Le 17 août 1999, un tremblement de terre frappe la Turquie. Dans les décombres, le commissaire Orkan découvre le cadavre d'un homme égorgé.
La ville d'Istambul est au centre de ce roman policier qui a pour premier mérite de mieux nous faire connaître la Turquie. Larif Marsik, l'auteur, décrit un pays encore à la croisée de son destin. Entre la tentation islamiste, la rigueur des militaires contrôlant toujours le pouvoir et l'envie d'émancipation d'une partie de la population, les choix sont cruciaux et périlleux. Et pour s'immerger dans cette réalité turque rien de tel que ce polar qui se déroule au lendemain du terrible tremblement de terre du 17 août 1999. Des milliers de victimes, des villes entièrement détruites, l'incapacité du pouvoir à prévoir puis à réagir.
Dans la nuit du 17 août, la terre tremble. Un seul des trois personnages principaux est sur place au moment de la secousse. Le commissaire Orkan, est surpris en plein sommeil. Son immeuble résiste, il descend dans la rue et découvre l'étendue des dégâts : « Jamais silence aussi bruyant. Istambul, grouillante, populeuse, frénétique, devenue presque figée de stupeur. Orkan marchait, tanguait plutôt, au milieu d'une tempête urbaine où des murs incertains formaient des vagues monstrueuse, prêtes à vous engloutir. Partout les mêmes scènes de ces habitants précipités hors de chez eux aux premières secousses, aux premiers signes du chaos, qui attendaient, implorant l'aide d'Allah, de la police, de l'armée. » Orkan va participer aux premiers secours. C'est dans ce cadre qu'il découvre sous des gravats le corps d'un jeune homme. Mais il n'est pas mort écrasé : il a la gorge tranchée. Malgré l'état d'urgence, Orkan va décider d'enquêter, de retrouver l'identité du mort et démasquer son assassin.
Sibel l'infirmière
A côté du récit policier classique, Larif Marsik va décrire la vie à Istambul à travers les sensations de deux autres personnages. Sibel, d'origine turque, est infirmière en France. Elle arrive le lendemain du tremblement de terre, membre d'une délégation de la Croix rouge devant estimer l'ampleur des secours à mobiliser. Rapidement elle est dépassée par l'horreur de la situation. Ainsi, un soir, en rentrant, « elle s'allongea sur le lit. Elle ferma les yeux. Des ombres apparurent. Celles de ces gens qui criaient, qui pleuraient. Elle frémit en constatant qu'elle ne pouvait rien pour eux. »
Mehmet le dealer
Mehmet lui n'a pas choisi de venir à Istambul. Fils d'émigré turc venu fournir une main d'oeuvre bon marché à l'Allemagne, il ne connaît pas le pays. Dealer pour une petite bande, il doit fuir Berlin après une transaction avortée avec des Polonais ayant décidé de se venger. Il débarque lui aussi le lendemain de la secousse, après des heures de trajet en bus. Un cousin d'un ami lui a trouvé une chambre. Le soir, seul, il prend conscience de sa situation. « Quelque chose d'indéfinissable s'empara alors de lui. Un mélange de fatigue, de désespoir. Il se mit à frissonner. Sa vie basculait. Il n'y pouvait rien. Il prit peur. »
Ces trois vont rapidement se croiser. Sibel est la cousine d'Orkan. Un soir, ils dîneront au restaurant et iront boire un verre dans un club où Mehmet a trouvé un travail de vigile. Ce chassé-croisé va se poursuivre au gré de l'enquête du flic, des doutes de l'infirmière ayant décidé de rester à Istambul, abandonnant travail et mari français, et de la descente aux enfers du dealer tombé sous la coupe de la mafia locale. Avec en toile de fond ce pays gangrené par la corruption, les lourdeurs de la religion et la mainmise de la mafia sur une bonne partie de l'économie. C'était la Turquie d'il y a dix ans. Il y a de fortes chances pour que tout y soit encore rigoureusement d'actualité.
« Tremblement de terre », Larif Marsik, Éditions du Masque, 6,50 € (Ce livre a obtenu le Prix du roman d'aventures 2009)
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