samedi 28 septembre 2013

Billet - Une bonne paire de baffes

Séances de baffes gratuites. Merci Twitter !
Un journaliste américain de Washington publie une série de messages sur un humoriste. Il se moque ouvertement des gags un peu lourds et datés de Dan Nainan connu dans le milieu du stand-up. Dan aime se gausser de ses compatriotes, apprécie très moyennement de se retrouver de l'autre côté de la barrière. Il aurait pu répondre par des répliques assassines donnant lieu à l'un de ces « tweetclashs » qui font la renommée du réseau social. Mais Dan, peut-être à court d'imagination, préfère utiliser d'autres arguments. Frappants. Une bonne paire de baffes. Données en public dans un club où le journaliste sarcastique sirotait tranquillement un verre. Dommage, le tout n'a pas été filmé. Les amateurs auraient bénéficié d'une séquence de choix, à partager.

Côté humoristes violents, la France n'est pas en reste. Les vrais et les faux. Nicolas Bedos ne plaisante plus quand il insulte des policiers venus lui porter secours après un accident de scooter. Comme Dan, il finira au poste. Le cas d'Elie Seimoun est plus complexe. Sur le plateau du Grand Journal de Canal Plus, en pleine interview, il n'apprécie pas la réflexion d'un spectateur. Ni une ni deux il lui saute sur le râble et la baston se termine en coulisse. Après coup, la production avoue qu'il s'agit d'un coup monté, juste un incident fabriqué (et assez mal joué...) de toute pièce pour donner un peu de piquant à un talk show trop morne. Finalement, Elie Seimoun la mériterait bien cette paire de baffes.


BD - La vengeance absolue made in Vautrin et Moynot


Emmanuel Moynot,
après trois aventures de Nestor Burma, délaisse Léo Malet pour Jean Vautrin. Avec un point commun : une noirceur absolue du récit. Mais là où Malet donnait toujours une chance à Burma, régulièrement tabassé mais toujours vivant à la fin du roman, Vautrin est beaucoup plus expéditif pour ses personnages. 
Les cadavres tombent comme des PV sur vos pare-brises après la publication d'une circulaire du ministère de l'Intérieur réclamant de « meilleurs résultats ». 

François-Frédéric, bon chic bon genre, vient de passer trois années en prison. Abus de biens sociaux. Il a porté le chapeau pour son beau-père. Qui pour le remercié lui a piqué sa fiancée. C'est peu dire que François-Frédéric est colère. Il achète un flingue et décide d'assassiner sa vie : tuer froidement tous ceux qui l'ont côtoyé. 
Cela va de la vieille servante à sa première femme en passant, bien sûr, par le beau-père. 100 pages hyper violentes, avec heureusement une intrigue secondaire pour « adoucir » le récit.
« L'homme qui assassinait sa vie », Casterman, 18 €

vendredi 27 septembre 2013

Billet - Déconnexion

A trop baigner dans internet au quotidien, chronique oblige, j'ai tendance à croire à l'universalité du réseau. Grosse erreur. Comme il existe encore quelques foyers ou la télévision n'a pas droit d'entrée, il y a nombre de personnes qui ne sont pas du tout connectées. Pour preuve, une récente étude démontre que 15 % des Américains n'utilisent pas internet. Et parmi cette minorité, ils sont 92 % d'irréductibles qui n'ont pas l'intention de se connecter dans un avenir proche. En passant ces chiffres à la moulinette de l'équation subjective mais souvent vraie démontrant qu'en « France on a toujours deux ans de retard sur les USA », on peut raisonnablement penser que ces 15 % avoisinent les 20 % dans l'Hexagone.


Des millions de nos compatriotes ne connaissent pas les joies de l'amitié made in Facebook se contentant de personnes en chair et en os. Ils n'ont pas d'adresse mail et n'auront jamais la chance de recevoir ces publicités douteuses sur des produits miracles « for enlarge your penis », ni d'hériter d'un pactole (placé sur un compte en banque en Côte d'Ivoire) en échange de leurs coordonnées bancaires. Il passent à côté de ce qui se fait de mieux en matière de musique et de danse, du « Gangnam Style » de Psy en passant par le Harlem Shake. On peut les plaindre. Ou, en y réfléchissant bien, les envier...

