses dossiers », serait avant tout une féministe se vengeant des hommes. « Le massacre était en piste, ronronnant, légal, conforme à l'esprit du siècle : toutes les plaintes des femmes, même les moins étayées, les plus farfelues, aboutissaient directement devant le tribunal, avec la bénédiction bienveillante de la hiérarchie tout à ses statistiques ministérielles. » Certes la Justice s'est féminisée depuis quelques années. Mais force est de reconnaître qu'il faudra encore pas mal de siècles pour rattraper le déséquilibre qui a frappé le sexe dit faible. Il n'y a pas très longtemps, les femmes soupçonnées de sorcellerie étaient brûlées en place publique alors que les notables, violeurs de soubrettes, ou les prêtres, notoirement pédophiles, étaient donnés en exemple...

Reste que ce roman, si l'on met de côté ces attaques misogynes d'un autre âge, est une plongée dans un monde qui semble avoir oublié l'essentiel de son rôle : juger avec humanité.

« Parquet flottant », Samuel Corto, Denoël, 16 € 

mercredi 14 octobre 2009

BD - De Bois-Maury et la fureur cosaque


La saga des Tours de Bois-Maury achevée, Hermann semblait avoir définitivement détourné ses pinceaux du Moyen Age. Finalement c'est son fils, Yves H., scénariste, qui l'a poussé à prolonger la série en signant des histoires complètes ayant pour personnage central un descendant de la célèbre famille. 

L'occasion par ailleurs d'explorer des contrées et des périodes nouvelles de cette Europe remplie de bruit et de sang. Vassya, titre de ce 14e tome, est le nom d'un chef cosaque. Il s'est associé avec les Polonais pour chasser le tsar Boris Godounov et y placer Dimitri à sa place. 

De la grande histoire racontée à travers les amours d'un jeune hussard et d'une belle autochtone.

« Bois-Maury » (tome 14), Glénat, 9,40 € 

mardi 13 octobre 2009

BD - Cassio et les secrets romain


Cassio, série écrite par Desberg et dessinée par Reculé, se déroule entre l'empire romain une centaine d'années après Jésus Christ et l'Europe contemporaine. D'un côté Cassio, médecin aux pouvoirs paranormaux, est sur la piste d'une machination qui lui coûtera au final sa vie ; de l'autre la belle archéologue italienne Ornella Grazzi tente de découvrir comment Cassio, laissé pour mort, a réussi à se venger de ses quatre meurtriers.

 Dans ce troisième tome, l'action se déplace en Égypte. Cassio fait face à la belle Odisséa, ancienne prostituée devenue richissime en favorisant la haine des Égyptiens envers les Juifs, déjà... Entre polar et histoire des religions, une BD palpitante qui connaîtra son épilogue au prochain titre.

« Cassio » (tome 3), Le Lombard, 10,40 € 

lundi 12 octobre 2009

BD - Intrigues vénitiennes


Après quelques années d'absence, Pleyers revient à son héros emblématique : Jhen. Jacques Martin, le scénariste original a laissé la place à Hugues Payen. L'architecte, au service de Gilles de Rais, se rend en Italie pour récupérer un codex, recette d'alchimie qui donnerait la clé de la vie éternelle. Il se retrouvera dans une Venise puissante mais minée par les intrigues et les guerres larvées avec les cités voisines. 

Le dessinateur restitue les rues et canaux de la Sérénissisme dans des images d'une grande richesse. Le lecteur plonge également au cœur du carnaval, ses excès et libertinages de toutes sortes. Jhen, au passage, y trouvera une compagne de jeu experte en intrigue et manipulation.

« Jhen » (tome 11), Casterman, 10 €  

dimanche 11 octobre 2009

BD - Érotisme et vie de château


Eté 1936. Les congés payés, instaurés par le Front populaire, lancent des milliers d'ouvriers français sur les routes de l'Hexagone. Anatole et Simon, jeunes et fringants sur leurs bicyclettes, partent à la découverte. Surpris par la nuit, ils comptent demander le gite dans une grosse demeure perdue dans un parc. Ils sont accueillis par la maîtresse de maison qui est persuadée que ce sont les deux nouveaux domestiques envoyés par son époux, patron à Paris. 

Harassés, ils jouent le jeu et après une bonne nuit de repos, endossent leurs nouveaux uniformes. Ils vont alors découvrir les mœurs très libres régissant la maisonnée. Et se mettre au service, corps et âmes (surtout corps...), de la patronne, sa bonne et la fille de cette dernière. Simon, par ailleurs dessinateur amateur, va croquer ces dames dans leur plus simple appareil faisant encore progresser l'ambiance torride de cette BD grivoise. 

Grégory Mardon signe un récit complet léger et érotique, devenant même encore plus osé dans deux pages scellées pour qu'elles ne tombent pas sous les yeux de n'importe qui.

« Madame désire ? », Fluide Glacial, 14,95 € (réédité en 2023 chez Dynamite) 

samedi 10 octobre 2009

BD - "Les vents de Gath", premier album de Dumarest, l'aventurier des étoiles


La collection « Soleil cherche futurs » a pris le parti de remettre en lumière des sagas de science-fiction ayant enchanté des générations de lecteurs avides de voyages stellaires et de découvertes de civilisations aliens. 

Cette nouvelle adaptation, signée Nolane et dessinée par Chris Millien, permet au lecteur des années 2000 de faire connaissance avec Dumarest, l'aventurier des étoiles ayant débuté son périple intergalactique à la fin des années 60 sous la plume de l'auteur anglais E. C. Tubb. Dans un space opéra classique, Dumarest, à la gueule très inspirée par Clint Eastwood, va de planète en planète gagnant le prix de ses billets dans des combats à mort. Il est engagé comme garde du corps d'une dignitaire religieuse désirant se rendre sur la planète de Gath. Un monde hostile mais qui a la particularité de permettre aux vivants de converser avec les morts... 

Très plaisante et pleine de rebondissements, cette série n'a d'autre but que de nous divertir et rêver, le temps de la lecture de ces 48 pages.

« Dumarest, l'aventurier des étoiles » (tome 1), Soleil, 12,90 € 

vendredi 9 octobre 2009

BD - Kaplan et Masson, un petit air de Blake et Mortimer à la française


Kaplan et Masson ont un petit air de Blake et Mortimer, à la sauce frenchie. Ecrit par Didier Convard, le scénario se déroule dans les années 50 sur fond de prolifération d'armes nucléaires. Les savants atomistes ayant participé à la mise au point de la première bombe H, pris de remords, décident de lancer un mouvement de la paix pour que plus jamais les gouvernements n'aient à utiliser cette arme de destruction massive. A sa tête Albert Bernstein, de plus en plus torturé. Chaque nuit, un cauchemar vient le réveiller, celui de cet enfant en guenilles dans les ruines d'Hiroshima. 

Dans l'ombre, une mystérieuse organisation a décidé de faire le ménage par le vide dans cette communauté scientifique. Après Bernstein, c'est Purcell puis une physicienne suisse qui sont assassinés. 

Le prochain sur la liste semble être Nathan Masson, jeune scientifique français. Il bénéficiera de la protection de son ami, Etienne Kaplan, membre des services secrets français. 

Un petit côté classique et nostalgique renforcé par le dessin de Thubert, maître incontesté de la ligne claire.

« Kaplan & Masson » (tome 1), Glénat, 13 € 

jeudi 8 octobre 2009

Jeunesse - Georges et les trésors du cosmos


Stephen Hawking, professeur de mathématiques et de physique à l'université de Cambridge est considéré comme l'un des physiciens théoriques les plus brillants au monde depuis Einstein. Il s'est de nouveau associé à sa fille, Lucy, écrivain, pour faire découvrir la science aux plus jeunes dans un roman mélangeant divertissement et connaissance. Georges, son héros, part cette fois à la découverte des trésors du cosmos. 

Annie, la meilleure amie de Georges, a besoin d’aide. Son père, Éric, un grand scientifique, travaille sur un projet spatial important. Mais tout va de travers : son robot, qui s’est posé sur Mars, a un comportement bizarre. Et voilà qu’Annie a découvert un message étrange sur son super-ordinateur… 

En parallèle à cette histoire simple et passionnante, les jeunes lecteurs trouveront des passages plus techniques sur, par exemple, les explorations spatiales robotisées, les satellites dans l'espace ou Alpha du Centaure. Un livre agrémenté de très nombreux dessins de Gary Parsons et d'un cahier de photographies en couleur de l'espace et ses plus lointaines galaxies.