Mais le pire dans le lot, ce sont les quelques lecteurs de l'Indépendant qui s'obstinent à lire cette chronique depuis deux ans sans en comprendre la moitié des mots. 

Roman - Sans espoir de retour avec "Toute la noirceur du monde" de Pierre Mérot


Chronique de la haine ordinaire, descente aux enfers, déchéance... le parcours du personnage principal du roman de Pierre Mérot glace le sang.

Autant vous prévenir d'entrée, ce roman finit mal. Pas de seconde chance ni de rédemption dans ce texte dur et intransigeant de Pierre Mérot. Comme notre époque, entre démantèlement de camp roms, arrestation pour apologie de terrorisme et bijoutier détendu de la gâchette... « Toute la noirceur du monde » aurait pu aussi s'appeler « La France démasquée » ou « La nostalgie vert-de-gris ». Livre brûlot, roman extrême : ce texte de Pierre Mérot a fait parler de lui avant même sa publication. Un procès en sorcellerie pour opinion extrême. L'auteur remet les pendules à l'heure dans une courte préface où il précise qu'un « roman est une fiction » et que « son auteur ne saurait en aucun cas être confondu avec son narrateur ou son personnage. » Une fois cette évidence en tête, on peut se plonger dans l'existence de Jean Valmore, « créature monstrueuse » imaginée par Pierre Mérot. Jean Valmore, professeur en arrêt maladie, se targue d'être écrivain. Il déverse sa haine de l'autre dans des romans qui sont systématiquement refusés par les comités de lecture. Excessifs, outranciers, carrément racistes, ces écrits donnent la nausée. Lui trouve normal que l'on montre la réalité de notre société. Et il trouve même des hommes et des femmes avec la même opinion. Valmore aime la gloriole. Il a menti sur les faits et armes de ses ancêtres pour bien se faire voir du parti d'extrême-droite. Il reçoit même une lettre de la Présidente. Un honneur, mais il se méfie de cette femme, beaucoup trop molle, accommodante et faible à son goût.

« Jusqu'au bout »
Valmore est un condensé de tout ce que notre société peut avoir de plus détestable. Raciste, mysogine, prétentieux, violent, alcoolique... Il est aussi professeur. Paradoxe. Ayant mal calculé ses arrêts maladie successifs (délivrés par un psychiatre certainement plus malade que ses patients), il est obligé d'aller en classe une semaine. Pas de chance, cela tombe en pleine célébration européenne. A la cantine, « buffet typiquement polonais à base de betteraves. Je me suis saoulé la gueule dans des verres en plastique. Je n'étais pas le seul. Je me suis demandé si je n'allais pas me flinguer, là, maintenant. Mais j'ai pensé ceci : avoir été mis au monde, être né homme plutôt qu'araignée ou cafard, statistiquement, c'est une chance sur je ne sais combien de milliards de milliards, alors il faut vivre cette absurdité jusqu'au bout, juste pour voir. » Valmore s'éloigne de la réalité, se radicalise. Il va casser du « nègre » la nuit, persuader un de ses élèves de faire un massacre à la Colombine... Pierre Mérot décrit méthodiquement la spirale infernale d'un esprit torturé, aveuglé par sa haine. A trop s'aimer, on déteste les autres. Valmore « juste pour voir », va aller au bout du bout, cherchant un symbole pour finir en beauté, à la manière d'un Breivik franchouillard.
En refermant ce livre on se demande si des Valmore existent potentiellement. Et si Pierre Mérot a écrit ce roman pour nous prévenir de leur possible émergence ou pour donner des idées aux timorés. On n'a pas la réponse. Juste un goût de bile dans la bouche.
Michel LITOUT