Georges et les trésors du cosmos, Pocket Jeunesse, 18,50 € 

mercredi 7 octobre 2009

Roman - Lettres d'oubli écrites par Jean-François Chabas

Roman crépusculaire de Jean-François Chabas, « Les ivresses » raconte la rencontre, mortelle, entre un quadra et une jeune femme.


Une lettre par jour. Jonas, le narrateur, s'impose cette contrainte pour raconter ses derniers moments à une jeune fille, Ava, rencontrée quelques temps plus tôt dans des circonstances qui resteront longtemps mystérieuses pour le lecteur. Une lettre chaque jour, mais que Jonas ne poste pas. Il garde tout soigneusement, préférant léguer le tout, en lot, à sa correspondante quand il sera mort. Il sait que c'est dans peu de temps. Condamné par la maladie, il va se retirer dans une petite maison à Saint-Pierre et Miquelon, archipel français loin de tout, perdu en Atlantique Nord.

A travers ces lettres, il va raconter sa vie dans cette nouvelle maison, ses relations avec ses voisins, se remémorer cette rencontre cruciale avec Ava et surtout faire le point sur son existence à quelques jours de l'échéance finale. C'est la partie la plus copieuse du roman de Jean-François Chabas, mais pas forcément la plus passionnante, ses relations avec le jeune couple d'épiciers installé près de chez lui devenant, au fil des jours et de sa déchéance physique, de plus en plus étrange, voire mystique.

Souvenirs de jeunesse

Par petites touches quotidiennes, comme ses peintures qui lui ont procuré une grande liberté financière, Jonas se raconte. Son enfance, la mort de ses parents naturels dans un accident, son placement dans des orphelinats puis son adoption par des Polonais, propriétaires d'une salle de sport, de boxe exactement. La boxe, la première ivresse du jeune Jonas. Les autres ivresses ce sont « la nature, les femmes et leur plaisir, le dessin, la peinture. Je compte sur mes doigts, par ordre d'apparition. Elles sont toutes là. Mes ivresses. Quelles sont, ou quelles seront les vôtres ? » questionne Jonas dans cette nouvelle lettre à Ava. La boxe, il l'a pratiquée avec passion, méthodiquement : « travailler des heures à en baver comme une limace sur des combinaisons compliquées, à prendre mes premiers marrons à travers le casque, et puis petit à petit, vous sentez votre corps qui comprend ce qu'on lui demande, et qui obéit. Ce n'est pas comme on imagine, une sorte de rage brute, une explosion. C'est un rouage d'horloge suisse. » La salle de boxe dans laquelle il verra ses deux parents adoptifs se faire assassiner.

Nouveau placement en institution. Mais il se rebelle, fugue, découvre la rue et finalement la nature sauvage, réfugié dans un chalet isolé en montagne. C'est peut-être un peu de ce sentiment qu'il tente de retrouver en décidant de mourir à Saint-Pierre. Affaibli physiquement, il profite pourtant au maximum d'une tempête, en plein mois de décembre. « Le paysage s'est modifié, les congères ont changé de place, c'est une mer ici, une mer de neige, avec les vagues presque aussi mouvantes. » Seul un fou pourrait prendre plaisir à vivre dans de telles conditions. C'est pourtant le choix de Jonas : « Au moins, le climat ne nous laisse-t-il pas de loisir. Il s'impose, et tant pis pour nos préoccupations humaines. »

Ce roman, entre rage humaine et désespérance de la maladie, est une ode à la vie, à la jeunesse et au besoin d'oubli face à l'éternité.

« Les ivresses », Jean-François Chabas, Calmann-Lévy, 14,90 € 

mardi 6 octobre 2009

BD - Anne, la bonne du Royaume imaginé par Feroumont


Dans ce Royaume, digne des plus beaux contes de fée, le roi a deux fils, une fille et une femme acariâtre. Le roi qui aime qu'on lui dise chaque matin que la nuit a été calme. « J'adore ce pays, il ne se passe jamais rien ! » avoue-t-il à son valet, Thibault. Mais ce que le roi préfère en ce royaume, c'est sa bonne. Anne, jeune, fraîche et peureuse. Elle redoute le cri des chouettes la nuit. Résultat, elle passe la nuit dans le lit du Roi... 

Cela aurait pu dévier vers une BD érotique, vaudeville version lutte des classes. Mais Benoit Feroumont, l'auteur, a créé cette série pour les pages de Spirou, magazine destiné aux jeunes. Donc Anne est chassée du château par la reine et devra tenir une taverne en ville. On rajoute un peu de fantastique, des oiseaux qui parlent et n'ont pas leur langue dans la poche, et au final on se retrouve avec un drôle de livre entre les mains, très séduisant car totalement inclassable. 

Situations farfelues, longs dialogues hilarants, qui propos explosifs, dessins expressifs : les atouts de cette BD ne manquent pas. Reste à trouver un public...

« Le Royaume » (tome 1), Dupuis, 9,45 € 

lundi 5 octobre 2009

BD - "L'antistase de l'héritier", second épisode de Mégaron


Quand Mathieu Sapin, auteur complet s'illustrant plutôt dans la BD intellectuelle, décide de pondre un scénario d'héroic-fantasy, cela décoiffe. Tel un Sfar libéré de ses chaînes mystico-religieuses, il imagine monstres, dieux et héros se mélangeant dans une grande marmite bouillonnante de légendes, malédictions et autres quêtes, complexes pour ne pas dire incompréhensibles. Le tout est illustré par Patrick Pion, dessinateur appliqué de ce délire plein de bruit et de fureur. 

Le second et ultime tome des aventures de Mégaron parle essentiellement de descendance. Le fils du héros (qui est grand, musclé, velu et doté d'une tête de phacochère) est sur le point de naître. Pour que le papa soit présent à l'accouchement, il doit se débarrasser d'une tribu de coupeurs de têtes, d'un dieu mineur à tête de lapin, d'une armée de squelettes et Arrak, Dieu du premier cercle. 

Les amateurs de réalisme social en seront pour leur argent. Les autres, à condition de bien vouloir jouer le jeu, découvriront un univers imaginaire riche et foisonnant.

« Mégaron » (tome 2), Dargaud, 13,50 € 

dimanche 4 octobre 2009

BD - Carmilla découvre les joies du camping


C'est toujours un plaisir de redécouvrir le trait rond et charnel de Laurel. Cette jeune dessinatrice, qui s'est faite connaître en dévoilant ses états d'âme dessinés sur le blog « Un crayon dans le cœur », signe le quatrième album des aventures de Carmilla. 

Cette adolescente, dont les péripéties sont écrites par Loris Murail, est très actuelle. Elle confie à son journal intime les bons et mauvais moments de sa vie. Les bons c'est quand elle pense à son fiancé, Jo, les mauvais c'est dès que sa petite sœur, Mina, s'immisce dans sa vie privée. Dans ce nouveau récit, la petite famille de Carmilla part en vacances au camping les « Verts pins ». 

L'ennui est mortel, jusqu'au jour où Carmilla croise la route d'un mystérieux et jeune vacancier. Elle tombe amoureuse, mais lui reste étrangement atone, comme absent de notre réalité. Une histoire un peu à l'eau de rose (mais le public visé est clairement adolescent et de sexe féminin...) qui aborde pourtant nombre de problèmes plus sérieux comme le phénomène des locavores ou des médecines alternatives.

« Le journal de Carmilla » (tome 4), Vents d'Ouest, 9,40 € 

samedi 3 octobre 2009

Roman - Moiteur sénégalaise durant l'hivernage

L'hivernage, ou saison des pluies au Sénégal, s'accompagne d'une ambiance particulière, propice aux dérapages. Un polar de Laurence Gavron.


Il y a quatre personnages principaux dans ce livre. Deux hommes et deux femmes. Mais le véritable héros de ce roman policier signé Laurence Gavron c'est cette saison des pluies, l'hivernage, aux ambiances si particulières. Quatre à cinq mois ou la chaleur suffocante alterne avec de puissantes averses. L'auteur, Française vivant à Dakar, réalisatrice de documentaires sur des artistes africains, est également journaliste et photographe pour la presse locale.