« Toute la noirceur du monde », Pierre Mérot, Flammarion, 18 €

jeudi 26 septembre 2013

Billet - Mutation manuelle

L'homo tactilus est-il en train de prendre le dessus grâce aux nouvelles technologies ? La main, avec son pouce opposable, permet à l'Homme de dominer le monde. Cette main, fragile et précise, est en passe de subir un changement radical. Le tactile, notamment sur les smartphones et les tablettes, modifie notre utilisation des doigts. Du moins, chez les jeunes.
Une étude de Microsoft sur plus de 1000 Français âgés de 15 ans et plus montre la fracture entre les moins de 35 ans et les autres. Au-delà de cet âge, on n'utilise qu'un doigt, l'index, pour communiquer avec l'écran tactile. Par contre les plus jeunes en utilisent deux. Et l'index est oublié au profit des pouces. Vous vous êtes déjà certainement demandé comment les jeunes arrivent à composer des textos aussi vite. L'appareil calé entre les mains, les deux pouces virevoltent sur le minuscule écran avec une précision redoutable. Là où le « vieux » tâtonne, index tremblant, le « jeune » tape deux fois plus vite avec des pouces qui n'ont plus rien de massif. Dans quelques dizaines d'années, ce pouce va certainement s'affiner pour être encore plus efficace. Trois siècles plus tard, nos mains ressembleront à celles d'ET et chaque doigt aura la souplesse d'un tentacule. A moins qu'un événement ne bouleverse l'ordre des choses. Alors les 3% avouant dans le sondage avoir utilisé le nez pour faire fonctionner leur écran tactile deviendront les maîtres du monde et Pinocchio leur dieu. 

BD - Truands ratés dans "Ma révérence" de Lupano et Rodguen


Changer le monde, changer de vie. Les ambitions de Vincent, trentenaire idéaliste semblent de plus en plus hors de portée. La crise, l'individualisme... C'est en traînant dans les bars qu'il a le déclic. Il croise la route d'un transporteur de fonds. Pourquoi ne pas délester ces fourgons blindés des millions qu'ils convoient ? 
Argent souvent mal acquis par les banques, assurances et autres sociétés financières occultes. Un braquage « équitable », sans arme et avec redistribution d'une partie du butin aux pauvres, à la Robin des Bois. Problème, Vincent a pour associé Gaby Rocket, vieux rocker alcoolique, Gabriel Roquet de son vrai nom. 
Wilfrid Lupano, le scénariste, raconte avec brio, entre tragique et comique, le parcours de ces deux bras cassés. Un polar avec de gros morceaux d'humanité dedans. Rodguen, le dessinateur, est d'origine picarde. Mais il a fait sa carrière à Los Angeles, chez Dreamworks. Il a mis trois ans pour achever ces 120 pages en y travaillant tous les week-ends.
« Ma révérence », Delcourt, 17,95 €

mercredi 25 septembre 2013

Billet - Toutes séniles !

Tout le monde rêve d'avoir une mamie sénile style Liliane. Riche, personne n'en doutait, un peu gaga cela restait à prouver. Les juges ont validé l'expertise médicale. Pauvre milliardaire qui se faisait plumer sans s'en rendre compte. La nouvelle fait réagir sur les réseaux sociaux. Derrière le cas Bettencourt il y a surtout celui de Nicolas Sarkozy qui sera donc bien jugé en correctionnelle. Comme toujours avec l'ancien « hyper-président » les avis sont tranchés. Nadine Morano la première, hurle au complot des juges. « Nous prennent-ils pour des cons ? c'est la question que je me pose » s'indigne-t-elle sur Twitter. A l'opposé, le compte parodique de la même Nadine Morano publie un tweet trompeur : « Non seulement Nicolas Sarkozy n'a pas volé d'argent aux Bettencourt mais en plus il l'a rendu en réduisant l'impôt sur les plus riches! ».