Elle connaît parfaitement la région et décrit avec force de détails les effets de cette particularité climatique. « L'hivernage, au Sénégal, était puissant, passionné, surprenant. Il pouvait vous laisser tranquille pendant des jours, voire des semaines, et réapparaître soudain avec une force décuplée, tout envahir, abîmer, noyer, gâcher comme on disait volontiers ici. Il laissait des traces pendant des mois. L'eau arrivait en trombes, renversait tout. Mais aussi rapidement qu'elle était apparue, la pluie disparaissait, le ciel réapparaissait sous les couches de nuages désormais d'un gris bleuté, les traces blanches s'évaporant pour faire place à un horizon sans tache. Et aussitôt, la chaleur revenait, imperturbable. » Ce long extrait donne une bonne idée de l'importance de la météo tout au long de ce roman. Elle influe directement sur les humeurs des protagonistes.

Le flic, le journaliste, la photographe et le modèle

Ils sont donc quatre à graviter autour de la découverte du cadavre d'un retraité, le sexe coupé, mort saigné dans son lit du quartier de la Médina. Le flic qui est chargé de l'enquête : Souleymane/Jules Faye. Bon vivant, heureux aux côtés de sa femme aux formes rebondies. Il est devenu quelqu'un d'important, presque malgré lui.

Important aussi Bokar, rédacteur en chef d'un quotidien de Dakar. Encore jeune, provincial, bon musulman, il est fier de sa réussite. Et découvre également un monde nouveau. Notamment par l'entremise de Leocady, sa jeune maîtresse. Cette métisse, ayant passé toute son enfance en France, est revenue à ses racines, cherchant à mieux connaître son père. Elle est tombée amoureuse de ce pays, de ses habitants. Elle aime l'art et en vit, signant des photos présentées dans des expositions ou des livres.

C'est dans le cadre de son travail qu'elle va rencontrer, Mariama, dernier personnage clé du roman. Cette jeune femme a été mariée, sur photo, à un Sénégalais immigré. Son mari l'a choisie dans un classeur, un book. Il vit en Italie, travaillant dur pour faire vivre toute sa famille résidant à Louga, dans le nord du pays. Mariama n'a passé qu'un mois avec lui, pendant ses vacances. Après les noces. Il est reparti en Europe. Elle attend, résignée, patiente.

Le roman est aussi un prétexte pour décrire la vie de ces petites gens, nouveaux bourgeois ou jeunes intellectuels de ce pays d'Afrique baignant dans une civilisation très marquée par l'islam. Un voyage loin des clichés du Sénégal touristique, d'autant plus à vif qu'on est en plein hivernage.

« Hivernage » de Laurence Gavron. Editions du Masque. 265 pages. 16 € 

vendredi 2 octobre 2009

BD - Tueur schizophrène dans la "Primal Zone"


Gabrion est un explorateur de BD. Dessinateur et scénariste doué, il n'a de cesse d'expérimenter, d'oser, de changer de style ou d'univers. Après des séries comiques (Les Pensionnaires), des sagas au long cours (L'homme de Java) et de l'humour au second degré (Phil Koton), il signe une BD en noir et blanc, au réalisme photographique bonifié de représentations de monstres fantasmagoriques. 

« Primal Zone » est, selon son auteur, « la découverte du monde intérieur d'un malade psychotique ». Le héros, ayant tué sa mère alors qu'il était âgé de 10 ans, a vécu 15 ans en hôpital psychiatrique. Il en sort guéri. C'est du moins ce qu'il fait croire aux médecins. Libre, il lâche son monstre intérieur, Ortog, et devient un tueur en série. Une BD parfois déroutante mais magistralement réalisée.

« Primal zone » (tome 1), Delcourt, 12,90 € 

jeudi 1 octobre 2009

BD - Duel de belles


« Les Nombrils », série comique des auteurs canadiens Delaf et Dubuc, est la grande révélation des éditions Dupuis de ces dernières années. Des gags ayant pour héroïnes trois jeunes filles, amies mais très différentes. Si Jenny et Vicky, belles et aguicheuses, nombrils à l'air et ficelles du string apparentes, jouent avec les garçons comme des chats avec des souris, Karine est une grande saucisse ne sachant pas se mettre en valeur et horriblement romantique. Karine est désespérée après la trahison de son amoureux, Dan. Il a rejoint Mélanie, une blonde faisant dans l'humanitaire. 

Ce quatrième album raconte comment Karine va déjouer les manigances de Mélanie qui se révèlera encore plus retorse que Jenny et Vicky...

« Les Nombrils » (tome 4), Dupuis, 9,45 €