La suite au prochain épisode. Enfin, si d'ici là on s'en souvient car j'ai l'impression qu'une épidémie de sénilité sévit en France. Lundi soir, dans l'émission politique d'Yves Calvi, la députée Front National (phot ci-dessus, capture écran France2) Marion Maréchal-Le Pen parle de « méthode Cauet » en lieu et place de la « méthode Coué »... Impossible d'être sénile à 23 ans. La thèse de l'inculture est donc plus probable. Hier matin, autre cas inquiétant : dans la matinale de iTélé, Marie Colmant refait la même chronique (sur l'excellente Revue dessinée) que la veille. Allez Marie, je te pardonne. Si tu me rends les 5 000 euros que tu me dois ! 

Chronique "ça bruisse sur le net" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Livre sacré imaginé par Mangin et Servain


La science-fiction et même la fantasy, tout en distrayant les lecteurs avides de mondes nouveaux, permet aussi de se questionner sur quelques sujets philosophiques majeurs. Exemple avec la seconde partie du « Livre de Skell » de Mangin et Servain. La scénariste est très claire : « Je parle de religion dans mes albums pour me demander ce qui pousse un individu à la laisser guider sa vie. » 
Dans le monde imaginaire de Skell, les prêtres ont tout pouvoir. Mais une femme se lève et va renverser les idoles. La libération après l'aliénation. Beaucoup trop manichéen pour Valérie Mangin. Attendez-vous à une sacrée surprise dans les dernières pages.

« Le livre de Skell » (tome 2), Soleil Quadrants, 13,95 €

mardi 24 septembre 2013

Billet - Municipales, les e-lections

L'année prochaine en 2014, vous élirez vos nouveaux conseils municipaux. Ces élections locales pourront-elles aussi se jouer sur le net ? Une agence de communication,
Politique'Web, en est persuadée. Elle propose des sites « clés en main » aux candidats. L'agence aussi a débuté sa campagne en distribuant (par email) une véritable profession de foi : « L’essor des sites internet, des réseaux sociaux Facebook et Twitter, l’impact des smartphones donneront naissance aux premiers élus 2.0 portés par des webcampagnes et campagnes dynamiques. » et de poursuivre à l'attention de celui qui se voit déjà ceint de l'écharpe tricolore « En serez-vous ? »

Les électeurs, rebaptisés « e-lecteurs » dans le jargon de Politique'Web, délaisseront-ils le contact humain pour se contenter de tweets, de statut Facebook ou de newsletter ? Comment serrer des mains si on fait ses achats en ligne ? Je caricature volontairement. Internet, seul, n'est rien. Ce monde n'est pas virtuel mais ne sera jamais qu'une déclinaison de la vraie vie. S'agiter sur le net ne trompera personne. En tout cas, dans les petites communes, celles qui se battent pour l'arrivée du haut débit, avoir un site pro et très actif ne fera pas forcément recette. Au contraire cela ne fera qu'attiser la colère des « e-lecteurs » impatients. Ailleurs, le candidat en mal de notoriété pourra toujours tenter l'expérience. Mais gare au buzz négatif quand ses administrés apprendront que le site est tenu par des « nègres » pour la somme forfaitaire de 1 800 € HT. 

BD - Lancaster, le nouvel aventurier


Lancaster, autant l'avouer immédiatement, a des airs de Bob Morane. Ce lord anglais, jeune, blond, athlétique et séduisant, part à l'aventure comme vous allez au boulot le matin. Il est accompagné de son alter-ego comique, Robert, un Français persuadé de faire chavirer tous les cœurs. Un duo complété par la journaliste Audrey Duquesne, pulpeuse tête brûlée. 
L'histoire imaginée par Christophe Bec et dessinée par Dzialowski se déroule durant les années 50. Les trois compères participent à une expédition dans le grand Nord. Un milliardaire cherche la preuve de la présente humaine sur terre il y a 70 millions d'années. Savants fous, complot nazi, révélations scientifiques, trahison : les 48 pages de cette première partie sont palpitantes.

« Lancaster » (Tome 1), Glénat, 13,90 €